lundi 8 mars 2021

Wokisme : « Le silence des pantoufles m'effraie plus que le bruit des bottes »

Le silence des pantoufles est plus dangereux que le bruit des bottes
attribué à Max Fritsch, Martin Niemöller, Thierry Van Humbeeck, Bertolt Brecht.

 

Pour ce qui est de l’homme de Néanderthal discriminé à tort. Il s’agissait d’une courte lettre d’un lecteur publié par le journal de référence progressiste new-yorkais.

Vous rapportez dans « Biden dénonce les États qui mettent fin à l’imposition des masques » (première page, 4 mars) que le président a comparé ces décisions à la « pensée néandertalienne ».

Le président Biden salit injustement les Néandertaliens qui cherchaient à inventer des outils de survie, et non à les rejeter.

Doyle Stevick
Columbia, Caroline du Sud


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«Le Pape François a donné quitus à ce qu'est une éradication du christianisme dans la terre qui l'a vu naître [...] Il tend une main à des gens qui sont en train d'exterminer toute présence chrétienne sur le sol dans cette région», Eric Zemmour


8 mars 2021


Thérèse Hargot: «Pour un féminisme de réconciliation avec les hommes»

En cette journée internationale des droits des femmes, la sexologue et essayiste Thérèse Hargot (ci-contre) défend sa vision du féminisme dans une lettre ouverte publiée dans Le Figaro. Thérèse Hargot est sexologue et essayiste, son dernier livre est Qu’est-ce qui pourrait sauver l’amour ? (Albin Michel, 2020).

Dans les combats féministes d’une partie des femmes de ma génération, je ne me reconnais pas. Et je m’interroge, pourquoi ? Quelle est la différence entre elles et moi ? Quand nous sommes nées, les droits de voter, étudier, travailler, divorcer, étaient acquis en France. Celui de disposer de son corps, aussi. On aurait pu saluer les victoires de nos grands-mères et de nos mères en décidant de vivre librement nos vies de femmes. 

Mais certaines d’entre nous ont CHOISI UN NOUVEAU COMBAT : les violences faites aux femmes par des hommes. Certes, ces violences, lorsqu’elles sont avérées, doivent être sanctionnées par la justice. Mais le moteur d’un certain féminisme a muté. De la dénonciation d’une inégalité en droit objective entre les femmes et les hommes jadis, on est passés à l’expérience subjective aujourd’hui. Dorénavant, pour faire partie du mouvement féministe, il est IMPORTANT d’avoir une histoire de violences sexuelles à raconter. Le mot de l’époque est devenu : « Moi aussi, j’ai été victime. »

« Ce n’est pas ta faute. Et nous te croyons », tel est l’adage féministe post-#MeToo réaffirmé à chaque gazouillis d’anonyme ou de célébrité dénonçant une agression commise par un homme. Ne jamais remettre en cause la parole d’une personne qui accuse un homme de violence est devenu un principe moral. Le droit fondamental à la présomption d’innocence est donc bafoué.

Il s’agit de donner raison à un nouveau récit féministe : la violence comme preuve de la domination masculine, la violence comme preuve de la qualité de victime par nature des femmes, des enfants, mais aussi des homosexuels, des transsexuels et plus largement de toutes celles et ceux qui ne répondent pas aux critères de la virilité. Des manifestes ont amorcé le changement voilà près de dix ans. Il y a eu, bien évidemment, la vague #MeToo en 2017 et ses prolongations actuelles avec les « #MeTooInceste », « #MeTooGay » qui ont envahi les réseaux sociaux, ces nouveaux tribunaux populaires.

Des personnalités affirment avoir été violées ou victimes d’agressions sexuelles, des sportives, des étudiantes. Pas une semaine ne passe sans une nouvelle dénonciation. Nombre de harcèlements de rue ou au travail sont aussi relatés, preuve, disent les tenantes de ce féminisme radical, que les violences sexuelles, sous différentes formes, sont absolument partout où il y a des hommes en nombre.

Peu importe, à chaque nouvelle accusation, la précision et la rigueur dans l’évocation des faits, peu importe la gravité variable de la faute qu’il appartiendra à la justice d’établir, le principe est d’accumuler les récits et de les rendre publics pour créer un mouvement politique fondé sur un sentiment collectif : le ressentiment envers les hommes.

