lundi 15 mai 2023

En 2023, l’anglais deviendra la principale langue des thèses et mémoires au Québec

Un point de bascule sera vraisemblablement franchi en 2023. Cette année, le Québec devrait compter un plus grand nombre de thèses et de mémoires publiés en anglais qu’en français.

C’est l’un des constats qui émerge de la mise à jour d’une étude que Jean-Hugues Roy a présentée à la fin avril dans le cadre du forum La science en français organisé par les Fonds de recherche du Québec.

Un corpus de 110 000 documents

Comment est-il arrivé à ces résultats ? Il a compilé la liste de l’ensemble des thèses et des mémoires disponibles dans les répertoires institutionnels de 17 des 20 universités du Québec.

M. Roy avait effectué ce travail une première fois en 2016 pour le Magazine de l’Acfas. À l’époque, il ne m’intéressait qu’à la longueur de ces documents, par grade, par discipline, par université.

Il a mis à jour cette étude cinq ans plus tard, en y ajoutant un volet dans lequel il a examiné la langue dans laquelle a été rédigé chaque document. Ses données couvraient les années 2000 à 2020 et la croissance de l’anglais était manifeste.

Il a fait une nouvelle mise à jour pour inclure les années 2021 et 2022 et vérifier si l’anglicisation des documents attestant des diplômes des cycles supérieurs se poursuivait. Elle se poursuit.

Son corpus comprend quelque 110 000 thèses et mémoires publiées au cours des 23 dernières années (2000 à 2022). Au cours de cette période, un peu plus de 62 % de ces documents qui attestent du parcours d’une personne aux cycles supérieurs ont été rédigés dans la langue de Molière.

Le graphique ci-dessous montre comment les langues se répartissent en fonction du grade octroyé. À la maîtrise, 33,4 % des mémoires ont été rédigés en anglais, et c’est le cas de 46,3 % des thèses au doctorat. En somme, depuis le début du siècle, un mémoire de maîtrise du trois et une thèse de doctorat sur deux a été écrite en anglais, au Québec.


Figure 1.

Évolution dans le temps

Quand on répartit les données en fonction des années, on se rend compte de la croissance de l’usage de l’anglais depuis une vingtaine d’années.

 Figure 2.

Les proportions indiquées avant 2007 sont peu représentatives, puisque les répertoires institutionnels contiennent moins de documents publiés ces années-là. Mais depuis, la tendance est claire. En 2022, sur les 4 452 thèses et mémoires trouvés dans les répertoires institutionnels au moment de la compilation de M. Roy (février 2023), 2 200 étaient rédigés en anglais, 2 248 l’étaient en français et quatre dans une autre langue. Si cette tendance se maintient, l’anglais dépassera le français en 2023 pour la production aux cycles supérieurs au Québec.

En distinguant les mémoires et les thèses, le portrait se raffine.

 Figure 3.

Figure 4.

Au deuxième cycle, on compte encore une majorité de mémoires publiés en français. Mais au troisième cycle, le français est minoritaire depuis 2018 déjà.

Situation dans les universités francophones

Cette prédominance de l’anglais s’explique peut-être parce que les deux universités anglophones de Montréal, McGill et Concordia, comptent pour près du tiers des documents que l’on retrouve dans les répertoires institutionnels québécois. Excluons-les pour ne se concentrer que sur les 15 universités francophones du Québec.

 

Figure 5.
Figure 6.

Les deux graphiques ci-dessus montrent que la langue française y est plus vigoureuse. L’anglais progresse néanmoins de telle manière qu’en 2022, une maîtrise sur six et un doctorat sur trois publié dans l’une des 15 universités francophones du Québec l’a été dans la langue de Rutherford.

Répartition par institution

Les deux graphiques ci-dessous, qui présentent la proportion de mémoires et de thèses publiés en anglais par année, et par institution, montrent que la situation n’évolue pas au même rythme partout.

 Figure 7.

Figure 8.

Ils montrent assez clairement que c’est au doctorat que ça se passe, notamment dans les universités qui se spécialisent en génie. En 2021 et 2022, 198 des 304 doctorats décernés à Polytechnique Montréal et à l’ÉTS l’étaient sur la base d’une thèse écrite en anglais (65 %).

Raffiner les métadonnées

Cela dit, au Québec, il est rare qu’une thèse ou qu’un mémoire soit rédigé intégralement en anglais. On trouve toujours minimalement un résumé en français.

Dans certains cas, une maîtrise ou un doctorat consiste à publier (en anglais) des articles dans une revue scientifique. Leurs signataires font alors l’effort de rédiger des introductions et des conclusions générales en français.

