samedi 8 octobre 2011

Ère chrétienne, ère commune ou ère nouvelle ?

Lettre ouverte de Guy Durand publiée dans la Voix de l'Est.

Selon un article paru le 25 septembre dans le quotidien anglais Daily Telegraph, la BBC a récemment recommandé à ses présentateurs de bannir les expressions «avant et après Jésus-Christ», pour ne pas porter atteinte aux non-chrétiens et respecter le pluralisme de nos sociétés. La radio a donc décidé de remplacer ces expressions par un sobre et neutre «avant ou après l'ère commune».

L'idée est avancée ailleurs, par exemple, dans certains cahiers d'étudiants pour le cours Éthique et culture religieuse, où l'on parle d'Ére nouvelle (Voir mon livre Le cours d'ÉCR. Au-delà des apparences, Guérin, p. 42).

La suggestion a soulevé la controverse chez les journalistes de la BBC. Elle me semble tout à fait inappropriée, voire saugrenue et délétère.

D'abord, parce qu'elle est vague. Elle substitue à un point de repère temporel précis, compris de tous, une expression vague, difficile à comprendre. D'autant plus que dans certains pays, malgré la datation internationale, on continue de signaler les dates selon l'histoire nationale. Pire, cette ère commune n'a rien de commun pour de nombreux pays comme le Japon, la Chine, l'Inde, le Cambodge. L'expression constitue plutôt une insulte à leur culture. Enfin, sous prétexte de respect des non-chrétiens, elle imposerait hypocritement un repère historique chrétien, car, ne nous faisons pas d'illusion, cette supposée ère commune commencerait de toute façon à la naissance de Jésus (ou 4-5 ans après, puisque les historiens qui ont déterminé cette date au VIe siècle ont fait une erreur de quelques années), de même que le choix du 1er  janvier comme premier jour de l'année a été fait progressivement dans les divers pays chrétiens au cours des XVIe  et XVIIe  siècles après J-C

Bref, il y a là une concession au multiculturalisme à la mode dans plusieurs milieux occidentaux, voire la manifestation d'une rectitude politique liée à une certaine honte de la civilisation chrétienne.




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Le ministère n'approuve pas les manuels.
« Seul le régime de Vichy s’est permis cela. »

Une polémique enfle actuellement en France autour des manuels de « sciences » qui enseignent la théorie rhétorique1 du genre (voir ici, ici et ).

Polémique qui force le gouvernement « de droite » de Sarkozy à publier des « éléments de langage » pour que ses fonctionnaires puissent répondre aux contestataires et aux journalistes.

Cet argumentaire ministériel a fuité (on le retrouve ici).

Ce qui est intéressant pour nous au Québec, c'est la différence dans les politiques de production des manuels et l'absence d'approbation gouvernementale des manuels en France, contrairement au Québec.

En effet :




Or, au Québec, le Monopole de l'Éducation a un Bureau d'approbation du matériel didactique (BAMD) dont la fonction est d'« approuve[r] les ouvrages indispensables à l’éducation préscolaire et à l’enseignement primaire et secondaire, ouvrages correspondant à ce qu’il est convenu d’appeler le matériel didactique de base, qui comprend deux types d’ouvrages : les ensembles didactiques et les ouvrages de référence d’usage courant. Un ensemble didactique est composé d’une série d’instruments dont un manuel imprimé à l’usage de l’élève et un guide d’enseignement imprimé ou numérique. Il peut inclure d’autres éléments numériques. »

Selon, le journaliste Christian Rioux du Devoir, le BAMD s'est mérité le sobriquet de « politburo  » chez les éditeurs de manuels scolaires québécois.

Parmi les fonctions essentielles du BAMD, la chasse aux écarts par rapport au politiquement correct :

1.2 Les aspects socioculturels 
    Les aspects socioculturels consistent à s'assurer que le matériel représente adéquatement la diversité de la société québécoise et qu’il est exempt de discrimination. 
    Critère  Représentation démocratique et pluraliste de la société Il s’agit de s’assurer de retrouver :
  • une juste représentation (25 p. 100) des personnages des groupes minoritaires;
  • des rapports égalitaires entre les personnages des deux sexes;
  • une représentation diversifiée et non stéréotypée des caractéristiques personnelles ou sociales;
  • une interaction des personnages de groupes minoritaires dans des situations de la vie courante;
  • une rédaction non sexiste des textes.
Ces impératifs nés du correctivisme socioculturel  idéologique conduisent parfois à des situations politiquement correctes mais non conformes à la réalité : une fille du côté des hommes au Mur des lamentations à Jérusalem.

D'un point de vue idéologique et philosophique, il n'est pas, par exemple, innocent que le mot « péché » n'apparaisse nulle part dans les manuels d'éthique et de culture religieuse du primaire que nous avons lus, pas plus que dans le programme. Silence qui oblige les manuels à ne pas parler des causes du Déluge, thème pourtant suggéré par le programme et le plus souvent repris par les manuels. Mutisme volontaire comme l'a avoué lors d'une conférence une représentante du BAMD : « Un de nos experts nous a dit qu'il valait mieux ne pas le faire ». L'identité de ces experts du BAMD est au demeurant tenue jalousement secrète. 

Mais le BAMD applique d'autres critères qui briment également la liberté et l'innovation pédagogiques, puisque tous les manuels2 au Québec passent dans la moulinette du BAMD :

Adéquation de la conception de l’apprentissage et des propositions d’approches pédagogiques avec les exigences d'une approche par compétences, telle que préconisée par le Programme de formation.

Adéquation de l’évaluation des apprentissages avec une approche par compétences 

Québec, Vichy, même volonté de contrôle idéologique de tous les manuels scolaires ?





[1] Judith Butler, philosophe et professeur de rhétorique et de littérature à Berkeley, est une des figures fondatrices de la théorie du genre.
[2] Pour être complet, il faut préciser que les cahiers d'exercice (ou d'activités) ne sont pas soumis à l'autorisation du BAMD.