vendredi 13 novembre 2009

La Grande Nouérrceurrr : portrait de famille monochrome, rictus, pénurie francocentrique et ânonnements

Il existe une mythologie simpliste de l'histoire québécoise : avant c'était mal et triste, aujourd'hui c'est bien et enfin joyeux. Toutes les statistiques sur l'augmentation des suicides chez les jeunes, du chômage, sur un lent appauvrissement (et l'obligation d'avoir deux salaires dans une famille), sur l'usage plus grand de drogues, du nombre toujours important d'avortements, du nombre croissant de familles décomposées n'y changeront rien.

C'est un article de foi et il faut propager le mythe (fabula propaganda est).

Nous avions déjà vu le traitement caricatural qu'en faisait un cahier de LIDEC (avec erreurs juridique, historique et papale en quelques cases).

Les éditions de la Pensée (rendues célèbres par un animateur radio pour leur parti-pris en faveur de Mme Françoise David) se devaient de contribuer à la propagation du mythe simpliste.

Le cahier-manuel d'ECR de 1re secondaire se penche donc sur les changements sociétaux qui ont suivi l'avènement de la Révolution tranquille.

Dans la colonne de gauche des scènes de vie des années 50, dans la colonne de droite des scènes correspondantes des années 2000.

Or qu'observe-t-on d'emblée ?

Le portrait de famille est monochrome (oui, bien sûr les photos l'étaient souvent, mais la vie l'était-elle ?), tout le monde est sérieux en 1950. Aujourd'hui, tout n'est que couleurs et sourires.

Dans la cour d'école, la religieuse qui surveille arbore un rictus autoritaire. Les enfants auraient encore été en proie à la pénurie de biens culturels et sujets à une culture franco-française peu ouverte sur le monde, alors qu'aujourd'hui règne l'abondance culturelle qui s'ouvre enfin sur une planète mondialisée (et non la standardisation et l'américanisation bien sûr).

Enfin, la classe des années 50 unisexe (quelle horreur !) est dominée par une religieuse qui semble ânonner à forte voix une leçon alors que les élèves sont passives sur leur banc. Rien à voir avec les classes d'aujourd'hui où les jeunes chimistes (à bas la culture classique !) travaillent et découvrent tout seuls par petits groupes et par l'expérience les sciences modernes sous l'œil approbateur d'une ravissante animatrice de classe souriante et bienveillante. Un esprit malveillant remarquera que dans la classe moderne les rôles valorisés sont tenus par des filles : l'animatrice, les deux filles qui manipulent un tube.

Page 56 — cahier-manuel d'éthique et de culture religieuse Entretiens II pour la 1re  secondaire des éditions La Pensée



Sur le mythe de la Grande Noirceur, lire 
  1. L'exemple du passé québécois à l'orée du XXIe siècle ;
  2. Le mythe de la Grande Noirceur et du Québec sous-développé ;
  3. Les collèges classiques ;
  4. Étatisme et déclin du Québec ;
  5. La Révolution tranquille: rupture ou tournant ?
Extraits :
À la veille de la Révolution tranquille, le Québec n'a rien d'une société sous-développée. La moitié des francophones occupent un emploi... dans le secteur des services! Dès 1931, le recensement montre que peu de gens vivaient encore de l'agriculture et que les 2/3 de la main-d'œuvre travaillaient dans le secteur secondaire (manufacturier) ou tertiaire (services). L'industrie manufacturière avait toujours crû ici au même rythme qu'en Ontario, et ce depuis la Confédération. Durant tout le XXe siècle, la proportion de travailleurs québécois œuvrant dans le secteur industriel est comparable aux proportions observées aux États-Unis et dans plusieurs pays européens.

On ne constate pas non plus de retard d'urbanisation dans la province. La migration vers les villes se fait à un rythme régulier depuis la fin du XIXe siècle. Le Québec affiche même un taux d'urbanisation supérieur à celui l'Ontario de 1900 jusqu'à la 2e Guerre mondiale, et allait se maintenir au-dessus de la moyenne canadienne par la suite (pour un seuil d'urbanisation de 10 000 habitants).

[...]

Il semblerait donc que les francophones du Québec n'ont jamais eu la mentalité des «nés pour un petit pain», et pour cause. En 1953, le Québec affichait le deuxième revenu par habitant le plus élevé au monde après les États-Unis (en excluant le reste du Canada). Avait-on réellement besoin de la Révolution tranquille et de l'intervention de l'État pour sortir les Québécois de cette prétendue «Grande Noirceur»? Absolument pas! Les Québécois s'étaient développés et modernisés par eux-mêmes, et depuis longtemps, sans l'aide de l'État.

[...]

Jean-Luc Migué dans Étatisme et déclin du Québec : Bilan de la Révolution tranquille renverse la vision conventionnelle et affirme que la Révolution tranquille, loin d'être la période d'effervescence qui a permis au Québec d'accéder à la modernité et de rattraper ses retards, s'est au contraire soldée par une dégénérescence économique, politique et sociale suite à une croissance spectaculaire de l'État. C'est à partir de ce moment que l'écart entre le niveau de vie des Québécois et des Ontariens a commencé à s'accroître, que le déclin de Montréal s'est accéléré au profit de Toronto, que les conflits linguistiques et politiques ont empiré, que des secteurs comme la santé et l'éducation ont subi les assauts d'une bureaucratie toujours plus envahissante. Le Québec reste bien sûr une société dynamique avec un niveau de vie enviable, mais c'est notre intégration à l'économie capitaliste nord-américaine qui nous apporte ces bienfaits. Tous les secteurs contrôlés par l'État sont, eux, perpétuellement en crise.
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