Certes, la colère peut être saine. Elle habite le cœur de celles et ceux qui n’ont pas été respectés dans leur intégrité ou qui sont le témoin d’une atteinte à la dignité de la personne humaine. Quand elle ne s’exprime pas, par peur bien souvent de ne pas pouvoir être entendue, la colère se retourne contre la personne qui l’éprouve et se transforme en culpabilité. L’individu alors s’enferme dans le silence et intériorise la faute. C’est généralement le cas des victimes d’abus sexuels. Jusqu’au jour où leur langue se délie : une première étape vers la libération, mais assurément pas la dernière.

Ces activistes nourrissent la colère à coups de manifestations ou d’affichages sur les lieux public Or, c’est à ce moment fragile qu’une manipulation par certaines activistes peut s’opérer sournoisement. Comment ? D’abord par ce « Je te crois » faussement empathique. Qui sont-elles pour juger des actes dont elles ignorent quasi tout et prétendre, parfois, rendre la justice sur les réseaux sociaux à la place des magistrats ? Au lieu d’apprécier les faits au cas par cas, elles prennent parti par principe contre les hommes pour servir leur idéologie.

Puis, ces activistes nourrissent la colère à coups de manifestations ou d’affichages sur les lieux public. À partir de faits parfois avérés parfois non, celles-ci activistes créent une identité : celle des « victimes du patriarcat ». Répétons-le pour éviter tout malentendu : il est légitime de saisir la justice lorsqu’on s’estime victime de violences. Ce qui ne l’est pas, c’est le militantisme associatif qui entend faire taire tout souci d’exactitude et de nuance, au profit d’une sorte de vengeance collective par procuration.

Voilà pourquoi je ne me reconnais pas dans le féminisme victimaire de certaines femmes de ma génération. Laissons la justice faire son travail sereinement. Pour ma part, je me refuse à vivre dans le ressentiment. C’est infantilisant. Le ressentiment amoindrit, il nous rend incapables de paix intérieure et de liberté. Il nous empêche d’être en relation, il nous empêche d’aimer.

Être féministe, c’est décider de ne pas se considérer comme une victime par nature et reprendre la responsabilité de sa vie. Être féministe, c’est décider de ne plus déléguer sa vie aux hommes ou à une quelconque autorité et choisir son destin. Être féministe, c’est sortir de la plainte, du discours vindicatif et cultiver le bonheur. Je suis pour un féminisme qui réveille la femme puissante, courageuse, forte, sauvage, intuitive, créatrice, audacieuse, confiante, sage, libre et paisible, qui sommeille en chacune de nous ; un féminisme de la réconciliation avec les hommes.

Voir aussi

Pornographie, dérives du féminisme, contraception : entretien avec Thérèse Hargot  

France — le député Xavier Breton dénonce l’éducation affective et sexuelle à l’école [Il faut se méfier de l’ingérence de l’État dans la vie des familles]

La sexologue Thérèse Hargot : « La libération sexuelle a asservi les femmes » (et « ce discours hygiéniste est très anxiogène et inefficace : de nombreuses MST sont toujours transmises »)

Québec — La gonorrhée de plus en plus prévalente et résistante aux antibiotiques classiques (et pourtant les écoles québécoises n’ont jamais arrêté de parler de sexualité et de MST)

Québec — La gonorrhée de plus en plus prévalente et résistante aux antibiotiques classiques Le cours d’éducation sexuelle ontarien évite-t-il l’augmentation du nombre de maladies vénériennes ? (Réponse sans surprise : non)

Pourquoi les filles sages réussissent-elles ?

Qui doit enseigner la sexualité : l’État, l’école, les amis ou les parents ?

Cette violence sexuelle dont sont victimes les garçons et les hommes et que notre société refuse de voir

Selon de récentes données américaines, pas moins d’un garçon sur 6 est victime d’abus sexuels pendant son enfance et un homme sur 4 est victime d’une forme de violence sexuelle au cours de sa vie, allant du contact non désiré à la coercition et au viol. Contrairement aux idées reçues, la même culture qui fragilise les femmes face aux violences sexuelles n’avantage pas les hommes, loin de là.

