lundi 24 janvier 2022

La démographe Tribalat contre les détournements idéologiques au sujet de l’immigration


Immigration, idéologies et souci de la vérité
(à L’Artilleur) réfute méticuleusement nombre d’erreurs commises dans le débat public sur le sujet de l’immigration.

Extraits.

Le discours de bon ton sur l’immigration

Sur le terrain de la démographie et des migrations, pour être du bon côté, il faut se garder d’être nataliste tout en rassurant les Français sur les performances exceptionnelles de la France par rapport au reste de l’Europe en matière de fécondité. Fécondité qui ne doit pas grand-chose à l’immigration. Immigration qui est à la fois une chance et une fatalité, qu’il faut toujours minorer, relativiser ou naturaliser, et qui amène des musulmans en grand nombre lorsqu’on cherche à implanter l’idée que c’est irréversible, mais en moins grand nombre lorsqu’on cherche à relativiser le djihadisme.

Il faut s’élever, par tous moyens, contre l’idée de grand remplacement, dévoiler l’imposture, quitte à faire dire à son inventeur ce qu’il n’a pas dit. La mauvaise foi n’est pas interdite.  […]

Immigration : la grande querelle des statistiques

Le but principal des argumentations chiffrées développées sur le thème de l’immigration et visant à la minorer, la relativiser, est de contredire les perceptions communes qui tiendraient à une propagande politique de la droite plutôt extrême ou, tout au moins, telles que l’élite du bon goût se les représente, et quelquefois les fabrique pour pouvoir les démonter. Il faut absolument que ces perceptions, outre qu’elles manquent de goût, soient erronées.

Mon but ici n’est pas de dire que les gens ordinaires perçoivent la réalité telle que la décriraient des statistiques bien faites — tout un chacun peut se tromper en la matière — mais de montrer que ce n’est pas tant l’exactitude de ces perceptions qui préoccupe ceux qui s’en offensent que leur dissonance avec l’idéologie dominante du milieu dans lequel ils évoluent.

Moins d’immigration que dans les années 1970 ?

L’évolution du nombre moyen annuel d’entrées nettes d’immigrés extraeuropéens en France métropolitaine, sur les périodes intercensitaires de 1962 à 1999 et jusqu’en 2017, ne confirme pas l’affirmation selon laquelle la France accueillerait aujourd’hui moins de ces immigrés que dans les années 1970. Si ce nombre a été multiplié par trois de 1962-1968 à 1968-1975, il est resté inférieur à celui observé dans les années 2000 et après. Il n’a cessé de baisser après 1975, jusqu’à la fin du siècle. Cette baisse, conjuguée au repli de l’immigration européenne, explique pourquoi la population immigrée a si peu augmenté sur le dernier quart du siècle. Au contraire, en début de XXIe siècle, la reprise de l’immigration extraeuropéenne s’est conjuguée à une reprise, même modeste, de l’immigration européenne. C’est pourquoi la proportion d’immigrés, qui avait stagné autour de 7,4 % entre 1975 et 1999, a recommencé d’augmenter ensuite. Elle est de 10,2 % en 2020.

Le solde migratoire, une notion incomprise

Il s’agit là d’une notion pas toujours bien maîtrisée, mais qui plaît beaucoup tant elle ramène souvent l’immigration à un petit ruisseau. Sur le papier, c’est la différence entre les entrées et les sorties. Mais, en France, le solde migratoire n’est pas mesuré. Nous ne disposons pas d’un enregistrement des entrées du territoire cohérent et exhaustif et n’avons pas d’enregistrement des sorties comme c’est le cas dans les pays du nord de l’Europe qui ont des registres de population bien tenus. (…) Ce solde migratoire, s’il était bien mesuré, donnerait une idée de l’immigration nette des étrangers et des Français confondus ou des immigrés et des natifs confondus.

S’adapter à l’immigration ?

La naturalisation du phénomène migratoire consiste à placer l’immigration étrangère au même rang que ce qu’en démographie on appelle le mouvement naturel d’une population fait de naissances et de décès. On parle alors d’accroissement naturel.

