dimanche 7 février 2010

La prépondérance de la culture chrétienne ne se retrouve pas dans le matériel didactique

L'émission de Radio-Canada Second Regard de ce dimanche a, une nouvelle fois, abordé le cours d'éthique et de culture religieuse. Dans la vidéo ci-dessous, la ministre du Monopole de l'Éducation, Mme Michelle Courchesne, maintient que le régime pédagogique est très clair : le volet catholique et protestant doit être prépondérant et il faut enseigner ce qui constitue ces deux mouvements religieux. (Nous invitons les lecteurs à chercher des éléments dans ce sens dans la dernière version du régime pédagogique... On n'y trouve nulle part ni le terme « catholique » ni « catholicisme », pas plus que « christianisme ».)

Notons d'emblée que, pour plusieurs observateurs, dire que le cours enseigne ce qu'est le catholicisme ou le protestantisme est inexact ou trompeur puisque le programme se concentre surtout que sur le « phénomène religieux » et ses aspects beaucoup plus superficiels et externes (les rites, les objets de culte, quelques récits, les bâtiments, les œuvres d'art, la hiérarchie, quelques personnages fondateurs) et non pas sur une compréhension réelle, interne, de ce qui constitue ces religions.

La journaliste de Radio-Canada oppose ensuite à la ministre le résultat de l'évaluation des évêques catholiques et des protestants : le christianisme n'est pas prédominant dans le matériel didactique utilisé (voir ci-dessous). La ministre maintient que c'est le cas pour les manuels approuvés.

Le problème c'est que, dans cet entretien de la SRC, la journaliste ne demande pas à Mme Courchesne de définir cette prépondérance.

Rappelons que le porte-parole du MELS pour le cours ECR, M. Bergevin, a refusé de chiffrer cette prépondérance disant qu'il s'agissait simplement de plus de contenu chrétien que toute autre religion prise isolément, donc 30 % chrétien et 20 à 10 % pour chacune des autres religions c'est parfait. Plus de détails ci-dessous.




Mme Lajeunesse, ci-dessous, de la Table de concertation protestante en éducation se plaint — comme les évêques catholiques — du manque de place consacrée dans le matériel didactique à la culture chrétienne (et en particulier à la culture religieuse protestante et orthodoxe), malgré les promesses de Mme Courchesne (première vidéo ci-dessous) et de M. Jean Charest (voir la seconde vidéo ci-dessous) à cet effet.





Il faut se réjouir que Radio-Canada se réveille sur ce sujet, il y a plus d'un an et demi, ce carnet et la CLÉ disaient déjà la même chose après avoir consulté les premiers manuels, mais bon, pour Radio-Canada, il ne s'agissait que de l'avis d'une poignée de catholiques parmi « les plus intégristes »... Non, les journalistes n'ont pas de préjugés ! Où allez-vous chercher cela, mon bon monsieur ?

Une année plus tard, Radio-Canada se rendait compte qu'il n'y avait vraiment pas que des catholiques, mais également beaucoup de protestants (pas tous des ex-catholiques contrairement à ce que prétend la chaîne publique), des coptes et même des musulmans qui s'opposaient bruyamment à ce programme !



Notons que, même si le programme consacrait une majorité du temps à l'étude du christianisme, il n'est donc pas du tout certain que cette nouvelle mouture du programme ECR satisferait tous les parents : est-ce que cela satisferait les musulmans, les parents qui reprochent l'approche relativisme même à plus faible dose du cours ou ceux qui n'approuvent pas certaines discussions sur des sujets moraux controversés et parfois même politiques lors du volet éthique ?

Lors de la controverse qui a suivi la publication de l'étude de Joëlle Quérin, plusieurs thuriféraires du programme ECR ont proclamé que cette prédominance existait.



C'est ainsi qu'on a vu les pères du cours ECR nous prétendre que grâce au programme actuel, leur merveilleux bébé, « l'accès à la connaissance historique du patrimoine religieux québécois est privilégié », laissant entendre aux Québécois peu au fait du programme d'éthique et culture religieuse que l'immense majorité du programme tourne autour du christianisme.

C'est FAUX, rien de tel n'est obligatoire (bien que ce ne soit pas impossible).

