jeudi 19 mars 2009

Que la collectivité finance l’enseignement, mais que toute la prestation d’enseignement soit assurée par des écoles indépendantes

Nous publions ci-dessous quelques extraits d’un document publié par Philippe Nemo qui plaide en faveur d’un pluralisme scolaire et prône la fin du monopole d’État en enseignement. On retrouvera le document complet ici.
« 
[C]ette étude propose un nouveau principe : que la collectivité finance l’enseignement, mais que la prestation d’enseignement soit [entièrement] assurée par des écoles indépendantes, librement créées et gérées, capables d’innover et de faire jouer l’émulation.

Correctement conçu, ce système permet d'offrir un accès à tous les enfants sans condition de ressources, un enseignement adapté à chacun, une garantie contre les dérives idéologiques ou sectaires et une gestion rigoureuse des fonds publics.

L’école est ensuite régulièrement inspectée par l’organisme de contrôle, qui peut lui retirer l’agrément, et donc son financement public, si elle ne respecte pas son projet d’école. Les écoles sont les employeurs de leurs personnels enseignants et administratifs. Elles peuvent se regrouper en réseaux, afin de partager des activités pédagogiques, éviter l’isolement intellectuel et offrir des évolutions de carrière aux enseignants. Chaque réseau d’écoles accumule ainsi de l’expérience, une culture et une identité propres qui permettront à terme dans notre société l’émergence de foyers intellectuels et spirituels nouveaux

À l'origine du monopole d'enseignement en France : Napoléon

Les sociétés modernes ne sont plus unanimistes. Elles sont pluralistes. Elles respectent certes le droit et l’État de droit qui le protège, mais, au-delà de ce consensus sur les règles, il ne peut plus y avoir de consensus sur les idées.

Or, en contradiction flagrante avec ce droit commun du pluralisme, la France [et ceci vaut également pour le Québec] connaît encore aujourd’hui une situation de monopole scolaire. Ce monopole est un héritage de Napoléon Ier, qui n’a été conservé par les républicains, à l’époque de Jules Ferry, qu’en raison du combat acharné qu’ils croyaient devoir mener contre les écoles de l’Église.

En effet, Napoléon n’était pas un démocrate. Au moment même où il créait l’Université de France, ancêtre de notre Éducation nationale, il supprimait la liberté de la presse… Cela montre bien de quel esprit antidémocratique relève le monopole scolaire. Celui-ci ayant été maintenu par les Républiques successives (car l’actuelle « école libre », outre qu’elle est quantitativement marginale, n’est pas libre de ses programmes [l'État québécois impose également ses programmes aux écoles privées subventionnées]), il en résulte une situation étrange.

Aujourd’hui, en France, des familles qui ne lisent pas les mêmes journaux, ne votent pas pour les mêmes partis, n’ont pas les mêmes soucis et projets professionnels, les mêmes genres et styles de vie, etc., sont contraintes de faire éduquer leurs enfants dans un même moule et dans des écoles qu’elles ne peuvent choisir ni contrôler. Elles constatent en outre que ce moule, conçu en principe dans le cadre de l’État démocratique neutre, est en réalité accaparé par des groupes partisans qui donnent à leurs enfants une éducation politiquement orientée.

Elles ne peuvent donc percevoir cette situation que comme une anomalie et un despotisme, auquel elles tentent de résister par tous les moyens passifs et actifs dont elles disposent.

Lien social et pluralisme en matière scolaire

Pour assurer la cohésion de la nation, toutes les écoles doivent enseigner les règles de la vie commune de la société démocratique. Mais cela n'implique pas qu'elles soient obligées de suivre les mêmes programmes et les mêmes méthodes.


