jeudi 30 novembre 2017

Repentance permanente — Les manipulateurs de l’histoire québécoise sont parmi nous

Extraits de textes de Mario Dumont et Mathieu Bock-Côté sur l’initiative de Valérie Plante, la nouvelle mairesse de Montréal, de commencer les réunions du conseil de ville non plus par une prière — laïcité oblige — mais par un rituel pénitentiel où elle affirme que Montréal qu’il s’agit d’un territoire agnier (mohawk en anglais) non cédé. La mode est à la contrition des Québécois de souche européenne et à la valorisation de « nos » racines amérindiennes. C’est également le cas à l’école (voir les liens ci-dessous).

De Mario Dumont :

La mairesse de Montréal tient son premier conseil de ville. Ses premiers mots sont pour rappeler qu’elle siège en « territoire autochtone non cédé ». Son prédécesseur Denis Coderre amorçait des discours avec les mêmes mots. Est-ce pertinent ? Pas vraiment. Est-ce vrai ? Pas sûr du tout.

En fait, la plupart des historiens s’entendent pour dire qu’à la fondation de Montréal en 1642, il n’y avait même plus d’établissement fixe des Iroquoiens du Saint-Laurent, la nation qui aurait auparavant habité Hochelaga. Quant à la prétention d’un territoire mohawk, ceux-ci se trouvaient plus au sud, surtout dans l’État de New York. [Les Agniers installés autour de Montréal aujourd’hui sont en fait des réfugiés qui fuyaient les persécutions de leurs congénères agniers et recherchaient la protection des Français autour de Montréal. Voir le cas de Sainte Kateri Tekakwitha (1656-1680), le Lys des Agniers, qui se réfugiera ainsi près de Montréal.]

Officiellement, les Mohawks souhaiteraient qu’on parle toujours d’un territoire mohawk non cédé. Les Hurons-Wendat revendiquent aussi Montréal, puisque l’île fait partie de la vallée du Saint-Laurent et des Grands Lacs. Compliqué ? Qui a été où, et à quel moment ? Plusieurs étaient plutôt nomades. Établi dans quel lieu en quelles années ? Difficile d’être certain.

Les fouilles archéologiques permettent aux historiens d’en apprendre encore. Dans un tel contexte, imaginez combien les politiciens se couvrent de ridicule en tranchant ces questions historiques.

Opportunisme politique

Alors pourquoi des élus en autorité répètent-ils à satiété une affirmation probablement erronée ? Réponse simple : parce qu’ils pensent que c’est politiquement payant. Ils pensent qu’il est de bon ton à l’ère Trudeau que la majorité s’autoflagelle. Ils pensent que dans la bien-pensance dominante, une telle approche donne bonne bouche.

Oui, je souhaite qu’on trouve des solutions concrètes pour que les jeunes Autochtones aient un avenir plus reluisant. Oui, je veux que les femmes autochtones retrouvent respect et sécurité. Mais je trouve totalement inutiles ces réinterprétations opportunistes et grotesques de ce qui s’est passé à Hochelaga entre 1600 et 1650.

Commencer chaque réunion du conseil par ce rappel constitue un symbole vide et tordu. Si Valérie Plante veut agir pour le bien des Autochtones en 2017, qu’elle le fasse.

Le rituel pénitentiel de la mairesse Plante s’inscrit parfaitement dans l’esprit qui anime le mandat de Djeustine Trudeau

De Mathieu Bock-Côté :

Ainsi, Valérie Plante a décidé de soumettre sa ville à un rituel pénitentiel. Elle commence les réunions du conseil de ville en disant de Montréal qu’il s’agit d’un territoire mohawk non cédé.

Denis Coderre n’était pas étranger à cette pratique, mais on sentait chez lui que cela relevait de l’opportunisme politique le plus grossier. Chez Valérie Plante, on devine le zèle idéologique dont a l’habitude une certaine gauche qui n’a de cesse de faire le procès du monde occidental.

Montréal

C’est ce que le philosophe français Pascal Bruckner avait appelé au début des années 1980 « le sanglot de l’homme blanc », qui ne cesse de se flageller publiquement à cause de son passé. Il témoigne aussi ainsi de sa supériorité sur ses ancêtres, qu’il présente comme des ploucs malfaisants.

Le problème, avec la déclaration de Valérie Plante, c’est qu’elle est historiquement fausse, comme en conviennent les historiens. Les esprits subtils diront qu’elle est problématique. Les esprits exaspérés la diront franchement mensongère.

Mais pourtant, les politiciens montréalais continuent de répéter ce bobard historique, comme s’ils n’avaient aucun scrupule à manipuler le passé, à déformer les faits, pour peu que cela corresponde à leur programme idéologique.

[...]

Tous conviennent qu’il faut aujourd’hui accorder une plus grande attention aux besoins des populations amérindiennes. Mais il n’est nul besoin de trafiquer la vérité historique pour cela.

[Note du carnet : une plus grande attention consisterait à abroger la Loi sur les Indiens comme le suggère Tom Flanagan. Les politiques indiennes actuelles assurent pouvoir et richesse à une petite élite d’activistes, de politiciens, d’administrateurs, d’intermédiaires et d’entrepreneurs privilégiés, tout en enfonçant davantage dans la misère la population qu’elles sont censées aider. Voir aussi le livre Au-delà de la Loi sur les Indiens Rétablir les droits de propriété autochtone au Canada de Tom Flanagan, Christopher Alcantara et André Le Dressay]

À moins que la déclaration de Valérie Plante ne repose sur la conviction suivante : fondamentalement, les nations d’ascendance européenne que sont le Québec, le Canada et les États-Unis n’ont pas leur place en Amérique.

Veut-elle nous dire, en répétant cette ânerie, que les Européens, en Amérique, n’ont été finalement que des envahisseurs et qu’ils ne devraient pas être ici ?

Ne se rend-elle pas coupable alors d’un anachronisme gênant ? Il y a des limites à réécrire l’histoire à partir des obsessions idéologiques du présent.

Mais la manipulation historique ne s’arrête pas là. On le sait, le gouvernement Couillard mène une consultation sur le racisme systémique, même s’il a cherché à la camoufler sous un autre nom.

Esclavage

On oublie souvent que les promoteurs de cette cause ont tendance à présenter l’esclavage comme un phénomène majeur dans l’histoire du Québec, qui aurait conditionné négativement notre société depuis ses origines à l’endroit de la diversité.

Mais on oublie de dire que l’esclavage a été marginal et qu’il n’a aucunement structuré notre société comme cela a été le cas dans le sud des États-Unis.

Mais encore une fois, cette histoire réécrite par des idéologues incultes et militants vise à culpabiliser les Québécois.

Cette entreprise de culpabilisation va bon train médiatiquement et personne n’ose s’y opposer vraiment.

Montréal n’est pas un territoire mohawk non cédé. Et la Nouvelle-France n’a pas été une aventure criminelle. Il serait temps de le rappeler à ceux qui nous gouvernent.

Si l'histoire de France et de l'Europe est singulièrement absente des écoles québécoises, les prières autochtones et le rapprochement délibéré entre l’écologisme et la spiritualité autochtone (en partie fantasmée) sont bien présents dans le matériel scolaire québécois. Ici une prière amérindienne à la Terre-Mère, illustration du manuel d’ECR Près de moi, publié par les éditions CEC, destiné à la 2de année du premier cycle du primaire, manuel B, p. 60

Voir aussi

Les habitants de Montréal à l’arrivée des Français parlaient-ils agnier (mohawk) ?

Spiritualité autochtone, écologie et norme universelle moderne

L’utilité de la glorification des Premières Nations

ECR — obsession pour les amérindiens écologistes


« Nos ancêtres, les Amérindiens » à l’école

Cérémonie, prière, danse sacrées amérindiennes dans une école laïque publique

« Notre » patrimoine matrimoine religieux autochtone

Le faux « sang indien » des Québécois

(Suite d’une autre prière amérindienne à la Terre-Mère, illustration du manuel d’ECR Près de moi, publié par les éditions CEC, destiné à la 2de année du premier cycle du primaire, manuel B, p. 61)

ECR — obsession pour les Amérindiens écologistes

Québec — Le peu de place consacrée à l’Europe (à la France) dans les programmes d’histoire

Canada — Financement par élève serait supérieur pour les écoles autochtones aux écoles publiques


Illustration du manuel d’ECR Mélodie, publié par Modulo, destiné au 1er cycle du primaire, manuel B, p. 8

Québec — Les professeurs sont-ils prêts au retour de l’enseignement des connaissances ?

