mercredi 30 mai 2018

Situation de l'école québécoise : témoignage de deux enseignants


Hausse du nombre d'élèves hors du public au Canada et au Québec

L’attrait de l’école privée est en progression depuis 2001 pratiquement dans toutes les provinces du Canada que l’école privée soit subventionnée (comme au Québec) ou non (notamment l’Ontario). Il en va de même de l’instruction à domicile.


Toutes les provinces du Canada ont des écoles indépendantes (elles sont dites privées au Québec). Les écoles indépendantes sont caractérisées par des approches distinctes au niveau pédagogique ou une orientation religieuse. Notons qu’au Québec, l’école privée est nettement moins libre ailleurs qu’au Canada (lire Les règles imposées à l’école privée sont responsables de la sélection pratiquée). Plusieurs types d’écoles privées (notamment religieuses) sont légales au Canada, mais interdites uniquement au Québec (c’est le cas d’écoles mennonites par exemple).

Les écoles universitaires alternatives comprennent celles qui utilisent les méthodes d’enseignement Waldorf ou Montessori. La plupart des écoles à vocation confessionnelle au Canada sont soit catholiques (dans les provinces sans commission scolaire entièrement financée par la province) soit protestantes, bien que des écoles islamiques, juives, mennonites, adventistes du Septième jour, Amish et d’autres écoles confessionnelles existent aussi.

Actuellement, la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et le Québec subventionnent en partie les écoles indépendantes approuvées, tandis que l’Ontario et les provinces de l’Atlantique ne le font pas.

Le montant des subventions des écoles indépendantes diffère d’une province à l’autre, mais elles sont généralement liées à une proportion du coût moyen lié à l’instruction d’un élève dans la commission scolaire publique où se trouve l’école indépendante.

La figure ci-dessus présente le pourcentage d’inscriptions dans les écoles indépendantes en 2014-2015, comparé à celui de 2000-2001. La Colombie-Britannique compte la plus forte proportion d’élèves inscrits dans une école indépendante, soit 12,9 %. Ce n’est plus le Québec qui arrive au deuxième rang avec 12,3 %. C’est un changement par rapport à l’édition précédente de cette étude qui avait le Québec avec le plus haut taux et la Colombie-Britannique avec la deuxième plus forte proportion d’élèves dans les écoles indépendantes durant l’année scolaire 2012-13. Un nombre croissant de familles en Colombie-Britannique choisissent des écoles indépendantes pour l’éducation de leurs enfants.

Fait intéressant, l’Ontario compte un pourcentage plus élevé (6,1 %) d’élèves inscrits dans des écoles indépendantes que deux des cinq provinces (Alberta et Saskatchewan) qui offrent un soutien financier aux écoles indépendantes. Cependant, il est important de noter que l’Ontario est aussi la province, de par un règlement peu tatillon, qui facilite le plus l’ouverture d’écoles indépendantes (Allison, 2015) et que le changement de politique de la Saskatchewan qui finance désormais toutes les écoles indépendantes indépendantes n’a été introduit qu’en 2012.

Le Nouveau-Brunswick conserve le taux le plus bas d’inscriptions dans des écoles indépendantes en proportion au nombre total d’écoliers, soit 0,8 %. En général, les provinces de l’Atlantique affichent des taux relativement faibles de scolarisation dans les écoles indépendantes : 2,7 % en Nouvelle-Écosse, 1,1 % à l’Île-du-Prince-Édouard et 1,4 % à Terre-Neuve-et-Labrador.

La part des inscriptions dans les écoles indépendantes par rapport au nombre total d’inscriptions a augmenté entre 2000-2001 et 2014-2015 dans chacune des dix provinces. Bien que la Saskatchewan compte une proportion relativement faible d’élèves fréquentant des écoles indépendantes (2,4 % du nombre total d’inscriptions), elle a connu la plus forte augmentation (102,3 %) comparativement à 1,2 % en 2000-2001. Le nombre d’inscriptions dans les écoles indépendantes du Nouveau-Brunswick a diminué en termes absolus, mais a tout de même enregistré une modeste augmentation de la part des inscriptions totales, qui est passée de 0,7 % en 2000-2001 à 0,8 % en 2014-2015. Rappelons que la population scolaire en chiffres absolus est en forte baisse partout au Canada (sauf en Alberta) malgré une très importante immigration.

Instruction à domicile (indépendante)

Les parents de toutes les provinces ont légalement le droit d’éduquer leurs enfants à la maison. Certaines provinces accordent aux parents plus de liberté dans leur choix d’éduquer leur famille, exigeant seulement un avis au conseil scolaire local, tandis que d’autres exigent l’approbation des plans d’éducation avant de commencer l’école, ainsi que des rapports périodiques sur les progrès de l’élève. Il n’y a pas de preuves que les enfants instruits à domicile dans les provinces les plus tatillonnes ont globalement de meilleurs résultats. Aux États-Unis, des études ont montré que les enfants instruits à la maison ont d’aussi bons résultats dans les États peu contraignants que dans les États tatillons.

En général, l’éducation à domicile n’est pas financée par les gouvernements provinciaux. Trois provinces — la Colombie-Britannique, l’Alberta et la Saskatchewan — offrent un financement limité pour les coûts directs liés à l’instruction à domicile. Alors que les autres provinces n’offrent pas de financement particulier aux élèves scolarisés à domicile, elles peuvent permettre aux étudiants formés à domicile de s’inscrire à des cours spécifiques, de participer à des activités parascolaires scolaires telles que des équipes sportives et des excursions scolaires. Le Québec débourse de l’argent, mais c’est surtout pour surveiller les enfants instruits à domicile, un refus de déclaration entraînant une dénonciation des services sociaux (la redoutée DPJ). Pour plus de détails sur le projet de loi 144 sur l’instruction à domicile au Québec.


En général, l’enseignement à domicile représente une très petite part de l’effectif total des étudiants. Le Manitoba a le plus haut niveau d’enseignement à domicile au pays, bien qu’il ne représente que 1,5 % du total des inscriptions. Les deux autres provinces des Prairies, l’Alberta et la Saskatchewan, ont la plus forte proportion d’élèves scolarisés à la maison, soit respectivement 1,4 % et 1,2 %. Le Québec a la proportion la plus faible d’élèves scolarisés à la maison à seulement un peu plus de 0,1 %, soit 1 275 élèves en 2014. Depuis 2014, ce chiffre atteint près de 2 000 élèves (0,2 %), principalement parce que le Québec impose la fermeture des écoles trop religieuses (il les qualifie d’« écoles illégales »). Les parents qui y envoyaient leurs enfants n’ont guère d’autre choix que l’école à la maison puisqu’ils considèrent comme inacceptables les écoles publiques et les écoles privées approuvées par l’État.

En dépit des faibles effectifs liés à cette forme de scolarisation, l’instruction à domicile a connu une forte croissance en termes d’effectifs absolus au cours des cinq dernières années dans neuf provinces sur dix.

La seule exception est la Colombie-Britannique. Dans son rapport sur l’état de l’éducation à domicile au pays, Van Pelt (2015) attribue ce déclin en partie à l’énorme croissance des programmes d’apprentissage distribué (DL, une forme d’éducation à distance, comme le CNED en France, qui peut être fournie par une école publique ou privée) en Colombie-Britannique au cours de cette même période, un substitut et un complément pour l’apprentissage traditionnel à domicile.

Voir aussi

Les règles imposées à l’école privée sont responsables de la sélection pratiquée

Étude sur l’instruction à domicile au Canada

Nombre record d’enfants instruits à la maison au Québec (en 2016)

Les enfants instruits à la maison ont d’aussi bons résultats dans les États peu contraignants que dans les États tatillons

Les enfants instruits à la maison aux États-Unis réussissent mieux que ceux des écoles publiques

Source : Fraser Institute

Mauvais signal quand l'État légalise le cannabis et se lance dans sa production

Christian Saint-Germain professeur d’éthique à l’UQAM :


Christian Saint-Germain est un indépendantiste québécois anti-Parti québécois. Il est un virulent critique, d’aucuns diront un pamphlétaire sans nuance, d’une certaine modernité qui aboutit à cul-de-sac collectif.

Il a ainsi critiqué avec virulence dans son ouvrage Le mal du Québec, paru au début de l’automne 2016, l’héritage de la Révolution tranquille à la lumière de ce que Saint-Germain croit être son aboutissement funeste : la loi sur les soins de fin de vie, ou si on préfère, la transformation du suicide assisté en droit fondamental garanti par l’État social. Pour reprendre la recension de cet ouvrage par Mathieu Bock-Côté : « Derrière ce qu’on présente comme un progrès humaniste, Christian Saint-Germain voit la manifestation d’un désir de disparaître qui se ferait de plus en plus sentir au Québec, même si rares sont ceux qui le nomment par son nom. En d’autres mots, la normalisation thérapeutique du suicide assisté serait la traduction inconsciente d’un peuple qui renonce à la vie.

