vendredi 13 juillet 2018

Principe de « fraternité » et le gouvernement des juges qui interprètent selon leur bon vouloir

Le fameux « délit de solidarité » [aider des immigrants illégaux] est inconstitutionnel, à la grande joie des associations de défense des droits de l’homme, et de leurs « amis » passeurs.

Apparemment, ça n’a rien à voir. En fin de semaine dernière, on apprenait que le Conseil constitutionnel avait estimé que le troisième terme de la devise de la République, la fraternité, était un principe constitutionnel ; qu’il était donc interdit à l’État de poursuivre ceux qui aident des étrangers clandestins. Le fameux « délit de solidarité » est donc inconstitutionnel [...]

En donnant une force juridique à un principe philosophique, le Conseil poursuit sa tâche commencée il y a soixante ans : donner une force juridique, à partir de ses interprétations, à chacun des principes énoncés dans la Déclaration des droits de l’homme. […]

C’est ce qu’on appelle aujourd’hui l’État de droit, qui soumet chaque acte de l’État à une norme de droit. Contrairement à ce qu’on croit, cet État de droit n’est pas synonyme de démocratie. […] Dans la tradition juridique française, on appelle cela : « le gouvernement des juges ».

Dans une démocratie, les partis politiques sont l’expression de la volonté du peuple. Dans une oligarchie [plus précisément une dicastocratie], les juges considèrent qu’ils ont tous les droits vis-à-vis des partis politiques. Leur confisquer leur subvention, comme au FN, ou, comme lors de la dernière présidentielle, fausser le résultat en mettant le favori (François Fillon) en examen. Pas besoin de donner des leçons à Poutine ou à Erdogan…



La professeur de droit public Anne-Marie Le Pourhiet analyse dans le même sens la décision des Sages de mettre fin au délit de solidarité, qu’elle juge irresponsable. Elle a publié une lettre ouverte dans ce sens dans le Figaro que nous reproduisons des extraits ci-dessous.

[...]

Le juge constitutionnel a trahi sur au moins trois points la lettre et l’esprit de la Constitution qu’il est chargé d’appliquer : d’une part, la fraternité n’a jamais eu la moindre définition ni donc de contenu normatif ; d’autre part, elle n’a jamais évidemment concerné que les citoyens de la nation française réunis en « fratrie » symbolique ; enfin, l’article 2 de la Constitution distingue soigneusement la « devise » de la République de son « principe » qui n’est pas du tout celui que le Conseil constitutionnel prétend consacrer.

En premier lieu, l’article 2 de la Constitution dispose simplement que la devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ». À l’inverse de la liberté et de l’égalité qui font l’objet de nombreuses autres dispositions constitutionnelles essentielles, la fraternité ne figure que dans cette devise seulement répétée à l’article 72-3 dans une formule néocoloniale désuète indiquant que « la République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d’outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité ».

C’est à Robespierre que l’on doit la première formulation de la trilogie qu’il proposait, dans son discours du 5 décembre 1790, d’inscrire sur la poitrine des gardes nationales. On retrouve la formule badigeonnée et « enrichie » en 1793 sur les murs de Paris : « Unité et indivisibilité de la République. Liberté, Égalité, Fraternité ou la mort ». Elle réapparaît durant la révolution de 1830, mais c’est en 1848 qu’elle devient officielle.

La définition et la nature exacte de la fraternité ont toujours posé problème et en font incontestablement le « maillon faible » de la trilogie. L’usage révolutionnaire du terme était de nature familiale, axé sur l’appartenance nationale et la commune ascendance. La Constitution de 1791 indiquait ainsi dans son titre 1er : « Il sera établi des fêtes nationales pour conserver le souvenir de la Révolution française, entretenir la fraternité entre les citoyens et les attacher à la Constitution, à la patrie et aux lois. » L’article 301 de la Constitution de l’an III reprend la même disposition. La vocation civique initiale du mot est donc évidente, il s’agit d’exalter une vertu citoyenne par une mémoire partagée. La fraternité est précisément ce qui distingue les citoyens des étrangers dans le cadre du nationalisme révolutionnaire.