C’est ce qu’on retrouve, par exemple, dans ce mémoire réalisé à l’Université Laval. L’introduction est quand même costaude avec ses 44 pages. La conclusion fait pour sa part 16 pages. Toutes les deux sont écrites en français. Mais les quatre articles qui composent l’essentiel du mémoire sont rédigés en anglais et font 114 pages. La langue qui a été attribuée à ce document est donc l’anglais. Mais en réalité, il faudrait pouvoir indiquer que son contenu est en anglais à 65 % et en français à 35 %.

Les métadonnées associées aux mémoires et thèses ne permettent pas de préciser dans quelle proportion une langue est utilisée dans un document. Les normes qui définissent ces métadonnées, comme Dublin Core par exemple, disent que plusieurs langues peuvent être attribuées à un même document. Mais il faudrait les peaufiner pour pouvoir ajouter la proportion de chacune. On aurait alors un portrait sans doute plus fin, et peut-être moins dramatique, de la part du français dans les études supérieures.

Il n’en demeure pas moins que le tableau de la place du français demeure sombre dans toutes les activités scientifiques au Canada et au Québec. Le chercheur Vincent Larivière observait déjà qu’en 2015, les travaux publiés par les chercheurs québécois et indexés dans le Web of Science étaient en anglais dans une proportion de près de 100 % en sciences naturelles et en génie, de 95 % en sciences humaines et sociales, et d’environ 67 % dans les arts et les humanités.

Plus récemment Radio-Canada a démontré que 95 % des recherches financées au Canada entre 2019 et 2022 l’ont été après une demande rédigée en anglais. Les données présentées viennent compléter le portrait en se penchant sur la langue utilisée par les scientifiques en herbe que sont les étudiantes et étudiants à la maîtrise et au doctorat.

Il semble ainsi qu’à toutes les étapes, des études aux cycles supérieurs jusqu’à la publication dans les revues savantes, en passant par le financement de la recherche, la science au Québec doit se faire en anglais pour être reconnue.

Bien sûr, l’anglicisation de la science est un phénomène mondial. Il touche des puissances en recherche comme l’Allemagne, la France, le Japon ou la Chine. Mais la science n’est-elle pas également, au même titre que la littérature, la musique ou le cinéma, le reflet d’une culture ?

Sortie de la première saison d'un nouveau balado éducatif

Aujourd’hui, le 15 mai, est sorti le premier épisode d’un tout nouveau balado éducatif intitulé "Créer son école, c’est mon histoire !". Il est produit par Les Adultes de demain, à la demande de l’association Créer son école. Il est d’ores et déjà disponible gratuitement sur toutes les plateformes de podcast (Apple Podcast, Spotify etc…) : 

Ecouter l'épisode 1 sur votre plateforme d'écoute préférée

La première saison compte 10 épisodes, à raison de 2 par mois. Ce podcast raconte l’aventure d’hommes et de femmes de caractère, qui ont osé fonder leur propre école. De la maternelle au supérieur ! Pour cela, ils ont surmonté plein d’obstacles. Vous y découvrirez comment cet acte de créer leur propre école s’inscrit dans leur itinéraire de vie, et dans une recherche de sens qui peut faire des émules. En 15 minutes d’interview, vous verrez comment des personnes très variées en viennent à fonder une école indépendante en dehors de tout soutien public, alors qu’en France l’école publique est gratuite. Créer son école, c’est un sport complet, un parcours entrepreneurial et une aventure intégrale qui engage tout l’humain.  

Un premier épisode qui annonce la couleur

Pour le premier épisode, c’est Françoise Candelier qui présente l’itinéraire qui l’a conduite de l’école publique Jacques Brel de Roncq dans le Nord à la fondation de sa propre école indépendante, l’école du Blanc-Mesnil. Un fort tempérament qui appelle un chat un chat et qui n’a pas hésité, pour rester fidèle à son idée du service public, à passer du public au privé. Un itinéraire qu’elle n’aurait jamais cru devoir emprunter, tant elle a la passion de l’école publique chevillée au corps.

Les épisodes suivants nous feront découvrir une école professionnelle qui ne renonce pas à une solide formation généraliste, une création d’école supérieure atypique et ambitieuse, une école rurale dans un tiers-lieu, une école de la pédagogie Steiner-Waldorf qui soulève en France de nombreuses questions, un réseau de maternelles, cette spécialité française, une école Montessori, une école internationale, un lycée fonctionnant sur une autonomisation précoce des élèves, suivant le modèle des entreprises libérées etc…

Créer son école, l'association au service du développement des écoles indépendantes de qualité


Créer son école, qui a lancé ce podcast, est l’association engagée au service des écoles indépendantes et de la liberté scolaire depuis près de 20 ans. Elle est présidée par sa fondatrice, Anne Coffinier. Elle a accompagné la naissance ou le développement de plus de 700 écoles indépendantes à ce jour. Elle publie un annuaire, tient un observatoire scientifique, forme, défend, met en réseau, et s’engage pour améliorer l’accessibilité des écoles indépendantes au profit des enfants de toutes les origines. On peut retrouver ses actions sur son site www.creer-son-ecole.com et sur les réseaux sociaux.