Saint-Germain, en d’autres mots, fait le procès d’une modernité québécoise qui aurait échoué. Les gardiens de la Révolution tranquille ne toléreraient pas la moindre critique parce qu’ils se prennent pour les Québécois les plus évolués. En s’abonnant à la social-démocratie technocratique pour régler tous ses problèmes, le peuple québécois se serait transformé en association d’assistés faisant passer leur dépendance à l’État pour une marque de solidarité nationale. Il aurait renié sa conscience identitaire, son épaisseur historique, pour se laisser absorber par la froide mécanique de l’État bureaucratique. En fait, le désastre serait global. Non seulement l’hôpital tuerait plutôt que soigner mais l’école fabriquerait des analphabètes à la tonne au nom de la massification de l’éducation. “Depuis la Révolution tranquille, l’école publique au Québec n’a-t-elle jamais été autre chose qu’un entrepôt d’enfants mal-aimés, un site d’enfouissement laissé sans surveillance ni inspection générale” (p.100) ? Encore une fois, il frappe fort, très fort, et probablement trop fort. Mais à travers une critique qui peut sembler terriblement injuste, il révèle des vérités désagréables qu’il sera seul à oser regarder en face. »

dimanche 27 mai 2018

« Les inégalités en défaveur des hommes passent à la trappe ! »

Dans son nouveau livre Les hommes sont-ils obsolètes ? (Fayard), Laetitia Strauch-Bonart s’appuie sur de nombreuses études scientifiques, où elle prouve le déclin irréfutable de la condition masculine à l’école, dans la famille et sur le marché du travail. Les hommes ont perdu le contrôle de la procréation, sont en retard dans les salles de classe, et la force physique qui était leur apanage n’a plus d’utilité sociale. À mille lieues des discours idéologiques convenus sur une discrimination systémique à l’égard des femmes, elle montre que l’asymétrie entre les sexes n’est pas le fruit d’un constructivisme social, mais s’enracine dans des différences biologiques. Elle fournit un plaidoyer précis et stimulant contre la guerre des sexes et le féminisme victimaire. Extraits d’un entretien de Laetitia Strauch-Bonart paru dans le Figaro. Laetitia Strauch-Bonart est également rédactrice en chef de la revue hebdomadaire d’idées « Phébé par Le Point ».


LE FIGARO. — Alors que l’on évoque quotidiennement la lutte pour les droits des femmes, vous avez choisi de parler dans votre livre de l’obsolescence des hommes. Qu’est-ce qui vous fait croire que la condition masculine serait menacée ?

Laetitia STRAUCH-BONART. — À cela, il y a d’abord une raison structurelle : l’évolution des conditions du pouvoir des hommes. À ce sujet, les réflexions contemporaines sont souvent trop court-termistes. Elles oublient que dans un monde où la force physique et le contrôle de la procréation, qui étaient la source du pouvoir des hommes, ont bien moins d’importance que par le passé, la place des hommes est en train de changer radicalement.

La force physique d’abord : elle est moins importante sur le marché du travail. La violence ensuite : je m’appuie sur les travaux du chercheur Steven Pinker, qui a montré, dans La Part d’ange en nous, que l’usage de la violence a considérablement régressé depuis des siècles, ce qui est contre-intuitif.

Ensuite, les femmes ont pris le contrôle de la famille. Elles détiennent aujourd’hui entièrement celui de la procréation. En cas de séparation, ce sont elles qui obtiennent la garde quasi systématiquement.

L’école ensuite : c’est flagrant. Je me suis plongée dans les études Pisa. En France, le retard des garçons de 15 ans sur les filles est de trois quarts d’année scolaire en moyenne en « compréhension de l’écrit ». En bout de classe, dans les très mauvais, il y a une majorité de garçons. Dans l’OCDE, cet écart atteint trois ans entre un garçon issu des classes populaires et une fille issue des catégories supérieures ! C’est très préoccupant, et je suis sûre que si c’était l’inverse, si les filles étaient à la traîne, ce serait un sujet de société — ce qui serait bien évidemment légitime. Mais les inégalités en défaveur des hommes, quand elles existent, passent à la trappe ! On préfère parler des « stéréotypes de genre » et de la place occupée par les garçons dans les jeux à la cour de récré plutôt que de l’inégalité criante des résultats !

LE FIGARO. — Enfin, vous ne pouvez pas nier que sur le marché du travail, les femmes sont encore perdantes…

La photographie actuelle est certes en défaveur des femmes : il y a des écarts de salaires, moins de femmes PDG et plus de femmes à temps partiel. Mais la tendance de long terme va dans le sens d’une ascension spectaculaire des femmes, qu’on ne célèbre pas suffisamment. Il y a des secteurs où les femmes deviennent majoritaires : presse, communication, magistrature, médecine, enseignement. On ne parle que des dirigeants d’entreprise, mais il s’agit d’une petite minorité ! Or quand on regarde l’ensemble du tableau, en excluant les dirigeants, on voit autre chose : beaucoup des métiers qui tendent à disparaître aujourd’hui, notamment en raison de la mécanisation, sont des métiers plus « masculins », tandis que les nouveaux métiers et les métiers en croissance (services à la personne, commerce) sont traditionnellement occupés par des femmes. Dans un monde moins violent, physique, et plus collaboratif et relationnel, l’économie devient féminine.

LE FIGARO. — On évoque souvent les différences de salaires pour prouver l’existence d’une discrimination systémique entre hommes et femmes. Quelle est la réalité de cet écart ?

La première chose qu’il faut dire, c’est qu’un écart ne signifie pas forcément une discrimination.

Aucune étude ne dit que la différence salariale est entièrement due à la discrimination. Il existe des discriminations, mais elles sont loin d’être la seule explication. Le monocausalisme, voilà l’essence de l’idéologie ! Les différences de salaire ont des facteurs multiples : le secteur d’activité, la fonction, l’expérience, l’âge, le temps de travail, le pouvoir de négociation, les interruptions de travail liées à la grossesse… Ensuite, il faut analyser chacun de ces facteurs.

Oui, les femmes travaillent en moyenne moins que les hommes, mais il est faux de dire que ce temps partiel est toujours subi : il est choisi à 68 %. Oui, elles s’occupent davantage de leurs enfants, mais c’est souvent un choix ! Oui, les femmes préfèrent en moyenne les métiers relationnels, où l’on gagne moins d’argent que les métiers techniques, comme celui d’ingénieur. Mais si ces métiers sont moins lucratifs, c’est parce que dans une société capitaliste et technologique, la richesse va à ceux qui produisent la technologie. C’est donc bien moins le résultat d’un « système patriarcal » que celui de la rationalité économique. Ne faudrait-il pas d’ailleurs reconsidérer les filières du soin ?

En réalité, ce sont les choix des femmes que l’on critique. Avec à la clé, une question de valeurs : on dresse une équivalence entre le fait de réussir sa vie et de gagner de l’argent. Pourquoi travailler à son compte aurait-il moins de valeur que d’être PDG ? Pourquoi être juge ou responsable des ressources humaines serait-il moins valorisant que d’être ingénieur chez Google ? Nous prétendons « déconstruire la société patriarcale », mais nous avons en réalité intériorisé les valeurs masculines. Je m’interroge sur la volonté de certaines féministes de nier les aspirations des femmes — des aspirations qui ressortent des études sur le sujet et qui ne sont que des moyennes, mais qui n’en sont pas moins éclairantes. Beauvoir disait dans une interview américaine : « Aucune femme ne devrait être autorisée à rester chez elle pour élever ses enfants. La société devrait être totalement différente. Les femmes ne devraient pas avoir ce choix, précisément parce que si ce choix existe, trop de femmes vont le faire » N’est-ce pas terriblement liberticide ? Ou encore, j’entends souvent les responsables politiques afficher leur volonté que dans l’enseignement supérieur, la proportion de femmes dans les matières mathématiques et technologiques augmente. Mais ils ne s’interrogent jamais sur leurs désirs profonds ! Et si les femmes, même quand elles sont, très bonnes en sciences, n’avaient pas envie d’en faire leur métier ? Les études sur lesquelles je m’appuie dans mon livre le prouvent : les femmes qui sont aussi bonnes ou meilleures en lettres qu’en sciences choisissent d’abord les lettres, même quand elles sont meilleures que les garçons en sciences !

LE FIGARO. — On se souvient de l’affaire du mémo de Google, où un ingénieur [note du Carnet : James Damore, voir ici] avait été renvoyé pour avoir expliqué les différences de carrières entre hommes et femmes. Pourquoi hommes et femmes font-ils des choix de carrière différents ?

Hommes et femmes embrassent des carrières différentes, en moyenne, parce qu’ils ont en moyenne des intérêts différents — leurs choix sont donc libres et authentiques. Les « stéréotypes de genre » jouent certainement un rôle, mais certainement bien plus faible qu’on ne le dit : ils ne peuvent expliquer l’entièreté de ces différences.

On constate que les femmes se dirigent davantage, en moyenne, vers des métiers relationnels et liés au langage, et les hommes davantage vers des métiers techniques. Cela correspond à une distinction très importante observée et validée par les psychologues cognitivistes et comportementaux, celle entre l’intérêt des femmes pour les « personnes » et celui des hommes pour les « choses ». Alors qu’ils ont l’occasion de faire les mêmes études, et que les filles sont souvent meilleures que les garçons ! Dans une étude récente (G. Stoet, D. C. Geary, « The Gender-Equality Paradox in Science, Technology, Engineering, and Mathematics Education », Psychological Science, 2018), des chercheurs parlent même d’un « paradoxe de l’égalité » : les différences entre les choix des deux sexes sont d’autant plus marquées que les pays sont développés et égalitaires ! Plus il y a d’égalité, plus les choix sont genrés ! C’est une réfutation magistrale du constructivisme social : quand on donne aux femmes le choix, elles affichent leurs différences.