Lettre ouverte de Gilles Laporte, porte-parole de la Coalition pour l’histoire, parue dans Le Devoir, 27 novembre 2017.

À la suite de l’action menée notamment par la Coalition pour l’histoire, les élèves québécois ont enfin droit depuis septembre 2017 à un cours d’histoire réformé en 3e et 4e secondaire. Unanimement salué, ce nouveau cours d’histoire du Canada et du Québec emprunte désormais une trame chronologique, résolument axée sur l’acquisition de connaissances et l’apprentissage de la méthode historique. Dans ce contexte, il y a lieu de se demander si la formation que reçoivent les enseignants québécois les prépare adéquatement à offrir des cours désormais plus substantiels.

C’est le point de départ de l’étude que j’ai pilotée avec mes collègues Laurent Lamontagne et Myriam d’Arcy à propos de la formation des futurs enseignants dans les universités québécoises et sur le niveau de satisfaction qu’ils en ont tiré une fois leur carrière commencée. On a ainsi passé au crible chacun des 14 programmes de formation des maîtres dans dix universités québécoises. On a ensuite interrogé plus de 200 enseignants d’histoire à propos de leur cheminement universitaire et sur le profit véritable qu’ils en ont tiré. On a enfin mené des entrevues approfondies avec certains d’entre eux pour mieux interpréter le sens des données obtenues.

Les résultats de l’enquête sont accablants. Tous établissements confondus, le baccalauréat en enseignement secondaire de quatre années accorde la part du lion aux cours de didactique, de psychopédagogie et de science de l’éducation en général. En revanche, moins de la moitié des cours suivis concerne la formation disciplinaire des futurs enseignants, soit la géographie et l’histoire.

Le constat est particulièrement dramatique à propos de l’histoire du Canada et du Québec. Tandis que les futurs enseignants doivent offrir 200 heures de cours sur ce thème dans le programme d’Univers social, ils n’auront eux-mêmes suivi pour s’y préparer que trois ou quatre cours de 45 heures, dont seulement deux obligatoires, généralement les cours d’histoire du Canada avant et depuis 1867.

En somme, si les enseignants semblent adéquatement formés pour gérer une classe, évaluer une compétence et évoluer dans le système d’éducation, il est évident qu’ils n’ont pas reçu le bagage disciplinaire suffisant pour enseigner adéquatement l’histoire nationale et exposer leurs élèves à des connaissances qui aillent un tant soit peu au-delà de ce qu’ils peuvent trouver dans le manuel de classe ou sur Internet.

Recommandations

Forts de ces constats, mais conscients de la complexité des enjeux et des dilemmes auxquels font face l’enseignant et l’école québécoise, nous soumettons neuf recommandations nuancées qui visent d’abord à soutenir le travail déjà mené dans les établissements. Ces recommandations consistent, primo, à renforcer d’urgence la formation disciplinaire, notamment en géographie et en histoire du Canada et du Québec.

Secundo, qu’on accroisse la souplesse de la filière de la formation de sorte, par exemple, que le détenteur d’un baccalauréat disciplinaire puisse accéder à l’enseignement après une année de cours d’appoint en pédagogie, et que les directions d’écoles aient davantage la liberté de répartir à leur guise les ressources enseignantes pour atteindre les objectifs et standards.

Tertio, qu’on institue enfin un véritable dialogue entre les facultés d’éducation — qui forment les enseignants — et les établissements scolaires qui auront à les embaucher de sorte de mieux définir les outils dont auront besoin les futurs enseignants.

Notre conclusion est finalement que les lacunes observées dans la formation disciplinaire des enseignants d’Univers social se vérifient aussi dans d’autres programmes, comme l’enseignement du français ou des sciences de la nature : le nombre de crédits [unités] accaparés par la formation en sciences de l’éducation aux dépens de la formation disciplinaire y est tout aussi disproportionné. Les constats et les recommandations faits par notre étude nous apparaissent donc généralisables à l’ensemble de la formation des maîtres au Québec et tous les intervenants de cette filière névralgique pour l’avenir du Québec sont invités à en prendre connaissance.

mercredi 29 novembre 2017

Contes, légendes, clichés et réalité de l'Espagne musulmane

Recension par Rémi Brague de l’ouvrage Al Andalus, l’invention d’un mythe de Serafin Fanjul :

NOUS avons tous entendu parler d’el-Andalous, mais qui sait précisément ce que recouvrent ces deux mots magiques ? Un paradis perdu au cœur d’un Moyen Âge obscur où musulmans, juifs et chrétiens devisaient à l’ombre de la grande mosquée de Cordoue. Une sorte d’anti-Daech en somme… Mais les historiens sont méchants.

Voilà que le rêve se dissipe et qu’une autre réalité apparaît. Avec Al Andalus, l’invention d’un mythe, Serafin Fanjul ne va pas se faire que des amis, en Espagne évidemment, mais aussi en France. « Les hommes croient ce qu’ils désirent », disait Jules César. Le mythe d’el-Andalous est calqué sur le désir que naisse ou renaisse ce fameux « islam des Lumières » que tant d’esprits appellent de leurs vœux.

N’a-t-il pas existé dans une Hispanie conquise au VIIIe siècle par quelques dizaines de milliers de guerriers arabes et berbères venus d’Afrique du Nord qui créèrent une civilisation inédite à laquelle coopérèrent les trois religions du Livre ?

« Les femmes semblent exclusivement destinées à donner le sein aux enfants. Cet état de servitude a détruit en elles la faculté de parvenir à de grandes » choses
AVERROÈS

À travers 700 pages d’une terrible précision, Fanjul, docteur en philologie sémitique, professeur de littérature arabe et ancien directeur du Centre culturel hispanique du Caire, broie la légende d’un multiculturalisme précoce et éclairé. Il défait un mythe qui doit beaucoup au romantisme et à son exotisme de pacotille.

Antifranquiste, Serafin Fanjul n’est pas précisément un militant de l’Espagne catholique. Armé d’une immense érudition, il s’est intéressé de près à ce que disent les chroniques de l’époque et les a confrontées aux clichés ambiants. Le résultat est à la fois comique et salutaire. Car on rit dans ce livre qui n’est pourtant pas facile à lire, surtout pour nous Français qui connaissons mal l’histoire de l’Espagne.

« La cohabitation de toutes les races et de toutes les religions avait créé une atmosphère morale pure et exquise (…) il s’agissait de la même civilisation que celle qui régnait dans la Bagdad des Mille et Une Nuits, mais dépourvue de tout ce que l’Orient a pour nous d’obscur et de monstrueux. L’air subtil et rafraîchissant de la Sierre Morena l’avait occidentalisée », écrit l’arabiste Garcia-Gomez en 1959.

Tueries et pogroms

À propos de cohabitation, Fanjul nous rappelle la longue et fastidieuse liste des tueries de chrétiens sans oublier les pogroms qui ont essaimé l’histoire d’el-Andalous entre la conquête arabe et sa reconquête par les Rois Catholiques qui se termine par la prise de Grenade en 1492. Il nous rappelle ce en quoi consistait le statut de dhimmi pour un non-musulman : par exemple, ne pas parler à voix haute à un musulman ou ne pas construire une maison plus haute que la sienne. Al-Andalus, paradis sensuel, comme se complut à l’imaginer Théophile Gautier ?