C'est faux dans le programme comme nous l'expliquait il y a un peu plus d'un an le porte-parole le plus silencieux de la fonction publique québécoise, Pierre Bergevin, le 2  septembre 2008 à Valcourt devant les caméras de Radio-Canada et le responsable du programme ECR auprès du ministère, M. Jacques Pettigrew. M. Bergevin déclarait que la prédominance donnée au christianisme ne signifiait pas qu’une majorité du cours sur les religions serait réservée au christianisme, ni qu’il pouvait citer un chiffre précis qui correspondrait au minimum de contenu chrétien. Il a bien fait car, au 3e cycle du primaire, les manuels approuvés par le BAMD de Modulo ne consacrent que 27 % de leurs contenus au christianisme guère plus que les 20 % consacrés à la spiritualité autochtone au 1er cycle du primaire…

C'est faux dans les faits comme l'ont indiqué les évêques catholiques du Québec et la Table de concertation protestante sur l'éducation (TCPE), nullement des brandons de la discorde pédagogique et en rien de jeunes écervelés nationalistes.

Voici ce disaient les évêques catholiques dans leur lettre à la ministre Courchesne du 15 septembre 2009 :
« 
Nos experts ont constaté que la place qui y est faite au christianisme reste très comparable à celle des autres religions, bien éloignée de la prescription d'en traiter tout au long de chaque année d'un cycle. Ces manuels exposeront les élèves à la diversité religieuse bien plus qu'ils ne les introduiront de façon significative à la connaissance de la tradition chrétienne québécoise.

[...]

L'apport du christianisme à la vie sociale et culturelle du Québec, fréquemment réitéré au cours des démarches ayant conduit à l'approbation du programme, demeure très peu présent dans les manuels étudiés, et même absent dans plusieurs cas.
 »
Reproche similaire de la part de la TCPE, organisme très modéré dans sa critique du cours ECR, dans sa lettre envoyée à la ministre Courchesne le 9 décembre :
« 
  1. la présentation des religions (chris­tianisme, islam, hindouisme, judaïsme, sikhisme, bouddhisme et spiritualité autochtone) est plus ou moins égale. La prédominance de la tradition judéo-chrétienne n’est pas respectée.

  2. l’énumération de l’apport du protestantisme tant anglophone que francophone dans les sphères sociales, économiques est minime, malgré notre présence au Québec depuis plus de cinq siècles. Les personnages protestants sont rarissimes.

  3. majoritairement le contenu éthique est sur représenté par rapport au volet religieux.
 »







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Proposition de Mme Courchesne : ECR pourrait être enseigné en secondaire III

La Ministre de l’Éducation a publié un projet de règlement le 3 février 2010 qui modifierait la Loi sur l'instruction publique (LIP). En vertu de la Loi sur les règlements (L.R.Q., c. R-18), ces modifications pourront être adoptées par la Ministre à l’expiration d’un délai de 45 jours à compter de la date de leur publication

Le projet de règlement propose de modifier l'article 23.1. de la LIP en y ajoutant :
23.1.

[...]

La matière obligatoire Éthique et culture religieuse de la 4e secondaire peut, sous réserve de l’article 26, être enseignée à des élèves de la 3e année de l’enseignement secondaire et, le cas échéant, leur conférer les unités afférentes à cette matière.






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Plus de congé obligatoire à l'école pour les fêtes historiques et religieuses traditionnelles ?

La Ministre de l’Éducation a publié un projet de règlement le 3 février 2010. En vertu de la Loi sur les règlements (L.R.Q., c. R-18), ces modifications pourront être adoptées par la Ministre à l’expiration d’un délai de 45 jours à compter de la date de leur publication.

Une des modifications porte sur le calendrier d’enseignement qui permettrait aux élèves et aux écoles de rester ouvertes tous les 7 jours de la semaine. Cette même modification abolirait également en pratique tous les congés officiels traditionnels en abrogeant l'article 19 du Régime pédagogique :
19.  Les jours suivants sont des jours de congé pour l'élève:

1° les samedis et les dimanches;

2° le 1er juillet;

3° le 1er lundi de septembre;

4° le deuxième lundi d'octobre;

5° les 24, 25 et 26 décembre;

6° les 31 décembre, 1er et 2 janvier;

7° le Vendredi saint et le lundi de Pâques;

8° le lundi qui précède le 25 mai;

9° le 24 juin.
Extrait de la Gazette officielle du Québec, où les articles 16 à 19 du Régime pédagogique sont remplacés par les articles 16, 17 et 18 suivants (l'article 19 est abrogé) :








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Programme ECR : « Nous enseignons ici des valeurs » de dire Mme Courchesne





