mardi 12 juillet 2022

Prof de droit de Berkeley en Californie : dire que seules les femmes sont « capables de grossesse » est transphobe

Khiara M. Bridges, une professeure de droit de Berkeley (Californie) dit au sénateur Hawley du Missouri qu’il est transphobe pour avoir dit que seules les femmes peuvent tomber enceintes. Khiara M. Bridges a écrit de nombreux articles concernant la race, la classe, les droits reproductifs et l’intersection des trois.

Maintenir que seules les femmes peuvent tomber enceintes serait, selon elle, ouvrir la voie à la violence.

D’aucuns pourraient se demander comment cette femme est professeur de droit. Son ton est celui d’une institutrice autoritaire, d’une maîtresse d’école intolérante. Elle devrait être une source d’embarras pour l’université qui l’emploie.


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La lecture s’assèche avec la surconnexion aux écrans et aux réseaux sociaux

Les jeunes lisent de manière très « fractionnée » en raison d’un manque d’attention. Le portable cannibalise le livre.

« Tout commence dès le plus jeune âge avec la lecture du soir ou même l’écoute d’un livre audio pour apprendre à aimer lire en grandissant », Régine Hatchondo, présidente du centre national du livre.


Quelle est la durée d’attention d’un poisson rouge ? 8 secondes. Et celle d’un millénarial, cet individu « né [dans les années 1980 et 1990] avec la connexion permanente et avec un écran tactile » ? 10 minutes ? 50 secondes ? Non : 9 secondes. C’est ce que les superordinateurs de Google sont parvenus à estimer. Un chiffre édifiant que Bruno Patino a choisi pour ouvrir son excellent essai La Civilisation du poisson rouge, suivi de Tempête dans le bocal (Grasset). 
 
Comme eux, les zennials (nés entre 1998 et 2003), mais aussi tous ceux qui ont succombé à la surconnexion, « nous sommes devenus des poissons rouges, enfermés dans le bocal de nos écrans, soumis au manège de nos alertes et de nos messages instantanés ». Prises entre deux eaux de courriels et de brèves, les jeunes générations lisent-elles encore de « vrais » livres ?

D’abord, les jeunes aiment lire. Dans sa dernière étude sur les pratiques des jeunes et la lecture, parue en début d’année, le Centre national du livre (CNL) révèle que les 7-25 ans sont 84 % à aimer cette activité. Régine Hatchondo, présidente du CNL, confirme : « Le livre a bonne réputation. » Les trois quarts des 7-19 ans interrogés lisent majoritairement de la BD, des mangas et des comics. Des ouvrages qui ont leurs auteurs cultes et amènent souvent les lecteurs vers d’autres univers et cultures. Le manga s’envole quand le roman, lui, perd 11 % de lecteurs en six ans. Ce qui soulève cette question : tous les livres se valent-ils ? Y a-t-il des formes culturelles plus nobles que les autres ?

Il y a un mois de cela, la question de la lecture chez les jeunes a fait grand bruit. D’abord, au bac pro, le mot « ludique » dans un texte de Leïla Slimani a été jugé « trop compliqué » par certains lycéens. Idem avec un extrait de Jours de colère de Sylvie Germain, « trop difficile » à analyser. Après cela, l’auteur a été victime de cyberharcèlement et de menaces de mort. Un phénomène aberrant, mais qui n’est pas nouveau. Andrée Chédid en avait fait les frais, Laurent Gaudé aussi et même Victor Hugo, « ce bel enfoiré avec son Crépuscule à la con » ! Leur crime ? Trop bien écrire.


Pour Régine Hatchondo, ce problème de compréhension et de vocabulaire est à lier « avec la baisse du goût pour la littérature ». C’est donc le serpent qui se mord la queue : sans littérature, pas de vocabulaire, et sans vocabulaire, pas de littérature. Alors, comment expliquer ce long déclin du roman chez les jeunes ? D’abord, un changement de paradigme. « Ce n’est plus sur les humanités, mais sur les maths qu’on sélectionne l’élève, relève avec justesse Sylvie Octobre, sociologue au ministère de la Culture. Ces nouvelles valeurs transforment le rapport qu’on a à la littérature. » Ensuite, un changement d’époque. Irène Frain, auteur de 40 romans, prix Interallié en 2020, a été professeur pendant quinze ans. Pour elle, le coupable est très clair : le portable. « Hier, les parents se battaient avec la télévision, aujourd’hui, avec les écrans. »