Fanjul nous remémore qu’elles étaient les prescriptions d’un islam devenu très rigoriste sous l’influence des Almohades. Interdiction de tous les jeux, notamment les dames et les échecs, prohibition de la musique et relégation des femmes. Les islamistes n’ont rien inventé. Les femmes ? Voilà ce qu’en dit Averroès qui fut d’ailleurs mis au ban : « Elles semblent exclusivement destinées à donner le sein aux enfants. Cet état de servitude a détruit en elles la faculté de parvenir à de grandes choses (…) leur vie passe comme celle des plantes, au service de leurs maris. C’est de là que vient la misère qui dévore nos villes, étant donné qu’elles sont deux fois plus nombreuses que les hommes. »

El-Andalous, paradis de l’échange interreligieux ? Il y eut, à certaines périodes et dans certains lieux, des échanges cordiaux, mais ils ne furent pas la règle, plutôt l’exception. Ce dans un monde où les mariages mixtes étaient rares du fait de l’impureté présumée des autres communautés. « Les tentatives de rapprochement doctrinal pacifique sont anciennes chez les chrétiens tandis qu’elles brillent par leur absence chez les musulmans, mais cela ne signifie pas que les chrétiens aient été fondamentalement meilleurs. » Fanjul fait preuve dans ce livre d’un esprit voltairien, le sarcasme en moins. Il conclut : « Ce que l’islam a perdu n’est en rien un paradis originel […] Que les musulmans réfléchissent donc et ne nous impliquent pas dans leurs frustrations et leurs échecs : ce sont les leurs avant toute chose. »


Al Andalous, l’invention d’un mythe:
La réalité historique de l’Espagne des trois cultures
de Serafin Fanjul
publié aux éditions de l’Artilleur,
dans la collection du Toucan,
le 25 octobre 2017
à Paris
broché avec 732 pages
ISBN-13 : 978-2810007059

Voir aussi

Histoire — « On a trop souvent mythifié el-Andalous »

Manuel d’histoire (1) — chrétiens intolérants, Saint Louis précurseur des nazis, pas de critique de l’islam tolérant pour sa part

Manuel d’histoire — Chrétiens tuent les hérétiques, musulmans apportent culture raffinée, pacifique et prospère en Espagne

Meilleur « vivre-ensemble » grâce à la connaissance ?

Rémi Brague sur l’islam, la culture classique et l’Europe

Les chrétiens et les juifs dans l’Occident musulman

La conservation du savoir grec à Constantinople et sa diffusion dans l’Europe romane

Usage de la raison : Rémi Brague sur la prétendue primauté Averroès sur Saint Anselme, Saint Thomas d'Aquin (vidéo)

Russie — généreuse prime à la naissance, allocation mensuelle et hypothèque moins chère pour les familles

Le président russe Vladimir Poutine a proposé de verser, dès janvier 2018, une allocation mensuelle aux familles ayant leur premier enfant afin de dynamiser les naissances, a-t-il déclaré lors d’une réunion du Conseil de coordination de la réalisation de la stratégie nationale pour les intérêts des enfants, mardi 28 novembre.

Enfants russes de Tomsk
« Je propose afin de soutenir la natalité de mettre en place toute une série de mesures de soutien aux familles à partir de janvier 2018, dont la première est le versement mensuel d’une allocation lors de la naissance d’un premier enfant et jusqu’à ce qu’il ait un an et demi », a-t-il affirmé.

Le montant de cette allocation sera calculé en fonction du minimum vital de la région, où vit l’enfant. En 2018, elle sera, en moyenne, d’environ 10 523 roubles, soit 250 dollars canadiens (151 euros), alors que le salaire moyen en Russie est d’environ 35 000 roubles (770 dollars canadiens). Selon Vladimir Poutine, 114,5 milliards de roubles (2,5 milliards de $ canadiens) seront investis dans ce programme au cours des trois prochaines années. Jusqu’à présent, les familles russes ne touchaient le plus souvent qu’une prime à la naissance. Cette nouvelle allocation viendrait s’ajouter à cette dernière.

Le président a également proposé d’étendre le programme d’allocation à la naissance (408 960 roubles, 9000 $ canadiens, 5 900 euros), jusqu’à la fin de 2021 et d’élargir son champ d’application pour les familles nécessiteuses. Ces allocations peuvent être utilisées pour payer les services d’éducation préscolaire — pour les soins et la supervision d’un enfant à partir de l’âge de deux mois. « Je sais que la demande pour cette mesure est très grande, en particulier, après la naissance de l’enfant, la mère sera en mesure de continuer à travailler ou à s’éduquer », a déclaré Vladimir Poutine.

Le président a également annoncé le lancement d’un programme visant à subventionner le taux d’intérêt des hypothèques pour les familles ayant un deuxième ou un troisième enfant, à compter de 2018. « Lors de l’achat d’une maison ou lors d’un refinancement des hypothèques conclues précédemment, les familles pourront compter sur une subvention du taux d’intérêt par l’État afin que le taux net pour les familles ne dépasse pas 6 % par an », a déclaré M. Poutine.

Il a souligné que le taux hypothécaire moyen pondéré, selon la Banque centrale, est de 10,5 %. Si une famille de deux enfants ou plus prend une hypothèque à ce taux, l’État paiera une part de 4,5 % d’intérêt, la famille ne paiera donc que 6 %. « Ainsi, dans ce cas, l’État prend plus de 4 % du coût du prêt. Selon le ministère de la Construction, au cours des cinq prochaines années, ce programme pourra bénéficier à plus de 500 000 familles », a souligné Vladimir Poutine.

Rappelons que selon les prévisions d’un récent rapport gouvernemental, à l’horizon 2035, la Russie pourrait perdre 400 000 habitants, voire un million, si elle ne change pas de politique en matière de natalité.

Comparaison de l’évolution des taux de fécondité

Le graphique ci-dessous  trace l’évolution des taux de fécondité entre 1960 et 2016 pour le Québec et la Russie.

On notera d’abord que, jusqu’à 1970, le Québec fait proportionnellement plus d’enfants que la Russie. La faible fécondité russe s’explique en partie par l’énorme saignée de la Seconde Guerre mondiale (la population de la Russie qui était de 110 millions en 1940 passa à 98 millions en 1946). La chute très rapide la natalité au Québec accompagne ce que certains nomment la « Révolution tranquille ».

À partir de 1970 jusqu’à la fin de l’Union soviétique, la fécondité de la Russie au sein de l’URSS est systématiquement supérieure à celle du Québec. En 1987, par exemple, la natalité russe est de 2,23 enfants/femme alors qu’au Québec elle s’est effondrée à 1,36.

À la fin de l’Union soviétique et à l’avènement de Boris Eltsine, l’État russe peine à payer ses pensions, l’économie se contracte, la corruption augmente et la natalité s’écroule. La fécondité atteint un nadir de 1,19 enfant/femme en 1999, dernière année de la présidence calamiteuse d’Eltsine.



La période de la présidence Elstine correspond, peu ou prou, à celle de la politique de l’allocation de naissance (le « boni bébé ») au Québec. Cette politique s’accompagne de 1988 à 1997 d’un regain de la fécondité pour passer de 1,36 enfant/femme québécoise en 1987 à 1,67 enfant/femme en 1992 avant de retomber à 1,61 en 1996.

La politique du « boni bébé » instaurée par les libéraux de Robert Bourassa fut fort décriée par les féministes. La ministre de la Famille et de l’Enfance de 1998 à 2001, Nicole Léger (PQ), avait ainsi qualifié ce programme « d’échec lamentable ». Le diagnostic peu nuancé de la ministre Léger s’expliquait sans doute par des réticences fréquentes exprimées par le Conseil de la femme à toute politique nataliste efficace. En 1982, Claire Bonenfant, la très féministe présidente du Conseil de la Femme, s’était déjà interrogée, au sujet d’une politique avec de timides conséquences natalistes : « Cette politique sera-t-elle une politique nataliste déguisée cherchant à nous retourner aux berceaux et aux fourneaux ou bien se présente-t-elle comme une politique de justice sociale ? »

Le PQ décida donc d’instaurer un programme nettement plus cher et moins universel : les centres de la petite enfance (CPE). Si le programme universel d’allocations à la naissance avait coûté 186 millions de dollars à son apogée en 1994, dès la première année les CPE en 1997 coûteront 221 millions de $. En 2014, les coûts des CPE avaient été multipliés par onze (11 !), sans que leur efficacité démographique, sociale ou pédagogique ait été démontrée... Cette hausse vertigineuse était principalement liée à la croissance du réseau de garderies. En 1997-1998, l’État subventionnait seulement 82 000 places à contribution réduite alors que le programme d’allocation à la naissance était universel et concernait, en 1993, 185 172 familles. Remarquons aussi que les familles qui veulent garder leurs enfants en bas âge à la maison (sacrifiant souvent un revenu) parce qu’elles croient que c’est le meilleur choix parental sont discriminées : elles ne touchent aucune subvention alors que les parents qui envoient leurs enfants dans un CPE profitent de très généreuses subventions.

