samedi 31 janvier 2009

Pour une administration scolaire éthique

Voici une lettre ouverte de Guy Durand, théologien et juriste, spécialisé en éthique, publié dans l'Express du 28 janvier 2009.

       Mesdames et messieurs les commissaires de la commission scolaire Val-des-Cerfs, je m'intéresse depuis des années au dossier de la formation morale et religieuse à l'école. Je suis un citoyen payeur de taxe scolaire. Or je ne comprends vraiment pas votre attitude face aux demandes d'exemption pour le cours Éthique et culture religieuse (ECR).

       Il me semble que vous avez toute la latitude voulue pour admettre ces exceptions. Vous avez été élus par la population. Vous existez en partie grâce à nos taxes. Vous avez l'autonomie et la responsabilité nécessaires pour admettre des exceptions aux règles ministérielles. Vous n'êtes pas une officine du Gouvernement, que je sache. Si c'était le cas, ne serait-ce pas plus simple de changer les commissions scolaires par des bureaux régionaux du Ministère ?

       Les parents invoquent la liberté de conscience et de religion, leurs droit et responsabilité vis-à-vis l'éducation de leurs enfants. N'est-ce pas assez fondamental ? En quoi pouvez-vous objecter que le cours est « neutre », qu'il n'est pas menaçant, que les parents ont tort, qu'ils ne connaissent pas le contenu du cours, voire que l'Assemblée des évêques du Québec a donné son accord (très mitigé d'ailleurs) ? Même la Cour suprême, quand elle étudie les questions de liberté de conscience et de religion ne cherche pas à savoir si l'opinion d'un demandeur correspond à une religion spécifique, mais se base sur la seule sincérité du demandeur. Celui-ci juge-t-il que telle action ou règle porte atteinte à ses opinions profondes ?

       Dans certains milieux, on semble prêt à faire des « accommodements » pour les tenants de toutes les religions sauf les catholiques. On ne vous demande pas de vous ingérer dans la direction des écoles, mais de faire savoir que vous ne vous opposez pas aux exemptions.

       Actuellement on punit les enfants pour l'action de leurs parents. Ne trouvez-vous pas cela inconvenant sur les plans éthique et juridique ? Sur ces deux plans, d'ailleurs, la justice exige de changer le fardeau de la preuve. Au lieu de demander aux parents de prouver que le cours cause un « préjudice grave » aux enfants, on devrait accorder l'exemption sauf s'il en découle un tort grave pour les enfants ou un « coût excessif » pour l'école.

       Quant à la socialisation des enfants, en quoi le fait d'être retiré de la classe une heure par semaine pour le cours ECR la menace-t-elle ? En quoi l'exception nuit-elle à l'objectif d'une école commune inclusive. C'est plutôt le contraire qui est vrai. À la limite, certains parents pourraient même retirer leurs enfants pour les inscrire à l'école privée. S'ils en ont les moyens, évidemment ! Et voilà la question de justice sociale qui refait surface.

       Qu'attendre de vous, mesdames et messieurs de la Commission scolaire ? Que, après avoir reconsidéré l'ensemble de la question, vous aurez la lucidité et le courage de changer d'attitude et d'accepter des exemptions au cours d'ECR.



Guy Durand, professeur retraité

Dunham