Marion Maréchal : « La démographie fait l'histoire et le nombre fait la loi »

Invitée de Darius Rochebin sur LCI dans l’émission Le 20 heures de Darius Rochebin, Marion Maréchal a échangé sur les sujets d’actualité du moment : démographie, conflit Ukraine-Russie, démission du maire de Saint-Brevin, projet liberticide d’interdiction de manifester par Gérald Darmanin ou encore l’explosion des « atteintes à la laïcité ».

Quelques extraits :

« Le rôle de la France est d’être un médiateur, un acteur du dialogue vers la paix et une solution de sortie. En livrant des armes, on devient de fait partie prenante de la guerre et donc nous ne sommes plus une puissance d’équilibre. »
« La France devrait faire des alliances avec des pays qui ont les mêmes intérêts que nous pour engager un rapport de force avec la Commission européenne. Au lieu de ça, nous nous perdons dans un couple franco-allemand qui ne sert que les intérêts allemands. »
« Tous les gouvernements de droite qui arrivent au pouvoir en Europe sont le fruit de coalitions. Manifestement, la droite française est incapable de se parler, ce qui nous empêche de battre enfin la gauche. »
« La démographie fait l’Histoire et le nombre fait la loi. Aujourd’hui, la présence massive de populations extraeuropéennes fait que des pratiques islamiques, contraires à nos coutumes, s’installent. Cela aboutit à une dislocation de la concorde nationale. »


Québec — Le taux de natalité serait de 9,3 ‰ en 2022, une baisse de 6 % par rapport à 2021

Le taux de natalité est une mesure facile à calculer : il s’agit du rapport du nombre de naissances vivantes de l’année à la population totale moyenne de l’année. Il est habituellement exprimé en pour mille (‰) habitants. Il faut le distinguer de l’indice synthétique de fécondité qui se réfère au nombre d’enfants qu’aurait hypothétiquement une femme au cours de sa vie reproductive. En général, l’indice synthétique de fécondité (ISF) est calculé pour les femmes de 15 à 49 ans. On l’exprime en nombre d’enfants par femme. Enfin, il faudrait écrire « nombre d’enfant » (au singulier) par femme depuis près de 50 ans au Québec. L’ISF est un meilleur indicateur de la fécondité d’un pays, car il n’est pas influencé par le vieillissement de la population (qui en soi est plutôt une bonne chose).

Le taux de natalité est simple à calculer, or nous ne l’avons trouvé nulle part dans les médias du Québec. Suppléons à ce manque : il est né 80 700 enfants au Québec en 2022 (chiffre provisoire, le chiffre final pourrait varier un peu) alors que la population du Québec était en 2022 de 8 695 659. Ce qui donne un taux de natalité de 9,28 ‰. Soyons prudents  : 9,3 ‰.

C’est le plus bas taux jamais enregistré. Il s’agit d’une baisse de 6 % par rapport à 2021.

L’indice synthétique de fécondité baissera probablement aussi, l’Institut de la statistique du Québec n’a toujours pas publié d’estimation de celui-ci alors que la plupart des pays industrialisés l’ont fait. C’est ainsi que la Corée du Sud a publié en février 2023 qu’elle avait enregistré le taux de fécondité le plus bas au monde pour 2022 : 0,78 enfant/femme.
 
Si la baisse de l’ISF était similaire à la baisse du taux de natalité, la fécondité des femmes au Québec en 2022 tomberait à ~1,5 enfant/femme par rapport à 1,58 en 2021.
 
(Cliquer pour agrandir)

Voir aussi
 
Les naissances continuent de diminuer en France. En mars 2023,  1 816 bébés y sont nés en moyenne par jour, soit 7 % de moins qu’au même mois l’année dernière, et 7 % de moins qu’en mars 2020, avant le début de la pandémie de Covid-19, selon les derniers chiffres de l’INSEE. C’est le niveau le plus faible enregistré depuis 1994. L’ensemble des régions de la France métropolitaine sont concernées par cette baisse de la natalité en particulier en Occitanie (-10,6 %) et en Île-de-France (-10,2 %). En Auvergne-Rhône-Alpes, la baisse atteint 8,1  %.
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Seul 1,8 % des Canadiens hors Québec parlent français à la maison, deux fois moins qu'en 1969


Revue trimestrielle sur l’état du français dans le magnifique Canada censément bilingue…
 
En avril, nous apprenions qu’en Ontario, le taux de bilinguisme français-anglais était au plus bas depuis 40 ans (partout au pays, le bilinguisme devient une affaire de francophones seulement).

