Depuis 15 ans, l’usage de la langue française décline à la vitesse grand V au Québec et particulièrement à Montréal, selon l’analyse d’un statisticien de renom, dans un livre-choc qui sort aujourd’hui.
« Le français dégringole à une vitesse jamais vue, alors que l’anglais tire son épingle du jeu et réussit à augmenter légèrement du point de vue de la langue la plus parlée à la maison », soutient le professeur de mathématiques retraité de l’Université d’Ottawa et chercheur statisticien Charles Castonguay, auteur du livre Le français en chute libre : la nouvelle dynamique des langues au Québec.
Depuis maintenant 50 ans, M. Castonguay analyse les résultats des recensements réalisés par Statistique Canada.
« En fait, ce qu’on peut voir depuis les 15 ou 20 dernières années, c’est comme une anglicisation du Québec. Le français recule, alors que l’anglais tient sa position et l’améliore même », estime le chercheur.
Il juge cette situation « inquiétante », car la disparition du français ferait perdre au Québec « son caractère ».
Depuis le premier recensement en 1871 jusqu’à tout récemment, « le poids du français [comme langue maternelle] a toujours été de 80 % [au Québec] ». [Alors que son poids au Canada ne fait que décliner depuis des siècles.] Mais depuis 2001, il observe un recul accéléré de cette langue au Québec.
En 2001, par exemple, 81,4 % des Québécois avaient pour langue maternelle le français. Quinze ans plus tard, en 2016, ils étaient 78 %.
Si la différence ne semble pas impressionnante à première vue, M. Castonguay affirme qu’en démographie on ne voit normalement pas autant de changement.
« Un 0,5 % sur cinq ans, c’est considéré comme un écart significatif, alors ici, c’est extrêmement rapide comme évolution », commente-t-il.
Langue d’usage
Mais l’utilisation du français au Québec dans l’usage courant est aussi en chute, explique le mathématicien.
« Le français a baissé de 2,5 points, passant de 83,1 % à 80,6 %, soit une chute à une vitesse record jusqu’à un minimum record » dans l’ensemble de la Belle Province, soutient-il.
Et c’est particulièrement à Montréal que la dégringolade est importante, note-t-il.
Entre 2001 et 2016, l’usage du français à la maison est passé de 56,4 % à 53,1 %, alors que de son côté, l’usage de l’anglais augmentait légèrement, indiquent les données de Statistique Canada.
Chez les jeunes
Selon les statistiques que le chercheur a recueillies, 80 % des jeunes adultes francophones sur l’île de Montréal disent qu’ils sont capables de soutenir une conversation en anglais, alors que leurs collègues anglophones sont 76 % à dire qu’ils sont capables de parler français.
Cela montre que l’écart se creuse et que la majorité devient de plus en plus bilingue comparativement à la minorité, croit-il.
« Certains jeunes adultes francophones disent même parler l’anglais plus souvent que le français à la maison, c’est fort ! », lance M. Castonguay.
Chez les jeunes francophones de 15 à 24 ans, l’anglicisation a même augmenté au fil des années. Pour Charles Castonguay, ce phénomène ne fera d’ailleurs qu’accélérer la présence de l’anglais dans la société dans les prochaines années.
Que faire pour sauver le français ?
Pour sauver le caractère français du Québec, il faut que les dirigeants politiques alertent la population sur le problème, mais aussi proposent de vraies solutions.
« Ni Ottawa ni Québec n’ont donné de leadership sur ce plan-là depuis une vingtaine d’années. On nous promet des choses pour le printemps, mais ça reste encore à voir », soutient M. Castonguay.
Pour le président du Mouvement Québec français, Maxime Laporte, l’analyse poussée de Charles Castonguay montre que la Charte de la langue française n’a pas eu un effet assez structurant pour garantir l’avenir du français.
« Il faut une politique linguistique renforcée maximalement, il faut une nouvelle Charte de la langue française qui soit véritablement structurante, qui fasse véritablement du français la langue des institutions et des espaces publics, de la vie en société », réclame M. Laporte.