jeudi 25 février 2021

Théorie du genre, décolonialisme, racialisme... Ces nouveaux dogmes qui veulent s’imposer

Le terme « wokisme » est né aux États-Unis dans le sillage du mouvement Black Lives Matters.  En France, patrie des idées, on aime à se déchirer sur les mots. Chacun a sa définition de la « laïcité », on veut retirer « race » de la Constitution, on glose sur la pertinence du terme « ensauvagement ». La polémique sur « l’islamo-gauchisme » vire, elle aussi, à la querelle sémantique. Tandis que la ministre Frédérique Vidal s’est empêtrée dans une définition floue du phénomène (« l’ensemble des radicalités qui traversent notre société », a-t-elle dit dans le JDD), de nombreux universitaires et responsables politiques de gauche en profitent pour déduire de l’imprécision du mot la preuve irréfutable qu’il s’agirait d’un fantasme. Telle il y a quelques années la « théorie du genre qui n’existait pas », l’islamo-gauchisme est discrédité comme un concept « imaginaire » (dixit les 800 universitaires qui ont signé une tribune réclamant la démission de Vidal), forgé par des « réactionnaires », qui ne renverrait à aucune réalité sociale. Et, en effet, ce terme qui domine le débat ne recoupe qu’une partie d’une dérive militante des sciences sociales qui se déploie sur plusieurs fronts.

Islamo-gauchisme

Interrogé par l’hebdomadaire Marianne, l’inventeur du terme « islamo-gauchisme », le politologue Pierre-André Taguieff affirme qu’il faut élargir l’idée d’une enquête lancée par la ministre au « statut des fausses sciences sociales calquées sur l’idéologie décoloniale, la “théorie critique de la race” et l’intersectionnalisme ». Mais que signifient tous ces termes ? Ces concepts ou champs de recherches, dont certains se veulent drapés d’une légitimité scientifique, d’autres au contraire utilisés pour désigner péjorativement l’adversaire, recoupent différentes facettes d’une puissante lame de fond qui prend sa source dans les départements des sciences sociales des facultés occidentales, et se déploie aussi en politique et dans les entreprises.

Néogauchisme

Ce qu’on pourrait appeler le « néogauchisme » — car il reprend certains mots d’ordre du gauchisme culturel des années 1970 en les radicalisant — se traduit globalement par l’abandon de la question sociale au profit de la politique des identités, du paradigme de l’exploitation pour celui de la domination, de la centralité des classes populaires vers celles de minorités sexuelles, religieuses ou ethniques, et la centralité de la race et du genre dans la recherche. Ce dévoiement militant de la science se déploie en rhizome (pour reprendre l’expression phare de la French Theory, c’est-à-dire de façon horizontale et souterraine) dans des proportions qui restent à quantifier précisément, mais qui ne sont certainement pas négligeables.

Théories de la race et du genre

L’obsession pour le genre, la race et les identités qui parcourt l’université ne tombe pas du ciel. Elle s’enracine dans un mouvement intellectuel qui remonte aux années 1970 et qu’on a appelé postmodernisme. L’abandon des grands récits (le marxisme, le tiers-mondisme, etc.), qui structuraient auparavant le militantisme progressiste, conduit au repli de l’individu sur soi et son identité. Il s’accompagne d’une évolution des sciences sociales vers le constructivisme, c’est-à-dire l’idée que les faits sociaux sont entièrement des constructions sociales. Ce constructivisme ne ferait qu’enfoncer des portes ouvertes (après tout, oui, la plupart des réalités humaines sont construites) s’il ne s’accompagnait pas d’une dimension critique : le dévoilement de la construction s’accompagne de l’impératif de la déconstruction. Suivant la méthode du philosophe Michel Foucault, il s’agit de révéler que ce qui apparaissait comme un universel est, en réalité, une construction sociale au service d’une domination.

La norme n’est plus vue comme la sédimentation du fait majoritaire, mais comme une culture dominante traduisant l’oppression, qu’il faut déconstruire pour laisser place aux minorités raciales et sexuelles. Les Lumières et l’universalisme ? Des paravents de la domination blanche. Les « cultural studies » (études culturelles), qui se répandent à l’université à partir des années 1970, reprennent cette idée et postulent le refus d’une hiérarchisation entre les cultures et les objets culturels, soutiennent que la culture ne saurait se réduire aux œuvres classiques et entreprennent de « décentrer l’Occident » au sein même de celui-ci. Les « subaltern studies » (« subalternité ») analysent les cultures des groupes sociaux longtemps dominés. Il existe même des « fat studies » (« études de la grosseur ») qui étudient la construction sociale d’une corpulence perçue péjorativement (la « grossophobie »).