L’école d’État, concept absolutiste ou totalitaire

[L]a thèse selon laquelle l’éducation est une fonction organique de l’État, au même titre que ses fonctions régaliennes, n’a été soutenue que très rarement dans l’Histoire. Dans l’Antiquité, elle n’a été adoptée qu’à Sparte, qui était un État totalitaire, où l’économie elle-même était dirigée par l’État, ainsi d’ailleurs que les mariages et les naissances, et où il n’existait aucune liberté de penser (et, de ce fait, aucune pensée : on ne connaît aucun intellectuel, savant ou philosophe, spartiate, Sparte est, à cet égard, l’anti-Athènes). Aux Temps modernes, l’éducation d’État n’a été proposée que dans le cadre des utopies socialistes, de Campanella à Rousseau et aux Jacobins, ou par des monarques absolus comme Louis XV ou Napoléon Ier, et en dernier lieu par les régimes totalitaires fascistes et communistes.

Au contraire, l’État démocratique et libéral se reconnaît limité par les droits de l’homme, ce qui signifie qu’il renonce à prendre en charge la totalité de l’existence humaine, et d’abord la pensée et la conscience. D'ailleurs, un État démocratique est, par définition, un État qui est contrôlé par l’opinion. Si c’est lui qui forge l’opinion, où est le contrôle ? Comme nous l’avons dit plus haut, l’école monopolistique, telle qu’elle existe en France, est une institution essentiellement antidémocratique, contrairement à toutes les illusions que la propagande des républicains radicaux et des socialistes a répandues à ce sujet.

Le Monopole contre les familles et « pour un homme meilleur »

Le monopole scolaire ne garantit pas la neutralité de l’école. Au contraire, cela a toujours été un projet délibéré, de la part des socialistes révolutionnaires, de s’emparer de l’école pour combattre pied à pied l’influence éducative des familles.

[Bouchard & Taylor ne disent rien d’autre dans leur rapport quand ils recommandent à l’État d'imposer l’interculturalisme à tous les enfants et de limiter ainsi le rôle de la tradition et donc des parents dans la transmissions des valeurs :
« En exposant les élèves à une pluralité de visions du monde et de modes de vie [sélectionnées par l’État], l’État démocratique et libéral rend la tâche plus difficile aux groupes qui cherchent à se soustraire à l’influence de la société majoritaire afin de perpétuer un style de vie fondé davantage sur le respect de la tradition que sur l’autonomie individuelle et l’exercice du jugement critique. La neutralité de l’État n’est de ce fait pas intégrale. » (p. 135)
« Il y a une cinquième voie sur laquelle on n’insistera jamais assez, soit celle de l’éducation. C’est là, dès les premières années du primaire, que doit se former la sensibilité aux différences, aux inégalités, aux droits et aux rapports sociaux, ce qu’on résume en général par la notion de citoyenneté. » (p. 237)
« Les pratiques scolaires interculturelles, déjà importantes, devraient être intensifiées. » (p. 257) »
« Nous recommandons fortement au gouvernement de faire une promotion énergique du nouveau cours d’Éthique et de culture religieuse qui doit entrer en vigueur [être imposé à tous les enfants] en septembre 2008. » (p. 260)
]

La raison d’être de ce projet et de l’insistance des socialistes à le mettre en œuvre sur le long terme, quelles que soient les difficultés rencontrées, est facile à discerner. On ne peut « changer la société » qu’avec des hommes dont les mentalités sont acquises aux principes révolutionnaires. Peu d’adultes le sont, parce que, dit la doctrine, ils sont « aliénés » par l’idéologie bourgeoise. Une minorité révolutionnaire peut certes s’emparer du pouvoir, puis exercer une dictature. Elle luttera contre ses adversaires, selon le cas, en les « rééduquant », en les contraignant ou en les exterminant, trois cas de figure effectivement rencontrés dans les socialismes et communismes réels.

