jeudi 13 décembre 2018

Le numéro 58 d’Égards est disponible


Sommaire du numéro 58 – Novembre 2018-janvier 2019

Michel Pallascio — Une information au service de la rectitude politique ?

Gary Caldwell — Du « Refus global » au Vide total : Le spectre du nihilisme au Québec

Patrick Dionne — Dantec et l’ange exterminateur, première partie


M.F.J. — Pas de deux/Double Footstep : Fragment autobiographique

Jean Renaud — Thomas Molnar et les racines de l’idéologie technologique


Richard Décarie — Sensibilité populiste et conservatisme : Sur les élections générales au Québec

Notes de lecture

Michel Léon — Richard Bastien, Cinq défenseurs de la foi et de la raison
André Désilets — John Henry Newman, Être chrétien. Les plus beaux sermons
Nicole Gagnon — Claude-Henri Grignon alias Valdombre, Un conservateur enragé, choix et préface de Patrick Dionne, épilogue de Pierre Grignon

Document

Édouard Divry, o.p. — Ennéagramme et christianisme : Éléments pour un discernement chrétien — Suite et fin




Une information au service de la rectitude politique ?
par Michel Pallascio

Tous auront sans doute remarqué que les kiosques à journaux, depuis quelque temps, tendent à disparaître de notre environnement. Ceux qui restent offrent de moins en moins de publications et celles-ci ont de moins en moins d’épaisseur (au sens physique du terme, bien entendu). Il est vrai que la plupart des journaux ou magazines bénéficient maintenant d’une version numérique afin d’atteindre un public qui utilise de plus en plus Internet et les nouvelles applications pour combler ses besoins. Cela permet aux officines journalistiques d’économiser sur la production du journal format papier et sur sa distribution. Le journal La Presse en est un bon exemple puisqu’il a cessé définitivement de faire paraître la version papier de son journal en décembre 2017.

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Du « Refus global » au Vide total : Le spectre du nihilisme au Québec
par Gary Caldwell

Pendant nos vacances, ma femme et moi avons visité au tout nouveau Musée national des beaux-arts du Québec. Après avoir parcouru les trois étages de ce nouveau complexe, nous avons été envahis par un grand sentiment de vide. À part une exposition consacrée aux œuvres de l’impressionniste française Berthe Morisot, un Riopelle de quelque cent pieds de long et une peinture de Horik, les différentes pièces en exposition ne nous ont point inspirés, et nous n’avons ressenti ni plaisir ni émerveillement esthétique en les examinant. Aucune représentation d’une maison d’habitant, d’une ruelle urbaine, d’une église ou du fleuve Saint-Laurent n’y figurait. Parmi les pièces exposées, plusieurs sont littéralement des objets… tout court, présentés comme des œuvres d’art, mais sans en être, selon mon avis de non-initié. /Lire la suite… »

Du balcon de l’Amérique. Thomas Molnar et les racines de l’idéologie technologique
par Jean Renaud

Voyageur, observateur, critique nuancé et érudit des civilisations et des peuples, Thomas Molnar (1921-2010, ci-contre), l’un des maîtres de la pensée politique au XXe siècle, aimait raconter des anecdotes souvent caustiques (sans être véritablement méchantes), quelquefois cocasses (car il ne manquait pas d’humour) et de temps à autre un peu amères (comme la vie elle-même). Je goûtais en particulier ses réminiscences et ses évocations d’Henri Massis, de Jean Madiran, de Pierre Pujo, de Pierre Boutang, de tous ces publicistes, animateurs, philosophes, représentants tardifs d’une tradition contre-révolutionnaire française autrefois si glorieuse et dont l’influence déclinante / Lire la suite… »



Le siècle, les hommes, les idées. Sensibilité populiste et conservatisme : Sur les élections générales au Québec (texte intégral)
par Richard Décarie

Au lendemain de la victoire de la Coalition avenir Québec (CAQ), qui a remporté la majorité absolue avec 74 sièges sur 125, les sondages, une fois de plus, semblent avoir manqué le coche — prévoyant un gouvernement minoritaire caquiste ou libéral — et leur diffusion dans les médias pourrait avoir confondu un électorat de surcroît volatil.

Peu de gens le savent, mais lorsque l’on travaille pour un parti politique à « faire sortir le vote », l’on obtient rapidement, à la lumière des milliers d’appels téléphoniques effectués dans une seule et même circonscription électorale, le pouls de l’humeur des électeurs. Cela permet de jauger l’impact immédiat d’une contre-performance d’un chef, d’une couverture de presse hostile ou d’un sondage défavorable au parti que nous servons. Force est alors de constater que l’immédiateté grandissante de l’accès à l’information — réseaux sociaux diffusant en temps réel, médias traditionnels informant le public de chaque nouvelle au fur et à mesure (les « breaking news »), sondages électroniques rendant disponibles de plus en plus rapidement leurs conclusions — entraîne certaines perturbations au sein de l’électorat. Ce que plusieurs identifient comme la montée du « populisme politique » tient aussi à une accélération de l’accès à l’information. Et le fait que les électeurs s’intéressent peu à la chose politique avant les deux ou trois dernières semaines de la campagne, explique l’impact croissant, pendant cette période, des débats des chefs, des déclarations maladroites, des petits scandales, des bourdes de tel ou tel candidat, etc.