LE FIGARO. — Mais d’où proviennent ces différences ?

C’est là qu’il faut prononcer le mot qui fâche : la nature ! Je ne défends en aucun cas un déterminisme biologique, mais l’idée que les comportements des deux sexes sont en partie le résultat de différences naturelles. Ces différences sont corroborées par d’innombrables études scientifiques — psychologie cognitive et comportementale, étude des hormones et du cerveau, anthropologie et psychologie évolutionniste —, la distinction « choses/personnes » étant présente dès le plus jeune âge.

La théorie de l’évolution explique ainsi qu’hommes et femmes, confrontées à des pressions sélectives différentes, ont adopté des comportements distincts. Elle permet de comprendre notamment les racines de l’investissement supérieur des mères pour leurs enfants ou encore celles de la propension masculine à la compétition.

Malheureusement, toutes ces études sont quasiment inaudibles en France. Alors que la science s’écrit aujourd’hui en anglais, nous préférons rester repliés sur nous-mêmes, et accorder du crédit à des théories aberrantes, proférées par des universitaires qui ne connaissent rien à la biologie ! On a pu le voir notamment avec les propos consternants de l’anthropologue Françoise Héritier qui affirmait que si les hommes étaient plus grands que les femmes, c’est parce qu’ils leur confisquaient la viande depuis l’âge des cavernes !

LE FIGARO. — Alors que vous montrez que les femmes n’ont jamais été aussi puissantes, comment expliquez-vous que le féminisme victimaire tienne constamment le haut de l’affiche ?

Je pense que ce que vous décrivez provient de ce que les chercheurs en sciences cognitives appellent des « biais ». Le « biais de disponibilité » d’abord, qui consiste à privilégier et surestimer les informations qui sont immédiatement disponibles dans notre mémoire. La surexposition médiatique de certains événements peut alors donner l’impression que ceux-ci sont plus fréquents, même si c’est faux ! Il y a aussi le « biais de négativité » : on a tendance à être davantage marqué par les événements négatifs que positifs. Ces deux biais empêchent de voir les progrès accomplis par les femmes depuis des décennies.

LE FIGARO. — Le déclassement masculin est-il facteur de déstabilisation ? Peut-il aboutir à des phénomènes de ressentiment ?

Le malaise masculin m’inquiète. Alors que la place des hommes dans le monde n’est plus très claire, on leur demande de s’adapter immédiatement et radicalement. Certains hommes sont tout à fait à l’aise aujourd’hui, ceux des classes supérieures. C’est dans les classes populaires que les hommes connaissent le désarroi le plus fort. Plus généralement, je suis frappée que la masculinité ne soit invoquée, aujourd’hui, que quand elle est « toxique ». Le constructivisme social qui n’invoque la différence des sexes que pour criminaliser le masculin crée à mon sens un profond malaise chez certains hommes.

Or nous n’avons aucun intérêt à ce que les hommes soient « obsolètes », car leur absence a des conséquences néfastes sur leur entourage direct, à commencer par les femmes et les enfants. Je ne crois pas à la guerre des sexes, qui considère la relation hommes-femmes comme un jeu à somme nulle : ce qu’un sexe gagne, l’autre doit le perdre. Au contraire, je pense que si les hommes vont mal, les femmes en souffrent !

LE FIGARO. — Peut-il exister un féminisme conservateur ?

Je crois au féminisme de l’égalité des chances, pas à celui de l’égalité de résultat. Dans l’histoire, aucun gouvernement, aucun groupe social n’a obtenu d’égalité de résultat sans recourir à la coercition ou à la violence. Non seulement on ne peut pas changer fondamentalement la nature humaine, mais quand on s’y essaie, c’est toujours au prix fort.

Voir aussi

Jordan Peterson sur l'écart salarial, l'imposition des pronoms trans et la gauche radicale



Wall Street Journal : « Il n’y a pas d’écart salarial hommes-femmes »

L'égalité est-elle une « valeur » pertinente en soi indépendamment du contexte ? (Google, James Damore évoqués)

Deux fois plus de dépressions chez les femmes qu’il y a 40 ans. Rançon de la « libération » de la femme ?

Les jeunes femmes gagnent plus que les jeunes hommes dans les métropoles américaines

Discrimination — Les lesbiennes gagnent plus que les hétérosexuelles.

Le cerveau des hommes et celui des femmes seraient connectés différemment

L’État [et ses emplois à l’abri des aléas économiques] se féminise et se « diversifie »

La révolution sexuelle et le féminisme, héritage des années soixante

Tempête dans la gazouillosphère québécoise : « Les filles attachent moins d’importance au salaire que les garçons »



Le paradoxe de l'égalité entre les sexes c. la théorie du genre (Scandinavie) (Jordan Peterson y fait allusion)


Reportage de la télé norvégienne (NRK) sous-titrée en français (par des tiers)

Pourquoi l'absence du père serait néfaste pour les garçons





jeudi 24 mai 2018

Pourquoi l’université serait-elle le seul secteur où toute sélection serait bannie ?

Éric Zemmour sur la sélection à l’université et l’horrible discrimination qui fait qu’il n’a pas été sélectionné dans l’équipe de France de football.

C’est un appel solennel. Un cri de détresse. Alors que Didier Deschamps a donné il y a quelques jours la liste des joueurs qui participeraient à la Coupe du monde de football en Russie, je note que je n’ai pas été choisi. Je veux profiter de cette antenne pour dire que je suis victime d’une discrimination impardonnable : celle de l’âge, du talent, de la force, de la chance aussi. On me stigmatise.

On ne le criera jamais assez : non à la sélection ! Non à la sélection en équipe de France ! Mais pourquoi choisir les meilleurs joueurs français pour se confronter au Brésil et à l’Allemagne ?

Pourquoi ne pas permettre à d’autres, peut-être moins doués, mais qui peuvent progresser de participer à cette grande fête de la fraternité universelle ? Si on manque de places, qu’on construise des stades plus grands. Si la FIFA n’est pas d’accord, qu’on manifeste contre la FIFA.

Le football n’est pas le seul domaine où une sélection ignoble discrimine les êtres humains. Le Festival de Cannes a décerné il y a quelques jours des palmes à certains films. Et pourquoi pas aux autres ? Un manque d’écrans et de salles ? Il faut construire. Un manque d’argent ? Macron a trouvé plusieurs milliards à donner aux riches en supprimant l’exit tax.

Pourquoi l’université serait-elle le seul secteur où toute sélection serait bannie ? Pourquoi l’activité intellectuelle n’aurait-elle pas le droit, comme le sport ou l’art, de choisir les meilleurs, les plus doués, les plus travailleurs ? Pourquoi ce qui est banal, et même flatteur, dans un cas, serait scandaleux dans l’autre ?


Facal : Le crépuscule de l’école de quartier

Nous reproduisons ci-dessous la chronique de Joseph Facal pour alimenter le débat. Pour notre part, nous n’avons rien contre une école sur mesure. La question est de savoir sur la mesure de quoi ? Si c’est uniquement pour servir des enfants-rois, c’est une mauvaise idée. Par contre, si ces écoles sont exigeantes — et nous insistons sur cette dimension — et répondent au mieux aux intérêts et talents divers des élèves tout en satisfaisant les valeurs des parents, nous sommes en leur faveur. Nous nous opposons au formatage uniforme des enfants décidé par des fonctionnaires ou des ministres.

Le Devoir d’avant-hier éclairait un phénomène en forte expansion au Québec : l’école sur mesure.

Un couple de la Rive-Sud de Montréal cherchait l’école « idéale » pour ses enfants. On ne s’étonnera pas qu’il ne l’ait pas trouvée.

Ces gens ont donc fondé leur propre école, « cohérente avec notre système de valeurs », disent-ils.


C’est 8000 $ par année et c’est approuvé par les autorités ministérielles. Dans cette école, c’est même chaque classe qui est différente.

« Notre but, dit l’un des fondateurs, c’est que l’enfant aime l’école. »


Partout

Le Devoir nous apprend que ces écoles sur mesure ou à profil particulier se multiplient, autant dans le réseau privé que dans le réseau public.

Forcément, le modèle progressivement marginalisé, c’est celui de l’école publique de quartier traditionnelle, accueillant gratuitement et sans distinction tous les enfants du secteur et offrant le programme ministériel standard, celle qu’on appelle dans le jargon québécois l’école « inclusive ».

Avant de grimper dans les rideaux ou de refaire le sempiternel procès de l’école privée — non pertinent ici puisque ce phénomène touche aussi le secteur public —, il faut voir que cette évolution, probablement irréversible, est à l’image de toute la société.

Les partis politiques se meurent parce que les gens acceptent de moins en moins les inévitables compromis qu’il faut y faire.