Si vous n’êtes pas d’accord avec la théorie critique de la race, c’est que vous profitez du racisme : imparable ! Dans ce cadre, la théorie critique de la race (« critical race theory ») affirme que la blanchité est une construction sociale dont les Blancs n’ont pas conscience. La race est un déterminisme social que les minorités doivent se réapproprier. L’aveuglement à la race (« color blindness ») est un luxe permis par le « privilège blanc » : seuls les Blancs peuvent vivre comme si la race n’existait pas. La sociologue et « consultante diversité » américaine Robin di Angelo, auteur du succès de librairie Fragilité blanche, est typique de cette mouvance. Elle explique que les réactions négatives à la réintroduction de l’idée de race dans le débat public sont constitutives d’une « fragilité blanche », c’est-à-dire de la peur des Blancs de perdre leurs privilèges. En résumé, si vous n’êtes pas d’accord avec la théorie critique de la race, c’est que vous profitez du racisme : imparable !


La même dialectique existe dans la théorie du genre, que ses défenseurs préfèrent appeler « études de genre ». Celles-ci proclament que la différence des sexes est entièrement une construction sociale au service, cette fois-ci, non pas des blancs, mais de l’hétéropatriarcat (même si les deux vont souvent ensemble). Dans la foulée de sa principale théoricienne Judith Butler, il s’agit de jeter le « trouble dans le genre » pour libérer les minorités sexuelles de l’oppression qu’elles subissent de par l’existence de normes. L’activisme pour la minorité transgenre prend une place centrale dans ce dispositif. Les « études de genre » se veulent, elles aussi, scientifiques et affirment que ceux qui s’y opposent tirent bénéfice du « système » qu’ils cherchent à préserver. Elles se répandent dans les universités hexagonales. À Paris-VIII, le département d’études de genre est l’un des piliers de l’université. Des maîtrises en études culturelles (cultural studies) existent à l’université Paul-Valéry de Montpellier, ainsi qu’à Bordeaux-Montaigne. À Paris-III, a été ouvert une maîtrise médias, genre et cultural studies.

J'ai essayé la formation sur les « préjugés inconscients ». Une arnaque.

Un texte de Douglas Murray paru dans le Daily Telegraph du 14 février 2021.

J’ai essayé la formation sur les « préjugés inconscients ». Étonnamment, c’est du pipeau.

C’est un exercice inutile et diviseur qui doit son existence à une collaboration entre les faibles d’esprit, les opportunistes et les facilement intimidés.

Cette semaine, le patron de KPMG, Bill Michaels, a fait la une des journaux pour avoir déclaré que les formations sur les préjugés inconscients étaient « de la m**e complète ». Ou, devrais-je plutôt dire « l’ancien patron de KPMG Bill Michaels » ? Car moins d’un jour après ce commentaire, l’Australien de 52 ans a été contraint de se retirer. Après tout, où irait-on si les dirigeants des entreprises du Fortune 500 allaient à l’encontre de la doxa anticapitaliste contemporaine ? Et aucun élément de la doxa n’est aussi dogmatique que l’imposture connue sous le nom de « formation aux préjugés inconscients ».

Beaucoup de personnes lisant ces lignes auront entendu parler de cet exercice. Certains pourraient même y avoir été soumis. Au cours de la dernière année, cet exercice non scientifique a été déployé dans toute une série d’entreprises. M. Michaels était trop indulgent. La formation sur les préjugés inconscients est plus que de la m**e. C’est un tissu d’inepties. Il n’a pu être mis en place que par une collaboration entre les faibles d’esprit, les opportunistes et les facilement intimidés.

Le tout a commencé il y a 20 ans grâce à une expérience réalisée par trois universitaires de Harvard. Les universitaires ont essayé de voir si l’on pouvait observer et quantifier les préjugés inconscients que les gens ont les uns envers les autres. Au cours des deux dernières décennies, ce test rudimentaire a été effectué en ligne par des millions de personnes. Avec le temps, il est devenu la base d’une industrie, propulsé par des gens qui avancent des idées de discorde au niveau de la politique identitaire. Ces personnes croyaient ou professaient croire que l’exercice était scientifique et pouvait en fait corriger le cerveau et le comportement de quiconque avait des croyances avec lesquelles ils n’étaient pas d’accord.

Cette théorie s’est répandue comme une traînée de poudre à un tel point que, lorsque ses inventeurs ont compris quel monstre ils avaient créé, ils ont essayé de le tuer. Deux des trois universitaires responsables de Harvard ont déclaré publiquement que l’exercice ne pouvait pas être utilisé de la manière dont il était utilisé. Il y a trop de variables dans le comportement des gens au cours d’une journée, sans parler d’une période plus longue, pour quantifier ou cerner — encore moins « corriger » — les « préjugés » de quiconque.

Mais c’est là que les opportunistes interviennent. Car ces dernières années, un autre groupe a décidé de prétendre que ces tests avaient une précision millimétrique. Ils ont commencé à facturer des centaines de dollars aux gens pour leur dire qu’ils avaient des préjugés. Une arnaque juteuse. Car si quelqu’un s’y opposait, c’était simplement une preuve supplémentaire de préjugé inconscient. Le camarade Staline aurait admiré le tour de passe-passe. [Voir à ce sujet La théorie de la « fragilité blanche ».]