Au Québec, la convergence libérale de centre-gauche (escortée aujourd’hui d’une extrême gauche marxisante encore marginale, mais flattée par les médias) laisse plusieurs électeurs de droite et de centre-droit sur leur appétit depuis des décennies, contribuant à l’augmentation du cynisme et de la volatilité des choix politiques. Le vide politique à droite au Québec depuis la Révolution tranquille, maintenu avec la complicité des médias traditionnels depuis près de 60 ans, n’a pas empêché toutefois une résurgence du conservatisme par la voie non traditionnelle des médias sociaux.

L’ex-Premier ministre Stephen J. Harper a publié récemment Right Here Right Now – Politics and Leadership in the Age of Disruption. Dans cet ouvrage, il attribue la montée du populisme en Occident à un mondialisme débridé, causé par la mobilité inhérente à la mondialisation et la transformation d’une grande partie de la société connectée au réseau Internet. Une portion importante de la population ne s’identifie pas à cette mondialisation — qui comporte un agenda libéral progressiste —, c’est pourquoi l’enjeu d’une citoyenneté partagée et de l’identité nationale devient déterminant. Ce sentiment « populiste » est une chance pour les conservateurs, puisque la préservation des institutions et de l’identité nationale est une caractéristique fondamentale de la tradition conservatrice. Ainsi, quoique le discours partisan d’un Donald Trump — le premier président américain qui communique directement avec la population de façon ininterrompue — exacerbe les passions populistes, ses politiques depuis près de deux ans sont à l’évidence conservatrices, démontrant qu’une posture populiste peut répondre aux attentes des conservateurs laissés sans voix par les médias traditionnels.

Le constat de M. Harper est éclairant quant aux raisons de l’éloignement des partis de la réalité vécue par les citoyens :

Cela implique un engagement renouvelé envers ce qu’on appelle souvent la « société civile » — des institutions relationnelles telles que la famille, les groupes de bénévoles, les organisations communautaires et religieuses. Cependant, il est difficile de soutenir que la société civile n’est pas en déclin. Le déclin des institutions est manifeste dans la diminution du bénévolat, la baisse de la fréquentation des églises, la détérioration de la famille et les problèmes de drogue grandissants [ma traduction].

Une perte des repères culturels traditionnels est ainsi douloureusement ressentie par les plus vieux, alors que les plus jeunes, eux, ignorent tout simplement l’existence d’une tradition occidentale, ce qui est encore pire. Pour le « monde ordinaire », un tel vide nourrit le désir de donner sa confiance à des leaders qui répondront à cette soif d’identité et de racines.

Contrairement à Stephen Harper qui dit vouloir « réformer le conservatisme afin de résoudre les problèmes à l’origine du bouleversement populiste », je crois qu’il faut carrément revenir à des politiques conservatrices prônant la réhabilitation des institutions culturelles traditionnelles, repères souhaités instinctivement par la population en général.

Ces politiques, au contraire de ce qu’on croit généralement, peuvent avoir un certain succès électoral. Les deux thèmes de la réduction des seuils d’immigration — établis à 50 000 par an par le gouvernement libéral sortant — et de l’interdiction du port de signes religieux par les fonctionnaires en position d’autorité, auront permis à la CAQ de se rapprocher de l’électorat, les autres partis refusant délibérément de s’y risquer. À cet effet je maintiens que l’abandon par le gouvernement minoritaire du Parti Québécois (PQ) de l’identitaire Charte des valeurs québécoises lui aura fait perdre le pouvoir en 2014, même si la rectitude politique des médias et de nos élites politiques ont fait croire aux péquistes que leur défaite a été un effet collatéral de ladite Charte.

Au Québec, depuis l’abandon par le PQ du positionnement identitaire, une partie importante de l’électorat s’est retrouvée orpheline. La CAQ aura donc su profiter de cette lacune, notamment par sa politique sur l’immigration, par l’interdiction du port des signes religieux pour les employés de l’État en situation d’autorité, ainsi que par la réhabilitation du positionnement conservateur nationaliste autonomiste de l’ancienne Action démocratique du Québec (ADQ).

En conclusion, l’élection récente d’un gouvernement majoritaire de la CAQ démontre que la sensibilité « populiste » peut contribuer à réintroduire dans l’espace public des thèmes conservateurs, et à les rendre suffisamment populaires pour qu’un parti les présente à l’électorat, prenne le pouvoir et parvienne à mettre en œuvre de véritables politiques conservatrices.



