lundi 1 juillet 2019

Les ours polaires se portent bien

Zoologiste à l’Université de Victoria (Colombie-Britannique, Canada), Susan Crockford est une spécialiste des ours polaires. Elle conteste le scénario d’une espèce mise en danger par la fonte de la banquise. Texte de Susan Crockford paru dans le Spectacle du Monde de juin 2019.

La perception publique du statut de conservation des ours blancs est complètement déconnectée de la réalité.

« Ça se réchauffe, tant mieux ! »
Cela résulte du fait que l’ours blanc fut la première espèce à être classée comme menacée d’extinction sur la base de prédictions de survie future plutôt que selon les conditions de vie actuelles des populations.

Le statut de conservation de l’ours blanc est un cas particulier. À la fin des années 1980, les populations étudiées d’ours blancs avaient plus que doublé de taille depuis l’entrée en vigueur, en 1973, de la protection internationale contre la chasse excessive. En 1993, la taille moyenne de la population mondiale était estimée à environ 25 000 individus et l’espèce fut retirée de la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), puis de celle des espèces menacées et en danger en 1996 : les ours polaires avaient été sauvés.

Mais en 2005, de nouvelles inquiétudes ont été formulées quant aux conséquences possibles de la fonte anticipée des glaces marines arctiques à cause du réchauffement climatique causé par l’homme. En 2008, le Fish and Wildlife Service (USFWS) des États-Unis a inscrit l’ours blanc sur la liste des espèces menacées de l’Endangered Species Act, loi de protection de 1973. Pour la toute première fois, des biologistes ont utilisé des modèles informatiques non éprouvés pour modéliser la survie future de l’ours blanc, qui reposaient sur des prévisions non évaluées de la fonte de la banquise d’été au cours du XXIe siècle. D’après ces modèles, la population mondiale d’ours blancs devait diminuer de 67 % à l’horizon 2050. Sur dix-neuf sous-populations recensées dans le monde, dix étaient censées complètement disparaître une fois que la banquise d’été se réduirait régulièrement à 42 % ou moins des niveaux de 1979.

Sur une population mondiale de 24 500 ours ayant servi de base aux calculs des chercheurs, il ne devait en rester que 8100 à l’horizon 2050 ; à la fin du siècle, l’espèce était censée se trouver en voie d’extinction.

Facteur aggravant, le déclin spectaculaire de la banquise en été est survenu beaucoup plus tôt que prévu et devint visible dès 2007. Depuis, on constate presque tous les ans des niveaux de glace marine qui n’étaient pas prévus avant 2050.

Or que constate-t-on ? la dernière évaluation menée pour la liste rouge de l’UICN en 2015 a produit une estimation de 26 000 ours (de 22 000 à 31 000). Les enquêtes menées depuis lors porteraient le total mondial à environ 28 500, soit une augmentation d’environ 16 %. Comme cette augmentation depuis 2007 n’est pas statistiquement significative, l’interprétation la plus conservatrice de cette situation serait que la taille de la population n’a pas évolué malgré la forte réduction de la glace en été. De plus, contre toute attente, les ours prospèrent dans les régions où la perte de glace marine a été la plus prononcée, telles que la mer de Barents et la mer des Tchouktches ; les ours y sont nombreux, en bonne santé et se reproduisent bien. Ce n’est que dans le sud de la mer de Beaufort, au large de l’Alaska, que l’on assiste à un déclin statistiquement significatif du nombre d’ours blancs depuis 2007. Cependant, la glace marine de cette région présente des caractéristiques uniques : des glaces printanières épaisses se forment pendant deux ou trois ans tous les dix ans environ. La glace épaisse et compacte chasse les phoques femelles grosses avant qu’elles n’aient pu mettre bas, ce qui entraîne au printemps, une pénurie de nourriture pour les ours.

0 n sait que de telles conditions de glace épaisse ont été réunies en 1974-1976 et de nouveau en 2004-2006, avec un impact particulièrement sévère sur la population des ours polaires à court terme. L’effet temporaire de ces événements sur la survie des ours polaires et l’abondance de phoques est bien documenté dans la littérature scientifique.

Cependant, les effets prévisibles et dévastateurs des conditions de glace épaisse en 2004-2006 n’ont pas été pris en compte dans les estimations de la population du sud de la mer de Beaufort en 2007 (ou en 2015, lorsqu’un nouveau dénombrement a été effectué).

En 2007, des chercheurs ont attribué la famine et le faible taux de survie des ours documentés en 2004-2006 à la fonte des glaces d’été causée par le réchauffement climatique. Ces chercheurs, et d’autres, maintiennent leurs affirmations aujourd’hui et suggèrent, à tort, que les effectifs de la population d’ours sont restés à des niveaux très faibles depuis.

En conclusion, l’ours polaire prospère avec près de 50 % de moins de glace marine qu’en 1979 ; peu d’éléments indiquent qu’une catastrophe attend cette espèce animale. Au contraire, de nombreux résidents de la région arctique se plaignent désormais du danger posé par le nombre d’ours.


The Polar Bear Catastrophe that never Happened,
de Susan Crockford.
The Global Warming Policy
Foundation, 209 pages



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