Une étude menée en 2005 par les Centers for Disease Control des États-Unis, sur les membres de la société d’assurances Kaiser Permanente à San Diego, révèle que 16 % des hommes ont été victimes d’abus sexuels à l’âge de 18 ans.

Une étude nationale de 2003 sur des adultes américains indique que 14,2 % des hommes ont été victimes de violence sexuelle avant l’âge de 18 ans.

Une étude menée en 1996 auprès d’étudiants universitaires de sexe masculin dans la région de Boston a révélé que 18 % des hommes ont été victimes de violence sexuelle avant l’âge de 16 ans.

Une étude nationale de 1990 sur des adultes américains a rapporté que 16 % des hommes ont été victimes de violence sexuelle avant l’âge de 18 ans.

Ces statistiques sont probablement sous-estimées, car les hommes ayant subi de telles expériences sont moins susceptibles de les divulguer que les femmes. D’après une autre étude, seulement 16 % des hommes ayant des antécédents documentés d’abus sexuels (par les agences de services sociaux) se considéraient comme ayant été abusés sexuellement, comparativement à 64 % des femmes ayant des antécédents documentés.

Source : 1in6.org


 
Atlantico — Le débat sur les violences sexuelles faites aux femmes bat son plein en France et les révélations pleuvent. D’un autre côté, celles faites à l’encontre des hommes semblent au point mort, les cas sont-ils nombreux ?

Philippe Genuit — En France, cela existe. Ces violences vont de l’atteinte sexuelle jusqu’au viol. Dans ma clinique, j’ai rencontré un grand nombre d’hommes qui ont été abusés par des hommes adultes, mais aussi des garçons abusés par leur cousin ou leur frère. Ces abus n’ont pas d’âge et généralement ils se produisent dans la proximité familiale, cela passe par un père/beau-père abuseur, mais aussi des mères/belles-mères voire même les copines des mères. Les témoignages sont légion à ce propos. Dans certains cas, les victimes ne percevaient pas le caractère infractionnel du geste et avaient refoulé ces gestes.

Aujourd’hui, les actes commencent seulement à être abordés. Auparavant, sur le grand débat des abus sexuels, les garçons n’étaient jamais évoqués, il a fallu énormément d’initiatives et d’énergie pour que le sujet soit examiné. Les femmes ont le mouvement #MeToo ou #Balancetonporc, avec une certaine radicalisation au niveau idéologique que l’on connaît, mais pour les hommes c’est le silence.

Sébastien Boueilh — Dans mon travail de prévention des violences sexuelles, je suis allé en prison et certains détenus se sont confiés à moi. Ils ont parlé de leur viol par leurs mères entre l’âge de 5 et 8 ans. Dans de nombreux cas, ils n’en avaient jamais parlé, un homme violé par une femme ne correspond pas à l’archétype de la virilité. Les victimes sont là, le silence aussi. Dans le cadre de mon association, Le colosse aux pieds d’argile, les témoignages sont plus faciles, car elle est gérée par un homme. Ils ont moins de honte à parler et surtout en parlant de mon témoignage, mon expérience, je casse tous les codes. Ceux qui ont été victimes de viols par des femmes sont encore plus dictés par la loi du silence.

— La figure de l’homme violeur et de la femme victime dans les médias freine-t-elle la prise de parole des victimes masculines ?

Sébastien Boueilh — Les campagnes de prévention sur les violences sexuelles font majoritairement des raccourcis. Les femmes sont la plupart du temps présentées comme des victimes et les hommes dans la posture de l’agresseur. Les campagnes de sensibilisation et de prévention sont « genrées » et elles ne sont pas bénéfiques pour les victimes masculines d’agressions. Je suis la preuve que les hommes peuvent être violés. J’ai aussi des preuves montrant que les femmes sont aussi prédatrices, en dehors du cercle familial comme les nounous.