Contrairement à ce que prétendaient les avocats au procès de Drummondville, le programme d'éthique et de culture enseignerait des valeurs, comme pour l'ancien programme de morale, de déclarer Mme Courchesne, ministre de l'Éducation du Québec. Mme Courchesne dit par ailleurs que trois valeurs seraient enseignées dans le volet éthique :
  1. le français comme langue commune (nous n'avons jamais vu ce sujet dans le matériel pédagogique),

  2. l'égalité des hommes et des femmes (le sujet est abordé, mais uniquement sous la forme d'un débat ouvert, et en culture religieuse, là il s'agit de respecter les différences conceptions sur ces rapports)

  3. et la laïcité (peu abordée, puisqu'on parle de toute façon beaucoup de religions en ECR par décision du gouvernement, même si c'est de manière superficielle et quelque peu relativiste).
De quelles valeurs s'agit-il donc si ce n'est du politiquement correct, du pluralisme normatif (le pluralisme des valeurs religieuses ou morales est mieux que l'homogénéité) ou de son aspect politique, le multiculturalisme ?

Mme Courchesne n'hésite pas ensuite à affirmer qu'elle n'a jamais rencontré les parents de la Coalition pour la liberté en éducation parce qu'ils lui feraient un procès. Mais...
  1. Le procès de Drummondville n'impliquait pas le Monopole de l'Éducation au début, mais uniquement les parents et la Commission scolaire des Chênes, c'est la ministre qui s'est dite partie intéressée et a tenu à participer au procès,

  2. Les gens de la CLÉ ont demandé à rencontrer la ministre courant 2008, son secrétariat a répondu une première fois le 14 juillet pour annoncer une autre lettre qui est parvenue le 26 août informant la CLÉ que « malheureusement [l']agenda [de la ministre] ne lui permet pas de vous rencontrer à court terme ». Le 15 septembre, les parents Lavallée déposaient leur requête.

  3. Si la ministre n'a jamais rencontré ces parents pendant l'année qui précédait le procès, elle a bien parlé de marcher sur les orteils des parents. « On ne négocie pas un virage aussi important sans écraser d'orteils » dans Le cours de culture religieuse obligatoire, Le Soleil, 19 avril 2008.

  4. La CLÉ n'est pas stricto sensu partie prenante dans l'affaire en justice, contrairement au ministère qui s'est ajouté à la cause, seule une famille de Drummondville est impliquée.

  5. Enfin, qu'est-ce qui empêche une rencontre pour obtenir un accord à l'amiable même quand on débat d'une cause au civil ? La ministre n'a d'ailleurs pas cherché à rencontrer la CLÉ pendant le mois qui séparait la décision du juge Dubois et le début de demande en appel, alors qu'il n'y avait plus d'affaire en justice.

Mme Courchesne déclare ensuite le programme est obligatoire et donc qu'on ne fera absolument rien pour aider les parents qui retirent leurs enfants du cours, mais que l'affaire ne peut se régler que par le « dialogue », bref se rendre aux arguments du Monopole de l'Éducation du Québec et sa ministre. Ah, visiblement elle a de qui tenir cette ministre de M. Charest : front de bœuf et langue de bois.


P.-S. : Si un de nos lecteurs a déjà vu un de ces merveilleux guides officiels et approuvés d'évaluation du cours ECR qu'il nous fasse signe. Nous aimerions savoir selon quelles valeurs concrètes les enfants sont évalués. Mais bon, comme ce merveilleux programme dynamique semble changer sans cesse, les guides ne sont peut-être pas encore vraiment approuvés...






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Manifeste de l'Université-État

Carl Bergeron revient aussi sur le prêchi-prêcha du très prévisible Manifeste pour un Québec pluraliste.

Les intertitres sont de nous.
« Profond ennui devant une autre production de l'Université-État

Je dois admettre que j’ai rarement été plus démotivé qu’aujourd’hui à écrire un éditorial. Le Manifeste pour un Québec pluraliste suscite en moi un ennui prodigieux, et le commenter équivaut à commenter de nouveau ce qui a déjà été dit des dizaines de fois dans d’autres textes par les mêmes intellectuels-experts. Et pourtant, ce « manifeste » doit être commenté, en ce qu’il est représentatif d’une paralysie intellectuelle et politique qui éloigne chaque jour un peu plus le Québec de lui-même. Le Manifeste pour un Québec pluraliste n’est pas plus divertissant pour l’intellect que la « Politique nationale contre l’homophobie » ou que tout autre document gouvernemental destiné à asseoir le pouvoir de l’État thérapeutique. C’est, littéralement, un produit gouvernemental, ou de ce que j’ai appelé ailleurs « l’Université-État ». Le pouvoir intellectuel y donne le spectacle d’intellectuels qui ont renoncé à la souveraineté individuelle de l’intelligence, dans une logique de préservation systémique, fondée sur la seule appartenance de caste.
Le manifeste, signe du panurgisme des experts cooptés

