mercredi 25 mai 2022

« Le virage antinationaliste d'Éric Duhaime »

Texte d'Étienne-Alexandre Beauregard, étudiant au baccalauréat [licence en Europe] en philosophie et science politique à l'Université Laval.

À son arrivée comme chef du Parti conservateur


du Québec (PCQ), Éric Duhaime (ci-contre) avait promis aux Québécois un grand virage « nationaliste et patriotique »⁠1. Il faut dire qu’il y avait du travail à faire : son prédécesseur à la tête du PCQ, Adrien Pouliot, faisait bon nombre de ses communications « en bilingue », s’opposait aux clauses scolaires de la loi 101 et à l’interdiction du port de signes religieux, et souhaitait confier les seuils d’immigration au milieu des affaires (qui recommande actuellement de les doubler)2.

Ainsi, Duhaime a remplacé l’ancien logo de son parti par une fleur de lys et a appuyé la loi 21, dans l’espoir de rejoindre l’électorat « bleu » plus conservateur, potentiellement sensible à ses positions économiques de droite. Mais comme le dit l’expression : chassez le naturel, il revient au galop !

Le fait est que les libertariens québécois ont traditionnellement été hostiles au nationalisme tel qu’il se définit depuis la Révolution tranquille et même depuis Lionel Groulx, soit l’engagement de l’État pour défendre l’identité québécoise et le fait français, minoritaire au Canada et sur le continent.

Cette doctrine ne fait pas bon ménage avec un libertarianisme intransigeant, pour qui toute contrainte étatique apparaît comme un affront aux libertés individuelles, définies de manière maximaliste.

La perte d’importance de la question de la pandémie et des mesures sanitaires dans le débat public et le retour en force de l’enjeu linguistique ont forcé Éric Duhaime à faire un choix. Il aurait pu incarner la solution de rechange à la CAQ chez les électeurs nationalistes, mais il a préféré maintenir sa ligne libertaire, dans l’espoir de séduire les anglophones qui voudraient se détourner du Parti libéral⁠3.

Nouveau chef de bataille

Ainsi, le chef du PCQ a fait de l’opposition au projet de loi 96 un nouveau cheval de bataille, jugeant que les mesures somme toute [note du carnet: très] modérées qu’il comporte sont un trop grand affront aux libertés individuelles. Il vante du même souffle le statut de Montréal comme « métropole bilingue », tout en se disant personnellement enclin à hausser les seuils d’immigration, contre l’avis de ses membres. Plus encore, il propose d’abolir les quotas de musique francophone à la radio, se montrant du même coup plus radical que le Parti libéral du Québec et laissant deviner que la « liberté de s’angliciser » prime sur la défense du fait français à ses yeux.

Au bout du compte, on se demande bien ce que le Parti « conservateur » du Québec entend conserver de l’identité québécoise. Dans l’état actuel des choses, il se place en concurrence avec le Parti libéral et Québec solidaire pour incarner l’opposition la plus radicale au nationalisme caquiste. Les élections du 3 octobre révéleront si l’alternative « rouge » au présent gouvernement « bleu » se situe davantage au centre (gauche ?) libéral, à la gauche solidaire ou à la droite libertarienne. Une chose est sûre, alors que le débat identitaire continue de diviser le Québec, la Coalition avenir Québec apparaît bien seule pour parler à la majorité de Québécois qui semble adhérer à sa vision du nationalisme.

1. Lisez L’animateur Éric Duhaime élu chef du Parti conservateur du Québec

2. Des idées pour débloquer le Québec – Comment briser le triangle de l’immobilisme, Adrien Pouliot, Accent Grave, 2014

3. Lisez « Identité, langue, immigration : Éric Duhaime veut inverser le débat »


Débat — La science au service de l'homme ? (Euthanasie,contraception, IA, éthique)

À 7 min 20 s, Laurent Alexandre parle de « l’ambiance ultracatholique notamment au Canada des années 50 » qui aurait mené à des lobotomies d’enfants masturbateurs qui semblaient alors légitimes... Nous avouons ignorer totalement de quoi il parle, il y a bien eu des lobotomies d’homosexuels, mais pas d’enfants uniquement masturbateurs. Ces lobotomies sur homosexuels se faisaient surtout aux États-Unis (bien qu’en 1969 les Allemands pratiquaient encore la chose, voir Neurochirurgie hilft Homosexuellen) et l’on ne voit pas le rapport avec le catholicisme, mais on peut en voir un avec l’eugénisme matérialiste qui est non-confessionnel, pratiqué autant par des protestants que des athées.


