Dans un rapport publié mercredi 17 octobre, la Cour des comptes française juge sévèrement la politique d’éducation prioritaire.
Les politiques d’éducation prioritaire mise en place par les gouvernements français ne parviennent pas à accomplir leur mission première, qui est de réduire les inégalités de départ dans la réussite scolaire des enfants. Dans un rapport publié mercredi 17 octobre, la Cour des comptes dresse un bilan négatif de cette politique de « différenciation » des moyens (comprendre nettement plus de moyens pour les banlieues immigrées), apparue en 1981 avec les « zones d’éducation prioritaire » (ZEP).
La conclusion est sans appel : l’écart de résultat au diplôme national du brevet entre un enfant scolarisé dans un collège relevant du réseau d’éducation prioritaire (REP) et un enfant d’un collège favorisé reste situé entre 20 et 30 % en français et en mathématiques alors que l’objectif est de « limiter à 10 % ces écarts de niveau ».
La Cour affirme que les dispositifs prioritaires auraient permis de les stabiliser et conjecture que la situation serait probablement plus préoccupante encore s’ils n’avaient pas existé. Mais à l’entrée en 6e (11 ans), les écarts sont déjà acquis. La Cour affirme que ces dispositifs ne sont pas pensés pour remédier à une ségrégation sociospatiale aussi forte qu’elle ne l’est aujourd’hui, à laquelle se greffe une ségrégation scolaire sans précédent soit l’évitement des établissements REP et REP+ par les parents plus nantis : aucun n’enverrait ses enfants dans ces établissements très mal considérés.
Pour Pierre Duriot, enseignant du primaire,
qui écrit dans Atlantico : « Doit-on nécessairement mettre cela sur le dos des politiques d’éducation prioritaire qui sont inefficaces ou observe-t-on aujourd’hui une forme de refus des aides que l’État propose ? Tout cela repose sur des mensonges et sur une dialectique, répétés en boucle depuis des années, sur tout ce qui touche aux zones d’éducation prioritaires. Ce sont des zones “d’exclusion et de pauvreté” : pas du tout. Ce sont des zones fort bien desservies par les transports en commun, les voies de communication, les ondes de toutes sortes. Y sont installés de nombreux commerces et services et par exemple, le PIB de la Seine–Saint-Denis est au quinzième rang national, même si le revenu net par habitant y est effectivement faible. Ces zones sont avant tout des zones à caractère ethnique, communautarisées et sous les coupes d’un islam plus ou moins radical et des gangs liés à la drogue, au banditisme ou à la prostitution. Gérard Collomb, lors de son départ du Ministère de l’Intérieur, a été très clair sur ce sujet. “La délinquance est liée à la pauvreté” : c’est encore faux. Si tel était le cas, la Creuse, la Nièvre ou la Lozère, les départements les plus pauvres, seraient des coupe-gorges. La délinquance est liée à la présence d’argent, en particulier d’argent sale, on ne vole rien chez les pauvres. Également, à la concentration d’une population fort connue, majoritaire dans ces quartiers, où l’on constate que les services de l’État, policiers, pompiers, ne se rendent plus qu’en force et avec gilets pare-balles. Mais le sujet doit être évoqué à demi-mot, alors même qu’il crève les yeux. “Les désordres sont le fait d’une minorité” : encore faux. Si tel était le cas, le problème serait réglé depuis longtemps. Non, sur ces zones, sur le sujet de l’islam des quartiers, le gouvernement dispose de statistiques certes peu connues, mais fiables. Depuis un audit sur la réussite au bac des jeunes hommes issus de l’immigration, on sait que les Asiatiques font bien mieux que la population générale, à 80 % d’une génération, contre 55/60 % pour la population ordinaire, mais autour de 30 % pour les Maghrébins et les Turcs. On sait aussi qu’une bonne soixantaine de pour cent des musulmans considèrent leurs préceptes culturels et religieux comme plus importants que ceux de la République. On a des expériences désastreuses comme le lycée Gallieni de Toulouse. Plus loin dans le temps, on a eu Creil et ses foulards, on a eu l’IUT de Saint-Denis. On connaît les phénomènes de harcèlement au voile et ainsi de suite. Autant de signes qui sont des indicateurs et dont on aurait dû tenir compte et avec lesquels on n’a rien fait. Il est donc fort logique qu’on ne puisse résoudre, avec de l’argent, un problème dont on est incapable de poser correctement l’énoncé. »