Que ces intellectuels aient accepté de signer un manifeste pour communiquer leur « pensée » est déjà un signe de faillite intellectuelle. On ne signe pas un manifeste pour exprimer une pensée, laquelle est toujours de nature individuelle, mais pour manifester une appartenance à un pouvoir de groupe. C’est ce qu’ont fait les quelque 500 signataires de ce Manifeste pour un Québec pluraliste, parmi lesquels on retrouve surtout des universitaires, ou d’ex-universitaires vouant une fidélité de principe à leurs anciens mentors. Un rapide coup d’œil suffit pour repérer des auxiliaires de recherche en attente d’un renouvellement de contrat, des doctorants dans une position précaire, des disciples inaccomplis, des « citoyens concernés », des « activistes », et même une « citoyenne du monde et immigrante permanente » : toute la piétaille universitaire et la sous-piétaille militante y défile, sous le drapeau involontairement comique du « pluralisme ». C’est sans compter, naturellement, les signatures « fondatrices », dont celles de Jean-Pierre Proulx, Louis Rousseau et Georges Leroux ; des idéologues pro-ECR qui, comme nous le savons, sont tout à fait désintéressés dans cette affaire. Il va de soi qu’on retrouve également, parmi les signataires, les « experts » qui furent associés de près à la Commission Bouchard-Taylor, comme Daniel Weinstock, Marie McAndrew, Jocelyn Maclure et Maryse Potvin. Ce manifeste est le cri de ralliement d’une clique à ce point aveuglée par son idéologie qu’elle ose prendre pour un « acte citoyen courageux » ce qui n’est, au fond, que la manifestation la plus basse, la plus prévisible, de l’instinct grégaire.

Ne pas se rallier peut coûter cher en termes de réputation

C’est simple : ceux qui se rallient voient leur position renforcée dans le système ; ceux qui s’abstiennent voient leur position inchangée mais voilée d’un nuage de méfiance ; tandis que ceux qui s’opposent voient leur position affaiblie, sinon carrément compromise, selon le statut qu’ils occupent au sein du réseau universitaire. Le professeur titulaire opposant demeurera professeur titulaire, mais essuyera des calomnies, tout comme le doctorant en attente d’une ouverture de poste, qui demeurera pour très longtemps un doctorant en attente d’une ouverture de poste…

[...]

Prétendre rassembler des courants divers par ce manifeste est risible

Quand les « porte-paroles » du Manifeste, comme Weinstock, vont dire sur toutes les tribunes leur « fierté » de « rassembler » des gens de « différentes tendances politiques » et de « différents milieux » , on se tord de rire. Tous ces gens-là se fréquentent de près ou de loin, se croisent dans les mêmes lancements, les mêmes colloques, publient dans les mêmes revues, touchent les mêmes subventions, lisent les mêmes livres et régurgitent dans leurs articles la même vulgate pieusement reprise depuis des années. Pas étonnant, avec une individualité aussi horizontale, qu’ils n’aient pas hésité à fondre leur signature personnelle dans une signature collective.

Contenu intellectuel peu important : il s'agit de stigmatiser les critiques

Le contenu intellectuel du Manifeste est difficile à cerner et à apprécier, tant ce texte est motivé par des intérêts bien davantage idéologiques que philosophiques. Il cherche moins à éclairer la situation présente qu’à identifier et à diaboliser la critique, et ainsi se poser comme la norme démocratique irréfutable sans laquelle aucun débat véritablement « démocratique » ne saurait avoir lieu. C’est le « dialogue » tel que l’entendent les multiculturalistes. On le comprend rapidement dès le début, lorsque les signataires écrivent : « Une vision ouverte et pluraliste de la société québécoise subit les foudres conjuguées de deux courants en rupture avec les grandes orientations du Québec moderne. D’un côté, une vision nationaliste conservatrice voit le Québec d’aujourd’hui comme ayant trop concédé à la diversité culturelle. [...] De l’autre côté, une vision stricte de la laïcité récuse les manifestations religieuses ostentatoires dans la sphère publique. [...] Ces deux courants, a priori différents, se rejoignent d’abord dans une même attitude d’intransigeance envers les minorités ».