Philippe Genuit — Les hommes répriment leur expression plus souvent à cause du milieu interne que le milieu externe. Les femmes, elles-mêmes, ont mis du temps, car c’était honteux, elles se faisaient rejeter et la majorité des agressions venaient en grande majorité du milieu proche. Dans le cas des viols masculins, il y a aussi la notion de ce que doit être l’homme dans la société qui freine la révélation.

— Pourquoi la société refuse-t-elle de voir les violences sexuelles faites aux hommes comme une réalité ?

Philippe Genuit — La société a depuis longtemps, et elle continue, de freiner la mise en lumière de ces agressions. Entre les statistiques juridiques et celles faites sur les témoignages recueillis, il y a une très grande disparité. Comme actuellement il y a des figures de victimologie avec celle de la femme, celle qui a été colonisée ou celle dans les problématiques de genre, le garçon est moins écouté. Pour cette société, il n’a pas encore pris la parole pour se faire entendre, ce qui peut lui-même l’amener à se poser des questions.

Sébastien Boueilh — Pour que la société nous voie, j’ai le désir de lancer un mouvement. Les hommes aussi doivent être vus dans la rue pour faire passer leur message. Avec ce que nous avons vu sur l’inceste, les hommes sont de plus en plus stigmatisés avec le message homme-agresseur, femme victime. Ce message simpliste est fallacieux, car beaucoup de petits garçons sont victimes de femmes.

Dans tous les médias, je rappelle que le prédateur peut aussi être une prédatrice. Il faut utiliser les deux termes.

Source : Atlantico

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Prof de Sciences Po : « Le militantisme de gauche ne supporte plus ni la contradiction ni la science »

Klaus Kinzler est l’un des deux professeurs accusés d’« islamophobie » à Science-Po Grenoble.

Il dénonce le manque de soutien d’une partie de ses collègues. Assurant n’avoir « pas peur », il dit vouloir continuer à « défendre la liberté dans le milieu académique » [universitaire]. 

La tension monte au sein de l’Institut d’Études Politiques de Grenoble. Alors que ces dernières semaines ont été marquées par le débat sur « l’islamo-gauchisme » dans les universités, l’établissement est en proie à une vive polémique après les accusations d’islamophobie visant deux professeurs. Une enquête a notamment été ouverte par le parquet pour « injure publique » et « dégradation » après que les noms de ces deux professeurs ont été affichés publiquement à l’entrée de l’institution. 

« On a essayé de me punir »

Mais plus que l’attitude de ces étudiants, Klaus Kinzler fustige celle de ses collègues, dont « une bonne partie ne me soutient pas ou pas vraiment ». Ces derniers, estime-t-il, « sont très loin à gauche et ont plutôt ont des sympathies pour ceux qui défendent le terme islamophobie ».

« On a essayé de me punir », poursuit-il. « Et ce ne sont pas les étudiants, mais mes collègues, pour le fait d’avoir exprimé un avis différent de la doxa d’extrême gauche dans ce chapitre. »

Revenant sur les affiches mentionnant son nom, le professeur d’allemand assure que cela ne « l’émeut pas outre mesure ». « Les méthodes de l’UNEF et des plus extrémistes des étudiants n’ont pas changé depuis 50 ans », relativise-t-il. « Il n’y a rien de bien nouveau. » Et Klaus Kinzler, refusant tout parallèle avec la situation de Samuel Paty, assassiné au mois d’octobre. « C’est un débat entre universitaires, je ne veux pas trop dramatiser », répond-il. « Ce que je regrette, c’est que je ne sois pas soutenu par la plupart de mes collègues, qui sont plus proches de ces étudiants extrêmes que de moi, qui suis un libéral centriste convaincu depuis 40 ans. C’est ça qui m’effraie, beaucoup plus que ce qu’ont fait les étudiants. »

Il accuse le laboratoire Pacte, « affilié au CNRS », d’être à l’origine de la fatwa contre lui et son collègue. « Ils m’ont accusé de harcèlement et d’atteinte morale » en ne s’appuyant sur aucun fait.



Klaus Kinzler est professeur de civilisation et histoire allemandes et d’études européennes à l’Institut d’études politiques de Grenoble. Avant cela, il a été notamment professeur au lycée international de Grenoble, à l’Université Pierre-Mendès-France de Grenoble et principal adjoint dans un collège de la banlieue ZEP [immigrée] de Grenoble.

