samedi 4 janvier 2014

La liberté de l'enseignement essentielle à la démocratie

Nous avions déjà relaté en détail le colloque international sur l’éducation organisé au début décembre par l’Association des parents catholiques du Québec.

Voici quelques détails supplémentaires sur cette conférence glanés par Deborah Gyapong :

Les droits parentaux et la liberté en éducation sont essentiels à la démocratie alors que l'État cherche à exercer encore plus de pouvoir sur l'éducation des enfants, a déclaré la cofondatrice d'un mouvement d'écoles indépendantes en France.

« Nous nous retrouvons dans une situation où l'État veut accaparer tout le pouvoir, tous les droits et tous les devoirs qui reviennent normalement aux parents », d’ajouter Anne Coffinier (ci-contre), la présidente et co-fondatrice de l'association Créer son école et de la Fondation pour l'école.

[…]

Le ministère de l'Éducation de la France s’inspire d’idées du XIXe siècle qui prétendent que pour être libre il faut être « libéré de ses racines, de toute tradition, de toute loyauté et de tout lien ». « Vous ne seriez un citoyen libre, qu’une fois « tout neuf » en quelque sorte. »

Il existe aussi cette idée que la famille est le lieu d’imposition d’idées « archaïques » aux enfants et que « la mission de l'école publique est de délivrer les enfants de l'obscurantisme familial », a ajouté Mme Coffinier.

Dans cette optique, les parents sont « dangereux » en ce qu'ils rendent difficile « l’accès à la modernité » à leur progéniture.

[…]

La laïcité française cherche à bannir la religion de l’espace publique, elle est similaire à celle du Québec.

Mais « j'ai l'impression que c'est pire au Québec », a déclaré Anne Coffinier.

Des écoles catholiques indépendantes ont vu le jour en France, en dépit de son réseau scolaire catholique privé financé par l'État qui, à bien des égards, n’est que le reflet du système public : il  a ajouté la fondatrice de Créer son école. « Elles ont le même programme, le même régime pédagogique, les mêmes enseignants, les mêmes subventions, les mêmes livres et le même calendrier d'apprentissage. »

Au cours des 10 ou 15 dernières années, plus de 600 « écoles totalement indépendantes » gérées par les parents et les enseignants, « principalement catholiques » ont vu le jour en France.

Sa fondation a vu le jour pour soutenir les écoles, former des enseignants, les défendre en justice et exercer des pressions pour protéger leurs droits.

Bien que pauvres, sans aucun financement de l'État, les écoles continuent de croître en nombre : l'an dernier 37 nouvelles écoles ont ainsi vu le jour.

« Les gens réagissent et forment les écoles pour des raisons religieuses et éducatives », dit-elle. « Les gens sont déçus par les écoles et tentent de réagir pour protéger leurs enfants ».

Bien que la conférence des évêques de France dans son ensemble soit demeurée silencieuse sur la question, un certain nombre d'éminents évêques soutiennent activement le mouvement dans leurs diocèses, de préciser Mme Coffinier.

[…]

« Je pense que le problème ne se situe pas uniquement au niveau du programme ECR », a déclaré Anne Coffinier. « Le problème, c’est votre programme scolaire dans son intégralité. »

Il n'y a pas de cohérence morale ; aucune importance n’est accordée à la littérature classique, a-t-elle ajouté.

« Une école doit conserver le trésor de la civilisation, le trésor accumulé par nos ancêtres, les meilleurs, les principaux chefs-d'œuvre en français, en art, toutes ces choses doivent être transmises à la prochaine génération », dit-elle. « Il est de notre responsabilité de transmettre à nos enfants ce que nous avons reçu. »

« Maintenant, quand on regarde la situation de l'éducation au Québec, la chaîne est rompue », dit-elle. « La nouvelle génération est étrangère à la culture de son propre pays ou à de leurs propres parents. J'estime que c'est là un réel problème. »

La grande littérature et la philosophie ont été abandonnées pour des textes contemporains moins profonds, d’ajouter Mme Coffinier. « On a l'impression que le sens de la vie et la vérité sont facultatifs. On ne peut de la sorte toucher à la vérité ».

