lundi 4 juin 2018

La maternelle à 4 ans au Québec, étude : peu d'effets positifs

Nous reproduisons ci-dessous les conclusions d’une recherche dont le mandat visait spécifiquement « à examiner la qualité de l’environnement préscolaire en maternelle 4 ans et sa contribution potentielle à la préparation à l’école chez des enfants en milieux défavorisés. »

Ce projet de recherche fut mené par la chercheuse Christa Japel de l’UQAM, épaulée par plusieurs autres intervenantes du milieu de la petite-enfance, il s’agit de l’analyse approfondie de plus de 300 enfants de ce groupe d’âge qui a été observé.

Conclusions de l’étude :

La qualité de l’environnement éducatif est généralement très basse avec des lacunes marquées en ce qui a trait au mobilier et à l’aménagement des lieux, aux soins personnels, à la stimulation du langage et du raisonnement, aux activités offertes, aux interactions et à la structure du service.
[...]

La performance cognitive et comportementale des enfants au début de la maternelle 4 ans et leur progrès au cours de cette année scolaire sont associés à des facteurs individuels et familiaux. Les diverses expériences préscolaires ne semblent pas mieux préparer les enfants à la maternelle 4 ans, et la qualité de l’environnement éducatif étant généralement faible, celle-ci ne contribue pas significativement au progrès des enfants.
[...]

Nos résultats indiquent que l’intensité et la qualité des maternelles 4 ans ont très peu d’effet sur la préparation à l’école et, ainsi, ne réduisent pas de façon significative l’effet des conditions sociodémographiques des enfants sur leur préparation à l’école. [...]

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Québec — l'école numérique du Monopole de l'Éducation, enflure, naïveté ou électoralisme ?

Extraits d’un éditorial du Devoir :

Les ministres Sébastien Proulx et Hélène David ont dévoilé un plan d’action numérique en éducation et en enseignement supérieur, un plan qui sent quelque peu la précipitation puisque les écoles sont invitées à se doter de « combos » technologiques avant même que le ministère ait défini les « compétences numériques » à développer. Sans parler des « apprenants » [ici Robert Dutrisac s’emmêle dans le jargon pédagogiste : l’apprenant est un élève, l’enseignant est un animateur] actuels qui, pour la plupart, n’ont pas la formation pour répandre cette vision techniciste de l’éducation.

[...]

Même si on peut déceler ici une tendance à l’enflure verbale et un enthousiasme qui ne manque pas de candeur — les progrès techniques s’y prêtent admirablement bien —, l’essor du numérique, commencé dans les années 50 avec la cybernétique, décuplé par le développement d’Internet il y a vingt ans, à l’aube aujourd’hui de la généralisation de l’intelligence artificielle, pourrait avoir un effet révolutionnaire que certains comparent à l’invention de l’imprimerie par Gutenberg. Il s’agirait bien plus qu’une simple révolution industrielle ; c’est le rapport à l’expérience et au savoir qui pourrait changer.

[...]

D’entrée de jeu, on souligne que « la plupart des jeunes nés au XXIe siècle ont manipulé des appareils numériques avant même d’apprendre à lire et à écrire. Ils ont donc développé des intérêts et des aptitudes propres à leur époque ». On doit [vraiment ?] « répondre à cette réalité avec de nouvelles formes d’enseignement et de nouveaux outils d’apprentissage », ce qui amène « des changements fondamentaux au sein des systèmes éducatifs ». Les systèmes éducatifs plutôt que l’école. [Mais encore...]

Ceux à qui le « renouveau pédagogique » donne de l’urticaire ne trouveront aucun réconfort à la lecture du plan d’action. Ainsi, on apprend que le ministère n’a pas encore « établi un cadre de référence des compétences numériques transversales [elles n’ont donc pas disparu...] à tous les ordres d’enseignement ». En clair, c’est qu’on ne sait trop quelles « compétences » il faut développer chez les élèves, ni quelles compétences les enseignants devront acquérir. Pour cette catégorie d’apprenants que sont les enseignants, le nouveau « référentiel » doit être produit pour l’hiver 2019.

Entre-temps, toutes les écoles seront invitées à acquérir dès la rentrée de septembre des « combos numériques », une terminologie qui, doit-on convenir, fait très [resto rapide] Ce matériel comprend notamment des robots programmables, des iPad et des imprimantes 3D. En laissant un certain choix à chacune des écoles, on veut éviter l’erreur des tableaux interactifs qui ont coûté cher et qui étaient souvent mal adaptés aux besoins du milieu scolaire. [Note du carnet : Gageons que cela n’empêchera pas répéter la même erreur : à quoi serviront ces robots, ces iPad et ces imprimantes 3D assez coûteux une fois l’intérêt de la nouveauté passé ?]

Au cours de la conférence de presse, Sébastien Proulx partageait la scène avec deux jeunes animateurs jovialistes et « mon ami NAO », a-t-il dit, un tendre robot humanoïde qui, malheureusement, pour une raison technique, n’a pu réussir son petit numéro de ventriloque.