Les médias généralistes perdent du terrain au profit des médias spécialisés qui vous offriront de la cuisine, du sport ou des documentaires à temps plein.

Les entreprises sont aux prises avec une nouvelle génération d’employés qui, avant d’avoir accompli quoi que ce soit, exigent des ajustements et une reconnaissance.

Jadis, on s’adaptait à la société. Aujourd’hui, on veut adapter la société à nous.

Comme le dit le personnage du truand joué par Jack Nicholson dans The Departed de Martin Scorsese : « Je ne veux pas être un produit de mon environnement, je veux que mon environnement soit un produit de moi ».

Je ne défends absolument pas une école figée enseignant un programme immuable.

Tout change, et si ces nouvelles écoles aident à contrer l’abandon scolaire, on ne saurait être complètement opposés.

Conséquences

Je me pose cependant trois questions.

Si on conçoit une école pour qu’elle soit au goût de l’enfant, comment réagira-t-il quand il arrivera sur un marché du travail qui ne se pliera pas à ses goûts ?

Il est souhaitable qu’un enfant aime l’école, mais si elle est aménagée en conséquence, ne devient-il pas plus difficile de lui faire comprendre qu’il faut souvent, dans la vie, accepter de faire des choses qu’on n’aime pas ?

Et s’il y a de moins en moins un savoir et des points de repère communs, facilite-t-on vraiment la compréhension mutuelle et la collaboration ?

mercredi 23 mai 2018

Impact sur l’égalité des chances des modalités de financement du choix de l’école en Suède

Inger Enkvist a présenté lors d’un colloque récent à Paris le système du « chèque scolaire » suédois, mis en place dans les années 1990. Ce système permet de financer par l’argent public toutes les écoles, qu’elles soient publiques ou privées, afin que les frais de scolarité soient, eux, totalement gratuits pour les familles. Les écoles libres, présentes dans deux tiers des villes, totalisent 20 % des élèves de maternelle, 14 % du collège, et 27 % de l’enseignement professionnel. Si ce dispositif qui a suscité beaucoup d’intérêt lors de son lancement souffre d’un problème d’évaluation précis des connaissances des élèves — le système éducatif suédois ne comportant pas d’examen —, comme de la performance financière de l’argent public investi, « on estime généralement que les écoles libres coûtent 10 % moins cher que les écoles publiques pour des résultats 10 % plus élevés ».

Cela dit, « l’école libre n’est pas tellement libre puisqu’elle doit suivre le même plan d’étude centré sur l’égalité que les écoles publiques, et elle doit recruter des professeurs formés par l’État, une formation très critiquée depuis des décennies pour être orientée vers les buts sociaux et non pas vers l’apprentissage ».

Écouter l’intervention d’Inger Enkvist (11 minutes)



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Liens externes

Scandinavie — Les élèves immigrés non occidentaux à la peine (y compris la 3e génération)


Suède — La baisse du niveau scolaire en partie imputable à l’immigration ?

Suède — Échec de l’intégration des immigrés, ce n’est pas faute de moyens ou de bons sentiments

« Le système de garderie universel en Suède forme des enfants moins instruits »

Suède : des résultats scolaires en baisse depuis dix ans


La natalité a nettement progressé en Pologne en 2017

La natalité a nettement progressé en Pologne en 2017, grâce notamment à une importante allocation familiale introduite par le parti conservateur au pouvoir, selon des statistiques officielles publiées mercredi. La Pologne a enregistré en 2017 environ 402 000 naissances, soit 20 000 de plus que l’année précédente, selon un communiqué de l’Office central des statistiques (GUS).

Un accroissement net, mais moins marqué a été noté également en 2016, à 382 000 naissances, soit 13 000 de plus qu’un an plus tôt. « En langage simple, c’est bien cela », a dit à l’AFP la responsable du département Démographie et Marché du Travail du GUS, Joanna Stanczak, interrogée sur un lien de cause à effet entre l’allocation et la hausse des naissances.


L’allocation mensuelle dite « 500+ » (d’un montant de 500 zlotys, soit environ 175 $ canadiens ou 117 € par enfant à partir du deuxième enfant), avait été introduite le 1er avril 2016. Le salaire moyen en Pologne évolue autour de 1000 euros. Le lien entre cette allocation et le redémarrage de la démographie — que l’on pourrait attribuer aussi par exemple à la bonne marche de l’économie polonaise — est souligné par d’autres données statistiques : la hausse des naissances concerne avant tout le deuxième, le troisième ou le quatrième enfant.

En 2010, les premiers enfants représentaient la moitié des naissances. En 2017, leur proportion est tombée à 43 %. On a noté également une hausse de naissances dans les tranches d’âge relativement plus avancées, ce qui semble traduire la réalisation de projets familiaux auparavant remis à plus tard. Reste que la situation actuelle correspond à un indice de fécondité de 1,45 enfant par femme. Pour assurer le renouvellement des générations, ce taux doit s’établir entre 2,10 et 2,15 enfants.

Depuis leur arrivée au pouvoir il y a deux ans, les conservateurs ont introduit plusieurs mesures alignées sur les vues de la puissante Église catholique.

Le gouvernement PiS a notamment mis fin dès mi-2016 au programme de financement de la fécondation in vitro par l'État. En mai 2017, il a limité l'accès à la pilule du lendemain, désormais accessible uniquement sur prescription médicale.

Voir aussi

Québec — Jamais aussi peu de naissances depuis 10 ans, jamais autant de décès


mardi 22 mai 2018

Rapport : les élèves passés par ECR connaissent mal les religions, mais sont tolérants envers les signes religieux

Au Québec, les élèves des cégeps ont peu de connaissances générales sur les différentes religions, mais ils se montrent tolérants à l’égard des signes religieux dans l’espace public. Il s’agit des élèves auquel le Monopole de l’Éducation du Québec a imposé le controversé programme d’éthique et de culture religieuse (ECR) pendant quasiment toute leur scolarité. Les résultats ne sont pas étonnants puisque le programme d’ECR n’est pas un programme « encyclopédique » (les faits ont en fait peu d’importance, voir ici), c’est l’attitude tolérante envers la diversité des religieux qui est valorisée. Attitude tolérante qui peut s’accompagner d’une certaine banalisation ou relativisation des religions : elles se valent toutes autant ou aussi peu.

Rappel (extrait) :

Pour Pierre Lucier, « un enseignement de type encyclopédique sur le contenu ou l’histoire des doctrines et des traditions religieuses » ne serait pas approprié, étant donné les « objectifs sociaux et visées éducatives du programme ». En fait, comme l’indique Georges Leroux, les connaissances ne font même pas partie du programme comme tel, elles sont au strict service des compétences : « Dans l’univers très riche des programmes formulés selon des compétences, nous ne travaillons pas à partir de contenus prédéterminés : les jeunes ne recevront pas dans ce programme des connaissances encyclopédiques sur telle ou telle religion, ou doctrine morale ». L’important dans le programme ÉCR, ce sont les « compétences » et les « visées éducatives ».

Quelles sont ces visées éducatives ? Selon le rapport Proulx (p. 90) qui a servi de base théorique à l’imposition de ce programme, il s’agit de développer « l’ouverture et la tolérance ».

Selon un rapport de recherche du Centre d’expertise et de formation sur les intégrismes religieux, les idéologies politiques et la radicalisation (CEFIR), moins de la moitié des répondants (sur 991) a fourni des bonnes réponses aux questions sur l’islam et le judaïsme. Même pour le christianisme, les pourcentages de bonnes réponses étaient globalement faibles.

Pour 50 % des sondés, les actions terroristes sont principalement dues à des idéologies religieuses alors que plusieurs sont commises au nom d’idéologies non religieuses.

Selon les auteurs du rapport, il ressort encore que les étudiants ne connaissent pas les groupes extrémistes québécois et que leurs connaissances en matière de radicalisation sont minimes.

« On peut craindre que l’ignorance ne fasse le lit de la radicalisation tout en renforçant des orientations politiques inappropriées et contreproductives », ont affirmé les chercheurs. Ils recommandent de revoir les cours d’éthique et de culture religieuse, que les étudiants interrogés ont par ailleurs tous suivis lors de leur scolarité, afin de mieux outiller les jeunes dans la compréhension de la radicalisation et des idéologies religieuses.

Rétention de l’islam, effondrement du christianisme chez les jeunes ?
Le détail du rapport est instructif. Le tableau ci-dessous donne les caractéristiques de l’échantillon des élèves sondés comparées à celles de la population de la région métropolitaine montréalaise voisine des cégeps sondés, ainsi qu’à celles de la population Québec pour des classes d’âge similaires.