Mais pour que l’arnaque fonctionne, les opportunistes avaient besoin de clients : ils en trouvèrent beaucoup parmi les lâches. Car dans tout le pays, les chefs d’entreprise et les fonctionnaires, intimidés par leurs employés subalternes, se dirent que donner à chacun une formation sur les préjugés inconscients était un moyen de montrer qu’il « faisait quelque chose ». Des militants peu sincères et ignorants ont réussi à lancer un programme qui se propose non seulement d’identifier les préjugés humains, mais également de recâbler le cerveau de tout un chacun. Prétention inouïe.

J’ai moi-même passé l’un de ces tests l’année dernière. Mon cours de « formation à grande vitesse » n’a duré que quelques heures. Pour mon argent, j’ai obtenu un certificat, j’ai subi quelques heures de tentatives de reprogrammation et j’en ai beaucoup appris sur cette supercherie.

L’objectif affiché était de montrer que les préjugés et les stéréotypes existent, que nous n’en sommes pas toujours conscients et qu’il faut briser « les vieilles habitudes ». Par exemple, on nous dit que nous sommes susceptibles de promouvoir des personnes avec lesquelles nous ressentons une plus grande sympathie et que cela est mal. Une étude de cas est proposée : une personne qualifiée pour un poste et une autre personne qui est un de vos amis et n’est pas qualifiée pour postuler au même emploi. Qui devriez-vous promouvoir ? Vous serez étonné d’apprendre que la bonne réponse n’est pas « votre copain ».

Mais l’essentiel est de promouvoir l’ordre du jour diversitaire. On nous dit que les préjugés inconscients « portent atteinte à la diversité » et qu’« une main-d’œuvre diversifiée et inclusive est essentielle pour recruter les meilleurs talents, favoriser la créativité et guider les stratégies commerciales. » Ce qui devrait faire de l’ONU l’organisation la plus efficace du monde.

Tout cela est simplement affirmé, jamais prouvé. Parce qu’en faisant le test, il devient de plus en plus clair qu’il ne s’agit pas d’éducation, mais de rééducation.

On m’a averti qu’en ce qui concerne la promotion des femmes, je peux faire le mauvais choix, car « dans votre culture et lors de votre éducation, vous avez appris que la femme est la figure maternelle. » Ailleurs, on nous avertit que nous pourrions avoir un parti pris antijeune en supposant que les personnes âgées en savent plus que les jeunes. Heureusement, il existe un éventail de façons de surmonter toutes ces notions scandaleuses.

Vous serez surpris d’apprendre que la première façon est d’« investir dans la formation ». « Tous les membres du personnel devraient recevoir une formation sur les préjugés inconscients afin de savoir ce qu’il faut surveiller. » Cette formation devrait être « pour tous ». Les « valeurs fondamentales » que chacun aura alors seront claires. Nous sommes encouragés à les réciter à haute voix. Une des incantations est « Je désire une main-d’œuvre où tout le monde est égal et diversifié. »

Et voilà. Une idéologie toute faite avec des slogans prêts à l’emploi pour vous préparer à notre époque. Tout ce que cela vous coûte, c’est du travail, du temps, de l’argent et toute l’estime de soi que vous auriez pu avoir avant d’être obligé de vous y soumettre.

Voir aussi 

 La théorie de la « fragilité blanche » et des extraits du test idoine 

« La blanchité multiraciale » : comment les wokes expliquent que des non blancs votent pour Trump

Coca-Cola accusé d’avoir dit à des employés d’être «  MOINS BLANC  » pendant une formation donnée par DiAngelo, auteure/autrice/autoresse de la Fragilité blanche.

La psychologue organisationnelle Karlyn Borysenko, une militante contre la théorie critique raciale, a déclaré vendredi qu’elle avait obtenu des copies du matériel de formation d’un dénonciateur de Coca-Cola qui avait reçu un courriel  de la direction annonçant le cours. Le cours est donné en ligne, via la plateforme Linkedin Learning. Il est intitulé «Confronter le racisme, avec Robin DiAngelo», une des principales partisanes de la théorie critique de la race qui propose des séminaires d’entreprise sur la « blanchité/blanchitude et la fragilité blanche » et la «Justice raciale». Elle est connue pour facturer jusqu’à 40 000 $ pour une conférence d’une demi-journée.

 



Covid — nombre de naissances en France en janvier 2021 a chuté de 13 % par rapport à janvier 2020

Le nombre de naissances enregistrées en France en janvier a chuté de 13 % par rapport à janvier 2020. Une baisse inédite depuis 1975 qui « pourrait être liée » à la pandémie de Covid-19, a annoncé l’Insee, jeudi 25 février.

Les bébés nés en janvier 2021 ont été conçus au début du premier confinement, instauré à la mi-mars 2020. Or, « le contexte de crise sanitaire et de forte incertitude a pu décourager les couples de procréer » ou « les inciter à reporter de plusieurs mois leurs projets de parentalité », observe l’institut d’études statistiques.

La natalité est en baisse constante depuis six ans, mais la chute observée en janvier est « sans commune mesure avec les baisses qui ont pu être observées dans le passé », souligne l’Insee. « Il faut remonter à 1975, la fin du baby-boom, pour observer un phénomène de telle ampleur », ajoute-t-il. 