Sa bio sur son site. Il semble, d’après ses écrits, être un européiste de centre gauche.


Après les accusations d’islamophobie visant deux professeurs de l’IEP de Grenoble, le président de l’UNI Olivier Vial s’inquiète de la virulence de certains activistes et d’enseignants dans le monde universitaire.

Deux professeurs de l’IEP de Grenoble sont accusés d’islamophobie par des affichages sauvages à l’entrée de l’IEP de Grenoble.

« La sociologie est un sport de combat », disait Bourdieu. Appliquant la formule à la lettre, certains de ses héritiers ont transformé la recherche universitaire en pugilat dont l’objectif est d’anéantir ceux qui ne pensent pas comme eux afin de les « effacer » purement et simplement de l’espace public.

La cabale dirigée contre deux enseignants de l’Institut d’études politiques de Grenoble illustre à merveille les méthodes et les visées de ces petits Torquemada du « politiquement et scientifiquement correct ». La semaine dernière, des messages furent placardés sur les murs de Sciences Po pour dénoncer la présence supposée d’« islamophobes » et « de fascistes dans les amphis ». Les noms de deux enseignants sont ainsi livrés à la vindicte afin de les forcer à démissionner. Pour accroître la pression, des militants de gauche et d’extrême gauche vont immédiatement et massivement relayer ces accusations sur les réseaux sociaux. La chasse est lancée contre ces enseignants : deux mois de harcèlement et de dénigrements pour avoir simplement tenté d’interroger la pertinence du concept d’« islamophobie ».

Chaque année, début décembre, l’IEP organise une « semaine pour l’égalité ». L’édition 2020 souhaitait consacrer une journée intitulée « Racisme, islamophobie et antisémitisme ». L’un des enseignants incriminés fait part aux organisateurs de ses doutes quant à la place réservée au concept d’islamophobie. Prudent, il ne demande pas sa suppression. Il se contente, dans un courriel, de proposer « comme base de discussion, une journée libellée ainsi : racisme, Antisémitisme et autres formes de discriminations contemporaines (islamophobie, homophobie, misogynie…) ». Cette bien timide demande est pourtant perçue comme une déclaration de guerre par l’Union syndicale de Sciences Po (NDLR, le syndicat étudiant majoritaire née d’une scission de l’Unef avec son aile gauche). Le syndicat étudiant placarde le courriel de l’enseignant et dénonce une demande « lunaire », une « falsification historique », une « vision réactionnaire » ! Classer l’islamophobie comme une discrimination contemporaine serait une forme de révisionnisme qui viserait à invisibiliser le caractère millénaire de cette oppression.

L’enseignant propose alors d’intervenir au cours d’une table ronde pour préciser sa conception. « Cet enseignant a dit vouloir participer en tant que discutant à la table ronde dite “Racisme, islamophobie, antisémitisme” ». La semaine pour l’Égalité n’est pas la semaine de l’égalité des points de vue. Tous les points de vue ne se valent pas, nous jugeons le discours de cet enseignant intolérable », éructe le syndicat appelant « la direction à statuer sur son cas. » À ces menaces, s’ajoute un communiqué signé par la direction du Pacte, un laboratoire de recherche local qui revendique « une pensée décolonisée ». Ce dernier accuse l’enseignant, au motif qu’il remet en cause le concept d’islamophobie, de « nier, au nom d’une opinion personnelle, la validité des résultats scientifiques d’une collègue et de tout le champ auquel elle appartient ». Cette simple prise de position, qu’autrefois on appelait débattre, est désormais qualifiée par la direction de ce laboratoire de recherche « de harcèlement et une atteinte morale violente ». La force de ces activistes étudiants comme de ces universitaires est de savoir passer en un instant du statut de procureurs à celui de victimes pour fuir toute discussion et discréditer leurs adversaires.

Mais alors, si tous les points de vue ne se valent pas, qui décide de la pertinence de tel ou tel concept ? En lisant les écrits de ceux qui instruisent les procès en islamophobie, on comprend, par exemple, que l’islamophobie serait une notion « légitime » alors que « les discours qui utilisent l’expression d’“islamo-gauchisme” sont pernicieux », selon l’USSP. Pourtant, ces deux notions ont grandi dans le giron du CNRS.