Pandémie — 20% des hommes en couple victimes de violence conjugale

Un homme en couple sur cinq confie avoir été victime d'une forme de violence conjugale, depuis le début de la pandémie. L’enquête menée par la Dre Mélissa Généreux est alarmante: les hommes seraient plus nombreux que les femmes à subir de la violence physique par leur partenaire de vie.

Selon l'étude émanant de l'Université de Sherbrooke, 20 % des hommes en couple disent avoir été victimes de violence, qu'elle soit physique, verbale ou psychologique. De plus, 6 % affirment avoir été victimes de violence physique, une proportion deux fois plus grande que chez les femmes sondées.

L'analyse des données, récoltées entre l’automne 2020 et 2021 auprès de 10 000 personnes, dont 4000 hommes, a en effet réservé quelques surprises.

Les hommes de 18 à 24 sont plus nombreux que les plus âgés à vivre de la violence conjugale physique (15 %). Selon l'étude, plus l’homme avance en âge, moins il subit de violence physique. «Pour les femmes, on n’a pas vu cette relation d’âge», mentionne la Dre Généreux.

Voir aussi

Le continent immergé de la violence domestique par les femmes

La violence dans les couples lesbiens 

Cette violence sexuelle dont sont victimes les garçons et les hommes et que notre société refuse de voir

Violence entre partenaires intimes : les hommes plus souvent victimes

Violences conjugales : les hommes battus oubliés en France comme au Québec ?

« La Pilule rouge », le film que des féministes veulent interdire

« Les femmes aussi violentes que les hommes »

Les gars, l’école et le Conseil du statut de la femme

L’hypothèse de l’homme jetable

« Le délit de violence psychologique est liberticide et contre-productif »

Real Women of Canada, Violence against women—a money grabber (en anglais).

France — « Capes de Maths niveau QCM de collège : les raisons du sinistre »

Jean-Yves Chevalier, professeur de mathématiques en classe préparatoire au lycée Henri-IV à Paris, explique que la baisse du niveau en mathématiques a conduit à la baisse du niveau des candidats au Capes. Or la qualité du recrutement des professeurs est la clé de voûte de toute politique éducative.

Panique à bord. En mars dernier, trente patrons de grandes entreprises françaises ont signé dans Challenges un appel à « sauver les maths ». Ils affirmaient : « Nous appuyons la volonté du président de la République de réintroduire les mathématiques dans le tronc commun ». Curieux appui, quand même, et curieux programme d’un candidat qui propose de revenir sur une réforme d’un gouvernement qu’il a nommé en tant que président lors de son premier mandat. On songe à ce passage d’Astérix chez les Helvètes, quand les Helvètes tabassent les Romains puis les soignent et que le Romain s’exclame : « Vous… vous me tapez dessus et me soignez ensuite ? ».

  Pour être prof de maths, il suffit de voir de la lumière et d’entrer.

Les choses ne s’arrangent pas depuis. On a appris début mai qu’au concours de recrutement du Capes de mathématiques, le nombre de candidats admissibles (816) était inférieur au nombre de postes mis au concours (1035). Le ministère de l’Éducation nationale, fidèle à sa devise (« Pour vivre heureux, vivons cachés ») n’a communiqué ni sur le nombre d’inscrits ni sur le nombre de présents. Tout porte à craindre que le nombre de présents fût en réalité proche du nombre d’admissibles et lui aussi inférieur au nombre de postes : pour être prof de maths, il suffit de voir de la lumière et d’entrer.

Baisse de niveau

Cela fait vingt ans (au moins) que les (désormais vieux) professeurs de mathématiques alertent, dans l’indifférence générale, sur la baisse du niveau en mathématiques des élèves, des candidats aux concours de recrutement et donc, finalement, des professeurs. Les évaluations internationales, les unes après les autres, jalonnent une descente aux enfers à chaque fois brièvement commentée avant qu’on ne passe à autre chose. Un pays, qui compte avec les États-Unis le plus grand nombre de Médailles Fields, est ainsi devenu avant-dernier des pays de l’OCDE — et dernier en Europe — dans l’enquête Timms 2019 (qui porte spécifiquement sur les compétences en mathématiques et en sciences et concernait les élèves de CM1 et de 4e). On met en général en avant, dans les commentaires, l’aspect inégalitaire de notre système éducatif, sans relever que l’effondrement est général, d’un bout à l’autre de la chaîne : 15 % des élèves des classes de terminale scientifiques, en 1995, atteignaient le niveau « avancé » (Timms encore), alors qu’ils n’étaient plus que… 1 % en 2015.