Si la natalité est légèrement remontée pour atteindre 1,73 enfant/femme en 2008-2009, celui-ci est depuis tombé à 1,59 enfant/femme alors que les coûts liés au programme des CPE ne font qu’augmenter (l’État a créé un réseau puissant d’employés syndiqués qui peuvent se mettre en grève et prendre les parents en otage). Le gouvernement aurait pu faire un choix plus judicieux : donner l’argent aux parents qui auraient choisi leur mode de garde, plutôt qu’aux syndicats. Le coût de la seule syndicalisation des travailleuses en milieu familial, en 2008, a été estimé à plus d’un milliard de dollars pour l’État québécois.

Certains prétendent que les sommes faramineuses investies dans les CPE ont permis d’augmenter l’emploi des femmes. L’ennui c’est que sans programme similaire dans le reste du Canada, le taux d’emploi des femmes y a aussi augmenté. [Voir aussi : Défendre l’indéfendable sans succès.] D’aucuns avancent que la fécondité du Québec a augmenté grâce à ce réseau de garderies syndicalisées et fort subventionnées, c’est possible, mais ce gain n’est guère plus fort que celui des allocations à la naissance pour un coût nettement supérieur. Aussi, la fécondité a également augmenté pendant ces années au Canada sans programme de CPE. D’autres facteurs semblent donc aussi être en jeu.

En Russie, à partir de la présidence de Vladimir Poutine, des mesures furent prises pour aider les familles. La natalité est lentement remontée. L’indice synthétique de fécondité est donc passé de 1,16 enfant/femme en 1999 à 1,78 en 2015. Le Québec n’a plus connu un tel taux de fécondité depuis 1972... L’année passée, la fécondité russe a légèrement baissé à 1,76.  Il est possible que la natalité russe baisse dans les années à venir, car le nombre de jeunes femmes en âge fécond est en baisse (elles sont nées à l’époque de chute démographique rapide de la présidence de Boris Eltsine).


Source : Kommersant du 28/XI/2017

Voir aussi

Russie : réduction rapide du nombre d’avortements

Hausse record de la natalité en Pologne (mars 2017)

Pologne — Allocation familiale universelle pour lutter contre l’implosion démographique (mars 2016)

France — Les coupes socialistes dans la politique familiale expliquent-elles la baisse de la natalité ?

Québec — « La légende noire du clérico-natalisme »

Étude sur les garderies qui se paieraient d’elles-mêmes : la multiplication des pains
(l’économiste Martin Coiteux)

Russie — la démographie expliquerait-elle le retour au conservatisme ?

Démographie : même taux de natalité au Canada qu’au Québec, sans « politique familiale » (CPE + congés)

Italie : une aide financière pour encourager la natalité

Baisse continue du nombre de naissances au Québec, aucun parti politique n’en parle (m-à-j septembre 2017)

Les principaux dirigeants européens n’ont pas d’enfants (mis à
jour)


Natalité baisse au Québec depuis 7 ans, mais CS de Montréal devrait accueillir 5000 élèves de plus d’ici cinq ans (causes : l’immigration, les « réfugiés »)

France — Hollande n’a pas réussi à inverser les mauvais indicateurs économiques, mais bien la natalité

Des garderies poursuivent l’État pour concurrence déloyale

dimanche 26 novembre 2017

Le correctivisme politique dans les universités « d'élite » américaines

À l’université Brown fondée en 1764 au Rhode Island, 6 300 étudiants du 1er cycle, dotation de 3,3 milliards de $ :




À l’université Yale fondée en 1701 comme un séminaire congrégationaliste au Connecticut, 5 300 étudiants du 1er cycle, dotation de 26 milliards de $.



Voir aussi

L’assistante intimidée par l’université Wilfrid Laurier ne croit pas en la sincérité des excuses de l’université

Université Wilfred Laurier (Ontario) — S’opposer aux pronoms transgenres (Jordan Peterson), c’est comme Hitler...

La croisade des LGBT contre la liberté d’expression et les distinctions linguistiques immémoriales

France — L’indépendance d’esprit y serait en danger dans les universités.

Des universités politiquement correctes qui doivent « protéger » leurs étudiants

Québec — La radicalisation « anarchiste » à l’université inquiète

La censure contaminerait les milieux universitaires

UQAM — Débat sur ECR annulé suite à des menaces (m-à-j)

Canada — Liberté d’expression et d’opinion menacée dans les universités

Angleterre — Les bustes d’universitaires blancs « intimident les minorités ethniques »

Uniformiser les universités de la « nation arc-en-ciel » au nom de l’« unité » ?

Un tiers des Américains ont une opinion négative des universités

Les étudiants américains et leur lutte contre les « auteurs blancs décédés » (suite et non fin)

La censure contamine les milieux universitaires



jeudi 23 novembre 2017

« Sans les 15% de quartiers pourris qu'il y a en France nous serions classés numéro 1 dans PISA » (M-à-j)

Selon Luc Ferry, les tests PISA n’évaluent pas les systèmes éducatifs des différents pays, mais les performances des élèves. Or ces performances dépendent nettement plus de ce qui passe dans les familles qu’à l’école.

Selon le directeur de l’évaluation de Luc Ferry lorsqu’il était ministre de l'Éducation : « si on supprimait les 15 % de quartiers pourris qu’il y a en France, avec des établissements dans lesquels il y a 98 nationalités où on n'arrive pas à faire cours, eh bien nous serions classés numéro 1 dans PISA ».

Animée d'un sens comique, la présentatrice, Apolline de Malherbe, souffle à l'ancien ministre que la cause de ce déficit serait « les inégalités sociales » apparemment pour qu'il ne mentionne pas « l'immigration », les origines culturelles et linguistiques des habitants de ces quartiers. Le ministre rappelle ensuite qu'il ne s'agit pas que d'une question d'« inégalités » (de subventions, de moyens financiers), mais souvent d'un manque de respect de la part des élèves et parfois d'impossibilité de donner cours.




Pour Luc Ferry, il faut aussi cesser de dire que 98 nationalités à l’école c'est une richesse. C'est faux.



Vidéo intégrale :


« De mon temps on avait une semaine [scolaire] de 30 ans, aujourd'hui elle est de 23 heures. On ne fait pas la même chose en 23 heures qu'en 30, notamment pour lutter contre illettrisme. »
La « charmante » Sonia Mabrouk revient sur ces « 15 % de quartiers pourris » pour lui faire admettre qu’« on » les a laissé pourrir.

Voir aussi

Suède : des résultats scolaires en baisse depuis dix ans

Suède — Échec de l'intégration des immigrés, ce n'est pas faute de moyens ou de bons sentiments

Belgique — le niveau des élèves issus de l'immigration est nettement moins bon que celui des autochtones

France — Selon la Ministre Pécresse, le fort taux d'immigration serait responsable des mauvais résultats aux tests PISA

Tabou : impact de l'immigration sur les résultats et coûts scolaires (Claude Allègre).

Le ministre de l'Éducation (2007–2009) Xavier Darcos : il faut « que l'on arrête de comparer les résultats des enfants français à ceux de la Finlande ! C'est un pays très différent du nôtre, petit, quasiment sans immigration ». Selon lui, le poids sociologique est fondamental pour expliquer l'échec scolaire. (Le Figaro 29/X/2007)


France — Que peut l'école ? Émission Répliques avec le ministre Blanquer et Augustin d’Humières, professeur de lettres classiques.


France — La droite conservatrice se trompe-t-elle au sujet de Blanquer ?

France — le ministre de l'Éducation Blanquer bouscule la « gauche pédago »



Zimbabwe : l'analyse radio-canadienne sur Mugabe d'«authentique héros» bâtisseur à «dictateur» (M-à-j)

Mise à jour du 23 novembre 2017

L'armée et l'appareil sécuritaire auraient accordé à l’ancien président zimbabwéen Robert Mugabe, 93 ans, l’immunité de poursuites après sa démission du poste de président du Zimbabwe.

Selon une dépêche de Reuters, le nonagénaire a également été assuré de sa sécurité dans son pays d’origine, dans le cadre d’un accord qui a conduit à sa démission mardi.