François Héran (titulaire de la chaire « Migrations et sociétés » au Collège de France, NDLR) s’est fait le champion de cette naturalisation de l’immigration étrangère. On trouvait les prémisses de cette naturalisation du phénomène migratoire dans son livre publié en janvier 2007, à travers la critique de la notion de « capacités d’accueil » invoquée par Nicolas Sarkozy lors de sa présentation au Parlement du projet de loi sur l’immigration en 2006. François Héran y réfutait l’idée que l’État devrait prendre en compte les capacités d’accueil existantes pour calibrer le flux d’immigration étrangère. Au contraire, c’est à lui d’adapter ces capacités d’accueil au flux, comme il a dû le faire pour les variations démographiques naturelles telles que le baby-boom d’après-guerre : « Compte tenu de la pénurie de logements et d’écoles, était-il raisonnable de se lancer dans le baby-boom en mettant au monde 200 000 enfants de plus dans la seule année 1946 ? » Il conduisait le même raisonnement par analogie avec l’augmentation du nombre de personnes âgées : « Au vu des structures d’accueil disponibles à la fin des années 1960, était-il rationnel d’améliorer leurs conditions de vie et leur accès aux soins, au point d’allonger l’espérance de vie des Français de deux mois par an, avec les conséquences que nous mesurons trente ans plus tard en termes de “vieillissement” et de déséquilibre des comptes sociaux ? » Comme nous prenons notre parti des effets du vieillissement inéluctable de la population, il nous faudrait faire de même avec l’immigration étrangère, telle qu’elle est. […]

François Héran pousse l’analogie entre l’immigration, le baby-boom et les vieux qui vivent plus longtemps jusqu’à employer le verbe accueillir pour ces trois « surcroîts » de population, les mettant ainsi sur un pied d’égalité. À une époque ou tout est construction sociale, l’immigration étrangère serait aussi naturelle que la natalité. Il faut s’adapter à l’une comme à l’autre. […]

La migration serait ainsi une variable démographique complètement endogène, comme la fécondité ou la mortalité. Se pencher avec regret sur les flux, ce serait comme regretter le baby-boom d’après-guerre ou se plaindre du vieillissement de la population, contre lesquels on ne peut rien. C’est un peu ce que sont la pluie et le beau temps à la météo. […]

Ces flux devraient persister, nous dit-on. Est donc appelée à s’ajouter à l’immigration légale, résultant de l’application du droit, une immigration illégale — politique du fait accompli — contre laquelle l’Union européenne ne semble pas en état de faire grand-chose, sauf à se mettre dans la main d’un autocrate tel qu’Erdogan.

La démographie, une discipline de plus en plus militante

Si l’on suit Didier Lapeyronnie dans son analyse de l’académisme radical en sociologie, on pourrait en déduire que la discipline démographique s’est sociologisée. Il écrivait ainsi en 2004, dans la Revue française de sociologie, que « la sociologie n’existe que par une rupture nette avec les perceptions et les interprétations du “sens commun” » et que « le sociologue discourt, mais (qu’) il ne saurait dialoguer ». Son contradicteur serait soit un idiot soit un vendu et l’homme ordinaire ne serait accessible qu’aux lieux communs. Comme le sociologue, le chercheur qui se dit démographe aujourd’hui s’engage lui aussi trop souvent à mettre en défaut « le sens commun » de l’homme ordinaire, de manière plus ou moins explicite. […]

Cette entreprise ne peut être menée à bien qu’avec le concours de la sphère médiatique, non pas tant pour convaincre l’homme ordinaire de sa méprise que pour affirmer son ascendant moral et intellectuel dans le milieu académique et garantir la reprise qu’il en attend dans la sphère intello-journalistique qui marche à la satisfaction idéologique.

L’homme ordinaire se plaint d’une immigration étrangère trop importante. Le chercheur-démographe militant va alors mobiliser la notion la moins à même de refléter ce flux — le solde migratoire — pour en minimiser l’importance. Ce faisant, il maintient son ascendant et fournit un argumentaire à ceux qui n’ont pas le statut garantissant une certaine compétence et qui fonctionnent à la satisfaction idéologique : l’idée me plaît, le grand spécialiste en garantit par ses titres la scientificité, elle apporte de l’eau à mon moulin idéologique, donc elle est vraie.

Terrorisme intellectuel

Le scientifique qui travaille en harmonie avec l’esprit du temps peut compter sur un écosystème composé de collègues et de comités de lecture qui partagent ce qu’il faut bien appeler ses opinions et ses engagements. Et si ceux-ci ne les partagent pas, ils sont incités à le garder pour eux, sauf à se voir disqualifiés eux-mêmes. C’est d’ailleurs peut-être sur ces opinions que certains ont accédé aux positions qu’ils occupent. Ce n’est donc pas simplement sur les qualités scientifiques qu’un travail est jugé, mais aussi, et parfois exclusivement, sur sa conformité avec l’idéologie dominante de l’environnement professionnel.

