On trouvera ci-dessous le mémoire de l'Association canadienne des libertés civiles (ACLC) soumis à la Cour suprême en avance de son apparition à l'audience qui se tiendra le 18 mai à Ottawa dans le cadre de la cause qui oppose un couple de parents de Drummondville à leur commission scolaire et au procureur général du Québec.
Ce mémoire mine certaines prétentions du ministère public du Québec notamment sur la neutralité prétendue du programme d'éthique et de culture religieuse (ECR) et sur son utilisation de la jurisprudence américaine qui, selon l'ACLC, ne peut s'appliquer en la matière. Comme les procureurs des parents, l'ACLC dénonce également le fait que le juge de première instance ait fondé sa décision controversée sur l'avis d'un théologien témoin du gouvernement pour justifier l'imposition du programme ECR sans exemption. Toutefois, l'ACLC préconise un traitement de type accommodement raisonnable et suggère qu'une demande d’exemption formulée par un parent devra toujours offrir un moyen alternatif de rencontrer les objectifs poursuivis par le gouvernement. Mais que faire si ces objectifs eux-mêmes (devenir des pluralistes normatifs ouverts sur la diversité des normes et des repères moraux) sont intolérables pour les parents ? Pour l'ACLC, il « n’est pas exclu que les objectifs poursuivis ne puissent être raisonnablement atteints que par l’enseignement universel, sans exemption aucune, des cours ECR.»
Comme nous le pressentions dans un billet précédent, la position de l'ACLC si elle devait être suivie pourrait venir renforcer le rôle de l'État, juge et partie de l'intérêt de l'enfant, et diminuer celui des parents, ravalés de plus en plus à un rôle de géniteurs et de pourvoyeurs matériels et de moins en moins d'éducateurs et de décideurs de la formation morale et philosophique de leurs enfants. Ce qui est pour le moins paradoxal pour une association dont le mandat est de protéger les libertés des citoyens contre le pouvoir de l'État.
Ce mémoire mine certaines prétentions du ministère public du Québec notamment sur la neutralité prétendue du programme d'éthique et de culture religieuse (ECR) et sur son utilisation de la jurisprudence américaine qui, selon l'ACLC, ne peut s'appliquer en la matière. Comme les procureurs des parents, l'ACLC dénonce également le fait que le juge de première instance ait fondé sa décision controversée sur l'avis d'un théologien témoin du gouvernement pour justifier l'imposition du programme ECR sans exemption. Toutefois, l'ACLC préconise un traitement de type accommodement raisonnable et suggère qu'une demande d’exemption formulée par un parent devra toujours offrir un moyen alternatif de rencontrer les objectifs poursuivis par le gouvernement. Mais que faire si ces objectifs eux-mêmes (devenir des pluralistes normatifs ouverts sur la diversité des normes et des repères moraux) sont intolérables pour les parents ? Pour l'ACLC, il « n’est pas exclu que les objectifs poursuivis ne puissent être raisonnablement atteints que par l’enseignement universel, sans exemption aucune, des cours ECR.»
Comme nous le pressentions dans un billet précédent, la position de l'ACLC si elle devait être suivie pourrait venir renforcer le rôle de l'État, juge et partie de l'intérêt de l'enfant, et diminuer celui des parents, ravalés de plus en plus à un rôle de géniteurs et de pourvoyeurs matériels et de moins en moins d'éducateurs et de décideurs de la formation morale et philosophique de leurs enfants. Ce qui est pour le moins paradoxal pour une association dont le mandat est de protéger les libertés des citoyens contre le pouvoir de l'État.
Cette partie du mémoire devait impérativement tenir en dix pages.
ASSOCIATION CANADIENNE DES LIBERTÉS CIVILES
INTRODUCTION
1. Ce pourvoi ne porte pas sur une tentative de parents de contrôler le contenu du curriculum de l’école publique au moyen de leur liberté de conscience et de religion enchâssée aux articles 2(a) de la Charte canadienne des droits et libertés (« Charte canadienne ») et 3 de la Charte des droits et libertés de la personne (« Charte québécoise »). Il vise plutôt à déterminer si le refus d’exempter des élèves des cours « éthique et culture religieuse » (les « cours ECR ») porte atteinte au droit des parents d’éduquer leurs enfants selon leurs croyances.
2. D’emblée, il est essentiel de rappeler la définition de liberté retenue par cette Cour dans R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295 [Recueil de sources de l’intimé Procureur général du Québec, ci-après R.S.I.P.G.Q., vol. 2, onglet 26] :
[94] La liberté peut se caractériser essentiellement par l'absence de coercition ou de contrainte. Si une personne est astreinte par l'état ou par la volonté d'autrui à une conduite que, sans cela, elle n'aurait pas choisi d'adopter, cette personne n'agit pas de son propre gré et on ne peut pas dire qu'elle est vraiment libre.3. Les Appelants ont été contraints par la décision de l’intimée Commission scolaire des Chênes (la « Commission ») de choisir entre retirer leurs enfants de l’école publique ou assujettir leurs enfants à une éducation qui, selon eux, banalise et dénature leurs croyances sincères. Or, conclure qu’une telle contrainte ne porte pas atteinte à la liberté de conscience et de religion aurait pour effet soit d’émacier complètement le droit des parents d’assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants, soit d’amener les tribunaux à juger du caractère offensant ou non des cours ECR pour les croyances sincères des parents. Dans les deux cas, le résultat est inacceptable et incompatible avec la jurisprudence canadienne.
4. Enfin, lorsqu’une atteinte à la liberté de conscience et de religion est démontrée, une personne est en droit de bénéficier d’un accommodement raisonnable en vertu des articles 1 de la Charte canadienne et 9.1 de la Charte québécoise dans la mesure où le gouvernement ne peut démontrer que l’objectif important qu’il poursuit est contrarié par l’octroi d’un tel accommodement.