Le rapport cite une source gouvernementale selon laquelle Mugabe aurait déclaré aux négociateurs qu’il voulait mourir au Zimbabwe et qu’il n’avait aucune intention de vivre en exil.

Selon Reuters et The Sowetan, si l’ancien président zimbabwéen Robert Mugabe avait laissé le processus de destitution aller de l’avant, il aurait été privé de sa pension et autres avantages liés à sa fonction d’ancien président. Mugabe bénéficierait d’une pension équivalente à son salaire de président en exercice. En 2015, lors d’une interview, il avait déclaré gagner 12 000 dollars par mois. À l’indépendance en 1980, Mugabe était Premier ministre, alors qu’il y avait un président cérémoniel, feu Canaan Banana, qui, à la retraite, gagnait 75 % du salaire du chef de l’État. « Il sera bien loti, cette constitution a été rédigée en 2013 avec la sortie de Mugabe à l’esprit », de déclarer Sam Ncube, un avocat établi à Harare.

On avait un temps parlé d'un possible exil des Mugabe en Afrique du Sud. Mais, selon l’agence sud-africaine News24, l’ex-président zimbabwéen Robert Mugabe et son épouse Grace s’exposeraient à de sérieuses difficultés s’ils venaient à se réfugier en Afrique du Sud. En effet, certains militants des droits de l'homme en Afrique du Sud pourraient les « traquer pour des crimes » qu’ils auraient commis dans les deux pays.

Mugabe dans sa période « angélique »,
lors d’une visite à Orapa (Botswana) en 83
en pleine répression au Matabeleland
Retour du « crocodile », une révolution de palais

Emmerson Mnangagwa, l’ex-vice-président déchu, devrait officiellement prendre les rênes du Zimbabwe vendredi, en tant que président intérim, succédant de facto à Robert Mugabe après sa démission historique cette semaine. Il avait déjà été désigné la fin de semaine dernière président de la Zanu-PF, le parti au pouvoir, et son candidat pour l’élection présidentielle de 2018.

L’homme de 75 ans, surnommé « le crocodile » pour son caractère inflexible et impitoyable, rejoint la guérilla indépendantiste contre le pouvoir de la minorité blanche au début des années 1960. Le nouvel homme fort du Zimbabwe avait appartenu, durant ses études, à un groupe d’agitateurs qui avait incendié la maison d’un professeur « blanc et raciste », selon les dires de Mnangagwa lui-même.

Après un séjour à l’Académie militaire d’Héliopolis, dans l’Égypte de Nasser pendant l’année 1963, il est envoyé en Chine en 1964 pour se former au marxisme, au combat et aux renseignements.
Lors de son retour au pays, un an plus tard, il est arrêté. Échappant à la peine capitale, il passe néanmoins dix ans en prison, tout comme Robert Mugabe.

Des partisans de Mnangagwa attendant son retour

Dès la prise du pouvoir du Zimbabwe en 1980 par la ZANU, Robert Mugabe lui confie d’importants postes de ministres. Ministre de la Sécurité nationale à l’indépendance, équivalent de la Sécurité de l’État, en 1980.

Selon le journal dominical sud-africain City Press, diffusé à 200 000 exemplaires et lu par quelque 2 millions de lecteurs dont 97 % de noirs : « Emmerson Mnangagwa, 75 ans, l’homme qui conduira le Zimbabwe dans son “nouvel” avenir, est le visage le plus laid de son passé. Mnangagwa était l’un des pionniers de l’appareil sécuritaire du ZANU-PF, au centre de certaines des pires atrocités du régime de Mugabe.

Dans les années 1980, quand Mugabe a voulu écraser l’opposition de la ZAPU [de Nkomo, le chef matabélé] en l’avalant à l’intérieur de ZANU, Mnangagwa était à l’avant-garde. En tant que ministre du Renseignement, il a supervisé la guerre contre les soi-disant dissidents du Matabeleland. L’offensive a entraîné la mort de plus de 22 000 personnes, pour la plupart des civils. Certains chercheurs disent que ce nombre est extrêmement conservateur et pourrait être supérieur à 100 000.

Des villages ont été rasés, des gens ont été brûlés vifs et des familles entières ont été enterrées vivantes pendant cette offensive. Cette campagne est connue sous le nom menaçant de “Gukurahundi” — [mot shona qui désigne] les averses du printemps qui lavent le sol de la paille [ou de la poussière accumulée pendant la saison sèche].

Bien que Mnangagwa et sa Central Intelligence Organisation (CIO) aient été les principaux instigateurs de ces exactions, il incrimina sans ménagement l’armée - principalement la tristement célèbre unité d’élite la 5e brigade. »

L’Occident — et au premier chef la Grande-Bretagne — choisit à l’époque de jouer l’apaisement, de ne pas sévir. Il fallait, comme le mentionnent d’anciens diplomates britanniques (voir le second documentaire Panorama ci-dessous), que le Zimbabwe soit une transition réussie, il ne fallait pas faire douter et empêcher la résolution de la situation en Afrique du Sud encore dominée par les Blancs qui craignaient le passage à un pouvoir aux mains des Noirs.

Mnangagwa  fut ensuite nommé ministre de la Justice en 1989, puis des Finances et de la Défense, le poste de vice-président lui échappe en 2004. Mais ce n’est que partie remise. Après avoir dirigé les fraudes et violences permettant à Robert Mugabe de rester au pouvoir malgré sa défaite au premier tour de la présidentielle en 2008, il accède enfin à la vice-présidence en décembre 2014. Il devient également numéro deux de la Zanu-PF, ce qui le place en première place pour succéder au président.

Emmerson Mnangagwa était un fidèle de Robert Mugabe. Il était d’ailleurs un des poids lourds de son régime. Mais le 6 novembre 2017, il sera sèchement limogé, sur injonction de la Première dame Grace Mugabe à qui il barrait la route de la succession de son mari. L’homme avait alors été forcé de quitter le Zimbabwe pour des raisons de sécurité. C’est son éviction qui a précipité, dans la nuit du 14 au 15 novembre, un coup de force de l’armée, catégoriquement opposée à l’arrivée au pouvoir de « l’incontrôlable Grace Mugabe ».



Billet du 18 novembre 

Sophie Langlois qui fut correspondante de Radio-Canada à Dakar de 2006 à 2013 s’est fendue d’un texte sur la crise au Zimbabwe. Il commence ainsi :


Selon son reportage donc, après 1980 et sous Mugabe « les Noirs ont désormais accès à l’éducation aux soins de santé » et il aurait bâti « une des plus fortes économies du continent ».


Réécriture de l’histoire

L’ennui c’est que Sophie Langlois réécrit l’histoire : elle passe sous silence les tendances autoritaires et violentes de Mugabe dès le début de sa prise de pouvoir dans les années 1980. Elle glorifie son bilan économique et social en oubliant totalement la prospérité économique de la Rhodésie avant les sanctions occidentales et la ruineuse guerre de brousse contre les guérilleros noirs à la fin des années 70.

Quelques faits...

Le 11 novembre 1965, les Blancs de la Rhodésie du Sud — 228 000 dans le pays pour 4 847 000 Noirs — dirigés par Ian Smith proclamèrent unilatéralement l’indépendance du pays en dépit des menaces de sanctions économiques et politiques. Ils rompirent ainsi avec la Grande-Bretagne et le pays prit le nom de Rhodésie. La Rhodésie du Nord était devenue pour sa part la Zambie. L’ONU vota des sanctions et un embargo total contre le régime blanc.

Cernée au nord, puis après la fin de l’empire colonial portugais à l’est, par des pays ennemis dits de « la ligne de front », la petite mais efficace armée rhodésienne résista avec pugnacité à toutes les attaques. Jusqu’au moment, où, croyant acheter sa survie, l’Afrique du Sud blanche lui coupa tout ravitaillement en carburant. Les dirigeants rhodésiens furent alors forcés de signer à Londres en 1979 les accords dits de Lancaster House. Du 27 au 29 février 1980 eurent lieu des élections.