Le concept d’islamo-gauchisme a été forgé, au début des années 2000, par Pierre-André Taguieff, politologue et directeur de recherche au CNRS pour décrire une réalité politique et historique : l’alliance d’une partie de la gauche avec l’islam politique. Celle-ci ne date pas d’hier. Dès 1920, Lénine organise à Bakou une conférence des peuples d’Orient au cours de laquelle un « appel au djihad » est lancé par Sultan Galiev contre l’impérialisme. Cette alliance sera à nouveau théorisée au milieu des années 1990 par Chris Harman, un responsable trotskiste, dans son livre « le prophète et le prolétaire ». Par la suite, Tariq Ramadan incarnera cette alliance à l’occasion du Sommet européen de Londres. Pourquoi ce concept serait-il moins scientifique que celui d’islamophobie qui a été popularisé au début des années 2000 par Vincent Geisser, un ancien étudiant de l’IEP de Grenoble (la pensée en circuit court), également chercheur au CNRS ? En 2003, ce sociologue publie La nouvelle islamophobie et entame une tournée de conférences sur les campus, grâce à l’aide des Étudiants musulmans de France (proche des Frères musulmans) pour faire connaître ses thèses.

Si ce n’est pas la « qualité » de celui qui crée le concept qui permet d’en garantir la scientificité, qu’est-ce que c’est ? L’unanimité de la communauté scientifique sur le sujet ? Les deux concepts font en réalité débat. La notion d’islamophobie a même fait l’objet d’une sévère et très documentée critique de la part de Philippe d’Iribarne, également directeur de recherche au CNRS.

C’est au nom d’une conception morale, politique et idéologique, que certains s’arrogent le droit d’attribuer les bons points et les ukases. Convaincus d’incarner le « Bien », comme leurs prédécesseurs pensaient incarner « le sens de l’histoire », ils estiment toujours que la fin justifie les moyens. C’est ce qui explique qu’ils n’ont pas la moindre hésitation à discréditer toute personne qui s’oppose à eux. Ainsi, quand l’enseignant incriminé a reçu le soutien de l’un de ses collègues, l’Union syndicale Sciences Po n’a pas hésité à lancer contre ce dernier un appel à dénonciation anonyme sur les réseaux sociaux pour recueillir « les propos problématiques » qu’il aurait pu tenir : l’objectif affiché est de lui retirer ses cours et de briser sa carrière.

Ces attaques permettent de tenir en respect leurs adversaires, d’en faire des exemples afin que tout le monde soit bien averti : remettre en cause l’islamophobie, c’est au mieux prendre le risque d’une carrière, voire d’une vie brisée.

Le parquet de Grenoble a ouvert une enquête pour injure publique. Des inspections ont été diligentées. Espérons que l’on saura tirer les leçons du drame qui a coûté la vie à Samuel Paty, et que les responsables de cette cabale seront sanctionnés.

Si les sciences sociales continuent à se vivre comme un sport de combat, c’est l’Université qui finira au tapis.

Universités — candidats universitaires en sciences (STIM) doivent promettre de promouvoir la diversité

On pense parfois que l’idéologie diversitaire ne touche que les sciences « molles », les sciences sociales et humaines (SSH).  

Ce n’est pas le cas, de plus en plus d’universités américaines (et canadiennes) demandent aux candidats à des postes de professeurs, de maîtres de conférence ou de chercheurs de faire accompagner leur dossier de candidature d’une lettre où ils expliquent comment ils favoriseront la « diversité » et l’« équité » (c’est-à-dire en langage woke, l’égalité des résultats — et non des chances — entre les groupes ethniques et sexuels) s’ils étaient embauchés. 

Certaines universités demandent aux candidats comment leurs travaux permettront de faire avancer les « idéaux de diversité, d’inclusion et d’équité ». Il s’agit ici de postes dans les sciences dures : le génie, la médecine, l’informatique, la chimie, la biologie et la physique. Un expert en intelligence artificielle ou en physique des matériaux ne sera embauché qu’en proclamant son adhésion à l’idéologie diversitaire et en considérant l’idéologie woke dans ses travaux scientifiques. 