Or, en décembre 2020, la baisse des naissances par rapport à décembre 2019 avait déjà été « prononcée », avec -7 % sur un an. Cette double statistique mensuelle « laisse peu de doute sur le rôle important joué par le contexte de la pandémie sur cette évolution », selon l’Insee. 

Dans les mois à venir, observe l’institut, les statistiques mensuelles des naissances permettront d’évaluer si cette baisse de décembre et janvier relève d’un « phénomène ponctuel en début de pandémie », autrement dit d’un « report des projets de parentalité de quelques mois seulement ». Ou au contraire si elle marque le « début d’une tendance plus durable », qui aurait vu la crise sanitaire et économique inciter des couples à reporter durablement, voire à abandonner leur projet de concevoir un enfant. 

Les données de décembre 2020, publiées jeudi, permettent par ailleurs d’affiner — à la baisse — les premières estimations sur la natalité en France en 2020 publiées le 19 janvier par l’Insee, et qui faisaient déjà état de chiffres très bas.  

L’Insee estime désormais à seulement 735 000 le nombre de bébés nés en France en 2020 (-2,5 % en un an), un nombre qui n’avait jamais été aussi bas depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.  


Voir aussi

Le taux de natalité du Québec devrait atteindre son niveau le plus bas historique en 2020 et cela risque d'être pire en 2021... (nous n'avons toujours pas les chiffres préliminaires des naissances pour décembre 2020)

Pologne : solde démographique négatif de 129 000 personnes en 2020

La population russe diminue d’un demi-million pour la première fois en 15 ans 

France : « Le nombre de nos naissances n’a jamais été aussi bas. Il faut changer notre politique de natalité, en prenant exemple sur la Hongrie ».

Baisse de la démographie aux États-Unis en 2020

Sur fond de pandémie, la crise démographique au Japon s’accélère en 2020 

Démographie : en 2050 pour un Européen proche de 50 ans, il y aura trois Africains de moins de 30 ans [d’âge en moyenne] 

Extrême-Orient et Occident : le boum des femmes sans enfants

La fécondité israélienne (3,1 enfants/femme) contraste avec celle de l’Occident où les pays rivalisent pour les jeunes des autres pays.

Disparaître ? de Jacques Houle : Regard franc sur l’immigration

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Québec — Plus de 30 % des naissances issues d’au moins un parent né à l’étranger

 

Australie — Facebook cède, Google et Facebook passent des accords de rémunération avec divers médias australiens

Le Parlement australien a finalement adopté jeudi la loi destinée à obliger les géants du web à payer en échange de leurs contenus d'actualité et qui, depuis des mois, suscite l'attention de gouvernements du monde entier.

Première législation du genre, elle a été adoptée sans difficulté après que le gouvernement a accepté de faire des compromis sur les points auxquels l’industrie s’opposait farouchement.

Quelques jours avant ce vote, Facebook et Google avaient cependant déjà fini par passer des accords avec divers médias australiens.

Une rémunération équitable

La manière dont les deux parties ont réussi à transiger devrait, à l'avenir, servir de référence au reste de la planète, au moment où les groupes numériques sont dans le collimateur de gouvernements qui veulent les contraindre à payer les contenus médiatiques qu'ils diffusent sur leurs plateformes.

La loi va garantir aux groupes de presse, en grandes difficultés financières, une rémunération équitable en échange du contenu qu'elles génèrent, contribuant ainsi à soutenir le journalisme d'intérêt public en Australie, a affirmé le gouvernement.

Google a déjà négocié des accords portant sur des millions de dollars avec les deux principaux groupes de presse australiens : News Corp de Rupert Murdoch (voir plus détails ci-dessous), et Nine Entertainment.

De son côté, Facebook, encore plus réticent, était allé jusqu'à bloquer temporairement les contenus d'actualité pour manifester sa désapprobation. Il a fini en début de semaine par signer un premier accord avec le puissant groupe Seven West et d'autres négociations seraient en cours.

Tant que ces accords avec les médias locaux seront en vigueur, l'intervention d'un arbitre indépendant australien, susceptible de leur infliger de lourdes amendes, ne sera pas imposée aux géants du numérique.

Des milliards de dollars investis pour l’information

Les médias australiens percevront ainsi des millions de dollars de Google et Facebook. De leur côté, les géants du numérique ont ainsi la garantie de ne pas payer des sommes plus élevées que celles sur lesquelles ils se seront entendus avec les médias.

Ces accords ouvrent une brèche sur la question de la rémunération du contenu provenant de médias par ces deux géants, qui comptent parmi les entreprises les plus rentables du monde en agrégeant le contenu provenant d'autres sources.

Facebook et Google ont chacun promis d'investir environ un milliard de dollars dans les contenus d'actualité pendant les trois prochaines années.

Google a aussi promis de payer les éditeurs de presse afin d'utiliser leurs contenus dans un nouvel outil baptisé Google News Showcase, tout comme Facebook pour ceux qui apparaîtront dans News, un produit devant être déployé dans les prochains mois en Australie.