Vote ethnique, tendance autoritaire et violente du régime Mugabe dès le départ

Le Matabeleland en rouge.
Ce fut un vote ethnique puisque les suffrages des Shonas, l’ethnie majoritaire avec 70 % de la population africaine, se portèrent sur les candidats de Robert Mugabe (lui-même Shona), tandis que les votes des 30 % de Matabélés se retrouvèrent sur les candidats de leur chef, Josuah Nkomo. La ZAPU, parti de Nkomo, ne l’avait emporté que dans le Matabeleland alors que la ZANU de Mugabe l’avait emporté dans les zones à majorité shona.

Dans le sud-ouest du pays, en zone matabélée, des troubles éclatèrent aussitôt. Les Matabélés forment un rameau de Zoulous ayant immigré d’Afrique du Sud à la fin des années 1830. Ils n’acceptaient pas de se voir dirigés par les Shonas qu’ils avaient soumis avant la venue des Blancs. Dès 1980, Mugabe désirait voir l’instauration d’un État à parti unique en convainquant la ZAPU de Nkomo de fusionner avec la ZANU pour former un seul parti qui dominerait le pays, sans opposition démocratique. Selon Ian Smith (voir la vidéo ci-dessous à 33 min 25 s), les brimades et les exactions contre les Matabélés de la ZAPU commencèrent quand Nkomo déclara son opposition à l’idée d’un État à parti unique. Au micro de la BBC en 1983, Nkomo admit diplomatiquement (44e minute de la vidéo ci-dessous) qu’il était possible que ces exactions gouvernementales fussent liées à la volonté de Mugabé d’instaurer un État centralisé à parti unique.

Des émeutes eurent lieu à Entumbane non loin de Bulawayo (en pays matabélé) à la fin 1980 (on parle de centaines de morts) et en 1981 (également quelques centaines de morts). Cette révolte fut ensuite férocement écrasée par la 5e brigade de l’armée du Zimbabwe, exclusivement composée de Shonas encadrés par des Nord-Coréens. Nkomo s’enfuit alors à Londres tandis que la guerre civile ravageait le Matabeleland de 1982 à 1987. Elle devait faire une vingtaine de milliers de morts — nettement plus selon certains chercheurs [1] — dans le plus grand silence des pays occidentaux. (Voir Preventing a Genocide in Zimbabwe, Zimbabwe: death by silence, et la résolution des Genocide Scholars : Resolution on state repression in Zimbabwe).


Émission britannique (Panorama) de mars 1983 sur les massacres au Matabeleland. En anglais, non sous-titré. Longueur : 50 minutes. On y voit Mugabe niant toute exaction au Matabeleland.


Cette guerre civile marqua donc le tout début du règne du « libérateur » Mugabe. Sophie Langlois omet de la mentionner. Est-ce pour ne pas écorner cette image de libérateur, de bâtisseur qui aurait malheureusement mal tourné quelques décennies après son triomphe initial ?


En 2002, Panorama se pencha à nouveau sur ces massacres pour condamner le silence du gouvernement anglais, sa politique d’« apaisement » (40 minutes). Silence motivé, entre autres raisons, selon Lord Howe (23e minute), ministre des affaires étrangères britannique de l’époque, par l’« avenir de l’Afrique du Sud qui était en jeu ». Il fallait que l’indépendance du Zimbabwe soit considérée un succès. Ce fait est confirmé par Sir Martin Ewans (30e minute).


Notons que si la journaliste de Radio-Canada voit facilement les choses sous l’angle du rrracisme (elle grasseye avec mépris ce mot dans ses reportages pour Radio-Canada), elle ne mentionne pas le tribalisme, élément important dans le destin récent du Zimbabwe ainsi que de nombreux pays africains. Étrange. Notons que ce tribalisme (plutôt que le rrracisme) peut aussi expliquer l’histoire de l’Afrique australe, si l’on considère les Afrikaners en tant que tribu, blanche il est vrai, mais installée en Afrique depuis près de quatre siècles, car les Hollandais s’établirent au Cap en 1652. 

Dans le reportage radio-canadien (à 1 min 5 s) qui accompagne le texte de Sophie Langlois, l’« intellectuel marxiste » Mugabe est assez habile en 1962 au micro de la CBC pour réclamer l’instauration du système d’« une personne, une voix », peu importe la couleur de peau ou la condition sociale. Il savait alors que ce système garantirait la prise du pouvoir en Rhodésie par sa propre ethnie. Cette rhétorique démocratique servait Mugabe alors qu’il briguait le soutien des pays occidentaux. Il y fut nettement moins sensible une fois sa présidence contestée.


Mugabé s’adressant à des journalistes en Afrique du Sud parmi lesquels se trouve un Blanc : « Je ne veux pas voir de visage blanc »

Rappelons que Ian Smith, le président de la Rhodésie blanche considérait que ce système n’aboutirait qu’au chaos, la corruption et l’incompétence. Il refusait en ses mots la « course folle vers le “un homme, une voix” avec toute la corruption, le népotisme, le chaos et le désastre économique auxquels nous avons assistés dans tous les pays autour de nous ». (Voir pages 152-157 de ses mémoires The Great Betrayal : The Memoirs of Ian Douglas Smith, Londres, John Blake Publishing, 1997. ) Il fallait, selon lui et les Rhodésiens blancs, mieux protéger, mieux garantir les droits de la minorité blanche avant que la majorité noire ne prenne le pouvoir par une évolution de la situation plutôt qu’une révolution.


Économie de la Rhodésie : prospère malgré les sanctions

La Rhodésie blanche jouissait d’une économie forte dans les années 60, elle était le grenier de l’Afrique. Elle enregistra chaque année un excédent commercial de 1965 à 1975, à l’exception des années de sécheresse de 1968 et de 1971. Au début des années 70, la Rhodésie connut une croissance économique assez sensible (22,6 % en 1970 par exemple, voir ci-dessous).

Héritage dilapidé

Quelques années plus tard, l’héritage laissé par les « colons » ayant été dilapidé, la faillite était totale. Depuis 1980, le « Camarade Bob » régnait donc sur ce qui fut la prospère Rhodésie dont il fit un goulag ruiné. Et pourtant, l’héritage laissé par le régime blanc était exceptionnel : le pays disposait d’excellentes infrastructures routières et ferroviaires, la population était largement alphabétisée et l’économie de type industriel avait un secteur agricole hautement compétitif. De plus, la politique des sanctions internationales avait contraint les Rhodésiens à créer une industrie de transformation. Ces sanctions ne devinrent punitives que vers 1977, avant cela l’économie rhodésienne avait régulièrement crû. En 1979, la Rhodésie blanche dépensait près de 30 % de son budget à mener une guerre de brousse contre les mouvements de guérilla dirigés par MM. Mugabé et Nkomo. 

L’essor qui suivit l’indépendance en 1980 s’explique donc en grande partie par la levée des sanctions,  la fin d’une guerre ruineuse et l’aide internationale dispensée désormais généreusement. Mais comme nous le verrons, les actions de Robert Mugabé allaient vite ruiner l’ancienne Rhodésie, pays jadis prospère et grenier de l’Afrique.

En 1995, l’augmentation de 67 % du prix du litre d’essence et de 345 % de celui du pétrole lampant utilisé pour la cuisine et l’éclairage domestique provoqua de graves émeutes dans les principales villes du pays. Leur répression fut sanglante.

En 1999 la catastrophe connut une nouvelle accélération avec l’effondrement du dollar zimbabwéen qui perdit 80 % de sa valeur face aux devises. L’inflation dépassa alors les 57 %, tandis que le prix du gallon d’essence passa de 5 à 12 dollars zimbabwéens. Quant au taux de chômage, il atteignit les 50 % Or, avec une croissance démographique de 2,8 % par an, le Zimbabwe voyait arriver chaque année des dizaines de milliers de jeunes adultes sur le marché du travail.

Tentant une manœuvre de pure démagogie alors que sa popularité déclinait, Robert Mugabe fit voter par l’Assemblée l’expropriation sans indemnité des fermiers blancs, puis il ordonna à ses militants d’occuper leurs fermes. Plusieurs fermiers furent alors massacrés et leurs femmes violées… Dans le plus total silence des bonnes âmes européennes.

Lamentable état du réseau téléphonique terrestre près des chutes Victoria (Zimbabwe) en 2013
Or, comme les trois quarts des productions agricoles industrielles et commerciales soutenant la balance des paiements du Zimbabwe, à savoir le tabac, le paprika, le coton et l’élevage, avaient pour origine les 4000 fermes encore possédées par les Blancs, le résultat de cette spoliation ne se fit pas attendre.