« L'école chrétienne est une école qui essaie de créer une énorme soif de Dieu, de vérité », dit-elle.

« Il est crucial, si nous voulons avoir de véritables écoles catholiques, que nous soyons très exigeants sur le plan de la littérature, de la philosophie, de l'histoire, de l’art, de tous les éléments culturels, de faire avoir un bon usage de la raison et de l'acuité culturelle qui sont essentielles si l’on veut comprendre la foi » , de conclure Mme Anne Coffinier.

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Histoire — Mandela un simple intermède, pas le plus emblématique de l'Afrique du Sud actuelle

Mark Steyn sur Mandela :

S’il n’est pas certain que Nelson Mandela ait été la figure emblématique de la nouvelle Afrique du Sud, son service commémoratif le fut certainement. On a ainsi appris quelques jours plus tard que Thamsanqa Jantjie, l’aimable et hilarant faux interprète en langage des signes qui se tenait aux côtés du président Obama et qui gesticulait absurdement à la grande joie de tous était en fait un personnage bien plus sombre. Un violent schizophrène accusé par le passé de cambriolage, de viol, d’enlèvement et d’assassinat, il a également fait partie d’une bande qui administrait le « supplice du pneu », ce supplice qui consiste à mettre un pneu autour du cou d’une victime et à y mettre le feu avec de l’essence.

Néanmoins, M. Jantjie illustrait bien l’aspect chaotique des services de sécurité du gouvernement sud-africain. [De nombreux chroniqueurs se sont penchés sur Mandela, pour la majorité de ceux-ci il était un grand homme.] La vérité c’est que beaucoup de choses ne fonctionnent tout simplement plus en Afrique du Sud. Tout aussi éloquent que le passé criminel et violent de M. Jantjie, le fait que le procureur général sud-africain ne peut affirmer de manière sûre de quelles infractions M. Jantjie a été reconnu coupable et pour le seul crime pour lequel il semble définitivement avoir été condamné, si, en fait, il a purgé sa peine.

Les premiers ministres du Commonwealth en 1944,
Churchill au milieu. Jan Smuts, debout en uniforme.
Mackenzie King du Canada, assis à gauche.

Avant les funérailles de Mandela, le dernier enterrement sud-africain à avoir attiré autant l’attention internationale fut celui du maréchal Smuts, le plus célèbre fils de l’Afrique du Sud de la période pré-apartheid et le seul homme à avoir signé un traité mettant fin à la Première Guerre mondiale et celui mettant fin à la Seconde Guerre mondiale. C’est un homme d’État désormais oublié, mais il fut longtemps le seul Sud-Africain à avoir sa statue sur la place du Parlement à Westminster jusqu’à ce qu’on y place une statue de Mandela. Ses funérailles en 1950 ont attiré un nombre comparable de spectateurs, peut-être même supérieur, à ceux de Soweto. Smuts aurait été étonné par le chaos et par l’indiscipline qui accompagnèrent l’adieu fait à Mandela soixante ans plus tard. Il aurait tenu pour acquis que l’Afrique du Sud était une nation développée du « premier monde », du même rang que les autres dominions comme le Canada et l’Australie. Ce qui sépare ces deux enterrements est, d’un côté, un progrès racial et, sur tous les autres plans, un déclin rapide.

Depuis les années 1990, l’espérance de vie a chuté en Afrique du Sud pour revenir au niveau des années Jan Smuts. L’Afrique du Sud est devenue la capitale mondiale des assassinats, avec près de 50 homicides par jour. Dans une enquête de 2011, une femme sur trois avait affirmé qu’elle avait été violée l’année précédente. L’actuel président de l’Afrique du Sud, Jacob Zuma, a été accusé d’avoir violé une femme séropositive, mais il a répondu qu’il avait pris une douche juste après pour « réduire le risque de contracter la maladie ». C’est l’un des traitements auto-administrés les plus rationnels. Les compatriotes de M. Zuma pensent généralement qu’avoir des relations sexuelles avec une vierge vous guérit du SIDA. Étant donné la raréfaction des vierges sur le terrain, cette croyance a conduit à une épidémie de viols d’enfants avec des victimes parfois âgées d’à peine huit mois.