 


Leçons australiennes (au 23 février)

Un combat contre les Gafa ne peut se gagner qu’avec l’aide active des pouvoirs publics. L’État australien, exécutif et législatif réunis, a montré une détermination sans faille. Le Sénat a concocté une loi très favorable aux éditeurs de presse en introduisant un point majeur : la création d’un arbitre habilité à trancher rapidement entre les propositions des Gafa et celles des éditeurs. Et quand, à la fin de la semaine dernière, Facebook s’est rebellé en bannissant de son réseau à la fois les articles de presse et quelques services gouvernementaux de première nécessité, le Premier ministre Scott Morrisson a tapé du poing sur la table, avec à la clé une franche explication au téléphone avec Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook. La création d’un arbitre est une véritable arme de dissuasion massive. Microsoft et les éditeurs européens ont d’ailleurs lancé un appel visant à reprendre cet élément absent de la directive européenne sur les droits d’auteur et droits voisins.

Forte mobilisation et un géant

Troisième leçon, engager un tel bras de fer nécessite un front puissant du côté des éditeurs de presse. L’Australie n’est peut-être pas un « grand » pays, mais c’est la patrie de Rupert Murdoch, un géant mondial des médias qui ne craint pas les Gafa : son empire comprend les principaux journaux australiens, mais aussi américains (Wall Street Journal et New York Post) et britanniques (The Sun, The Times). Le magnat a obtenu des accords de licences avec Google (dont le montant est resté secret), non seulement pour ses journaux australiens, mais pour tous les autres à travers la planète. De son côté, le groupe Nine a signé un accord avec Google pour une rémunération de 20 millions de dollars par an sur cinq ans. Il a obtenu à lui seul plus d’argent que les 76 millions d’euros accordés par Google à l’ensemble des journaux français.

Profiter de la concurrence

Dernière leçon, il est extrêmement efficace de s’appuyer sur un tiers capable de proposer une alternative au duopole Google-Facebook. C’est le cas de Microsoft, le « M » des Gafam, qui a bien l’intention d’en découdre avec ses deux concurrents. Le groupe dirigé par Satya Nadella n’a ni la puissance du moteur de recherche Google, ni de réseaux sociaux aussi populaires de ceux du groupe Facebook (Facebook, Instagram et WhatsApp). C’est un prétendant. Son moteur de recherche Bing et son réseau social LinkedIn sont certes petits, mais ils ne veulent pas laisser le duo Google-Facebook imposer son emprise sur le marché mondial de la publicité digitale. Grignoter des parts de marché d’un gâteau qui pèse plus de 350 milliards de dollars vaut bien un petit coup de main à la presse !

Google veut partir de l’île-continent ? Qu’à cela ne tienne, Microsoft et son moteur de recherche Bing sont prêts à prendre la relève et à rémunérer les médias locaux, avec le sourire en prime. L’occasion est belle : Bing n’a que 5 % de part de marché en Australie, où Google Search est ultradominant. « C’est l’occasion pour nous de combiner affaires et bonne cause », reconnaît Brad Smith, président de Microsoft. « Nous n’avons aucun problème à proposer un service de haute qualité avec une marge moindre que celle de Google. » Le président de Microsoft va jusqu’à affirmer que « les États-Unis ne devraient pas s’opposer à cette proposition australienne qui renforce la démocratie en obligeant la tech à soutenir la liberté de la presse. Les États-Unis devraient la copier. »

Source : Figaro


Billet du 19 février

Facebook empêche distribution de nouvelles, Google s'entend avec conglomérat conservateur de nouvelles

D’après les autorités australiennes de la concurrence, Google capte 53 % des dépenses publicitaires dans le pays et Facebook 28 %, les autres acteurs du marché, dont les entreprises de presse, se partageant les maigres restes, qui s’avèrent insuffisants pour financer le journalisme.

La crise des médias a été aggravée par l’effondrement économique lié à la pandémie. En Australie, des dizaines de journaux ont fermé et des centaines de journalistes ont perdu leur emploi.

En conséquence, le gouvernement conservateur australien est résolu à mettre en œuvre son projet de loi destiné à contraindre les plateformes internet à rémunérer les médias pour la reprise de leurs contenus.

Ce projet a été adopté la semaine dernière par la Chambre des représentants et est désormais devant le Sénat.

Le site du journal The Australian (près d’un million d’abonnés sur Facebook) n’affichait plus aucune publication ce vendredi matin

 Blocage de Facebook, colère en Australie

Jeudi matin, les utilisateurs australiens de Facebook ne pouvaient plus consulter les liens d’informations provenant de médias locaux ou internationaux et les personnes vivant à l’étranger n’avaient plus accès aux informations australiennes.

Le gouvernement australien a réagi avec colère jeudi face au blocage de nombreux contenus d’actualité par Facebook dans le pays, en représailles contre un projet de loi qui entend forcer le réseau social à rémunérer les médias.

Le ministre australien des Finances Josh Frydenberg a qualifié la mesure de Facebook d’inutile, brutale qui va, selon lui, nuire à sa réputation ici en Australie.