Pour les auteurs du rapport, la surreprésentation des individus « sans religion » dans l’échantillon des cégépiens sondés, pourrait être le résultat d’une série de facteurs. Les données de l’Enquête nationale auprès des ménages de Statistique Canada pourraient poser problème ici, car ce sont les chefs de ménage qui répondent pour les autres membres du ménage aux questions de ce sondage national. En d’autres mots, ce sont souvent les parents des jeunes de 15 à 24 ans qui répondent à la question de l’affiliation religieuse de ceux-ci. Il se peut donc que les réponses des parents soient erronées quant à l’affiliation religieuse de leurs enfants (les parents supposent qu’ils sont catholiques par exemple), alors qu’on retrouve des taux beaucoup plus élevés de « sans religion » lorsqu’on pose la question « Quelle est votre religion, si vous en avez une ? » aux jeunes mêmes. Il se peut également que la juxtaposition des mots « religion » et « radicalisation » dans le titre du sondage, dans le but d’indiquer l’objet de l’étude aux répondants, ait poussé certains qui ont des attaches plus faibles avec la tradition religieuse à laquelle ils ou elles s’identifient à mettre de côté leur identité religieuse habituelle dans le contexte de ce sondage. Il se pourrait aussi que des individus qui sont généralement contre la religion, mais s’y intéressent pour mieux appuyer leurs positions et sentiments antireligieux aient répondu au sondage en plus grand nombre comparativement à leur poids sociodémographique dans la population générale. Notons cependant que les musulmans ne semblent pas affectés par cette divergence entre les chiffres de Statistiques Canada et ceux du sondage.

Très faible connaissance du christianisme, très faible connaissance de la part des athées et agnostiques

Les élèves de 17 à 24 ans sondés devaient répondre à quatre (4 !) questions de bases sur le christianisme et le catholicisme pour évaluer (très superficiellement) leurs connaissances du christianisme. Si 63 % des collégiens peuvent identifier l’énoncé sur l’eucharistie comme vrai, seuls 14 % peuvent identifier l’énoncé sur les quatre Évangiles comme faux (Paul n’est pas un des évangélistes, il manque Luc).


Les connaissances sur le judaïsme ou l’islam sont encore moins bonnes.

Un recoupement de ces résultats avec les profils des cégépiens permet d’établir que les hommes connaissent mieux, en moyenne, le christianisme et l’islam que les femmes. En deuxième lieu, comme on pouvait s’y attendre, les membres affiliés à une religion en connaissent plus sur cette dernière. Par exemple, les catholiques ont un score moyen de 0,204 point plus élevé sur l’échelle du christianisme que les athées et les agnostiques. Cette échelle de la connaissance religieuse va de 0 à 4, un point par bonne réponse. Les musulmans ont un score moyen de 0,840 point plus élevé sur l’échelle de l’islam que les athées et les agnostiques, et un résultat moyen de 0,527 point plus faible sur l’échelle du christianisme que les athées et les agnostiques.



Les répondants avec un niveau de religiosité plus élevé ont en moyenne plus de connaissance en ce qui concerne chacune des trois traditions religieuses : une augmentation d’un point sur l’échelle de religiosité est associée à une augmentation moyenne de 0,452 point sur l’échelle des connaissances du christianisme, de 0,203 point sur l’échelle des connaissances du judaïsme et de 0,112 point sur l’échelle des connaissances de l’islam.

Surestimation du poids (actuel) de l’islam et sous-estimation du christianisme

La conclusion principale qu’on peut tirer de ces résultats est que la vaste majorité des élèves surestime la présence des minorités religieuses musulmane et juive dans la province, peut-être en raison de la plus grande visibilité de ces minorités dans les médias ou parmi les jeunes que côtoient les cégépiens. À l’inverse, la plupart sous-estiment l’affiliation au christianisme peut-être à cause du silence de l’Église catholique depuis des décennies et du peu d’importance dans leur vie de jeunes souvent sans religion.

Comment lire le graphique 8 : 20 % des cégépiens ont estimé correctement la proportion de chrétiens au Québec (plus de 60 % de la population), 80 % des cégépiens ont sous-estimé ce poids.

Attitudes des élèves sortis de l’école québécoise envers les enjeux sociaux

Le sondage Connaissances et perceptions de la religion et du phénomène de la radicalisation chez les étudiants au collégial a également posé une série de questions aux répondants quant au niveau d’importance qu’ils accordent à certains enjeux de société, qui incluent la protection de l’environnement, la prévention et la lutte au terrorisme, le financement des services publics, l’intégration des immigrants, la croissance économique ainsi que les inégalités sociales.


Les résultats présentés au Graphique 9 indiquent qu’une majorité des répondants étudiants sont d’avis que tous ces enjeux sont importants ou très importants pour notre société. La protection de l’environnement et les inégalités sociales sont les deux enjeux qui ont reçu les plus grandes proportions de répondants indiquant que ces enjeux sont très importants (64 % et 62 % respectivement). La croissance économique est l’enjeu qui a reçu le taux le plus faible de répondants indiquant que cet enjeu est très important (25 %), et le taux le plus élevé de ceux qui disent que cet enjeu n’est pas très/pas du tout important (24 %).

Cela n’est pas une surprise étant donné les priorités instillées dès le plus jeune âge par l’école québécoise : l’immigration c’est bien par définition, la protection environnementale prend même dans des manuels d’ECR du primaire le pas sur le développement économique, voir analyse de trois manuels approuvés d’ECR. Ces manuels parleront du réchauffement climatique, oui, en ECR, des ours polaires qui mourraient anormalement de faim, il demandera à l’enfant conditionné « Explique comment ces actions contribuent à la santé de la planète », mais jamais les trois manuels analysés utilisés dans la même école ne parleront de notre développement, notre richesse, notre confort, etc. Il semble qu’il n’existe pas de responsabilité éthique à se développer dans ces trois manuels par exemple. Rappelons que l’Institut du Québec vient de publier un portrait de Montréal en comparaison avec d’autres grandes villes nord-américaines. On y trouve une mine incroyable d’informations sur l’état de Montréal, et notamment sur la position de Montréal par rapport à d’autres grandes villes. Au chapitre du niveau de vie, parmi les quinze grandes villes faisant l’objet de la comparaison, Montréal arrive dernière. Même quant au revenu disponible. Montréal est la plus pauvre. Cette année encore, comme l’an dernier.

Les immigrants s’intègreraient bien, le Québec ne devrait pas accueillir moins d’immigrants

Selon le rapport, 59 % de l’échantillon de cégépiens est tout à fait ou plutôt d’accord avec la déclation selon laquelle la très grande majorité des immigrants s’intègre bien à la société québécoise, et seulement 15 % pensent que le Québec devrait accueillir moins d’immigrants par année.


Certains effets sociodémographiques sont présents auprès des répondants qui sont plus méfiants envers l’immigration au Québec. Les répondants étudiants plus âgés (du groupe pourtant âgé de moins de 24 ans) sont plus enclins à avoir ces attitudes plus réservées envers l’immigration. Le rapport affirme que plus les cégépiens connaissent les religions, moins ils sont réservés envers l’immigration. Mais cette diminution est très petite, dix moins moindre qu’avoir un parent né hors Canada. Ces deux variables ne sont d’ailleurs pas nécessairement indépendantes (les musulmans, des immigrés, baignant dans une culture occidentale connaissent mieux les trois religions que les catholiques culturels). En outre, comme on pouvait s’y attendre, les élèves de première et de deuxième génération d’immigration ont généralement moins sujets à exprimer une telle méfiance envers l’immigration.

Pour le port de toutes formes de symboles religieux pour les employés de la fonction publique et contre une préférence de l’immigration chrétienne


Les résultats présentés dans le Graphique 12 nous indiquent que 47 % des cégépiens de l’échantillon sont tout à fait ou plutôt d’accord avec le port des symboles religieux par les employés de la fonction publique, 19 % sont indécis et 33 % sont plutôt ou tout à fait en désaccord. La vaste majorité des élèves (76 %) est plutôt ou tout à fait en désaccord que le Québec devrait accueillir moins d’immigrants de confession musulmane au profit de ceux et celles de cultures chrétiennes. Enfin, 47 % des cégépiens sont plutôt ou tout à fait en désaccord avec l’idée que les individus avec de fortes convictions religieuses tentent de les imposer aux autres, 23 % sont indécis quant à cet énoncé et 30 % sont plutôt ou tout à fait en accord.

La majorité des cégépiens de notre échantillon est également tout à fait ou plutôt d’accord avec l’idée que les enseignants et enseignantes devraient être autorisés à porter le hijab (67 %), une croix (74 %) ou la kippa (70 %) s’ils ou elles le souhaitent (voir Graphique 13).

Les résultats du graphique 14 (non illustré) indiquent, quant à eux, que la majorité des élèves serait à l’aise si un membre de leur famille avait un nouvel amoureuse ou amoureux musulman (72 %), chrétien (80 %) ou juif (73 %). Cela n’est pas étonnant pour des jeunes qui ne donnent guère d’importance à la religion, mais qui ont été instruits à être tolérants envers toutes les expressions de la religion (vue comme un ensemble indistinct, voir le peu de différence de traitement entre la croix, le hijab et la kippa dans un pays pourtant historiquement catholique).

mercredi 16 mai 2018

Dans une garderie près de chez vous — Un premier jouet transsexuel créé au Québec

Nouvel épisode de notre feuilleton Le Québec à l’avant-garde. Voir les épisodes précédents Un juge demande la reconnaissance des familles à trois parents, À dépenses similaires, l’Ontario diplôme de plus en plus alors que le Québec fait du surplace et Québec : jamais aussi peu de naissances depuis 10 ans, jamais autant de décès depuis la tenue des statistiques.