Modeste maison de Jan Smuts (sans protection spéciale) à Doornkloof près de Prétoria
Bien sûr, on ne peut blâmer Mandela pour tout cela, ni même la plupart de cela. Dans un sens, sa présidence montre bien les limites de la théorie du grand homme dans l’histoire. Son prédécesseur, F.W. De Klerk, dernier président blanc d’Afrique du Sud, était aussi un grand et généreux homme qui a compris que le régime qu’il avait servi toute sa vie ne pouvait durer. Pourtant, avec le recul des années, il me semble que la camaraderie entre De Klerk et Mandela symbolise moins la nouvelle Afrique du Sud que leurs épouses respectives. Marike De Klerk finira assassinée ; Winnie Mandela pour sa part organisera de multiples assassinats — ou, en tout cas, c’est ce que la Commission Vérité et Réconciliation déterminera. Aucun de ces rôles n’est habituel pour une première dame américaine, pas plus qu’ils ne l’auraient été à l’époque de Smuts. Mme De Klerk a été poignardée et étranglée en 2001 par une domestique — juste un de ces 50 meurtres par jour, sans motif, rien n’a été volé. Elle a été tuée parce que c’est juste comme cela en Afrique du Sud aujourd’hui.

Maison de Mandela à Houghton près de Johannesbourg
(avec la sécurité nécessaire aujourd'hui.)

À la nouvelle de sa mort, Winnie Mandela s’est exclamée : « En tant que femme, je peux m’identifier à l’épuisement de ses ressources émotionnelles dans l’élaboration de la carrière de son ex-mari. » C’est une façon de voir les choses. Mme Mandela a fait face à son propre épuisement émotionnel en s’assurant que ses gardes du corps enlèvent Stompie Moeketsi, âgé de 14 ans, parce qu’elle le soupçonnait d’être un informateur. Ses sbires l’égorgèrent ensuite et jetèrent sa dépouille en rase campagne. Sa contribution la plus célèbre au dictionnaire des citations est une défense du « supplice du pneu » dont nous avons déjà parlé, torture infligée à d’autres noirs : « Nous libérerons ce pays avec nos boîtes d’allumettes et nos pneus ».

En fin de compte, elle n’en a jamais eu le temps. La guerre froide prit fin, Moscou était trop distrait par ses problèmes intérieurs pour penser à subvertir l’Afrique du Sud comme il l’avait fait ailleurs en Afrique. Et puis, Mandela était courtois, digne et satisfait de poursuivre lui et l’ANC la politique de capitalisme de copinage de l’ancien Parti national. Voilà vingt ans que l’Afrique du Sud actuelle vit du capital accumulé lors de son passé raciste, alors même que tous les indicateurs sociaux plongent inexorablement et qu’un cinquième de la population blanche a fui.


Vaste propriété de Jacob Zuma, le président actuel, à Nkandla avec clôtures multiples.

Jan Smuts et Nelson Mandela ne se sont rencontrés qu’une fois, quand le général est venu au collège où étudiait de Mandela pour défendre la cause de la Grande-Bretagne dans la guerre qui l’opposait à l’Allemagne. Smuts avait combattu pendant la guerre des Boers contre la Grande-Bretagne. Lui et ses camarades s’étaient farouchement accrochés à leur identité [d’Afrikaners/de Boers] pendant l’anglicisation forcée qui avait suivi leur défaite militaire. Ils seraient bien étonnés de voir à quelle vitesse une des plus tenaces cultures au monde [celle des Afrikaners] a pu être balayée [l’afrikaans est menacé en Afrique du Sud, voir ici et . Pour des raisons de cohésion sociale, certains — et non des moindres — revendiquent que l'école ne se fasse plus qu'en anglais]. La présidence bénigne de Mandela des années 1990 ressemble à un simple intermède. L’Afrique du Sud se désintègre et ce qui en reste ne prend en rien un bon chemin.

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La place des langues en Afrique du Sud depuis 1994

Histoire — Dossier sur Mandela et son héritage





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