Ce que les événements d’aujourd’hui confirment pour tous les Australiens, c’est la position dominante de ces géants dans notre économie et le paysage numérique, a-t-il ajouté, quelques heures seulement après qu’il eut affirmé, sur Twitter, avoir eu une discussion constructive avec le PDG de Facebook Mark Zuckerberg.

 

Le site du diffuseur public ABC  (près d’un million d’abonnés sur Facebook) n’affichait plus aucune publication ce vendredi matin

Plusieurs pages Facebook officielles de services de secours servant à alerter la population en cas de feux de brousse, de cyclone ou encore d’épidémie ont cessé de fonctionner.

Un porte-parole de Facebook a affirmé que les pages officielles du gouvernement ne devraient pas être touchées par les mesures de rétorsion, et il a promis le rétablissement de toutes les pages qui ont été touchées par inadvertance.

D’autres sites du pays ont également été touchés par cette mesure et leur fonctionnement redevenait normal au fil des heures.

La directrice de Human Rights Watch Australie, Elaine Pearson, a qualifié ce blocage — qui a également eu un impact sur les organisations non gouvernementales, ainsi que sur la propre page Facebook de HRW — de virage inquiétant et dangereux.

Couper l’accès à des informations vitales à tout un pays en pleine nuit est inadmissible.

Facebook a dit ne pas avoir eu d’autre choix que de mettre en place ce blocage d’informations.

Le projet de loi comprend très mal la relation entre notre plateforme et les éditeurs qui l’utilisent pour partager du contenu d’actualité, a déclaré William Easton, responsable de Facebook pour l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Elle nous place devant un choix difficile : tenter de nous conformer à une loi qui ignore les réalités de cette relation ou cesser d’autoriser les contenus d’actualité sur nos services en Australie. C’est avec le cœur lourd que nous choisissons cette dernière solution, a-t-il affirmé.

Google s’entend avec mégagroupe de presse conservateur

La réaction de Facebook contraste avec celle de Google qui a accepté mercredi de verser des sommes importantes en contrepartie des contenus du groupe de presse conservateur News Corp. de Rupert Murdoch.

Il s’agit du premier contrat de ce type signé par un grand groupe de presse. News Corp. a joué un rôle déterminant afin que le gouvernement conservateur australien s’attaque aux géants de la technologie.

Selon M. Easton, Facebook a prétendu auprès des responsables australiens que l’échange entre Facebook et les éditeurs se fait en faveur de ces derniers et génère des centaines de millions de dollars de revenus pour les groupes de presse australiens.

Malheureusement, cette législation ne fait pas cela. Elle cherche plutôt à pénaliser Facebook pour des contenus qu’il n’a pas repris ou demandés, selon lui.

L’initiative australienne est très suivie dans le monde, au moment où les médias souffrent dans une économie numérique où les revenus publicitaires sont de plus en plus captés par les grandes firmes de la technologie.

Google a changé son fusil d’épaule

À la fin janvier, Google avait menacé de supprimer sa fonction de recherche des utilisateurs australiens si la législation était adoptée, tout en parlant de cette éventualité comme du « pire scénario ».

Le géant de la technologie avait alors affirmé que la législation rendrait son service de recherche Google non rentable malgré le paiement de seulement 59 millions de dollars d’impôt sur les sociétés en Australie l’année dernière tout en déclarant des revenus supérieurs à 4 milliards de dollars.

Campbell Reid, un dirigeant du groupe de médias australien News Corp a déclaré que Google minait la capacité des organes de presse à produire du contenu, mais restait d’une « immense valeur » pour les personnes accédant à l’information. News Corp Australie est l’un des plus grands conglomérats de média australien, il emploie plus de 8 000 personnes, dont 3 000 sont journalistes.

Sénateur australien : on ne fera pas chanter l’Australie

Andrew Bragg, sénateur libéral (centre droit en Australie) et membre du comité qui se penche sur le monopole des géants de l’internet, a déclaré que « les menaces et le chantage de Google ne pouvaient pas être pris au sérieux » alors que Google n’avait pas présenté de proposition.

« Les grandes entreprises technologiques sont les compagnies ferroviaires et pétrolières du XXIe siècle. Elles ont plus de pouvoir et d’influence que toute autre organisation pour le moment », a-t-il déclaré à NCA NewsWire.

« Le fait qu’elles ne peuvent pas proposer de modèle décent avec lequel ils peuvent vivre est un terrible aveu, une véritable mise en accusation à leur encontre, cela montre à quel point elles sont devenues arrogantes. »

« Le gouvernement élu d’Australie ne va pas céder aux grands titans de la technologie. »

La Commission australienne de la concurrence et de la consommation a constaté que Google représentait 95 % du trafic de recherche en Australie, mais M. Bragg était convaincu que d’autres moteurs de recherche « combleraient le vide » si Google menait à bien sa menace.

« Google ne possède pas Internet, il y aura de l’innovation. Si des organisations veulent quitter l’Australie, c’est leur affaire. Le soleil se lèvera le lendemain », dit-il.

Mais la sénatrice des Verts Sarah Hanson-Young a déclaré que le moteur de recherche était devenu un produit utilisé au quotidien et pouvait être considéré comme un service essentiel.