C’est dans la Constitution de 1848 que le terme entre officiellement dans la trilogie avec, cette fois, une inspiration issue du rapprochement des forces républicaines et du christianisme social [les « curés rouges »] plus axée vers la charité et le solidarisme. La fraternité devait suppléer le « droit au travail » que l’on avait retiré du projet de Constitution et qui fit l’objet de discussions longues et passionnées. L’entraide et l’assistance « fraternelles » sont mentionnées à deux reprises dans le préambule de la Constitution de 1848 et se confondent en réalité avec la solidarité nationale. Sous la IIIe République, il avait d’ailleurs été question de remplacer effectivement la fraternité, jugée trop sentimentale et chrétienne, par la solidarité.

L’on ne saurait nier que la fraternité a toujours « juré » un peu à côté de la liberté et de l’égalité. Celles-ci sont considérées par les révolutionnaires comme consubstantielles à l’humanité puisque les hommes « naissent » libres et égaux en droits. Ce sont des principes, des postulats premiers, des droits plus naturels que positifs. La fraternité, conçue comme l’amour indistinct de ses concitoyens, relève au contraire de l’affectif, donc du vœu pieux purement moral. On comprend donc que l’inspiration chrétienne de la fraternité de 1848 ait agacé certains républicains authentiques et il faut bien admettre que les discours sur ce thème ont toujours peiné à s’extraire du prêchi-prêcha compassionnel et moralisateur et à fournir des arguments consistants et convaincants.

En second lieu, que ce soit dans la période révolutionnaire, dans la Constitution de 1848 ou à l’article 72-3 de la Constitution actuelle relatif à l’outre-mer, la fraternité n’a jamais expressément uni que les citoyens français appartenant à la « famille » nationale et ne s’étend certainement pas aux étrangers, a fortiori en situation irrégulière, c’est-à-dire entrés ou demeurés sur le territoire français au mépris des lois républicaines. C’est une falsification des principes républicains que de prétendre appliquer la fraternité à l’ensemble du « genre humain » à la façon de l’Internationale socialiste ou de la chrétienté et de décider, comme le fait le Conseil constitutionnel qu’il « découle » de la fraternité la « liberté » d’aider des étrangers illégaux dans un but humanitaire.

Le Conseil feint d’ignorer que c’est la souveraineté populaire qui est le principe normatif fondateur de la République et que ce principe lui interdit précisément de faire prévaloir ses interprétations idéologiques subjectives [...]

En troisième lieu, si le préambule de la Constitution de 1848 consacrait la fameuse trilogie « Liberté, Égalité, Fraternité » en la qualifiant de « principe », les constituants de 1946 et de 1958 ont, en revanche, délibérément changé la donne en spécifiant formellement, dans leurs articles 2 respectifs, que la trilogie n’est plus que la « devise » de la République tandis que son « principe » est désormais « Gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple ». Le Conseil constitutionnel a donc délibérément triché avec le texte constitutionnel en affirmant qu’il « découle » de la devise que la fraternité est un « principe » à valeur constitutionnelle. C’est de l’inversion terminologique pure et simple. Le Conseil feint d’ignorer que c’est la souveraineté populaire qui est le principe normatif fondateur de la République et que ce principe lui interdit précisément de faire prévaloir ses interprétations idéologiques subjectives sur la volonté générale exprimée par le peuple français ou ses représentants.

À ce degré de déformation du texte qu’il est censé faire respecter, le Conseil s’assoit sur l’État de droit démocratique au lieu de le défendre. Hubert Védrine pointait récemment à juste titre la responsabilité des juges nationaux et européens dans l’impuissance nationale à maîtriser l’immigration, visant essentiellement le Conseil d’État et les Cours de justice de Luxembourg et de Strasbourg. Voilà maintenant que le Conseil constitutionnel se met aussi à dérailler, dans une incompréhensible surenchère, vers l’activisme judiciaire « abbé-pierriste », au moment même où l’exaspération monte de toutes parts à l’égard du « gouvernement des juges ». Il ne faut dès lors pas s’étonner de voir fleurir les propositions de réforme de l’institution.

