lundi 28 janvier 2019

« Mobilisation des écoliers » belges pour le climat, idéalisme ou nouveau millénarisme inculqué ?

La semaine passée des milliers d’élèves belges défilaient dans les rues de Bruxelles pour « sauver la Planète », souvent aux heures de classe avec la permission de leur directeur d'école.

Interrogé dans le Soir, un de ces directeurs s’exclame : « Quand on voit cet enthousiasme et la force de leur mobilisation, ça vaut la peine d’embrayer, affirme Tanguy Pinxteren, directeur du lycée intégral Roger Lallemand [...]. Mais nous n’avons pas attendu les manifestations pour organiser des projets en lien avec l’environnement. Après le module consacré à la migration, je m’attends à ce que nos élèves suggèrent dans les prochaines semaines un atelier “réchauffement climatique.” »



Des enfants, très jeunes bien « instruits » par l’école ?

En Belgique francophone, le décret qui fixe les missions de l’école parle avant tout de « promouvoir la confiance en soi » et de « préparer tous les élèves à être des citoyens responsables » (article 6 du décret du 24 juillet 1997). Ces objectifs (comme ceux de la  « socialisation » dans l’école québécoise) permettent toutes les dérives politiquement correctes. Dans ce cadre, des ONG très engagées comme Oxfam présentent des ateliers d’éducation à la citoyenneté mondiale et solidaire, éducation orientée soutenue pourtant par l’État.

Il suffit de se pencher sur les activités d’une école nominalement catholique ayant une bonne réputation (l’institut Saint-Boniface–Parnasse) à Bruxelles pour se rendre compte de l’omniprésence du correctivisme politique, migratoire et climatique qui y a cours. Nous ne pouvons nous empêcher de penser que ces activités remplacent des rites disparus de cette école puisque la chapelle a été convertie en réfectoire et salle de gymnastique, même si cette école fait toujours partie de l'enseignement libre catholique. Voici quelques-unes de ces activités :

Les élèves de 2ème année
Nombreux ateliers abordant les différents aspects de l’alimentation (santé, empreinte écologique, etc.).

Les élèves de 3ème année:
Chaque épreuve de ces olympiades permettra aux élèves d’être sensibilisés à des thématiques relatives à l’énergie, à l’eau, au climat, au développement durable.

Les noms des ateliers sont assez évocateurs :
  • Au fil de l’eau
  • La recyclerie
  • Changements climatiques 
  • Protection des arbres 
  • Challenge du logo 
  • Énergies alternatives
  • Protection des espèces
  • Tri sélectif
Les élèves de 4ème année:
Les élèves seront répartis dans différents ateliers animés par :

Oxfam
  • Le rêve éveillé ou comment sortir de sa zone de confort.
–          Comité de « Elèves Francophones »
  • L’école est raciste ? Et toi qu’en penses-tu ? Débattre du racisme et des discriminations de l’école.
–          Entraide et Fraternité
  • Je vote 3 fois par jour, en mangeant. Manger autrement pour changer le Monde
–          Quinoa
  • Jeu sensibilisant à la subjectivité de la classification des personnes.
Amnesty
  • Déconstruire les préjugés sur la migration.
–          Asmae
  • L’importance de la communication non verbale.
–          Ti Suka
  • Le mur de l’oubli ou la sensibilisation à la critique historique
–          Le Biais vert
  • Animation par Félicien Bogaerts retraçant l’actualité par le prisme de l’écologie.
–          Ecologie du son
  • Comment faire un orchestre avec 50 instruments atypiques.
–          Migration
  • Rencontre avec des personnes en situation précaire.

Anuana de Wever est une des deux fondatrices flamandes de « Youth for Climate », l'association belge qui a lancé ces marches pour le climate. Elle en appelle dans les colonnes du Standaard (anciennement un journal catholique de droite, il n’est plus ni l’un ni l’autre) à un « budget planétaire » pour assurer une « transition [énergique] mondiale » (26 janvier 2019, page 14).

Seul parti important belge à s’opposer à cette vision catastrophiste de l’avenir de la planète, le parti de droite nationaliste flamand (la N-VA). « Les jeunes doivent avoir confiance en l’avenir et en la force de l’innovation », a affirmé son chef, Bart De Wever. « S’ils se penchent sur le passé, ils verront que l’humanité a toujours rencontré des problèmes majeurs, mais que nous avons toujours trouvé des solutions grâce à l’innovation. C’est à cette génération de jeunes de suivre des cours de mathématiques, de physique.... pour nous aider à trouver ces solutions. Les solutions viendront, nous devons tout mettre en œuvre pour les trouver. Les jeunes ne doivent pas croire aux prédictions apocalyptique à caractère religieux et qui demandent à l’humanité des changements irréalistes. Si vous devez vous culpabiliser parce que vous partez en excursion d’un jour en avion alors il y a quelque chose qui ne va pas », ajoute le président de la N-VA. « L’humanité doit aller de l’avant, croître et innover sur le plan économique. Rester les bras croisés et attendre l’apocalypse. Cela n’a absolument aucun sens. Je vois à quel point ce catastrophisme économique a empoisonné de nombreux esprits, surtout parmi les jeunes générations. C’est à nous de nous y opposer en tenant un discours positif. »

L’ancien ministre de l’Immigration, Theo Francken (N-VA) s’est ouvertement moqué des jeunes manifestants.