« Si jamais on avait besoin d’un exemple du pouvoir immense des grandes entreprises, en voilà un », a-t-elle déclaré aux journalistes vendredi.

« C’est une entreprise qui ne paie pratiquement aucun impôt en Australie. Il entre au Parlement, siège à une enquête du Sénat et demande au Sénat de faire ce qu’elle veut ou c’est la fin de la partie ».

« C’est un échec du marché. Il est temps de réglementer les grandes technologies. »

Le corps d’un monstre avec le cerveau d’un gamin

Chris Cooper, directeur général de Reset Australia — une initiative conçue pour « contrer les menaces numériques à la démocratie », a déclaré que la présentation de Google au comité montrait que l’entreprise avait « le corps d’un monstre, mais le cerveau d’un gamin » et a exhorté le gouvernement à rester ferme.

« Lorsqu’une entreprise privée tente d’utiliser son monopole pour menacer et intimider une nation souveraine, c’est un signe infaillible qu’il aurait fallu légiférer depuis longtemps », a-t-il déclaré.

« La recherche sur Internet est nécessaire dans notre société et pour l’économie. Google profite de l’énorme avantage d’être un géant dans le domaine tout en pensant pouvoir se soustraire à sa responsabilité. Ce n’est tout simplement pas ainsi que les choses devraient fonctionner. »

M. Reid a déclaré que bien que les organes de presse australiens n’aient jamais atteint autant de lecteurs, leurs revenus diminuaient paradoxalement à mesure que les géants de la technologie faisaient ressentir leurs muscles dans ce secteur.

« Google n’a pas inventé la voiture pour remplacer le cheval et la charrette. Il ne remplace pas les services d’information par des journalistes et ne dispose pas de salles de rédaction », a-t-il déclaré.

« Il ne fournit pas les services dont il se nourrit, c’est nous qui les fournissons. »

Facebook avait également déclaré à la commission d’enquête qu’un projet visant à interdire à ses 17 millions d’utilisateurs australiens d’accéder au contenu des actualités n’était pas une menace, mais « conçu pour éclairer le processus politique ». C’est cette menace qui a été mise en œuvre jeudi.


Sources : AFP, News Corp, Sky News

États-Unis : deux écoles ne veulent plus du nom de l'explorateur français Jean Ribault

Le comté de Jacksonville en Floride propose de débaptiser plusieurs établissements, dont ceux portant le nom du navigateur qui a pris possession de la Floride en 1565. Ses descendants s’en émeuvent.

Des Amérindiens prosternés devant la célèbre colonne de Ribault, qui marque la prise de possession du territoire pour le Roi de France. Gravure — « Histoire des Amériques » par Théodore de Bry (1528-1598)

La « culture de l’effacement » (cancel culture), le mouvement idéologique qui veut invisibiliser des personnalités plus ou moins controversées, s’attaque à une figure de l’Histoire de France. La commission scolaire du comté de Jacksonville envisage de rayer du perron des écoles le nom de Jean Ribault, explorateur du XVIe siècle qui prit possession de la Floride au nom du roi Charles IX.

Dans le comté de Duval, qui englobe la métropole, neuf établissements pourraient changer de nom en mai prochain. Les six premiers portent le nom d’officiers sudistes. Les trois autres sont des figures accusées « de marginalisation systémique et du massacre des peuples autochtones ». Jean Ribault est, à ce titre, sur le banc des accusés dans une école secondaire inférieure (collège, middle school) et un lycée (high school), au même titre qu’Andrew Jackson, le 7e président américain, commandant militaire lors des « Guerres amérindiennes ».

Ashley Smith-Juarez (ci-contre), la membre du conseil scolaire qui porte cette proposition, estime que l’explorateur français a sa part de responsabilité dans la « discrimination […] qui perdure » encore aujourd’hui à l’égard des Amérindiens de la région. « Je ne le qualifie pas d’impérialiste borné, mais je continue de me demander ce que sa décision de revendiquer des terres au nom de la France […] représentait pour le peuple Timucua et si c’est quelque chose que le comté veut honorer », s’explique-t-elle sur la chaîne locale Action News Jax. Plusieurs de ses descendants qui vivent en France ont écrit une tribune publiée dans la presse locale de Floride, la semaine dernière, pour peser sur la décision. « Je le ressens comme une salissure de la mémoire de notre ancêtre, raconte Yves de Montcheuil au Figaro. Jean Ribault ne voulait pas s’installer au détriment des tribus amérindiennes. Si les Américains veulent réécrire leur Histoire, c’est leur problème, mais cet épisode de la découverte de la Floride n’a rien à voir avec ce qui s’est passé dans les siècles suivants ».