Pour Barbara Lefebvre, professeur dans le secondaire et coauteur avec Georges Bensoussan de
Les Territoires perdus de la République et d’
Une France soumise : « . Des analyses sur l’inefficacité des dispositifs de l’éducation prioritaire — inventée par la gauche mitterrandienne — on en a déjà lu. La dernière en date venait le Conseil national d’évaluation du système scolaire que M. Blanquer voudrait hélas, paraît-il, supprimer. En 2016, cette autorité indépendante a proposé une bonne analyse-bilan de cette politique de discrimination positive : en dépit de réussites locales, le Cnesco observait une mise en œuvre à l’échelle nationale insuffisante qui n’a donné aucun résultat tangible pour réduire les inégalités sociales ce qui était l’objectif annoncé par cette politique dès 1981. Le seul problème dans l’analyse du Cnesco c’est qu’il s’arrête au milieu du guet en se félicitant que l’éducation prioritaire a permis de poser un diagnostic. Tant d’argent dépensé pendant trente ans pour constater qu’il y a des inégalités scolaires qui recouvrent peu ou prou les inégalités socio-économiques ; “tout ça pour ça ?” serait-on tenté de dire. »
M
me Lefebvre poursuit : « La crise est générale, je l’ai constatée dans tous les établissements que j’ai fréquentés, ZEP ou non. C’est avant toute chose une crise de sens : les finalités du système éducatif ne font pas l’objet d’un vrai consensus. Pour toutes nos élites dirigeantes, depuis au moins trois décennies, l’école n’a plus au fond qu’une mission utilitaire : elle doit être efficace pour former des actifs adaptés à la loi du Marché mondialisé. Le gouvernement actuel l’assume au moins plus franchement que ses prédécesseurs qui ne le disaient pas publiquement, mais laissèrent l’école de la République aux mains des [gestionnaires publics], qui ne [sont] guère plus humains que [les gestionnaires] du privé. »
Pourtant, pour M
me Lefebvre et M. Brighelli (voir vidéo ci-dessous), on ne peut que constater la baisse du niveau culturel général, et une fois encore cela n’épargne aucune catégorie sociale. Il n’est qu’à observer le développement des écoles hors contrat loin d’être toutes animées par des motivations religieuses : les parents y cherchent une ambition culturelle. L’échec de l’école utilitariste que nous subissons depuis quarante ans est général, il est simplement plus flagrant en zone d’éducation prioritaire parce que des phénomènes de contre-sociétés avec des codes culturels venus d’ailleurs ont surgi depuis deux décennies environ. Elles sont venues occuper le vide laissé par l’abandon d’une politique d’intégration voire d’assimilation qui était, historiquement en France, l’œuvre de l’école puis de l’armée avec le service militaire — le vrai pas le Service universel civique d’un mois dans une association ou une ONG que nous promet le gouvernement…
La montée des revendications identitaires ou la culture de l’échec expliqueraient également en partie cet échec de l’école publique dans les banlieues immigrées. Pour Pierre Duriot, « On sait que l’envie de l’élève est le principal moteur de l’apprentissage. On sait également que le projet des parents pour leur enfant, leur adhésion à l’école et à la réussite scolaire conditionnent les dispositions et la réussite de l’élève. C’est tout cela qui est en panne. Pour bon nombre de musulmans de ces quartiers, l’environnement doit s’adapter à la culture majoritaire, la leur. Cette posture justement, pousse à revendiquer dans les cantines, les piscines, les lieux de culture, les entreprises, mais aussi l’école. » Il n’y a aucune volonté de se plier au projet éducatif d’une culture vue comme étrangère, parfois même « mécréante ».
Débat très houleux autour de l'immigration, de l'éducation et des banlieues immigrées