Au-delà des « bébelles », pour reprendre le vocable utilisé par Hélène David dans son allocution, le plan d’action vise à ce que la programmation informatique soit enseignée dans une majorité d’écoles primaires et secondaires, publiques ou privées, d’ici 2020-2021. Le codage est en vogue à l’heure actuelle et donnerait d’excellents résultats, surtout chez les garçons.

[Ce carnet n’est pas opposé au codage en tant que tel.

Cependant, d’une part, ce n’est pas la première fois qu’on tente cette expérience. On l’a déjà essayé avec le langage Logo et la tortue qui connut son apogée dans les années 80. L’« apprenant » pouvait ainsi décrire à l’écran un carré de cette façon (AV = avancer, TD ou DR = tourner à droite suivi d’un angle) :


POUR CARRE
AV 100 TD 90
AV 100 TD 90
AV 100 TD 90
AV 100 TD 90
FIN

ou plus simplement


POUR CARRE
REPETE 4 [AV 100 TD 90]
FIN


Les expériences LOGO en milieu scolaire se sont souvent arrêtées après une ou deux semaines, c’est-à-dire le temps de découvrir et de s’amuser avec la tortue graphique. Dès le début des années 1990, Logo est considéré comme un produit vieillot et désuet en Amérique du Nord. L’impact fut quasi nul.

Notons que la France utilise dans les premières années du secondaire (le collège) Scratch, un langage de programmation basé sur des briques de commandes visuelles. Dans la mesure où sa mise en place dans les classes peut se faire de façon économique, c’est un outil pour introduire les élèves à certaines notions de la programmation comme l’itération, l’appel de fonctions ou les conditions. Cette utilisation est toute fois assez limitée (une dizaine d’exercices par année dans le cadre du programme de mathématiques).


Interface de Scratch, programme simpliste pour dessiner un carré

D’autre part, nous ne pensons pas ce que cette introduction soit nécessaire au primaire. La rigueur peut être apprise au travers d’autres matières plus traditionnelles et à meilleur marché au primaire comme au secondaire. L’arithmétique, l’algèbre, la géométrie, l’analyse grammaticale, l’apprentissage d’une langue classique (le latin par exemple) peuvent aussi servir.

Notons que l’introduction du codage prendra du temps. Au détriment de quelle matière de base cela se fera-t-il ? Des enseignants québécois (notamment ceux du Syndicat du personnel de l’enseignement des Hautes-Rivières [SPEHR]) se plaignent déjà que l’école québécoise est devenue un « fourre-tout » : après l’ajout dans la grille-matières du controversé programme d’éthique et de culture religieuse, de notions sur l’intimidation et la violence, le civisme et l’orientation scolaire et professionnelle, c’est au tour de l’éducation à la sexualité d’être ajoutée dans le programme d’enseignement. Selon M. Boisjoli, directeur du SPEHR, « un enseignant de 6e année par exemple, doit enseigner le français, les mathématiques, les arts, l’éthique et culture religieuse, l’univers social, les sciences... alors on vient ajouter dans la grille-matières, l’éducation à la sexualité et les contenus en orientation scolaire. On manque de temps pour tout enseigner. »

En résumé, ce carnet n’est pas opposé à une introduction au codage dans certaines écoles pour autant que celle-ci ne soit pas obligatoire et qu’elle ne doit pas dispendieuse.

Robert Dutrisac continue :]

On aurait tort cependant d’y voir une compétence qui pourra s’avérer utile sur le marché du travail ; il est à prévoir que, grâce à l’intelligence artificielle, les lignes de code seront écrites dans quelques années par des machines. [Carnet : toutes les lignes de code ne seront pas écrites par des machines. Il restera des programmeurs. Ce qui est vrai, cependant, c’est que le codage restera une activité pratiquée par une petite minorité, comme la médecine ou le journalisme.]

Dans le meilleur des cas, il pourrait s’agir d’un savoir inutile qui, à l’instar du latin ou des échecs, contribue à développer l’esprit. [Ne pinaillons pas : développer l’esprit n’est pas inutile. Que ce soit avec le latin (qui renforce aussi la maîtrise du français et le sens historique) ou la géométrie...]

N’eût été l’approche des élections, le gouvernement libéral aurait attendu d’avoir ficelé son plan avant de le présenter et surtout d’approfondir la réflexion. S’il touche un mot de certains problèmes liés au numérique, notamment en matière de protection de la vie privée, le plan occulte le fait que ces outils ubiquitaires peuvent nuire à l’apprentissage en réduisant la capacité de concentration des jeunes, leur goût pour la lecture et leur esprit critique.  [Note du carnet : nous partageons ces réserves vis-à-vis de la technomanie ambiante.]
 
Ce n’est pas faire preuve de technophobie que d’insister pour qu’on pousse plus loin la réflexion sur l’éducation en cette ère du numérique et de refuser de s’émouvoir devant un pantin programmé, si mignon puisse-t-on le concevoir.

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