Cependant, il est clair qu’aucune de ces solutions n’est aussi radicale et durable que celle qui consiste à s’emparer des enfants de ses adversaires et à forger leurs mentalités selon l’image qu’on souhaite de l’« homme nouveau ». Ce projet est même devenu prioritaire dans les pays occidentaux à mesure qu’il apparaissait clair que les populations étaient attachées à l’idéal démocratique et que les socialistes ne prendraient le pouvoir que par les urnes, donc en gagnant la bataille de l’opinion et de la culture. Tous les espoirs déçus de « grève générale » et d’« insurrection » se reportaient ainsi sur la prise de pouvoir méthodique dans les grands appareils culturels, l’école en premier lieu (mais aussi, comme on sait, la presse, les médias, l’édition, la culture subventionnée en général, et jusqu’à la publicité).

Centralisation et rigidification du Monopole

Le monopole public sur l'éducation entraîne une centralisation, une rigidification et une bureaucratisation qui enlèvent en fait aux responsables hiérarchiques tout moyen de gérer les écoles de façon rationnelle et humaine.

La solution : découpler, en matière d’éducation, financement et prestation

Le financement de l’éducation par l’impôt n’implique nullement que la prestation du service éducatif soit assurée par des fonctionnaires d’État.

Esquisse d’une solution

1re étape : le Parlement établit un « cahier des charges » qui fixe les normes que devront observer les écoles agréées, pour recevoir un financement public.

Le cahier des charges prévoit notamment des normes minimales de compétences et de diplômes pour les enseignants et l'obligation d'enseigner les règles morales et civiques de base de la vie commune.

2e étape : chaque école candidate établit un « projet d'école », qui respecte le cahier des charges, mais qui peut prévoir des programmes plus riches, des exigences plus grandes, des activités supplémentaires.

3e étape : un organisme parfaitement neutre, [indépendant du ministère de l’Éducation], examine si le « projet d’école » respecte le « cahier des charges».

4e étape : si le projet d’école est agréé, l’école reçoit une subvention globale annuelle, proportionnelle au nombre et à l’âge des enfants
inscrits.

La loi définira un cahier des charges des diplômes du primaire et du secondaire, qui ne comportera que des normes minimales. Tout acteur du système éducatif aura le droit de créer des examens et des diplômes conformes à ce cahier des charges et pourra, s’il le souhaite, élever le niveau d’exigence.

Les écoles pourront se regrouper en réseaux, afin de partager certaines activités pédagogiques, éviter l’enfermement intellectuel, et offrir de vraies carrières aux enseignants.

Chaque réseau aura donc son « école normale », ses centres de formation continue et pourra cumuler de l’expérience.

Les réseaux auront une identité, un label et une production intellectuelle propre au corps.

La constitution au sein des réseaux d'écoles d'expériences, de compétences, d'une culture et d'une identité communes permettront l'émergence dans nos sociétés de foyers intellectuels et spirituels nouveaux.

Conclusion

Revenons, pour finir, sur l’objection traditionnelle faite à l’idée de pluralisme scolaire, à savoir qu’il provoquerait un éclatement des écoles et donc, virtuellement, du lien social même. L’expérience vécue de la Finlande, de la Suède, la Suisse ou des Pays-Bas montre que cette crainte est infondée. Les écoles, dans un système pluraliste, tendront à se ressembler plus qu’à se différencier, ou, pour être plus précis, elles se différencieront juste autant qu’il est nécessaire pour que toutes s’adaptent et progressent.

Un secteur éducatif libre sera dans un état d’équilibre dynamique combinant stabilité et innovation. Au lieu d’être contraintes, comme les écoles actuelles, de s’aligner par le bas, elles s’aligneront par le haut. »

L’école, laboratoire du multiculturalisme

Long texte de Mathieu Bock-Côté sur le cours d'éthique et de culture religieuse portant sur le multiculturalisme et le pluralisme normatif imposé, selon l'auteur, par ce programme imposé à tous les élèves québécois.