En 2000, ces quelque 4 000 agriculteurs commerciaux à grande échelle possédaient quelque 70 % des terres arables du Zimbabwe. Mais près des deux tiers de ces agriculteurs avaient acheté leurs fermes après 1980 et détenaient donc des titres de propriété émis non par le régime d’Ian Smith ou par le régime colonial britannique, mais par le gouvernement Mugabé. Trois ans plus tard et plusieurs meurtres de fermiers blancs et leurs familles, il ne restait déjà plus que 300 grands propriétaires blancs. La plupart des fermes expropriées furent accaparées par des amis du régime de Robert Mugabé. 

Comme le rappelait The Atlantic, « En règle générale, les fermes n’ont pas été données à des régisseurs d’exploitation agricole noirs ou à des travailleurs agricoles. En effet, en raison de leur association avec l’opposition [au régime de Robert Mugabé], plus d’un million de travailleurs agricoles et leurs familles ont été déplacés au risque de mourir de faim. En fait, les bénéficiaires des saisies de terres sont, à quelques exceptions près, des dirigeants du parti au pouvoir et des amis du président. Bien que les gens de Mugabé semblent considérer la possession de fermes comme un signe de réussite sociale (le ministre de l’Intérieur en a cinq, le ministre de l’Information en a trois, la femme de Mugabé, Grace et des dizaines de membres influents du parti et leurs parents en ont deux), cette élite n’a ni l’expérience, ni l’équipement, ni, apparemment, le désir de les gérer. Environ 130 000 paysans autrefois sans terre ont aidé les élites dirigeantes à s’emparer des fermes [souvent en saccageant les récoltes, en occupant illégalement les propriétés, en brûlant les bâtiments ou en intimidant physiquement les fermiers blancs], mais voilà que maintenant que le sale boulot est fait, beaucoup d’entre eux sont eux-mêmes expulsés. »

Comme on le voit, le miracle économique de l’ère Mugabe a consisté en un long marasme pour le citoyen moyen (le PIB/habitant n’a quasiment pas bougé depuis 37 ans, il a même un peu baissé) alors que le Botswana voisin dont le PIB/h était près de deux fois plus haut que le Zimbabwe en 1980 a désormais un PIB/habitant plus de sept fois supérieur.
Source : Indicateurs du développement dans le monde (Banque mondiale), mis à jour le 15/XI/2017



Évolution du PIB/habitant des trois pays d’Afrique australe comparé à celui du Canada. Comme on le voit ces pays sont toujours pauvres. L’Afrique du Sud et la Rhodésie, deux pays dirigés par des icônes de la lutte contre des régimes blancs (Mandela et Mugabe), ont très peu progressé pour ce qui est du revenu par tête d’habitant. Le Botswana est l’exception : c’est un pays très homogène ethniquement, à la faible population, au très riche sous-sol et qui n’a pas menacé ni spolié les blancs qui y habitent.

Dès 2001, jadis exportateur de nourriture, le Zimbabwe fut ainsi contraint de lancer un appel à l’aide internationale pour éviter la famine… Et comme 300 000 emplois avaient été perdus dans le secteur agricole et ses dérivés, le taux de chômage bondit à 65 %...

Un échantillon de billets de banque zimbabwéens imprimés entre juillet 2007 et juillet 2008 allant de 100 milliards de $ à 10 $

À la fin de l’année 2007, l’inflation avoisinait en cumulé les 100 000 %. En 2008, les prix des produits alimentaires augmentèrent de 30 à 40 % par jour et ceux des transports publics de 15 à 20 % par jour… Au mois de février 2008, l’inflation était de 165 000 %, au mois de juillet de 2,2 millions de % et le 19 août de 15 millions de % ! Début août, la canette de bière coûtait 800 milliards de dollars zimbabwéens. En avril 2009, le dollar zimbabwéen perdit toute valeur, même au Zimbabwe. Il fut en pratique remplacé par le dollar américain (95 % des échanges), le rand sud-africain (5 %). Sept autre monnaies ont cours légal au Zimbabwe, mais sont très peu utilisées.

Billet de cent billions de dollars (100 000 milliards) émis en 2009


« Accès à l’éducation » pour les Noirs après 1980 ?

Sur l’éducation des Noirs,  Sophie Langlois prétend que ce ne fut qu’avec l’arrivée de Mugabe que « les Noirs ont désormais accès à l’éducation ». C’est simplement faux ou caricatural si la journaliste prétend par là que les Noirs n’étaient pas éduqués avant 1980.

Où l’« intellectuel marxiste » Mugabe, selon les termes de la journaliste, aurait-il été formé ?

Né le 21 février 1924, fils d’un immigré du Nyassaland (Malawi actuel), Robert Mugabé grandit à la mission catholique jésuite de Kutama au nord-est de la capitale Salisbury. Cette mission était animée au début des années 30 par un Français, le père Jean-Baptiste Loubière. Le futur dictateur reçut un diplôme d’instituteur  à l’âge de 17 ans du Collège Saint-François Xavier de Kutuma (illustration ci-dessous). Ce collège fut fondé en 1914 pour accueillir des jeunes africains, il enseigne actuellement à 900 élèves. Mugabé rejoint en 1949 l’université de Fort Hare en Afrique du Sud (rraciste) pour y étudier l’anglais et l’histoire. Il en fut diplômé en 1951. Il revint alors enseigner en Rhodésie à Driefontein en 1952, à Salisbury (1953), puis à Gwelo (1954). Il mit à profit ces années d’enseignement pour obtenir par correspondance une licence en éducation auprès de l’université d’Afrique du Sud, toujours sous le régime d’apartheid donc.



Le collège Saint-François-Xavier de Kutuma (Rhodésie) fondé en 1914 et réservé aux Africains

Mugabe fréquentera ainsi l’université Fort Hare, fondée en 1916 et réservée aux Noirs. Et qui retrouve-t-on parmi les anciens élèves de cette université (alors que les Noirs n’auraient pas eu accès à l’éducation) ? Rien de moins que Nelson Mandela, Govan Mbeki et Oliver Tambo de l’ANC (Congrès national africain), parti au pouvoir aujourd’hui en Afrique du Sud depuis plus de 23 ans, Mangosuthu Buthelezi du parti zoulou de l’Inkatha, Robert Sobukwe du Congrès panafricain, l’archevêque Desmond Tutu et d’autres présidents de pays africains comme Séretsé Kama (futur Botswana), Kenneth Kaunda (future Zambie), Julius Nyéréré (future Tanzanie) et son rival matabélé, Joshua Nkomo (futur Zimbabwe).
L’ancien hall de l’université de Fort Hare (Afrique du Sud) fondée en 1916 et réservée aux étudiants africains, pépinière de dirigeants et révolutionnaires africains

Il serait moins caricatural donc de dire qu’au début des années 1970, seuls 43,5 % des enfants africains allaient à l’école en Rhodésie, mais pas toujours pour des raisons « racistes » : dans la société traditionnelle bantoue en Rhodésie les filles étaient peu scolarisées. En 2009 encore, si les filles étaient plus nombreuses (85 %) que les garçons (80 %) à terminer l’école primaire, elles étaient nettement moins nombreuses (48,8 %) à terminer l’école secondaire que les garçons (62 %).

Après la prise du pouvoir par le ZANU, le parti de Robert Mugabe, le nombre d’écoles augmenta rapidement afin de mieux desservir la jeunesse africaine (laquelle était en outre gonflée par l’afflux de familles de réfugiés politiques revenant des pays voisins). C’est ainsi que de 1979 à 1984, le nombre d’écoles primaires augmenta de 73,3 % et que le nombre d’écoles secondaires quintupla. Cependant cette rapide augmentation s’accompagna d’une baisse de la qualité moyenne due à un manque de moyens, d’infrastructures (il était coutumier de dédoubler les classes avec une série d’élèves le matin et une autre l’après-midi) et d’enseignants qualifiés. À partir de la fin des années 90, le déclin économique du Zimbabwe aura un impact négatif sur la qualité de l’éducation. En 2008, en pleine hyperinflation, le gouvernement zimbabwéen annulera même tout bonnement l’année scolaire et universitaire, car il était incapable de payer ses professeurs, l’électricité et les fournitures nécessaires. Les classes étaient restées fermées, y compris dans les universités privées...