Notes de lecture.

Richard Bastien, Cinq défenseurs de la foi et de la raison 

Richard Bastien, Cinq défenseurs de la foi et de la raison, Paris, Éditions Salvator, 2018.

par Michel Léon

Cet ouvrage de philosophie fera date pour le public francophone. Cinq défenseurs de la foi et de la raisonprésente, synthétise et explicite la pensée de philosophes anglophones chrétiens — catholiques pour quatre d’entre eux — qui ont axé leurs travaux sur l’amitié intime et indispensable entre foi et raison. Alasdair MacIntyre, C.S. Lewis, G.K. Chesterton, Peter Kreeft et John Henry Newman ont été d’autant mieux placés pour dénoncer la dissociation de ces pôles de l’esprit, qu’ils l’ont tous les cinq personnellement vécue avant de trouver leur réconciliation dans la tradition catholique. MacIntyre, né en 1929, passa par le marxisme et le trotskysme avant de rejoindre l’Église catholique en 1980. Clive Staples Lewis, né en 1898 dans une famille protestante, passa par l’athéisme avant de rejoindre en 1931 la Haute Église anglicane,/Lire la suite… »



John Henry Newman, Être chrétien. Les plus beaux sermons

John Henry Newman, Être chrétien. Les plus beaux sermons, Présentés par Keith Beaumont en collaboration avec Pierre Gauthier, Paris, Cerf, 2017.

par André Désilets

Pour les responsables de la publication de cet ouvrage hors du commun, John Henry Newman (1801-1890) demeure l’un des plus grands penseurs chrétiens du XIXe siècle. Son œuvre exprime une véritable phénoménologie dans le Mystère, un témoignage qui est à la fois critique face aux constructeurs de tours de Babel, et inspirateur en ce qu’il nous apporte des paroles essentielles sur notre vie et sur celle de nos pères, là où une osmose providentielle s’opère donnant aux êtres et aux choses une valeur virginale, inestimable. D’où cet extraordinaire sens du réel qui se dégage des propos du bienheureux cardinal, des propos particulièrement révélateurs sur ce qu’il appelle « l’Église des Apôtres » et « l’Église des Pères ». Car notre christianisme est « irréel », observe-t-il,/Lire la suite… »



Claude-Henri Grignon alias Valdombre, Un conservateur enragé,
Claude-Henri Grignon alias Valdombre, Un conservateur enragé, choix et préface de Patrick Dionne, épilogue de Pierre Grignon
par Nicole Gagnon

Les débats virils, controverses orageuses et polémiques en tous genres n’ont pas manqué au pays du Québec. Le style pamphlétaire s’y est fait cependant plutôt rare, contrairement à ce qu’on a observé en France, de Léon Bloy, disons, à Céline. Dominique Garand, auteur d’une considérable œuvre savante sur le sujet, n’a repéré qu’une demi-douzaine de polémistes québécois, dont Valdombre, où l’invective avait pris « une tournure agressive ou haineuse », la plupart s’en tenant à l’argumentation rationnelle ou à l’indignation et au sarcasme. Et si Léon Bloy refusait de « se laisser salir par la bienveillance » de ses contemporains, le polémiste québécois « ressent vite le besoin de se justifier aux yeux des autres ». /Lire la suite… »


Entretien de Mathieu Bock-Côté avec Éric Zemmour (11 décembre 2018)




Parlant de la fabrique de l’idéologiquement correct, d’On n’est pas couchés mentionné par Éric Zemmour au début de cet entretien et de ces gens qui ne se rendent même pas compte d’être formatés, cela rappelle le fils Glucksmann lors d’un On n’est pas couchés en 2008 qui écarquillait des yeux quand Zemmour lui disait qu’il avait tellement bien assimilé l’idéologie de son père qu’il ne s’en rendait même pas compte. À quoi Rafaël Glucksmann répondit que ce n’était pas de l’idéologie qu’il était simplement libre (« sans carcan ») et ouvert.



Voir à 17 min (« vous ne prenez le contre-pied de lui [votre père] sur rien », « les faux parents cools de 68 » ont empêché leurs enfants de se rebeller, « vous êtes la poursuite idéologique de votre père »). Naulleau n’est pas très amène juste après...


Voir aussi
Anne Dorval réfléchissant face à Zemmour

« Je lis quatre journaux [québécois] chaque matin, la pluralité d'opinion elle existe »

Quand une de nos personnalités médiatiques québécoises est confrontée à une pensée originale qui s'exprime clairement, on assiste parfois à des crises hystériques comme celle d'Anne Dorval sur le plateau de On n'est pas couché en France face à Éric Zemmour qui ne se laissait pas démonter par le prêt-à-penser.