Celui qui veut encore exercer son métier de chercheur en laissant ses opinions et celles de ses collègues au vestiaire a donc intérêt à travailler sur des thèmes peu mobilisateurs ou à se faire discret. Pour chercher heureux, cherchons cachés ! […] À l’avenir, si rien n’est fait pour valoriser le pluralisme, l’uniformité de points de vue dans les milieux académiques devrait s’accroître, au-delà de l’effet d’intimidation, lorsqu’arriveront ceux qui auront subi « plein pot » une forme d’endoctrinement lors de leur formation scolaire et universitaire.

On ne voit pas bien comment (re) venir à un univers académique où le militantisme aurait été suffisamment affaibli pour que le débat s’y déroule selon des critères scientifiques, sans passer par un plus grand pluralisme des opinions en son sein. C’est particulièrement vrai sur le sujet de l’immigration. Si les opinions exprimées sur un même objet d’études étaient plus diversifiées dans la sphère académique, on pourrait espérer que les aspects scientifiques retrouvent leur primauté. Mais comment y parvenir ? Détourner la notion de diversité si en vogue aujourd’hui pour l’appliquer aux opinions et aux affiliations politiques ?

Il ne s’agit pas là d’une question anodine dans la mesure où un débat démocratique sain repose sur la confiance. Comment les citoyens ordinaires pourraient-ils distinguer la vérité du mensonge si ceux dont c’est le métier de produire des informations rusent avec les faits qu’ils étudient dans le but de réformer l’opinion publique ? Comment espérer alors faire reculer les théories du complot ?

Michèle Tribalat : « Dans les sciences sociales, on ne cherche plus à établir des faits mais à influencer l’opinion publique […] En 2011, 30% de la population française de moins de 60 ans était d’origine immigrée » (vidéo ci-dessous)

Chiffres pour l'année 2017:

  • En Seine-Saint-Denis, 63 % des moins de 18 ans sont d'origine étrangère.
  • À la Courneuve c'est 80 % (ils n'étaient que 22 % fin années 60).
  • Dans le Loir-et-Cher 26,3% (4,2 % fin années 60).
  • À Blois 46,7 %

« Actuel Moyen Âge » : l’histoire au service d’un militantisme de gauche

Volontiers hautain et moqueur, le professeur Florian Besson entend s’attaquer aux contre-vérités historiques, via son fil Twitter « Actuel Moyen Âge ». Mais ses prises de position révèlent surtout un combat politique, afin de préserver le magistère de la gauche sur l’histoire.


Il n’a pas pu s’en empêcher… Après le discours d’Éric Zemmour à Villepinte et le choix de « Reconquête ! » comme nom de mouvement, Florian Besson a vu rouge ce 7 décembre. À coups de gazouillis, le professeur d’histoire diplômé à la Sorbonne s’est lancé dans un réquisitoire de la Reconquista espagnole, assurant y voir une « invention » et un « point de vue totalement biaisé qui donne “raison” aux Chrétiens ». Muet au sujet des violences de l’islam pendant sept siècles, l’historien confie sa nostalgie des « rencontres entre communautés confessionnelles ou ethniques ». Puis conclut son fil en liant « Reconquête », dictature franquiste et tueries de masse d’extrême droite.

 

À la tête d’un collectif d’historiens sur le blog de recherche « Actuel Moyen Âge », Florian Besson est suivi depuis 2015 par près de 45 000 personnes sur Twitter, où la version ludique et condensée de l’histoire fait mouche. « Si c’était honnête intellectuellement, ce serait très bien, réagit l’historien Jean-Marc Albert. Mais les cibles sont choisies politiquement, dans une optique progressiste. C’est dommage. » Début novembre, l’essayiste Julien Rochedy publie une conférence de près de quatre heures sur la chevalerie. Pour combattre une « figure de l’extrême droite » selon lui, Florian Besson pioche cinq minutes de la vidéo de Rochedy et assène un avis définitif et moqueur, en quelques tweets, sur les « erreurs » et le « biais idéologique omniprésent ».