« Je ne fais confiance en aucun homme blanc, jamais », Robert Mugabe


Florilège de citations mugabéennes (source The Independent)

Sur la Grande-Bretagne : « La Grande-Bretagne est un pays très froid, inhabitable avec de petites maisons. »

Sur les droits des homosexuels : « Cela ne vaut pas la peine d’en discuter : ceux qui commettent de tels actes sont fous, nous ne pouvons pas tolérer cela, sinon les morts se lèveront contre nous. »

Sur Hitler : « Je suis encore le Hitler de notre époque, ce Hitler n’a qu’un objectif : la justice pour son peuple, la souveraineté pour son peuple, la reconnaissance de l’indépendance de son peuple et de ses droits sur ses ressources. Si c’est cela être Hitler, laissez-moi être dix Hitler. Dix fois, c’est ce que nous défendons. »

Sur les Blancs : « Le seul homme auquel vous pouvez faire confiance est un homme blanc mort. »

Sur le fait d’être meilleur que Jésus : « Je suis mort plusieurs fois — c’est là que je fais mieux que le Christ. Christ est mort une fois et ressuscité une fois. »

Sur le cricket : « Le cricket civilise les gens et crée des gens bien élevés. Je veux que tout le monde joue au cricket au Zimbabwe, je veux que notre nation soit une nation de gentlemen. »

Sur Tony Blair : « N’est-il pas évident que la Grande-Bretagne, sous le régime de Tony Blair, a cessé de respecter la Charte des Nations Unies ? »

Sur les tactiques de Blair : « Le Royaume-Uni a embauché des gangsters homosexuels pour m’avoir. »

Sur la critique : « Seul Dieu, qui m’a nommé, peut me renvoyer - pas le MDC [un parti d’opposition], pas les Britanniques, seul Dieu me chassera ! »

Reportage de France 24 datant de janvier 2017 sur la situation économique inquiétante du Zimbabwe



Reportage de 2009, Zimbabwe : la bataille de la terre





[1] Le nombre de victimes des massacres au Matabeleland serait plus proche de 100 000 morts pour certains chercheurs selon le journal dominical très centriste City Press. City Press est aujourd’hui diffusé à 200 000 exemplaires en Afrique du Sud et en Afrique australe, il serait lu par quelque 2 millions de lecteurs, dont 97 % de noirs. Dans sa chronique de ce dimanche 19 novembre, Mondli Makhanya revient sur cet épisode sanglant et sur le rôle-clé que le nouvel homme fort du Zimbabwe a eu lors de ces massacres :

Emmerson Mnangagwa, 75 ans, l’homme qui conduira le Zimbabwe dans son « nouvel » avenir, est le visage le plus laid de son passé. Mnangagwa était l’un des pionniers de l’appareil sécuritaire du ZANU-PF, au centre de certaines des pires atrocités du régime de Mugabe.

Dans les années 1980, quand Mugabe a voulu écraser l’opposition de la ZAPU [de Nkomo, le chef matabélé] en l’avalant à l’intérieur de ZANU, Mnangagwa était à l’avant-garde. En tant que ministre du Renseignement, il a supervisé la guerre contre les soi-disant dissidents du Matabeleland. L’offensive a entraîné la mort de plus de 22 000 personnes, pour la plupart des civils. Certains chercheurs disent que ce nombre est extrêmement conservateur et pourrait être supérieur à 100 000.

Des villages ont été rasés, des gens ont été brûlés vifs et des familles entières ont été enterrées vivantes pendant cette offensive. Cette campagne est connue sous le nom menaçant de « Gukurahundi » — [mot shona qui désigne] les averses du printemps qui lavent le sol de la paille [ou de la poussière accumulée pendant la saison sèche].

Bien que Mnangagwa et sa Central Intelligence Organisation (CIO) aient été les principaux instigateurs de ces exactions, il incrimina sans ménagement l’armée - principalement la tristement célèbre unité d’élite la 5e brigade.



La francisation des immigrants au Québec est un échec

La francisation des immigrants au Québec est un échec, constate la vérificatrice générale (VG) dans un rapport rendu public jeudi.

Seul le tiers des immigrants auxquels est destiné le processus de francisation se sont inscrits aux cours offerts par le ministère de l’Immigration, entre 2010 et 2013. De plus, plusieurs s’inscrivent au cours, mais abandonnent en chemin, sans qu’aucun suivi ne soit effectué par le ministère.

Constat encore plus cinglant : plus de 90 % de ceux qui complètent le cours de francisation sont incapables de fonctionner au quotidien en français.

Selon les données de 2015, pour ce qui est de l’expression orale, seulement 9 % ont atteint le « seuil d’autonomie langagière » fixé par le ministère dirigé par David Heurtel. À l’écrit, c’est encore pire : 3,7 % ont passé le test en « compréhension écrite » et 5,3 % en « production écrite ».

Le « seuil d’autonomie langagière » est le seuil minimal de maîtrise du français déterminé pour accéder au monde du travail ou entreprendre des études postsecondaires, selon l’évaluation faite par le ministère.

Québec a injecté 74 millions de dollars dans ces programmes de francisation en 2016-2017.

Le taux d’abandon en cours de route est élevé : 18 %, entre 2012 et 2017, 31 % pour les cours avancés en 2016-2017.

D’autres s’inscrivent, mais ne se présentent jamais aux cours. La vérificatrice explique en partie ce fait par les trop longs délais d’attente entre le moment de l’inscription et le premier cours, un délai qui peut atteindre trois mois.

Dans son rapport annuel 2017-2018 déposé à l’Assemblée nationale, la vérificatrice générale, Guylaine Leclerc, note que malgré une performance fort discutable, le ministère n’a procédé à aucune évaluation de son programme de francisation au fil des ans.

Entre 2010 et 2016, environ 100 000 immigrants ont posé le pied au Québec sans connaître un mot de français, mais en s’engageant à l’apprendre.

« À partir de quel niveau d’échec, est-ce que le Premier ministre va constater qu’il y a un grave problème après 15 ans de gestion libérale de la question linguistique ? », a demandé le chef de l’opposition officielle Jean-François Lisée au Premier ministre Philippe Couillard, lors de la période de questions à l’Assemblée nationale.

« Il y a des limites au jovialisme linguistique » du Premier ministre, a-t-il ajouté, en lui demandant d’admettre que « l’échec de la francisation, c’est l’échec de son gouvernement ».

« Bien sûr qu’on peut faire mieux. Et on fera mieux », a répliqué M. Couillard.

Intégration

La vérificatrice note par ailleurs des ratés dans la gestion du ministère en ce qui a trait à l’intégration des immigrants.

Le ministère verse 9 millions de dollars par année à 86 organismes chargés d’aider les nouveaux arrivants à s’intégrer à la société québécoise. Or, on observe des lacunes dans l’analyse des besoins à combler avant de signer des ententes avec ces organismes. Le ministère signe des ententes avec les mêmes organismes, année après année, sans effectuer les contrôles nécessaires.

Bref, l’encadrement offert par le ministère au moment de conclure des ententes avec ses partenaires est qualifié d’« inapproprié » par la vérificatrice.

Le ministre de l’Immigration, David Heurtel, a pris acte des recommandations de la vérificatrice et s’est engagé à y donner suite, en effectuant une évaluation des programmes d’intégration, un suivi plus rigoureux des ententes conclues avec les partenaires et une meilleure reddition de comptes du ministère à ce chapitre.

Pour ce qui est des programmes de francisation, le ministre a annoncé un plan d’action en cinq points destiné lui aussi à corriger les écueils dénoncés par la vérificatrice générale.

Désormais, le ministère souhaite donc planifier :

  • Une connaissance plus approfondie des besoins des immigrants en matière de francisation ;
  • Une concertation plus efficace à l’échelle nationale et dans toutes les régions du Québec ;
  • Un accompagnement soutenu des clientèles et un encadrement efficace des partenaires qui offrent des services ;
  • L’implantation d’indicateurs de performance, la tenue de revues de mi-parcours des programmes et une reddition de comptes ;
  • L’évaluation et l’amélioration continue des programmes et des services.