C’est un contresens historique

Jean Ribault a accosté sur les rives du nord de l’actuel Sunshine State en 1565. Il est alors missionné par l’amiral Gaspard II de Coligny, chef des protestants de France, dans le but d’établir une colonie où les huguenots pourraient trouver refuge. « Il n’a tué aucun Amérindien. Dans ses écrits il a toujours parlé d’eux de manière très positive », explique Philippe Montillet, secrétaire général association des descendants et du souvenir de Jean Ribault. « C’est un contresens historique, abonde Laurent Veyssière, historien spécialiste de la Nouvelle France. Jean Ribault a fait alliance avec trois tribus amérindiennes qui étaient en guerre contre une quatrième. S’il a combattu contre elle, ce qui n’est pas prouvé, ce fut au maximum quelques escarmouches », détaille-t-il. Globalement, le spécialiste regrette qu’un Français soit mis dans le même panier que les sanguinaires conquistadors espagnols, portugais ou que les colons anglais. « Dans l’histoire de la Nouvelle France, nous avons toujours été alliés à des autochtones », pointe-t-il.

La classe des diplômés du lycée (high school) Jean Ribault en juillet 2020
 
Jean Ribault est entré dans la postérité pour avoir érigé une colonne matérialisant la prise de possession royale qui était vénérée par les tribus locales. Jusqu’en 2016, le marin était une figure pourtant méconnue de l’histoire de la conquête de Nouveau Monde. Son navire La Trinité a été retrouvé par 8 mètres de fond au large de cap Canaveral. Petite ironie de l’histoire, il fut lui-même victime de la violence des conquistadors. « Il a été massacré par les Espagnols à cause de sa religion protestante », rappelle son descendant.

Source : Le Figaro et WCJT (Yves de Montheuil, s’y exprime en anglais à partir de la  33e minute)


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Première action de grâce en Amérique du Nord, la Floride française

Le Théâtre de la Floride

Autour de la Brève narration des événements qui arrivèrent aux Français en Floride, province d’Amérique, de Jacques Le Moyne de Morgues (1591)

Les expéditions en Floride de Jean Ribault et René de Laudonnière prennent place au début des guerres de Religion (1562-1565). Il s’agit, à l’instigation de l’amiral de Coligny, de faire pièce à l’Espagne en Amérique du Nord. Or c’est menacer la voie traditionnelle des galions qui, chaque année, rapportent l’or et l’argent d’Amérique. D’où la brutale intervention militaire de la fin de l’été 1565 et, sous l’action expéditive de l’adelantado Menéndez de Avilés, la liquidation de la colonie en quelques semaines. Les derniers survivants sont traqués, égorgés ou faits esclaves. Les estimations varient entre cinq cents et mille morts. Ce sinistre épisode a pour épilogue l’expédition de représailles menée par Dominique de Gourgues contre trois forts espagnols, dont la garnison est pendue en totalité.

L’ouvrage prend appui sur les images de Jacques Le Moyne de Morgues, les quarante-deux gravures du second volume des Grands Voyages de Théodore de Bry (1591). Pour la première fois est traduit du latin en français le récit de la colonisation, suivie de la destruction de l’établissement.

Vingt-cinq ans après, les Indiens Timucua de Floride sont représentés à travers un ensemble de références aussi tardives que disparates, qui associent à la hache des Tupinamba du Brésil des détails venus des tuniques aztèques, telles qu’elles sont figurées dans le Codex Mendoza, ou des artefacts européens comme la hotte de vendangeur. Au total, la suite floridienne est un ensemble composite, mais nostalgique d’un monde embelli par le souvenir, qui replonge par instants le spectateur dans l’Éden des origines.

Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2017, 280 pages, 35 €


Le 2 mai 2018 est parue aux éditions Delcourt une BD de Jean Dytar, intitulée « Florida ».

Voilà donc une intéressante nouvelle qui permet de constater que la geste Jean Ribault continue et cela même en dehors du contexte de l’action en justice menée par les autorités françaises et de Floride pour faire reconnaître la souveraineté de la France sur l’épave de la Trinité. Depuis lors un juge américain a donné raison. L’épave du navire retrouvée au large de Cap Canaveral appartient bel et bien à la France.

Jean Dytar bien formé et renseigné par le regretté Jean-Yves Sarazin, un des premiers qui nous avait apporté de l’aide sur la question, avant que la maladie ne l’emporte, a mené une belle enquête qui lui permet d’offrir une histoire en 228 pages. L’ouvrage est complété par de nombreuses annexes dont une postface éclairante du Professeur Frank Lestringant et la publication des planches (malheureusement en noir et blanc) des gravures de Théodore de Bry.

L’auteur prend un parti très original pour conter cette aventure de la Floride française puisqu’il se place du côté du dessinateur Le Moyne de Morgues qui a participé à la seconde expédition (celle de 1564) et qui a réussi à échapper au massacre de septembre 1565. Jena Dytar partant de là, dresse toute une histoire dans laquelle la psychologie joue son rôle. Mais il innove aussi en donnant une place importante à l’approche anglaise des essais de colonisation en Floride. Cet aspect n’avait pas été traité de cette manière, si ce n’est par Hélène Lhoumeau dans sa thèse, malheureusement toujours non publiée. Les chercheurs américains étaient plus diserts sur ce point, mais leurs travaux ne sont pas connus diffusés en France, ainsi le travail de Jean Dytar prend toute sa place dans l’historiographie consacrée à Jean Ribault.