Deux chiffres : les jeunes passent 3 h 14 à lire par semaine contre 3 h 50 par jour… sur un écran. Le portable cannibalise le livre. Et quand bien même les lecteurs prennent le temps de lire, ils sont 47 % à faire autre chose durant cette activité (aller sur les réseaux sociaux, regarder des vidéos). En vérité, le problème n’est pas tant « est-ce que les jeunes lisent ? » que « ont-ils le temps ? ». Les jeunes lisent, oui : 5 % de plus qu’il y a six ans, selon l’étude du CNL qui établit à 83 % les 7-19 ans qui s’adonnent à la lecture dans le cadre des loisirs. Mais ils le font de manière très « fractionnée » en raison d’un manque d’attention. Le temps s’est accéléré et raccourci. Ce qui ne devrait pas aller en s’arrangeant. 

Bruno Patino le résume très bien : « Notre temps est devenu un enjeu économique central. » Avec la surconnexion et les fils inextinguibles d’Instagram, internet ressemble à s’y méprendre au tonneau des danaïdes tandis que les géants du numérique ne cessent de « nourrir, en permanence, l’esprit d’utilisateurs qui passent à autre chose avant même d’avoir commencé à faire quelque chose », observe Bruno Patino. Pour rivaliser avec les séries, la tendance est à construire des livres sur le même modèle : chapitres très courts, effet de suspense en rafale… Mais, même là, le roman demande du temps. Surtout quand le téléphone sonne.

Bruno Patino cite Neil Postman qui, dans Se distraire à en mourir (1985), opposait les récits d’Orwell et de Huxley, 1984 et Le Meilleur des mondes, pour conclure à l’actualité de ce dernier. « 1984 décrivait un monde où les livres sont interdits, où la vérité est dissimulée, et la contrainte imposée par la violence. Huxley, quant à lui, annonçait une civilisation séduite, gavée par un torrent de contenus, rendue esclave et comme somnambule par le plaisir qu’elle s’inflige. » Dans cette dystopie, « il n’y a plus de raison d’interdire un livre, car plus personne ne veut en lire ». Bruno Patino le constate : « Nous en sommes là, noyés dans des contenus indifférenciés. »

Outre que cette surexposition aux écrans aseptise le temps, elle pose un problème de santé publique. Ainsi que le rappelle Irène Frain, une étude menée par des chercheurs de Yale montre que la lecture permettrait de gagner deux ans de vie. De quoi s’inquiéter pour l’avenir des enfants… Selon l’observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité, pendant le confinement, les moins de 6 ans ont passé 60 % de temps de plus sur les écrans, les enfants, 62 %, les adolescents, 69 %. Comment inverser cette tendance ? Pour Régine Hatchondo, « tout commence dès le plus jeune âge avec la lecture du soir ou même l’écoute d’un livre audio pour apprendre à aimer lire en grandissant ». Pour elle, « 92 % se souviennent du plaisir qu’ils avaient à écouter leur mère leur raconter des livres ».

La vraie vie retrouvée serait-elle donc la littérature ? Outre la perspective de bonnes notes, l’enrichissement du vocabulaire, l’envie de faire plaisir à ses parents, la lecture permet de retrouver de la nuance et de revenir à l’essentiel. « Sans roman, les lycéens se privent de ce qu’il y a de plus profond en eux, ce lac de beauté qui permet d’ouvrir l’esprit à une autre approche du monde, souligne Irène Frain. On peut avoir la tête tournée vers les étoiles, mais, sans romans, on est sans racines. » Le roman développe « l’imagination, abonde Régine Hatchondo, il permet de découvrir et de respecter l’altérité, de se révéler à soi-même : de construire notre humanité ». Il ralentit aussi le temps, car « il permet de se débrancher des écrans », ajoute Sylvie Octobre. C’est donc la possibilité d’une île, d’un refuge que promet le livre. Ou comme l’écrit Bruno Patino : « Paul Valéry annonçait un futur où, pour être libre, il faudrait construire des cloîtres isolés où les ondes n’entreraient pas, pour y mépriser les effets de masse, de nouveauté et de crédulité. La prophétie de l’écrivain est devenue une nécessité de civilisation ». Or, dans une société de facilité et de paresse assistée, sommes-nous prêts à faire des efforts ? Ouvre-t-on un dictionnaire sitôt qu’un mot de Victor Hugo paraît compliqué ? « Même si l’écran a été omniprésent durant la pandémie, des actions ont été entreprises pour redonner du temps aux livres », rétorque Patino. Pensons au Festival Partir en livre, aux Petits champions de la lecture, au Festival du livre de Paris… Le livre n’a pas dit son dernier mot.

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