samedi 8 octobre 2022

Faute la plus fréquente parmi les étudiants à universités : des « s » oubliés

Même si la règle est enseignée depuis le début du primaire, oublier d’ajouter un « s » au pluriel est la faute d’orthographe la plus fréquente dans les textes d’étudiants universitaires québécois.

C’est la conclusion étonnante pour certains à laquelle est parvenue Mireille Elchacar, professeure de linguistique à l’Université TÉLUQ, après avoir réalisé une étude sur la question. Pour ce carnet, c’est peut-être simplement parce que le « s » du pluriel serait le signe « grammatical » muet le plus fréquent en français (bien plus que l’accord du participe passé qui n'est qu'un cas particulier, la distinction entre participé et infinitif ou encore les homophones du type c’est/ses/sait/s’est).

« Au Québec, on parle souvent des fautes, des anglicismes, mais on n’avait pas de portrait des erreurs que les étudiants font en réalité », a-t-elle expliqué au Journal de Québec.

Pour en avoir le cœur net, Mme Elchacar (ci-contre) a analysé 400 textes, d’environ 150 à 200 mots chacun, provenant d’étudiants inscrits à un cours de maîtrise du français écrit. 

Ce cours regroupe des étudiants faibles en français, qui ont besoin d’une mise à niveau, mais aussi d’autres étudiants inscrits dans des programmes de révision de textes ou de perfectionnement en français qui peuvent aussi être très bons, précise la chercheuse.

Les plus fréquentes

L’exercice permet de démontrer que les erreurs qui reviennent le plus souvent à l’écrit sont les fautes d’orthographe. Parmi celles-ci, l’accord en nombre se retrouve en tête.

« J’ai été surprise, je pensais que les fautes seraient plus en lien avec la complexité des règles comme l’accord du participe passé », qui arrive toutefois au deuxième rang, indique Mme Elchacar.

Il s’agit d’erreurs qui « persistent » même si les étudiants avaient accès à un logiciel de correction pour rédiger ce texte. « [Ils] connaissent la règle, mais ils oublient de l’appliquer parce qu’on ne prononce pas ce “s” à l’oral. Lorsqu’on écrit, on se concentre sur le fond et ensuite il faut se relire pour la forme. Parfois, on oublie de faire cette relecture », explique la linguiste.

La majorité des phrases étaient toutefois « très bien construites » et en général, il n’y avait « pas tant de fautes que ça », précise-t-elle.

En moyenne, on en comptait 4,7 par texte, mais ce nombre n’est pas vraiment représentatif puisqu’il varie grandement d’une copie à l’autre, souligne Mme Elchacar.

14 pages de règles

Les participes passés donnent aussi du fil à retordre aux étudiants, ce qui est toutefois moins étonnant considérant leur complexité, ajoute la linguiste. « Les règles d’accord du participe passé, avec toutes les exceptions et les cas particuliers, font 14 pages dans le Grevisse », lance-t-elle à propos de cette grammaire réputée. [En fait, il s’agit de pages de règles, d’explications, de considérations historiques et d’exemples. L’emploi de la majuscule fait 20 pages dans notre Grevisse §§96 à 100, de la page 104 à la moitié de la page 124.]

Une des 14 pages de « règles » en question, comme on peut le voir il s’agit d’exemples, de notes historiques, de remarques sur l’artificialité passable de la règle avec l’auxiliaire avoir, etc.

Cette étude permet aussi de montrer que la réforme qui vise à simplifier l’accord des participes passés « cible réellement un problème dans l’orthographe », puisque ces accords « génèrent vraiment beaucoup de fautes », ajoute-t-elle.

L’an passé, l’Association québécoise des professeurs de français s’est notamment prononcée en faveur de ces modifications, qui sont toutefois loin de faire l’unanimité. Mme Elchacar est aussi favorable à cette réforme qui ne représenterait « pas du tout » un nivellement par le bas, comme l’affirment ses détracteurs.

« Notre système orthographique […] comporte beaucoup trop d’erreurs et d’irrégularités », affirme la linguiste. L’espagnol et l’allemand ont subi plusieurs rectifications au fil des ans alors que les règles entourant le français sont restées figées dans le temps, souligne-t-elle.

« En espagnol, on peut maintenant passer beaucoup plus de temps à apprendre des choses fondamentales, comme […] apprendre à mieux argumenter, alors qu’en français, on passe encore un nombre d’heures incroyable à maîtriser l’orthographe », déplore-t-elle.

Les fautes de français des étudiants universitaires québécois

  • Orthographe : 69 %
  • Ponctuation : 12 %
  • Anglicismes : 9 %
  • Vocabulaire : 2 %

L’accord en nombre (26 %)

Ex. :

Les efforts nécessaire (nécessaires)
Mon diplôme d’études secondaire (secondaires)

L’accord des participes passés (20 %)

Ex. :

Toutes les règles de grammaire que j’ai appris (apprises)
Je suis très heureuse de rédigée ce texte (rédiger)

Source : Étude réalisée par Mireille Elchacar, professeure de linguistique à l’Université TÉLUQ, à partir de 400 textes d’étudiants universitaires québécois (via Journal de Québec)