Critiquer les multiculturalistes, c'est une grave dérive selon ces mêmes multicultis

Critiquer le multiculturalisme équivaudrait à une « dérive ». Que ce soit par le défense dite « intégriste » de la laïcité, ou par la défense dite « crispée » d’un « patrimoine historique » fantasmé et affectivement surinvesti, la critique du multiculturalisme se nourrirait de passions malsaines. La « vieille gauche » social-démocrate, qui n’a pas pris le train de la modernité multiculturaliste, serait coupable de s’être laissée contaminer par l’intolérance des « conservateurs identitaires ». Appelée à revenir à la raison, elle est menacée, si elle poursuit sur sa lancée, d’être étiquetée à « droite », autant dire d’être bannie de l’espace public.

[...]

Ce sont de faux pluralistes, des imposteurs

On aura remarqué que les signataires ne se désignent pas comme des multi­cultu­ra­listes, mais comme des « pluralistes », ou à tout prendre comme des « inter­cul­tu­ra­listes », dans la mesure où ils disent vouloir favoriser les « rapports interculturels ». Or, ces faux «  pluralistes » n’ont pas davantage quoi que ce soit à voir avec l’authentique pluralisme politique qu’avec la démocratie libérale, dont ils se réclament par ailleurs dans leur défense orientée des chartes des droits. Leur « pluralisme » est une imposture rhétorique qui débouche sur un programme de dévaluation du demos, et parallèlement sur un programme de célébration du bios minoritaire.

[Note du carnet : de véritables pluralistes ne viseraient pas à imposer à tous un programme comme le cours ECR, ils tolèreraient le choix et la diversité dans ce domaine.]

Pour ces doctrinaires, l'identité majoritaire est seule odieuse

Ces authentiques doctrinaires suggèrent que « l’identité », qui serait condamnable comme expression d’une majorité, deviendrait soudain admirable en tant qu’expression d’une « minorité », laquelle peut être « culturelle » ou « sexuelle ». Il y aurait d’une part un « conservatisme identitaire », inhérent à la majorité, et d’autre part un « progressisme identitaire », qui se confondrait avec une défense du multiculturalisme. Le « nationalisme ou le prosélytisme des minorités » n’est jamais présenté sous un angle « identitaire », vous l’aurez remarqué, car « identitaire » est un mot honni et nauséabond. Les sophistes multiculturalistes préfèrent camoufler « l’identitaire » des « minorités » sous les oripeaux commodes de la « différence ». C’est plus chic, et ça sent plus bon.

La différence sacralisée, l'assimilation devient scandaleuse

La « différence » sacralisée, l’assimilation des immigrés se transforme en un scandale moral : « La position pluraliste considère que les membres des minorités ne doivent pas être victimes de discrimination ni d’exclusion sur la base de leur différence, et l’intégration des immigrants à la société québécoise ne doit pas exiger une assimilation pure et simple. Si l’immigrant doit s’efforcer de s’intégrer à la société d’accueil et de respecter ses lois et ses institutions, cette dernière doit veiller à lever les obstacles à son intégration. Le devoir d’adaptation est réciproque. » Ce passage n’a aucun sens. Les immigrés sont donc encouragés à cultiver leur présumée « différence identitaire » et à n’intégrer l’espace public que sous la forme de l’attribut biologique ou religieux, les deux pôles de négation de la parole politique, en même temps que la majorité de la société d’accueil se voit accusée de « discriminer » les « minorités » sur la base de leur « différence ». Que comprendre à cela ? L’assimilation des immigrés n’est-elle pas le meilleur moyen d’éviter la « discrimination » et « l’exclusion » ?

[...]

Nombrilisme philosophique

« Les critiques du pluralisme [lire : multiculturalisme], écrivent-ils, l’accusent souvent de rompre avec la trajectoire historique du Québec. Mais ce sont plutôt les tenants d’une laïcité stricte et d’un nationalisme identitaire conservateur qui choisissent la voie de la rupture. »

Pour les idéologues du socialisme multiculturaliste, il n’y aura toujours qu’un sens de l’Histoire : le leur. »

Aristote serait épouvanté par le Manifeste pour un Québec pluraliste

Le philosophe Jean Laberge se penche sur le Manifeste pour un Québec pluraliste publié par les univer­sitaires partisans du multiinter­culturalisme et de l'imposition du programme gouver­nemental obligatoire d'éthique et de culture religieuse dès six ans :
« Ce qui ne tourne pas rond dans le Manifeste, et ce qui épouvanterait Aristote, c’est que la finalité politique de l’État proposée est inadéquate. La véritable finalité de l’État consiste à développer les vertus des citoyens qui, en retour, doivent veiller, comme à prunelle de leurs yeux, au bien-être de l’État, puisque de la santé de celui-ci dépend leur bonheur, c’est-à-dire leur épanouissement. La finalité de l’État ne se limite donc en aucune façon à trouver l’équilibre de la société, dans une neutralité irrespectueuse du bonheur des citoyens, où chacun y trouve son compte dans la satisfaction ses intérêts personnels.