Bien des facteurs, internes et externes à l’Éducation nationale, ont conduit à ce naufrage. Il faut s’interroger sur ce qui a pu le rendre, en apparence, acceptable. La principale raison est politique : un pays qui renonçait à une industrie performante pensait avoir moins besoin d’ingénieurs et de scientifiques. Les courbes de la désindustrialisation (la part de l’industrie dans le PIB est passée de 25 % en 1980 à 10 % en 2019) et du niveau en mathématiques ont suivi la même pente négative. Des décideurs formés à Sciences Po (donc sans culture scientifique) ont pensé que l’affaire n’était pas si grave dans une économie reconvertie dans le tertiaire. Le réveil promettait d’être douloureux, il l’est.

Le réveil en question…

Une formation mathématique est un processus cumulatif. Quand on a manqué une étape, il est difficile d’en reprendre le cours. Une année perdue à cause d’un professeur absent ou incompétent est difficilement rattrapable pour ceux qui n’ont pas, hors du système scolaire, une aide efficace. C’est pourquoi la qualité du recrutement des professeurs est essentielle. Un bon professeur — c’est-à-dire d’abord un ancien bon élève dont la découverte de la discipline a changé la vie — a toutes les chances, quels que soient le programme, le ministre et les élèves, de faire comprendre. L’enseignement des mathématiques ne consiste pas à faire exécuter plus ou moins maladroitement deux ou trois calculs (même si la maîtrise du calcul est noble et nécessaire) ou à faire apprendre des formules dépourvues de sens. Il consiste à former des esprits critiques, à permettre l’élaboration, la rédaction d’énoncés progressivement plus complexes s’appuyant sur la raison commune. Croit-on, vraiment, qu’une telle ambition peut être réalisée avec un recrutement aussi dégradé ?

Une année perdue à cause d’un professeur absent ou incompétent est difficilement rattrapable pour ceux qui n’ont pas, hors du système scolaire, une aide efficace.

Un responsable du ministère assure qu’il n’est pas inquiet (rien ne semble inquiéter un responsable du ministère de l’Éducation nationale, on doit les recruter sur ce critère) et poursuit en disant que l’affaire a été anticipée (on semble tout pouvoir anticiper dans ce ministère) : le déficit de candidats cette année est en partie dû à une modification des conditions du recrutement. Le titre requis n’est plus le Master 1, mais le Master 2. Ainsi une partie des étudiants titulaires d’un Master 2 ont pu passer le concours l’an dernier avec un Master 1 et font défaut cette année. Soit. Mais cela fait si longtemps que les difficultés de recrutement sont présentes ! Le concours de cette année est simplement un peu plus caricatural. On rappelle à ceux qui n’ont pas une connaissance précise des pratiques de l’Éducation nationale qu’on peut passer le CAPES de mathématiques avec n’importe quel master, ce qui est quand même problématique quand tout le monde, ou presque, est admissible.

Le Capes de mathématiques

Venons-en aux faits. Le Capes de mathématiques comporte deux épreuves écrites. Une épreuve disciplinaire, et une épreuve « disciplinaire appliqué ». Autrement dit une épreuve de maths et une épreuve de didactique. Auparavant il y avait deux épreuves de maths, mais on connaît le principe des vases communicants : moins il y a de maîtrise d’une discipline plus il y a besoin de combler le manque par un discours pédagogique. Le sujet des deux épreuves, et particulièrement de la première est particulièrement révélateur. L’épreuve disciplinaire commence par un QCM dont les questions ont fait frémir les mathématiciens qui l’ont découvert, mais à l’aide duquel chacun pourra comprendre l’ampleur du désastre. Loin de moi l’idée de blâmer les concepteurs de l’épreuve : un sujet difficile aurait masqué les problèmes. En posant des questions du niveau des élèves et non du niveau minimum que devrait maîtriser un professeur, ils ont fait œuvre de responsabilité : sachant combien le recrutement est difficile, autant s’assurer que le minimum est, au moins, au rendez-vous.