Quelques extraits pour les lecteurs pressés :

« Ceux qui ont reproché à la commission Bouchard-Taylor de faire l’économie de recommandations concrètes le faisaient à tort. Si les deux commissaires ont certainement refusé d’en appeler à un bouleversement du modèle d’intégration à la québécoise – on ne s’en surprendra pas dans la mesure où ils auront porté sur lui un jugement globalement positif –, ils auront toutefois multiplié les recommandations révélatrices d’une intelligence très fine des moyens par lesquels le multiculturalisme transforme les sociétés occidentales et s’incorpore dans leurs institutions. »

« [...] le multiculturalisme, quoi qu’on en pense, ne relève pas d’un « fait de l’histoire  » ou d’un « approfondissement de l’idéal démocratique » mais doit être pensé comme un projet politique mené par des acteurs sociaux désireux de transformer radicalement les sociétés occidentales. Le multiculturalisme est une révolution politique menée par la voie technocratique et culturelle. Une telle stratégie de contournement du débat démocratique n’est pas surprenante pour une idéologie systématiquement désavouée par la population, d’autant plus que les multiculturalistes n’en finissent plus de diaboliser la souveraineté populaire en l’assimilant bêtement à la tyrannie de la majorité ou au « populisme démagogique ». Chose certaine, le fanatisme cosmopolite des milieux qui se disent évolués trouve peu d’écho dans les classes moyennes et populaires[4]. Malgré les comptines et légendes du multiculturalisme humanitaire qui n’en finit plus de promettre une humanité régénérée par le métissage mondialisé, les Québécois s’entêtent à placer leur identité nationale au centre de l’espace public et ne tolèrent pas sa marginalisation dans une nouvelle « identité » qui reposerait sur la déconstruction de leur expérience historique. On aura beau mener une propagande pour imposer la novlangue de l’égalitarisme multiculturel, le discours pluraliste ne parvient pas à occulter la réalité d’une réalité historique réfractaire à l’ingénierie sociale. »

« Les commissaires Bouchard et Taylor l’avaient d’ailleurs constaté dans leur diagnostic : en grande partie, la crise des accommodements raisonnables consacrait l’implosion du multiculturalisme à la québécoise associé à la culture politique post-référendaire. Dans l’establishment pluraliste, on associera cette crise à une montée de « l’intolérance », de « l’ethnocentrisme », de la « fermeture à l’autre » et du « repli sur soi ». De la novlangue pluraliste au français courant, cette affirmation confirme surtout le dépit de la cléricature pluraliste devant la vigueur d’un nationalisme traditionnel héritier de la vieille identité du Québec historique. On ne se surprendra pas alors qu’une des recommandations les plus importantes de la commission Bouchard-Taylor était d’inviter « le gouvernement [à faire] la promotion énergique du nouveau cours d’éthique et de culture religieuse qui doit entrer en vigueur en septembre 2008 [5] ». Ce programme qui n’est ni le fruit de l’improvisation, ni celui de l’urgence, malgré ce que plusieurs ont pu en écrire, traduit plutôt les objectifs à long terme de la technocratie pluraliste, comme l’a remarquablement démontré Joëlle Quérin[6]. L’intense propagande qui accompagne ce cours souligne involontairement l’importance qu’y accorde le parti multiculturaliste [7]. On peut y voir l’aboutissement d’un long effort pour piloter à partir du système scolaire une reprogrammation de la conscience nationale, que la novlangue progressiste présente plutôt comme une « ouverture à l’autre » et comme une « citoyenneté respectueuse » dans le cadre de sociétés livrées à l’utopie d’une civilisation post-traditionnelle, post-nationale et post-occidentale. »


« La critique de Louis Corneiller [du Devoir] était assez confuse »

Robin Philpot rencontre Robert Laplante, directeur de L'Action nationale, sur les ondes de CIBL Radio-Montréal 101,5 à l'émission L'Effet versant le lundi 16 mars 2009. Il y aborde le dossier que l'Action nationale a consacré au programme d'éthique et de culture religieuse et la critique « assez confuse » de Louis Corneiller du Devoir sur la dénonciation de ces jeunes nationalistes quant au cours d'ECR et au multiculturalisme obligatoire qu'ils y décèlent.