Source : Le Figaro

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France — Blanquer ne va-t-il pas assez loin ?

Alors qu’il entrera en application à l’école primaire et au collège dès septembre, le « réajustement » des textes hérités du mandat socialiste précédent mécontente « pédagogistes » comme « conservateurs ».

Défenseur du bon sens et du pragmatisme, le ministre français de l’Éducation nationale Blanquer affirmait ne pas vouloir tomber dans les querelles idéologiques traditionnelles. Un peu plus d’un an après son arrivée Rue de Grenelle, il ne fait pourtant pas exception à la règle.

Suppression du prédicat — ce concept grammatical non identifié, hérité du quinquennat Hollande —, retour à la « leçon » de grammaire, apprentissage des quatre opérations mathématiques dès le CP, mais aussi du premier couplet de La Marseillaise… Sans procéder à une réécriture complète des programmes rédigés en 2015, le ministre de l’Éducation, à travers la feuille de route fixée au Conseil supérieur des programmes, voulait marquer la rupture. Mais ces signaux idéologiques, s’ils font mouche auprès de l’opinion et des familles, ne parviennent pas à convaincre les représentants enseignants, qu’ils soient du camp « pédago » ou du camp « conservateur ». Dans les rangs de ces derniers, on regrette que le ministre ne soit pas allé plus loin dans son entreprise de détricotage des réformes du mandat précédent.

« On fait croire que l’on rétablit le bon sens, mais en réalité on ne fait pas grand-chose », déplore René Chiche, vice-président du syndicat Action et démocratie (CFE-CGC). Ces programmes réécrits en disent finalement peu sur les connaissances et les contenus. En revanche, comme les précédents, ils n’en finissent pas de définir des objectifs de compétences, poursuit le professeur de philosophie. Il y a cinquante ans, un programme tenait sur à peine deux pages ! » L’actuel texte sur le cycle CP-CE2 en compte vingt-cinq… « C’est le “prêt à enseigner”. Le professeur, nourri des fiches de l’administration centrale, est réduit à un rôle d’exécutant », conclut René Chiche. Tout comme le Snalc, syndicat classé à droite, il regrette, l’absence de « repères annuels de progressivité ». Derrière ce jargon, ce sont deux visions de l’école qui s’affrontent : d’un côté les partisans des « cycles » d’apprentissage de deux ou trois ans, de l’autre les défenseurs de repères annuels clairs pour les professeurs. Souhaités par Jean-Michel Blanquer, ces repères seront définis dans une « note de service » à venir, a précisé son ministère. Mais quelle sera leur portée réglementaire ?


Ontario — le programme d'éducation à la sexualité des libéraux est abrogé

Doug Ford l’avait promis à plusieurs reprises durant sa campagne électorale : le programme d’éducation sexuelle du gouvernement de Kathleen Wynne serait abrogé et remplacé. Il aura tenu sa promesse. Ce programme considéré comme trop cru, trop idéologue et trop précoce avait suscité l’ire de nombreux parents.

Lisa Thompson, ministre de l’Éducation de l’Ontario, a annoncé que le programme d’éducation sexuelle qui était en place avant 2015 serait utilisé dès septembre. Il remplacera le programme controversé qui avait été promu par le gouvernement libéral sortant.

La priorité est d’écouter les gens qui ont des inquiétudes et des idées par rapport à l’évolution du programme d’éducation sexuelle.

Lisa Thompson, ministre de l’Éducation de l’Ontario

La ministre de l’Éducation a indiqué que le personnel du ministère est en train d’informer les différents conseils scolaires du changement et que le ministère consultera sous peu les parents pour connaître leur opinion sur ledit programme.

Mme Thompson a indiqué que le travail concernant la refonte du programme ira de l’avant au cours des prochaines semaines.

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