Le problème est qu’il n’est pas sûr qu’il le soit. Prenons les trois premières questions du QCM :

1. Tout entier relatif non nul possède un inverse dans Z

2. La somme de deux nombres décimaux est un nombre décimal

3. 1/3 est un nombre décimal

Des précisions ? Z est l’ensemble des entiers, positifs ou négatifs. On demande donc si 1/2 (l’inverse de 2), 1/3 ou 1/4 sont des entiers. Un nombre décimal est un nombre dont l’écriture comporte un nombre fini de chiffres après la virgule. C’est perdu pour 1/3 (on laisse le lecteur répondre tout seul à l’angoissante question 2). Tout élève de collège devrait savoir répondre, ce n’est sans doute pas le cas, mais il se trouve que ce n’est pas le cas non plus de bon nombre de candidats au professorat. On peut être admissible en répondant de façon erronée à des questions de ce type. Est-ce assez clairement indiquer le fond du problème ?

Jetons un œil sur la deuxième épreuve :

« Analyse d’erreurs »


 

« Indiquer l’annotation que l’on pourrait inscrire sur sa copie pour l’aider à prendre conscience de son erreur »

Peut-on proposer une annotation ? « Rends-toi plus souvent à un goûter d’anniversaire » ? On précise que l’élève est censé fréquenter le cycle 4, c’est-à-dire le « cycle des approfondissements », 5e, 4e, 3e ?

Malaise

Il y a bien sûr d’autres questions dans ces épreuves, mais on mesure la profondeur du malaise quand on sait que les professeurs ainsi recrutés pourront enseigner jusqu’en terminale. Comment en est-on arrivé là ? La première réponse est économique. Une étude nous a appris qu’un professeur débutait, en 1980, avec un salaire égal à 2,3 fois le SMIC. En 2022, le rapport est de 1,2. Quand on sait qu’en plus le jeune professeur doit parfois déménager, trouver et payer un logement, se retrouver dans des établissements réputés difficiles, on comprend que les foules ne se pressent pas à l’entrée du métier.

Mais il y a plus : l’école est devenue un lieu de vie plus qu’un lieu de transmission. Ceux qui restent attachés à une discipline qu’ils maîtrisent et dont ils veulent faire partager la beauté ou l’efficacité savent que l’apprentissage requiert des efforts peu compatibles avec ce qu’est devenue l’ambiance dans les établissements scolaires. Pourquoi s’engager dans ces conditions ?

Les mathématiques sont de plus en plus présentes dans tous les domaines de la vie économique et sociale. La révolution numérique porte bien son nom, la science des données (le fameux « Big Data ») et les probabilités sont omniprésentes. Pourquoi dans ces conditions, la réforme du lycée a-t-elle conduit en 2019 à supprimer les mathématiques du tronc commun des enseignements du lycée dans les classes de première et terminale ? On ne comprend rien à l’apparente absurdité de la décision si on ne se rend pas compte qu’elle a été dictée par l’insuffisance du vivier de professeurs de mathématiques et les difficultés de recrutement. L’idée était de concentrer les (faibles) moyens sur les élèves se destinant particulièrement à des études scientifiques (ce n’est bien sûr pas l’argument qui a été donné).

Par où commencer ?

L’échec a été total : les publics non informés ont interprété le message comme une dispense de s’astreindre à cette discipline ; on a perdu 18 % des heures de mathématiques enseignées au lycée, le nombre de filles faisant des mathématiques a presque été divisé par deux. Les programmes, un peu plus exigeants, ont paru trop difficiles à ceux qui avaient conservé la matière, mais arrivaient avec un bagage insuffisant (et le Covid n’a rien arrangé). Remettre une heure trente de mathématiques en première pour répondre aux inquiétudes des parents, de la presse et des patrons conformément à la promesse électorale du Président de la République est certainement une bonne chose, car elle permettra de replacer les mathématiques dans la culture générale de tout lycéen. Mais il ne faut pas rêver, cela ne suffira pas à résoudre les problèmes auxquels l’enseignement des mathématiques est confronté.

La qualité du recrutement des professeurs est la clé de voûte de toute politique éducative. Un Capes qui attire des candidats n’ayant pas forcément fait d’études mathématiques, dont un certain nombre ne sait pas répondre à des questions du niveau du collège et qui est dans l’impossibilité d’effectuer une sélection significative n’augure pas de lendemains qui chantent. Pense-t-on vraiment qu’on va redresser l’industrie de ce pays, résoudre les problèmes liés à la transition énergétique, au défi climatique avec des élèves formés dans une discipline majeure par des professeurs ainsi recrutés ?

Source : Marianne

Voir aussi 

Maths — « L’excellence pour tous proclamée, l’excellence pour personne dans les faits » 

Ontario — Tribunal déclare que l'épreuve de compétence en mathématiques de l'Ontario est inconstitutionnelle

Pendant le Grand Réveil woke, l'écart des résultats en maths et en lecture entre les élèves noirs et blancs a cru de 20 %