Toujours en avril, après qu’un homme de Saint-Jean-Port-Joli [au Québec] n’a pu recevoir d’aide en français de la part du 911, on découvrait que le CRTC savait depuis au moins 10 ans qu’il y avait des problèmes d’accès au 911 en français. Dix ans ! Le 911 ! Et le CRTC, un organisme fédéral, ne faisait rien.

Durant le même mois, Air Canada menaçait d’expulser un homme d’affaires qui voulait se faire servir en français. Ceci expliquant cela, un peu plus tôt, en mars, on apprenait que le syndicat des employés d’Air Canada se plaignait que l’entreprise exigeait trop de français de la part des agents de bord (!). À peu près dans la même semaine, dénoncés de toutes parts, Air Canada et le CN acceptaient enfin de se soumettre aux règles de l’Office québécois de la langue française, ce qui nous rappelait qu’ils s’y étaient opposés pendant des décennies.

L’offre rachitique de contenu télévisuel québécois sur les vols d’Air Canada faisait, elle aussi, la manchette. Sur les 200 séries de fiction, téléréalités, documentaires et autres émissions de variétés, cinq seulement (2,5 %) étaient québécoises. Dans le même mois d’avril, on apprenait qu’Air Canada avait triplé, oui, triplé, le salaire de son PDG, Michael Rousseau, celui-là même qui se vantait de pouvoir vivre à Montréal sans parler français. Ça ne s’invente pas. Beau symbole, cet Air Canada.

Quelques jours plus tard, une étude révélait le déclin « lent et irrémédiable » du français en sciences au Canada⁠. À la grandeur du pays, de 2019 à 2022, 95 % des subventions fédérales pour la recherche ont été versées à des projets rédigés en anglais. L’explication ? Pour avoir plus de chances d’être financés par le fédéral, les chercheurs soumettent leurs demandes en anglais. Et ils semblent avoir de bonnes raisons de le faire. Entre 2001 et 2016, l’Institut de recherche en santé du Canada a accepté 39 % des demandes rédigées en anglais contre seulement 29 % des demandes rédigées en français. [Ayant travaillé dans le domaine, nous nous rappellerons un patron francophone très libéral (PLC/PLQ), nous dire alors qu’il nous demandait de rédiger nos demandes de financement en anglais : « il faut écrire dans la langue des décideurs ».]  Y aurait-il là quelque chose de systémique ? À moins que les francophones soient moins bons ? Résultat : pas fous, les chercheurs francophones passent à l’anglais.

Finalement, à plusieurs reprises durant la même période, des élus fédéraux se sont félicités de l’atteinte, pour la première fois depuis 20 ans, de leur objectif de recrutement de 4,4 % d’immigrants francophones hors Québec. Ils ont tous oublié de dire qu’à ce rythme-là il faudra presque un siècle, oui, un siècle, pour rattraper le retard causé par leurs échecs des 20 dernières années, et cela, sans tenir compte du phénomène de l’assimilation. Non, il n’y a pas de quoi être fier.

Au Canada hors Québec, le français continue de s’effacer. Il y a aujourd’hui plus de gens qui parlent chinois (mandarin ou cantonais) qu’il y a de gens qui parlent français.

Le panjabi et le tagalog le dépasseront bientôt eux aussi. Le français est la 17e langue parlée à Toronto. Seul 1,8 % des Canadiens hors Québec parlent français à la maison. C’est la moitié de ce que c’était en 1969, au moment de l’adoption de la Loi sur les langues officielles. 

Voir aussi

« Le français hors Québec ? C’est terminé. » Sauvons les meubles…

La libération sexuelle croyait émanciper les femmes par la contraception, le salariat, l'avortement, mais échoua à éradiquer les tabous

Patrick Buisson remet en question la révolution sexuelle des années 60 et ses conséquences. Ancien directeur de Minute et de Valeurs actuelles, l'ancien conseiller politique dénonce les promesses non tenues d'une libération sexuelle qui croyait émanciper les femmes par la contraception, le salariat, l'avortement, mais qui aura échoué à éradiquer les tabous. Avec une analyse historique et culturelle approfondie, Patrick Buisson explique comment cette révolution aurait plutôt mené à l'effondrement de la famille et à la désagrégation sociale. Un ouvrage qui invite à réfléchir sur les conséquences de cette libération sexuelle aujourd'hui encore.