lundi 6 août 2018

Afrique du Sud — volonté de spolier les terres et d'angliciser les écoles malgré la constitution

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a paru mardi soir à la télévision pour annoncer que son parti, l’ANC, comptait amender la Constitution pour y faire entrer le principe de spoliation des fermiers blancs.


Lors d’une allocution télévisée du mardi 31 juillet, le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, qui avait promis de « rendre » les terres appartenant aux fermiers blancs depuis les années 1600 à la population noire après son entrée en fonction en février de cette année, a déclaré que le Congrès national africain (ANC) devait lancer un processus parlementaire pour apporter un amendement approprié à la Constitution. Notons le verbe « rendre », beaucoup de ces terres ont été rachetées par des Blancs depuis la fin de l’apartheid sans opposition du gouvernement, que des terres ont été concédées par des rois (Zoulous) aux Boers pour services rendus et qu’au XVIIe siècle les Hollandais (et Huguenots) n’ont pas volé les terres à des Bantous qui n’avaient pas encore atteint le Cap-Occidental. Lesquels Bantous, eux-mêmes, poussaient vers le Sud le long de la côte de l’Océan indien en en chassant, massacrant ou assimilant les populations autochtones bochimanes et hottentotes (khoïsanes). Les tribus bantoues, pastorales, ne pénétrèrent l’Afrique du Sud ni par le Namib ni par le Kalahari, deux régions désertiques. Hollandais et Bantous se rencontrèrent sur la rivière Fish, vers 1750. Soit un siècle après l’établissement des blancs au Cap.

« L’ANC va proposer un amendement de la Constitution qui précise de manière plus claire et explicite les modalités exactes de l’expropriation des terres sans compensation », a-t-il ainsi annoncé.

L’ex-homme d’affaires a fait valoir qu’« il est devenu clair que notre peuple voulait que la Constitution soit plus explicite » sur la question, considérée par la minorité blanche sud-africaine comme une expulsion forcée capable d’inciter à la violence contre les agriculteurs.

Des craintes existent cependant que l’expropriation projetée ne porte atteinte à l’agriculture commerciale en Afrique du Sud et provoque une crise de la production alimentaire, à l’instar de celle qui a frappé le Zimbabwe lorsqu’il avait pris une décision similaire envers les fermiers blancs en 1999 et 2000.

En avançant son plan de redistribution des terres en mars, le président sud-africain avait cherché à rassurer les citoyens blancs, qui représentent environ 9 % de la population totale. Cette proportion était encore de 23 % en 1911, de 19 % en 1969 et de 17,5 % en 1985. La fin de l’Apartheid fut marquée par un déclin rapide de la proportion de blancs dû à quatre principales causes : la faible natalité des Blancs depuis 50 ans, une natalité plus importante d’autres groupes ethniques (y compris les métis afrikaansophone), l’émigration importante des Blancs et l’immigration de millions de subsahariens en Afrique du Sud.

Le mois dernier, un appel du ministre australien des Affaires intérieures, Peter Dutton, à fournir des visas d’urgence pour les fermiers blancs d’Afrique du Sud menacés de persécution avait déclenché un scandale diplomatique. Le chef de file de l’opposition sud-africaine avait même qualifié l’Australie de « pays raciste » pour avoir accordé un refuge aux agriculteurs blancs à la fois pendant l’ère Mandela et aujourd’hui.

Quant au dossier scolaire, il existe une politique d’anglicisation des écoles qui enseignent encore en afrikaans. Elle a cependant connu un coup d’arrêt à la fin juillet.

Manifestations noires demandent l’anglicisation
d’une autre école afrikaans
 (Hoërskool Overvaal)
Le ministre de l’Enseignement du Gauteng (la province la plus puissante en Afrique du Sud)  et vice-président du parti au pouvoir, Panyaza Lesufi a perdu la bataille pour obliger la Hoërskool Overvaal, une école secondaire afrikaans, à accueillir 55 élèves anglophones. C’est le stratagème devenu habituel pour bilinguiser les écoles et universités afrikaans, avant de passer au seul anglais afin de ne pas créer de clivages et de divisions dans la « Nation arc-en-ciel ». Voir Uniformiser les universités de la « nation arc-en-ciel » au nom de l’« unité » ?

Dans un jugement unanime, la Cour constitutionnelle a rejeté le recours de Lesufi et a appuyé la décision du tribunal de grande instance de Pretoria. Toutefois, le numéro 2 de l’ANC semblait impénitent à la suite de cette décision. Il a ainsi déclaré : « cette décision ne remet pas en cause la politique du Ministère et le non-racialisme dans l’enseignement. » Semblant vouloir dépasser la décision du tribunal, il a ajouté : « Nous n’avons pas besoin d’un tribunal pour nous aider à construire une Afrique du Sud non raciale. Ceux qui veulent construire une société non raciale doivent le faire où ils sont ». Étant donné la virulence des extrémistes noirs de l’EFF de Julius Malema pour qui école en afrikaans équivaut à une école raciste, il y a fort à parier que la pression sur l’ANC sur ce dossier se fera de plus en plus forte. Si des obstacles juridiques empêchent l’anglicisation de toutes les écoles, il y a fort à parier que l’EFF poussera l’ANC à modifier les lois et la constitution comme il l’a fait dans le dossier des terres.

Dans ce cas-ci, le tribunal constitutionnel a même refusé d’entendre l’affaire de l’école secondaire Overvaal, affirmant que le ministère n’avait aucune chance de l’emporter. Il a également condamné le ministère de l’Éducation aux dépens.

En janvier, la Hoërskool Overvaal s’était rendue devant les tribunaux pour bloquer les tentatives du ministère de l’Éducation visant à le contraindre à admettre 55 élèves anglophones. Le tribunal a statué en la faveur de l’école.

La Cour constitutionnelle a déclaré que Lesufi n’avait pas suffisamment pris en compte la capacité d’autres écoles dans le même bassin scolaire que la Hoërskool Overvaal qui offrent déjà des classes en anglais.

Lesufi avait accusé l’école de racisme, même si elle accueille des élèves noirs et blancs.

L’école a déclaré à l’époque qu’elle ne pouvait pas se permettre d’embaucher une poignée d’enseignants d’anglais pour les 55 élèves et a demandé pourquoi les écoles anglophones voisines ne pouvaient pas les admettre. Elle a ajouté qu’elle était pleine et ne pouvait admettre d’autres élèves.

Des manifestations violentes ont éclaté dans ce dossier. Des foules de militants noirs ont manifesté à plusieurs reprises devant l’école alors que les plus tôt dans l’année. Ceci alors que les élèves étaient à l’école. Un cocktail Molotov avait été lancé sur un véhicule de police garée devant l’école, apparemment par des partisans du Congrès des étudiants sud-africains (Cosas).

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