« Papa, où est mon GSM [téléphone cellulaire] ? Parti. Quand allons-nous au ski ? Plus jamais. Où irons-nous en vacances cet été ? À la maison. Est-ce que le chauffage fonctionne ? Oui, sur 18. Mets ton pull. Peux-tu me conduire au foot ? Prends ton vélo. Papa, pourquoi tu fais ça ? Désolé fiston, mais tu m’as convaincu qu’il fallait agir autrement pour le climat », a ainsi écrit le député N-VA. Le texte repris par l’ancien ministre de l’Asile et des Migrations à un utilisateur de Twitter a récolté pas moins de 10 000 de « j’aime » sur Facebook et a été partagé plus de 2000 fois.


Il est temps d’instaurer une taxe anti-météorite géante...
 Les slogans devaient être en anglais (les nations sont dépassées). Jeune original brandissant un slogan d’un affligeant classicisme.

Le magazine Causeur revient sur cette jeunesse “idéaliste”.

Les enfants rois ont décidé que leur empire s’étendrait dorénavant aux astres et qu’il était grand temps qu’ils régulassent le climat. Et pour ce faire la méthode est tout indiquée : des manifs !

C’est ainsi que depuis plusieurs jours, la jeunesse belge bat le pavé bruxellois dans le but de faire chuter le mercure. Mieux encore : ces dizaines de milliers de jeunes gens décidés sèchent les cours afin de se rendre à ces manifs ! À côté de ça, franchement, la Carmagnole c’est risible ! Autant aller prendre le thé chez Louis XVI. Non, eux, ils sont carrément dans la rébellion farouche et indomptable ! Non, mais ! Les jacqueries, les frondes, les révolutions et les demi-mesures, ce n’est pas pour eux. Eux, c’est du sérieux, les enjeux sont fondamentaux, l’avenir de l’humanité et même de la planète, voire de la galaxie, en dépend !

Une révolution soutenue par le pouvoir
Certes, de nombreuses directions d’écoles se sont déclarées favorables à ce mouvement au nom de “l’éducation à la citoyenneté” et encouragent les collégiens à sécher les cours. Si j’étais prof, je ferais pareil, rien de plus reposant qu’une classe vide ! Mieux encore, certaines écoles engagent des sortes de “coachs” en manifs anti réchauffement pour driller leurs ouailles. Tant qu’à faire du lavage du cerveau, autant nettoyer dans les coins !

Encore plus fort, Marie-Martine Schyns, ministre de l’Enseignement, Marie Christine Marghen, ministre de l’Énergie, et Jean-Luc Crucke, ministre du Climat (si, si !) ont déclaré soutenir cette jeunesse conscientisée. [Le gouvernement actuel est très minoritaire depuis la démission de la N-VA  le plus grand parti de Belgique.] D’autant plus qu’elle a tendance à faire oublier les gilets jaunes et leurs luttes contre le matraquage fiscal. Ce soutien des autorités scolaires et gouvernementales ôte le côté Gavroche de la chose, hélas, et ça fait tout de suite moins insurrectionnel que Mai 68. C’est navrant, mais c’est peut-être le prix à payer pour sensibiliser les adultes, à commencer par les parents qui vont conduire leur progéniture à la manif en 4X4.


On veut des taxes ! [pour nos parents]
Il faut dire que ces “millennials” sont, par excellence, la génération où le hasard n’existe pas et où il faut toujours un responsable à tout. Alors, les éruptions solaires incontrôlées ou les volcans qui pètent sans prévenir, on ne la leur fait pas ! L’alpha et l’oméga du problème, c’est l’humain, particulièrement s’il est Européen, et il convient de régenter ses moindres comportements. Pour cela, il existe une baguette magique : les taxes ! On ne s’étonnera plus que les autorités politiques applaudissent à tout-va ! Ces jeunes manifestants sont en train de grever le peu qu’il restera de leur héritage, mais ça a l’air de leur plaire, alors pourquoi les en priver ?


Mêmes slogans “originaux”, en anglais en Belgique,
de la part de jeunes pleins d’imagination

Les lycéens, y en a des biens
Mais tandis qu’ils scandent leur chant des partisans climatiques avec une soumission à l’autorité qui épaterait Milgram, quelques irréductibles boutonneux font sécession. Ils assistent vaille-que-vaille aux cours de physique (tiens, tiens, des cycles solaires…), de géo (tiens, tiens, les vents se forment en mer…), d’histoire (tiens, tiens, le climat a déjà changé plusieurs fois depuis le Moyen-Âge…), de français (tiens, tiens, la climatologie et la météorologie, c’est pas du tout la même chose…), de chimie (tiens, tiens, les gaz à effet de serre c’est beaucoup plus compliqué qu’on le croyait il y a vingt ans…), de mathématique (tiens, tiens, les prévisions reprises par les médias sont fondées sur des calculs moins évidents qu’on ne le croit…) et de bien d’autres choses.
Ils sont, eux aussi, les “adultes de demain”. Peu nombreux, comme toutes les élites, instruits, ayant eu bien souvent l’occasion d’exercer leur esprit critique et d’observer avec quelle aisance les foules “conscientisées” sont manipulables, ils dirigeront dans quelques années le troupeau bêlant qui bat la semelle dans la capitale. Reste à souhaiter qu’ils n’aient pas omis d’apprendre au passage les vertus de l’indulgence et de l’humour.


Voir aussi

Au Québec, cette même préoccupation est enseignée depuis plusieurs années, voir :

Jacques Brassard et l’écolo-chamanisme, le petit chouchou de l’école québécoise

Spiritualité autochtone, écologie et norme universelle moderne

ECR — obsession pour les Amérindiens écologistes

À mon école on parle beaucoup d’écologie, le plus grave problème c’est l’existence des hommes

Célébration subventionnée à Granby du Jour de la Terre avec les écoliers captifs