Les enseignants et éducateurs en garderie qui accueilleraient de « plus en plus des enfants transgenres » dans leurs groupes selon TVA nouvelles, pourront bientôt utiliser un des 500 exemplaires du premier jouet conçu pour expliquer cette apparente mode récente.

Jacques Pétrin est un des premiers à avoir commandé des exemplaires de Sam, premier jouet transgenre au monde. Il croit que ses créateurs québécois ont bien fait de concevoir un jouet que les enfants pourront manipuler, au lieu des traditionnels livres ou campagnes de communication.


« Il y a des jeunes qui n’ont même pas commencé à apprendre à lire. Ça arrive souvent avant ça », affirme M. Pétrin, en faisant référence aux questionnements sur ce qu’on nomme parfois l’identité de genre. Il est coordonnateur de la Table nationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie des réseaux de l’éducation.

Afin d’enrayer la prétendue « transphobie » dès le plus jeune âge, l’agence LG2 et l’organisme Enfants transgenres Canada ont créé un jouet basé sur le modèle des poupées russes, accompagné d’un court film qui raconte l’histoire du personnage imaginaire Sam.

Chaque poupée représente les étapes par lesquelles peuvent passer certains enfants qui se questionnent sur leur identité de genre. Par exemple, la deuxième poupée montre Sam, alors considéré comme une fillette, qui s’amuse naïvement à se dessiner une moustache.

Sam « considérée comme une fillette » explore son identité à la garderie

La cinquième poupée montre Sam dans une phase plus sombre, où il éprouve de la tristesse à force de se sentir rejeté.

Les intervenants pourront donc présenter la vidéo aux enfants, les laisser s’amuser avec le jouet et les inviter à discuter de ce qu’ils ont retenu, avance M. Pétrin.

« Ça ne dit pas aux enfants comment être, mais plutôt comment accepter ceux qui vivent cela », explique le designer graphique Jean-Philippe Dugal, chez LG2, qui espère rien de moins que de « changer le monde » grâce à Sam.

Au cours des 10 dernières années en Angleterre, on assiste a eu une forte augmentation du nombre de références à des cliniques de genre pour les adolescentes qui veulent devenir des garçons.

Une étude de 2017 a établi une association entre ce phénomène et le fait d’avoir un ami (ou plusieurs amis) identifié comme transgenre, suggérant que cette augmentation ait des similitudes avec une contagion sociale. Ces filles ont fréquemment d’autres problèmes de santé mentale, comme l’autisme ou un trouble de la personnalité limite, qui devraient plutôt être au centre des préoccupations.

Des statistiques récentes estiment que six adultes sur 1000 sont des transgenres (un nombre qui a étrangement doublé au cours de la dernière décennie), et jusqu’à une personne sur 100 pourrait avoir une différence de développement sexuel (une condition médicale anciennement appelée « intersexe »).

Sans aucun doute, ces individus méritent la dignité et le respect. En même temps, on ne s’avance guère en affirmant que l’immense majorité des enfants grandiront en s’identifiant à leur sexe de naissance.

Pour le psychologue clinicien et professeur de psychologie à l’Université de Toronto, Jordan Peterson, on assiste à une épidémie d’autodiagnostic chez les jeunes, une course à la multiplication des pathologies, une glorification des troubles comme les troubles de la personnalité limite, lesquels sont rares. Cette course victimaire qui permet au plus opprimé d’atteindre le sommet de la hiérarchie aboutit à un nivellement vers le bas.

Les adultes n’aident pas les jeunes enfants à trouver une voie de l’avenir noble et difficile, où ils seront responsables et avanceront confiants vers l’âge adulte. Bien au contraire. Nous glorifions un statut extrêmement minoritaire, une confusion qui se résorbe souvent à l’adolescence avec l’enclenchement de la puberté. Au lieu de cela, on voit des écoles envoyer des enfants à des cliniques spécialisées au moindre soupçon de trouble de l’identité sexuelle et des parents aller jusqu’à demander que la puberté de leur enfant soit retardée par des injections d’hormones.

Quiconque essaie de parler de cela sait à quoi s’attendre : on vous appelle un bigot haineux. Aux parents, en particulier, on affirme que 41 % des personnes transgenres ont tenté de se suicider et que leur enfant fera partie de cette statistique s’ils ne cèdent pas à leur affirmation infantile d’être né dans le mauvais corps. C’est exactement ce que fait l’organisme Enfants transgenres Canada sur sa page d’accueil et dans ses interventions dans les médias.

Tiré de la page d’accueil du site militant Enfants transgenres Canada

Cependant, les chercheurs qui ont publié cette statistique ont reconnu les limites de leur étude ; ils n’ont pas demandé aux répondants s’ils souffraient d’autres problèmes de santé mentale ni s’ils s’identifiaient [encore] comme transgenres, au moment de leur tentative de suicide.

Extrait de l’article de TVA Nouvelles qui n’interroge personne pour remettre en question cette statistique et son insinuation simpliste (c’est la « transphobie » qui causerait ces suicides)

Pour Debra Soh, titulaire d’un doctorat en neurosciences sexuelles de l’Université York, les thérapeutes sont désormais incapables d’avoir d’honnêtes conversations avec les parents au sujet de leurs enfants, de peur de perdre leur permis d’exercer de peur d’enfreindre la Loi ontarienne de 2015 sur l’affirmation de l’orientation sexuelle et de l’identité sexuelle car, selon elle, « Nul ne doit, lorsqu’il fournit des services de soins de santé, fournir un traitement visant à changer l’orientation sexuelle ou l’identité sexuelle d’une personne de moins de 18 ans. » Cela a des implications importantes pour le bien-être de l’enfant, car la transition sociale et médicale n’est souvent pas une solution appropriée.

En prenant les affirmations des enfants pour argent comptant, les adultes leur refusent l’aide dont ils ont besoin. L’objectif d’une politique et d’un traitement médical efficaces devrait être d’améliorer la vie de ceux qui souffrent, plutôt que de s’autocongratuler parce que nous serions ouverts d’esprit, tolérants, bisounours et progressistes.

Voir aussi

Jordan Peterson et les jeunes « trans » (M-à-j avis de Debra Soh sur l’augmentation de ceux-ci)

Priorité éducative du Québec (du moment) : Urgence : « Adapter l’école aux écoliers transgenres »

Élève à la télévision : « J’en parlais avec mes amis trans à l’école... »

Angleterre — Au moindre soupçon, des écoles considèrent désormais les élèves comme transgenres

Nombre d’enfants référés à la clinique du genre (GIDS) par année et par sexe


Priorité en éducation selon le syndicat CSQ : lutter contre l’hétérosexisme...


Le genre et l’université : une chape de plomb s’abat

Garçon gardé par un couple de lesbiennes subit un traitement hormonal pour bloquer sa puberté

Thomas entre Pauline Moreno et Debra Lobel qui affirment qu’il n’a pas subi de pressions dans sa décision de devenir une fille

L'Italie est le deuxième pays le plus vieux au monde

L’Italie a confirmé en 2017 son statut de second pays le plus vieux au monde, après le Japon, et son déclin démographique, a indiqué mercredi l’Institut national de la statistique (Istat) dans son rapport annuel.

« Depuis 2015, notre pays est entré dans une phase de déclin démographique », après avoir encore perdu 100 000 habitants entre 2016 et 2017, a souligné l’Istat. L’Italie comptait 60,5 millions d’habitants au 1er janvier 2018 dont 8,4 % d’étrangers.

Taux de fécondité en chute libre

Le taux de fécondité, qui définit le nombre d’enfants par femme en âge de procréer, reste l’un des plus bas au monde à 1,34. Il est même de 1,27 dans la population italienne contre 1,95, mais en baisse, dans la population étrangère. Pays en phase de vieillissement, l’Italie comptait au 1er janvier de cette année 168,7 personnes âgées pour 100 jeunes, selon l’Istat, un rapport qui la place juste derrière le Japon. Dans 20 ans, ce rapport sera de 265 contre 100, indique encore l’institut.

Comparaisons internationales


À titre de comparaison le taux de fécondité en 2017 au Québec était de 1,54 enfant/femme, le taux des femmes francophones est habituellement inférieur de 0,1 enfant à ce taux. La fécondité a Montréal est 1,4 enfant/femme, 1,45 dans la Capitale nationale et 1,47 à Laval mais elle est de 2,6 (et en hausse) dans le Nord du Québec. Le taux de fécondité en 2017 était de 1,88 enfant/femme en France, un chiffre qui a baissé tout au long du quinquennat Hollande. En tête des pays développés en 2016, les 3,11 enfants par femme israélienne (juives et non juives). Comme la plupart des pays industrialisés, le taux de fécondité en Israël avait considérablement diminué entre les années 70 et le début des années 2000, passant d’une moyenne de 4 enfants en 1970 à 2,80 enfants en 2005. Cependant depuis 2006, le taux de fécondité en Israël est en hausse et dépasse maintenant l’Arabie saoudite, qui occupait auparavant la première place, avec une moyenne de 7,30 enfants par femme en 1979, mais qui est tombé à 2,70 depuis lors. D’autres pays connaissent des regains de fécondité, parmi ceux-ci l’Algérie et l’Égypte.

