mardi 18 novembre 2025

Londres durcit le système d'asile

Le gouvernement britannique a dévoilé lundi ce qu’il présente comme la réforme la plus ambitieuse de son système d’asile « à l’époque moderne ». Sous la pression conjuguée de l’opinion publique, de l’opposition conservatrice et de la montée fulgurante du parti Reform UK, la ministre de l’intérieur Shabana Mahmood (ci-contre) a détaillé un vaste plan destiné à resserrer fortement les conditions d’accueil des migrants arrivant illégalement au Royaume-Uni.

Issue d’une famille originaire du Pakistan, Mahmood a reconnu devant les Communes que l’immigration avait façonné son propre parcours, tout en affirmant ressentir « un devoir moral » d’agir sur un sujet qui fracture profondément le pays.

« Si nous échouons à gérer cette crise, nous pousserons davantage de personnes sur un chemin qui commence par la colère et mène à la haine », a-t-elle averti, défendant une politique qu’elle revendique à la fois « ferme » et « nécessaire ».

Inspirée du modèle danois — l’un des plus restrictifs en Europe — la nouvelle doctrine promet de « rétablir l’ordre et le contrôle » aux frontières britanniques.

Coupes dans l’aide aux demandeurs d’asile

La mesure la plus spectaculaire concerne la suppression de l’octroi automatique d’une aide financière et d’un hébergement pour les personnes demandant l’asile.
Le gouvernement veut mettre fin à l’hébergement coûteux dans des hôtels, devenu l’un des symboles les plus critiqués de la crise migratoire.

Les aides sociales seront retirées à tous ceux qui, selon les autorités, sont en capacité de travailler, ainsi qu’aux demandeurs d’asile condamnés par la justice.

Statut de réfugié fortement limité

Londres souhaite par ailleurs réduire la protection accordée aux réfugiés :
  • le statut deviendra temporaire,
  • il sera réexaminé tous les deux ans et demi,
  • les migrants seront « contraints de rentrer chez eux dès que leur pays d'origine sera considéré comme sûr », 
  • les réfugiés ne pourront demander la résidence permanente qu’après 20 ans, contre cinq jusqu’ici.

Les demandeurs d’asile n’auront plus qu’une seule possibilité d’appel, et, en cas d’échec, seront automatiquement expulsés.

Si Keir Starmer affirme ne pas vouloir quitter la Convention européenne des droits de l’homme, il entend en restreindre l’application au Royaume-Uni afin de limiter les blocages juridiques dans les procédures d’expulsion.

Pression diplomatique sur plusieurs pays africains

Le gouvernement menace également de suspendre la délivrance de visas aux ressortissants de trois pays — Angola, Namibie et République démocratique du Congo — s’ils ne coopèrent pas davantage dans le renvoi de leurs nationaux en situation irrégulière au Royaume-Uni.

Une hausse des arrivées qui alimente les tensions

De juin 2024 à juin 2025, le Royaume-Uni a enregistré 111 084 demandes d’asile, un record et une progression de 14 % en un an.

La question migratoire s’impose désormais comme la première préoccupation des Britanniques, dopant les intentions de vote en faveur du parti Reform UK de Nigel Farage, qui surfe sur le sentiment d’exaspération du pays.

Les arrivées clandestines par la Manche continuent d’augmenter : 39 292 migrants ont déjà débarqué depuis le 1er janvier, dépassant le total annuel de 2024 (36 816).

Une réforme explosive au sein du parti travailliste

Ces annonces ont immédiatement suscité une levée de boucliers parmi les députés travaillistes, notamment l’aile gauche mais aussi les centristes, qui dénoncent une radicalisation de la politique migratoire.

La proposition permettant au ministère de l’intérieur de saisir certains biens de migrants — bijoux, véhicules ou vélos électriques — pour financer leur prise en charge a provoqué une vive polémique.

Les objets à valeur sentimentale, tels que alliances ou bijoux familiaux, resteraient toutefois protégés.

Réactions extérieures

Paris a salué le tournant britannique, estimant que cette réforme répondait « aux attentes » des partenaires européens.

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a rappelé que les conditions d’accueil jugées trop « permissives » outre-Manche entretenaient l’attractivité de la traversée clandestine.