On parle aujourd’hui abondamment d’éducation à la citoyenneté. J’ai bien peur que ce ne soit encore une fois que des mots creux et des vœux pieux. Quand on a vidé l’État de sa véritable finalité (« fonction », dirions-nous aujourd’hui), le sens de la citoyenneté ne rime plus à rien. En effet, là où un État octroie à ses citoyens, dès la sortie du sein maternel, des droits, à quoi bon s’esquinter à les acquérir ? Ce dont l’État devrait plutôt se faire le chantre, c’est d’une éducation à la vertu.

À cet égard, le Manifeste loue la mise sur pied récente du cours d’Éthique et de culture religieuse, comme une heureuse initiative permettant d’assurer le vivre-ensemble. Mais il ne s’agit que d’une éducation au pluralisme. Pour un État comme le Québec, déjà fragilisé, l’éducation au pluralisme est tout ce qu’il y a de plus lénifiant et soporifique. La vertu centrale qu'on souhaite instiller chez les jeunes est la tolérance et le consensus social — ce qui équivaut à l’apprentissage de la rectitude politique commandée par l’État libéral.

Tout le monde est dans ses droits, mais personne ne sait ce qu’est le courage, la justice, la sagesse, la tempérance, la piété, la foi, l’espérance et la charité. Cela ne prépare pas au bonheur. Socrate aimait à dire qu’une vie sans examen de ce qu’est la vertu ne valait pas la peine d’être vécue. Aristote avait retenu la leçon du maître de Platon. Aurons-nous le courage de l’entendre à nouveau ? »
Le texte complet de Jean Laberge

Le philosophe français David Mascré avait également attaqué l'extrême pauvreté des vagues valeurs mises en avant dans le programme ECR dans son expertise remise lors du procès de Drummondville :
Cette prise en charge de la question religieuse sous le double angle de la culture et de l’éthique appelle, nous semble-t-il, un certain nombre de remarques.

Objection 1 : la mise en avant de ces deux objectifs « reconnaissance de l’autre » et « poursuite du bien commun » apparaît d’une pauvreté affligeante en regard des valeurs fondatrices d’une civilisation digne de ce nom. Elles sont notamment très en deçà des notions d’honneur, de loyauté, de justice, de sacrifice qui présidaient au fonctionnement des sociétés traditionnelles. Elles sont surtout à mille lieues des vertus cardinales (prudence, tempérance, force, courage) et théologales (foi, espérance et charité) fondatrices de l’ordre chrétien (tel qu’il fonctionnait par exemple dans l’orbs christiana médiévale ou dans l’ordre social chrétien profane de l’âge classique) successivement pressenties et anticipées d’abord par la sagesse antique et païenne puis définitivement assumées et accomplies par la sagesse chrétienne.

Objection 2 : Les valeurs proposées par le cours ECR sont très largement insuffisantes pour bâtir un ordre social et civilisationnel digne d’une société chrétienne véritable. Elles ne suffisent pas même à garantir la justice, la sécurité publique, l’assistance aux malades et aux affligés et la protection des plus faibles, réquisits civilisationnels fondamentaux que même les sociétés païennes primitives ont pourtant su en leur temps assurer et mettre en œuvre.

Objection 3 : le programme propose un objectif qui est fondamentalement en deçà de ce que l’on est en droit d’attendre d’un véritable programme d’éducation. Il semble avoir été conçu par des hommes vivant dans une société de confort et d’opulence privée de tout élan spirituel et dans laquelle les préoccupations spirituelles aussi bien que matérielles (à commencer par la satisfaction des besoins humains les plus élémentaires) auraient été définitivement évacuées.

Objection 4 : les valeurs que le programme d’éthique et de culture religieuse prétend ainsi mettre en avant ne sont à aucun moment définies de manière rigoureuse (c.-à-d. exhaustive et non redondante).






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