L’idéologue qui ne s’assume pas

S’il prend le temps de répondre point par point, dans la foulée, Julien Rochedy ne se fait guère d’illusion sur l’honnêteté des débats. « Tous ces types de gauche se présentent comme des “sachants”, gages de sérieux et de neutralité, quand nous ne serions que d’immondes propagandistes, confie l’essayiste. En vérité, ils sont incapables d’assumer le fait qu’ils avancent leurs propres idées, avec les angles et l’historiographie qui les arrangent. » Tandis qu’il reproche des « anachronismes » à Rochedy, Florian Besson n’hésite pas à multiplier les articles sur Slate, où il fantasme un « XIIe siècle, parenthèse enchantée pour l’écriture inclusive » et s’imagine le clandestin malien Mamadou Gassama « sacré chevalier » au Moyen Âge…


 Lire ce fil

Au-delà du double discours, l’idéologue se révèle au fil de l’actualité. Après la décapitation de son confrère Samuel Paty par un islamiste en octobre 2020, le professeur Florian Besson utilise « Actuel Moyen Âge » pour dire toute sa peur des « récupérations islamophobes ». Face aux critiques évoquant une attaque contre notre civilisation, il assure que les civilisations ne sont qu’un « concept très flou » ; que la France, « pays de nos ancêtres », est un « fantasme » ; que la population a toujours été « métissée » et que la « stérilité des origines » n’a pas d’intérêt, si ce n’est pour assurer que « tout le monde vient des mêmes ancêtres »…

Mis face à la perspective d’une société islamique en France, si les flux migratoires se poursuivent, l’historien s’en lave les mains : « Dans 200 ans, il y aura certes “autre chose” : ce ne sera ni mieux, ni pire (…) La France n’est rien d’autre que ce que les gens qui y vivent — tous, d’où qu’ils viennent — en font. » Afin d’appuyer ses dires, Florian Besson prend à plusieurs reprises comme référence le sociologue Éric Fassin. Pour ce dernier, « l’immigration, les Roms, l’islam ne sont pas des problèmes » (Libération, août 2012) ; la gauche doit « changer le peuple » et « changer de peuple » (Regards, mai 2014) ; ou encore, « le racisme anti-blanc n’existe pas pour les sciences sociales, ça n’a pas de sens » (France Culture, octobre 2018).

Poussant toujours plus loin son relativisme, comme Fassin, Florian Besson tourne au « ridicule sur la question du grand remplacement », selon Jean-Marc Albert. En septembre 2021, « Actuel Moyen Âge » tente ainsi un parallèle entre l’immigration actuelle de millions de personnes extra-européennes… et les raids vikings de quelques milliers de soldats au Moyen Âge, avant de conclure que « l’étranger est dans l’œil de celui qui juge péjorativement ». « C’est complètement fallacieux, reprend Albert. S’il y a une comparaison historique à faire, aujourd’hui, c’est avec la chute de l’Empire romain. Petit à petit, on a des déplacements massifs de population, la citoyenneté est accordée à tout le monde et au final, ça tombe. C’est ça le grand remplacement. »

« Plein de ressentiment et de jalousie »

Le statut de professeur d’histoire diplômé à la Sorbonne accorde néanmoins une immunité à Florian Besson, dont le public ne cherche pas à vérifier les explications. « Il fait plein de petites erreurs que l’on n’utilise pas contre lui, comme lorsqu’il parle d’être “sacré chevalier”, alors que l’on adoube chevalier, car ce n’est pas un sacrement, poursuit Julien Rochedy. Cet imbécile est plein de ressentiment et de jalousie ». Attaquant les personnalités marquées à droite lorsqu’elles ont du succès, tel Lorànt Deutsch sur Slate, « Actuel Moyen Âge » cible Julien Rochedy quand sa vidéo de trois heures quarante dépasse les 100 000 vues sur YouTube, trois jours seulement après sa publication. Un engouement qui se poursuit un mois plus tard, avec près de 350 000 vues cumulées.

« Avec les réseaux sociaux, le savoir est moins bien gardé par la gauche, qui domine les canaux universitaires et éditoriaux, constate Jean-Marc Albert. Il y a la possibilité d’entamer son magistère et c’est pour cela qu’elle réagit. » Sur Instagram, Julien Rochedy partage le témoignage édifiant d’un élève en fac d’histoire, dont la professeur a passé « une demi-heure de cours à dire que la vidéo était nulle, que j’étais un extrémiste et qu’il fallait écouter des spécialistes validés par leur système ».

Après avoir passé des mois à se documenter sur la chevalerie, Julien Rochedy ne regrette rien de son travail « entre la vulgarisation et l’approfondissement ». « Les petits spécialistes gauchistes d’université, dans leur petit coin, passent leur temps à faire des colères et à pleurer derrière nous. À la limite tant mieux, ça veut dire qu’on avance. » Face à la réponse populaire massive en sa faveur, l’essayiste encourage au final chacun à parler d’histoire, de littérature, de philosophie, « de ces sujets jusqu’à maintenant totalement colonisés et emprisonnés par la gauche ». De quoi donner à « Actuel Moyen Âge » l’occasion d’écrire plein de nouveaux tweets vengeurs, satisfait de lui-même.

Source : Valeurs actuelles