Quelques exemples (suivre le lien qui suit chaque entrée pour voir les annonces complètes en anglais) :


Sciences physiques et biologiques : professeur adjoint en théorie des matériaux
Université de Californie à Santa Cruz

« Documents requis

Énoncé des contributions à la diversité, à l’équité et à l’inclusion — Énoncé traitant de votre compréhension des obstacles auxquels font face les groupes traditionnellement sous-représentés et de vos contributions passées et / ou futures à la diversité, à l’équité et à l’inclusion par le biais de l’enseignement et du service professionnel ou public. »

https://recruit.ucsc.edu/JPF00958


Nomination conjointe en neurosciences : professeur titulaire
Université du Texas à Austin

« Veuillez postuler via Interfolio (apply.interfolio.com/83383) et télécharger une lettre de motivation, un curriculum vitae, une déclaration de recherche et une déclaration décrivant les contributions du candidat à la diversité. Trois lettres de recommandation sont requises pour tous les candidats menant à la permanence. »

https://faculty.utexas.edu/career/69512


Chargé de cours temporaire (Unité 18) AY20-21 — Chimie et nanotechnologie
Institut Scripps d’océanographie

« Déclaration des contributions à la diversité — Les candidats doivent résumer leurs contributions passées ou potentielles à la diversité. Consultez notre site sur l’équité du corps professoral pour plus d’informations. »

https://apol-recruit.ucsd.edu/JPF02473


Professeur associé — Cybersécurité - École d’information
Université de Californie à Berkeley

« La diversité, l’équité et l’inclusion sont des valeurs fondamentales à l’UC Berkeley et à l’école. Notre excellence ne peut être pleinement réalisée que par les professeurs, les étudiants et le personnel qui partagent notre engagement envers ces valeurs. Les candidats retenus pour nos postes de professeurs démontreront leur engagement à faire progresser l’équité et l’inclusion. »

https://aprecruit.berkeley.edu/JPF02848


Professeur adjoint — Département de chimie
Lafayette College, Pennsylvanie

“Les candidats doivent fournir un curriculum vitae, un énoncé d’expertise pédagogique et de philosophie (1 à 2 pages), un résumé d’un programme de recherche proposé (3 à 4 pages), un énoncé de la manière dont ils contribueront à la diversité et à l’inclusion dans le département (1 à 2 pages)”

https://apply.interfolio.com/82333


Chargé de cours — Groupe Énergie et Ressources
Université de Californie à Berkeley

« Exigences relatives aux documents

Déclaration sur les contributions à la promotion de la diversité, de l’équité et de l’inclusion - Déclaration sur vos contributions à la diversité, à l’équité et à l’inclusion, y compris des informations sur votre compréhension de ces sujets, votre bilan des activités à ce jour, et vos plans et objectifs spécifiques pour faire progresser l’équité et inclusion si embauché à Berkeley »

https://aprecruit.berkeley.edu/JPF02607


Professeur adjoint de chimie biologique et de pharmacologie moléculaire
École de médecine de Harvard

« Veuillez postuler via le portail Web de Harvard [… envoyez]

C) Déclaration sur la diversité, l’inclusion et l’appartenance (2 pages maximum) »

https://academicpositions.harvard.edu/postings/10058


Professeur et doyen, Collège d’optique et de photonique
Université de Floride centrale

« Le prochain doyen du Collège d’optique et de photonique devra :

• démontrer un engagement fort à faire progresser la recherche, l’enseignement et l’apprentissage ;

• faire preuve d’une capacité et une volonté de défendre la réussite des étudiants et l’excellence du corps professoral ;

• avoir fait preuve de promotion de la diversité et de l’inclusivité ; »

https://jobs.ucf.edu/en-us/job/499986/professor-and-dean-college-of-optics-and-photonics


Professeur adjoint, Matériaux et dispositifs intelligents, Département de génie mécanique
Université de Calgary

« le candidat retenu soutiendra et contribuera à l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI) »

https://careers.ucalgary.ca/jobs/6245238-assistant-professor-smart-materials-and-devices-department-of-mechanical-and-manufacturing-engineering