Espérance de vie au plus haut

L’espérance de vie est aussi l’une des plus élevées au monde avec 80,6 ans pour les hommes et 84,9 pour les femmes. Mais les disparités entre nord et sud sont encore fortes. A Bolzano (nord), on peut s’attendre à vivre en bonne santé jusqu’à 70 ans en moyenne, mais seulement jusqu’à 52 ans en Calabre, affirme l’Istat.

Immigration en baisse

L’immigration étrangère, dans un pays qui a vu arriver près de 700 000 migrants sur ses côtes en cinq ans, est en baisse constante avec 337 000 nouveaux inscrits à l’état-civil en 2017 contre 527 000 dix ans plus tôt. Quelque 227 000 nouveaux permis de séjour ont été accordés en 2017, mais ils étaient près de 600 000 en 2010.

Les départs d’Italiens ont triplé en 10 ans

Le solde migratoire reste positif, mais les départs d’Italiens vers l’étranger ont triplé en dix ans, effets de la crise économique obligent. La dynamique migratoire positive continue toutefois à limiter le déclin démographique dans un pays qui a vu en 2017 le nombre de naissances diminuer de 2 % sur an an, relève l’Istat.

Benoît XVI : les « droits de l'homme » sans Dieu se réduisent au « pragmatisme » capricieux

Si Dieu n’existe pas, les droits de l’homme s’effondrent est un texte écrit par Benoît XVI en 2014. Il a été publié par Sandro Magister le 8 mai 2018. Benoît XVI écrit qu’il a compris en 2014 qu’il y a une discontinuité entre les papes précédents et l’encyclique de Jean XXIII Pacem in Terris (avril 1963) qui poussait pour la reconnaissance des « droits de l’homme ». Jusque-là, le concept agnostique des « droits de l’homme » avait été condamné par l’Église parce qu’il est coupé de l’autorité de Dieu, confond la vérité et le mensonge et place ces « droits » à la merci des caprices des législateurs humains. L’ancien pape Benoît XVI est arrivé à une conclusion similaire, c’est-à-dire que les « droits de l’homme » sans Dieu sont finalement réduits au « pragmatisme ». Selon Benoît, un tel concept agnostique conduit à la « destruction de l’idée du droit » et au « droit nihiliste » de l’homme de se nier « comme dans l’avortement et le suicide ». Selon Ratzinger, les « droits de l’homme » séparés de Dieu conduisent à la négation du christianisme. Le texte sera imprimé dans un nouveau livre le 10 mai 2018.

Il s’agit d’un texte que Ratzinger a rédigé dans sa retraite vaticane, un an et demi après sa démission comme pape — par la suite publié en 2015 sous le titre définitif « Diritti umani e cristianesimo. La Chiesa alla prova delle modernità » — de son ami Marcello Pera, philosophe de l’école libérale et ancien président du sénat italien.

Dans son commentaire, le « pape émérite » analyse l’immixtion des droits de l’homme dans la pensée laïque et chrétienne de la deuxième moitié du vingtième siècle en tant qu’alternative aux dictatures totalitaires en tout genre, communistes ou islamiques. Et il explique pourquoi « dans ma prédication et dans mes écrits, j’ai toujours affirmé la centralité de la question de Dieu ».

La raison est justement d’assurer aux droits de l’homme leur fondement de vérité, sans lequel les droits se multiplient jusqu’à s’autodétruire et l’homme finit par se nier lui-même. Le volume dans lequel va paraître ce texte, ainsi que d’autres textes de Ratzinger sur le lien entre foi et politique, est édité en Italie par Cantagalli. Joseph Ratzinger-Benedetto XVI, « Liberare la libertà. Fede e politica nel terzo millennio », Pierluca Azzaro et Carlos Granados dir., préface du Pape François, Cantagalli, Sienne, 2018, pp. 208, 18 €.


C’est le second d’une collection de sept volumes intitulés Joseph Ratzinger – Textes choisis sur les thèmes fondamentaux de la pensée de Ratzinger théologien évêque et pape, publiés en même temps en plusieurs langues et dans plusieurs pays, en français par Parole et Silence.

Voici ci-dessous le texte inédit qui ouvre le second volume de la collection. Le sous-titre est l’original de Ratzinger en personne.

Sans Dieu, les droits de l’homme s’effondrent

Éléments pour une discussion sur le livre de Marcello Pera « La Chiesa, i diritti umani e il distacco da Dio ».
de Joseph Ratzinger

Ce livre représente sans aucun doute un défi majeur pour la pensée contemporaine et aussi, particulièrement, pour l’Église et la théologie. Le hiatus entre les affirmations des papes du XIXe siècle et la nouvelle vision qui commence avec « Pacem in terris » est évidente et l’on a beaucoup débattu à ce sujet. Elle se trouve aussi au cœur de l’opposition de Lefebvre et de ses partisans contre le Concile. Je ne me sens pas en mesure de fournir une réponse claire à la problématique soulevée par votre livre ; je me limiterai donc à faire quelques remarques qui, à mon sens, pourraient être importantes pour une discussion ultérieure.

1. Ce n’est que grâce à votre livre qu’il m’est apparu clairement dans quelle mesure « Pacem in terris » est à l’origine d’une nouvelle orientation. J’étais conscient de l’ampleur de l’impact de cette encyclique sur la politique italienne : c’est elle qui a donné l’impulsion décisive pour l’ouverture à gauche de la Démocratie Chrétienne. Je n’étais en revanche pas conscient du nouveau départ qu’elle a constitué, notamment par rapport aux idéaux fondamentaux de ce parti. Et néanmoins, pour autant que je m’en souvienne, ce n’est qu’avec Jean-Paul II que la question des droits de l’homme a acquis une importance de premier plan dans le Magistère et dans la théologie postconciliaire. À partir de là, cette affirmation ne concernait plus seulement les dictatures athées, mais également les États fondés sur base d’une justification religieuse comme on en trouve surtout dans le monde musulman. À la fusion du politique et du religieux dans l’islam, qui limite nécessairement la liberté des autres religions et donc aussi celle des chrétiens, on oppose la liberté de conscience qui considère dans une certaine mesure l’État laïque lui-même comme étant la forme juste de l’État, une forme qui donne de l’espace à cette liberté de conscience réclamée par les chrétiens depuis le début. En cela, Jean-Paul II savait qu’il était en profonde continuité avec les origines de l’Église. Il se trouvait devant un État qui connaissait la tolérance religieuse, bien sûr, mais qui identifiait autorité publique et autorité divine, ce que les chrétiens ne pouvaient accepter. La foi chrétienne, qui annonçait une religion universelle pour tous les hommes, incluait nécessairement une limitation fondamentale de l’autorité de l’État en raison des droits et des devoirs de la conscience individuelle.

Ce n’est pas en ces termes que l’idée des droits de l’homme était formulée. Il s’agissait plutôt de fixer l’obéissance de l’homme à Dieu comme limite de l’obéissance à l’État. Cependant, il ne me semble pas justifié de définir le devoir d’obéissance de l’homme à Dieu comme un droit par rapport à l’État. Et à cet égard, il était parfaitement logique que Jean-Paul II, devant la relativisation chrétienne de l’État en faveur de la liberté de l’obéissance à Dieu, vît ainsi s’exprimer un droit humain qui précédait toute autorité de l’État. Je crois qu’en ce sens le Pape ait pu affirmer qu’il y avait certainement une profonde continuité entre l’idée de fond des droits de l’homme et la tradition chrétienne, même si bien sûr les instruments respectifs, les mots et la pensée étaient très éloignés l’un de l’autre.

J’ai l’impression qu’en ce qui concerne le Saint Pape, il ne s’agisse pas tant du résultat d’une réflexion (même si elles sont nombreuses chez lui) que de la conséquence d’une expérience pratique. Contre l’emprise totalitaire de l’État marxiste et de son idéologie sous-jacente, il a vu dans cette idée des droits de l’homme l’arme concrète en mesure de limiter le caractère totalitaire de l’État, offrant ainsi l’espace de liberté nécessaire non seulement pour la pensée de l’individu, mais aussi et surtout pour la foi des chrétiens et pour les droits de l’Église. L’image séculaire des droits de l’homme, selon la formulation qu’on leur a donnée en 1948, lui est apparue de toute évidence comme la force rationnelle qui contrebalançait la prétention universelle, au niveau idéologique et pratique, de l’État fondé sur le marxisme. C’est ainsi qu’en tant que pape, il a affirmé que la reconnaissance des droits de l’homme était une force reconnue par la raison universelle dans le monde entier contre les dictatures de toute sorte.