Boursier universitaire pour la diversité des facultés en informatique,
Université de Caroline du Nord à Asheville

« 3) Énoncé de diversité : 1 à 2 pages décrivant : (a) votre expérience en matière de promotion de la diversité dans l’enseignement, les bourses et / ou le service ; (b) des exemples de potentiel de leadership démontré dans le domaine de l’équité et de l’inclusion ; et (c) votre compréhension de l’importance de la diversité et de l’inclusion dans la mission d’une université d’arts libéraux. »

https://g.co/kgs/AfbQZn


Doyen, Faculté des sciences
Université de Calgary

« Ce leader visionnaire est également responsable du développement du corps professoral et du personnel académique, de la supervision et de la planification du budget, du développement des fonds, des installations et de la recherche, tout en favorisant une culture d’équité, de diversité et d’inclusion pour tous les étudiants, les professeurs et le personnel. […]

Avec un engagement authentique et une compréhension percutante des principes d’équité, de diversité et d’inclusion et de l’engagement autochtone, ce leader démontre la capacité de diriger le changement. »

https://careers.ucalgary.ca/jobs/6323041-dean-faculty-of-science


Département d’aéronautique et d’astronautique, professeur associé
Université de Stanford

« Le département d’aéronautique et d’astronautique, l’école d’ingénierie et l’université de Stanford valorisent les professeurs qui s’engagent à faire progresser la diversité, l’équité et l’inclusion. Les candidats peuvent éventuellement inclure dans leur rapport de recherche ou d’enseignement une brève discussion sur la manière dont leur travail favorisera ces idéaux. »

https://aa.stanford.edu/job-openings


Certaines universités ont, en outre, adopté un politique de recrutement dédoublé pour augmenter la diversité du corps professoral. Voici comment cela fonctionne à une université de Boston.

À l’Université du Massachusetts à Boston, une université publique majoritairement minoritaire, nous avons utilisé une stratégie qui reconnaît et aborde ces deux objectifs. Lorsque les départements remplissent des postes universitaires qui nécessitent un professeur hautement spécialisé [blanc], nous leur permettons et les encourageons à proposer un deuxième poste qu’un chercheur possédant une expertise connexe, mais pas nécessairement identique peut occuper, à condition que le deuxième candidat soit issu d’un groupe sous-représenté [non blanc]. Par exemple, si un département d’histoire cherche spécifiquement à pourvoir un poste pour un spécialiste de la guerre de Sécession, le département pourrait embaucher dans ce domaine et présenter un autre historien qui se spécialise dans le Reconstruction [après la guerre de Sécession]. Si l’on cherche un chercheur principal en génie, on envisage une seconde embauche d’un chercheur moins chevronné (ou vice-versa) [d’une minorité].

Dans le cadre de cette politique, la tension entre l’embauche d’un spécialiste possédant exactement l’expertise initialement envisagée et la création d’une embauche diversifiée se transforme en une occasion.

Nous avons réservé un minimum de 20 pour cent de notre budget de recrutement de professeurs pour ce système « deux pour le prix d’un ». Les ressources afférentes sont permanentes et complètes plutôt que temporaires (par exemple, deux ou trois ans de salaire). Les départements conservent leur crédit aussi longtemps que ce chercheur diversifié est employé. Si cette personne part, le salaire revient à une « banque de diversité » et peut être réutilisé pour permettre à un autre département (ou au même) de soumissionner pour un autre poste.

Les premiers retours sont prometteurs. À l’Université du Massachusetts à Boston, l’année dernière, nos 23 embauches ont abouti à l’embauche de huit universitaires afro-américains, quatre universitaires Latinos, trois Américains d’origine asiatique, deux Américains autochtones et trois femmes en STIM. Notre expérience contraste fortement avec le bilan de nombreuses autres institutions qui font également la promotion de la diversité.

Voir aussi  

Étude sur les pressions, les sanctions, la discrimination politique et l'autocensure à l'université

Aux racines du wokisme dans les universités. Pourquoi cette crise dans les universités ?

Royaume-Uni — le gouvernement s’attaque à la censure et l’intimidation dans les universités