2. À mon avis, dans la doctrine de l’homme fait à l’image de Dieu, on retrouve fondamentalement ce que Kant affirme quand il définit l’homme comme une fin et non comme un moyen. On pourrait également dire qu’elle contient l’idée que l’homme est sujet et non pas seulement objet de droit. Cet élément constitutif de l’idée des droits de l’homme est à mon sens exprimé clairement dans la Genèse : « Quant au sang, votre principe de vie, j’en demanderai compte à tout animal et j’en demanderai compte à tout homme ; à chacun, je demanderai compte de la vie de l’homme, son frère. Si quelqu’un verse le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé. Car Dieu a fait l’homme à son image. » (Gn 9, 5-6). Le fait d’être créé à l’image de Dieu inclut le fait que la vie de l’homme soit placée sous la protection spéciale de Dieu et le fait que l’homme, par rapport aux lois humaines, soit titulaire d’un droit instauré par Dieu lui-même. Sauf erreur de ma part, Jean-Paul II concevait son engagement en faveur des droits de l’homme dans une continuité avec l’attitude adoptée par l’Église primitive envers l’État romain. De fait, le mandat du Seigneur de faire de toute les nations des disciples avait créé une situation nouvelle dans le rapport entre religion et État. Jusqu’à cette époque, aucune religion ne prétendait à l’universalité. La religion constituait une partie essentielle de l’identité de chaque société. Le mandat de Jésus ne signifie pas qu’il faille exiger une transformation de la structure des sociétés individuelles, mais il exige toutefois que dans chaque société, on donne la possibilité d’accueillir son message et de vivre en conformité avec celui-ci.

Il en découle surtout en premier lieu une nouvelle définition de la nature même de la religion : celle-ci n’est plus un rite ou une observance qui garantit en définitive l’identité de l’État. Elle est en revanche reconnaissance (foi) et précisément reconnaissance de la vérité. Puisque l’esprit de l’homme a été créé pour la vérité, il est clair que la vérité oblige, mais non pas dans le sens d’une éthique du devoir de type positiviste, mais bien à partir de la nature de la vérité même qui, précisément de cette manière, rend l’homme libre. Ce lien entre religion et vérité comprend un droit à la liberté qu’il est légitime de considérer en profonde continuité avec le noyau authentique de la doctrine des droits de l’homme, comme l’a évidemment fait Jean-Paul II.

Une telle conception a acquis une importance fondamentale au début des temps modernes avec la découverte de l’Amérique. Tous les nouveaux peuples rencontrés n’étaient pas baptisés, c’est ainsi que s’est posée la question de savoir s’ils avaient des droits ou pas. Selon l’opinion dominante, ils ne devenaient des sujets de droits à proprement parler que par le baptême. La reconnaissance qu’ils étaient à l’image de Dieu en vertu de la création — et qu’ils demeuraient tels même après le péché originel — signifiait qu’ils étaient déjà des sujets de droit avant le baptême et que donc ils pouvaient prétendre au respect de leur humanité. À mon sens, il me semble qu’il s’agissait là d’une reconnaissance des « droits de l’homme » qui précèdent l’adhésion à la foi chrétienne et au pouvoir de l’état, quelle que soit sa nature spécifique.

3. Vous avez à juste titre considéré comme fondamentale l’idée augustinienne de l’État et de l’histoire en la plaçant à la base de votre vision de la doctrine chrétienne et de l’État. Toutefois, le point de vue d’Aristote aurait mérité une attention plus grande encore. Pour autant que je puisse en juger, elle n’a eu que peu d’importance dans la tradition de l’Église médiévale, d’autant plus qu’elle fut adoptée par Marsile de Padoue pour s’opposer au magistère de l’Église. Elle a ensuite été reprise de plus en plus, à partir du XIXe siècle quand on a commencé à développer la doctrine sociale de l’Église. On partait alors d’un double ordre : l’ordo naturalis et l’ordo supernaturalis ; là où l’on considérait que l’ordo naturalis se suffisait à lui-même. On a expressément mis en évidence que l’ordo supernaturalis était un ajout libre de l’ordre de la grâce pure auquel on ne peut prétendre à partir de l’ordo naturalis.

En construisant un ordo naturalis qu’il est possible d’appréhender de façon purement rationnelle, on tentait de bâtir une base argumentative grâce à laquelle l’Église aurait pu faire valoir ses positions éthiques dans le débat politique sur la base de la pure rationalité. Et de fait, on retrouve dans cette vision le fait que même après le péché originel, l’ordre de la création, bien que blessé, n’a pas été complètement détruit. Faire valoir ce qui est authentiquement humain là où il n’est pas possible de se prévaloir de la foi est en soi une position juste. Elle correspond à l’autonomie dans le cadre de la création et à la liberté essentielle de la foi. En ce sens, une vision approfondie de l’ordo naturalis du point de vue de la théologie de la création est justifiée, voire nécessaire, en lien avec la doctrine aristotélicienne de l’État. Mais il y a également des dangers :

a) On peut très facilement oublier la réalité du péché originel et en arriver à des formes naïves d’optimisme qui ne rendent pas justice à la réalité.

b) Si l’on considère l’ordo naturalis comme une totalité se suffisant à elle – même et qui n’aurait pas besoin de l’Évangile, on court alors le risque que tout ce qui est spécifiquement chrétien ne finisse par apparaître comme une superstructure en fin de compte superflue que l’on aurait superposée à l’humain naturel. Je me souviens en effet qu’on m’a une fois présenté le brouillon d’un document qui se terminait par des formules très pieuses alors que dans toute l’argumentation non seulement Jésus Christ et son évangile n’apparaissaient nulle part, mais Dieu non plus, ils semblaient être superflus. Naturellement, on croyait pouvoir construire un ordre de la nature purement rationnel, qui n’est pas à proprement parler véritablement rationnel et qui, d’un autre côté, menace de reléguer tout ce qui est spécifiquement chrétien dans le domaine du simple sentiment. C’est là qu’apparaît clairement la limite de la tentative de concevoir un ordo naturalis refermé sur lui-même et autosuffisant. Le Père de Lubac, dans son « Surnaturel », a cherché à démontrer que Saint Thomas d’Aquin lui-même — dont il se réclamait pour formuler cette tentative — n’avait en réalité pas entendu cela.

c) L’un des problèmes fondamentaux d’une telle tentative consiste dans le fait qu’avec l’oubli de la doctrine du péché original naît une confiance naïve en la raison qui ne perçoit pas la complexité effective de la connaissance rationnelle dans le domaine éthique. Le drame de la controverse sur le droit naturel montre clairement que la rationalité métaphysique, qui est présupposée dans ce contexte, n’est pas immédiatement évidente. Il me semble que Kelsen avait raison quand il disait que dériver un devoir de l’être n’est raisonnable que si Quelqu’un a déposé un devoir dans l’être. Cette thèse n’était pas digne de discussion pour lui. Il me semble donc qu’en définitive, tout repose sur le concept de Dieu. Si Dieu existe, s’il y a un créateur, alors même l’être peut parler de lui et indiquer à l’homme un devoir. Dans le cas contraire, l’éthos finit par se réduire au pragmatisme. C’est pourquoi dans ma prédication et dans mes écrits, j’ai toujours affirmé la centralité de la question de Dieu. Il me semble que cela soit le point vers lequel convergent fondamentalement la vision de votre livre et ma pensée. L’idée des droits de l’homme ne garde en dernière analyse sa solidité que si elle est ancrée dans la foi en Dieu créateur. C’est de là qu’elle reçoit à la fois la définition de ses limites et sa justification.

4. J’ai l’impression que dans votre livre précédent, « Perché dobbiamo dirci cristiani », vous considériez l’idée de Dieu des grands libéraux d’une manière différente à votre nouvel ouvrage. Dans ce dernier, elle apparaît comme une étape vers la perte de la foi en Dieu. Au contraire, dans votre premier livre, à mon avis, vous aviez montré de façon convaincante que, sans l’idée de Dieu, le libéralisme européen est incompréhensible et illogique. Pour les pères du libéralisme, Dieu était encore le fondement de leur vision du monde et de l’homme, de sorte que, dans ce livre, la logique du libéralisme rend justement nécessaire la confession du Dieu de la foi chrétienne. Je comprends que les deux analyses soient justifiées : d’un côté, dans le libéralisme, l’idée de Dieu se détache de ses fondements bibliques perdant ainsi lentement sa force concrète ; de l’autre, pour les grands libéraux, Dieu existe et est incontournable. Il est possible d’accentuer l’un ou l’autre aspect du processus. Je crois qu’il est nécessaire de les mentionner tous les deux. Mais la vision contenue dans votre premier livre reste pour moi incontournable : c’est-à-dire celle selon laquelle le libéralisme, s’il exclut Dieu, perd son fondement même.

5. L’idée de Dieu inclut le concept fondamental de l’homme en tant que sujet de droit, justifiant et établissant ainsi les limites de la conception des droits de l’homme. Dans votre livre, vous avez montré de façon persuasive et rigoureuse ce qui se passe quand on détache le concept des droits de l’homme de l’idée de Dieu. La multiplication des droits finit par entraîner la destruction de l’idée de droit et aboutit inévitablement au « droit » nihiliste de l’homme de se nier lui-même : l’avortement, le suicide, la production de l’homme comme un objet deviennent des droits de l’homme en même temps nient ce dernier. Ainsi, il ressort de façon convaincante de votre livre que l’idée des droits de l’homme séparée de l’idée de Dieu finit par mener non seulement à la marginalisation du christianisme, mais en fin de compte à sa négation. Ce point, qui me semble être le véritable but de votre livre, est très pertinent face à l’actuelle évolution spirituelle de l’Occident qui nie toujours davantage ses racines chrétiennes et se retourne contre elles.

Sources : Gloria TV et Diakonos