dimanche 5 février 2023

L’Université Laval menace maintenant Patrick Provost de congédiement

Le 23 janvier, l’Université Laval a suspendu à nouveau Patrick Provost de ses fonctions professorales, cette fois pour une période de quatre mois sans salaire. L’université l’avertit «que toute récidive» pourrait causer son congédiement.

Le professeur Patrick Provost le 29 septembre dernier devant l'Université Laval. Photo: Christian Leray.
 

Autre coup dur pour la liberté universitaire: le chercheur de renom Patrick Provost vient d’être suspendu une deuxième fois sans salaire par l’Université Laval en raison de son point de vue sur la vaccination, cette fois pour quatre et non deux mois.

L’université l’avertit «que toute récidive» pourrait entraîner son congédiement.

Du 23 janvier au 23 mai 2023, le professeur sera ainsi privé du tiers de son salaire annuel, c’est-à-dire de 50 000$ de revenus. Il s’agit essentiellement d’un «copié-collé» des procédures entreprises contre lui du 14 juin au 9 août 2022.

«Je ne suis plus convaincu de vivre en démocratie»

«L’Université Laval est déterminée à se débarrasser de moi. […] Je ne me serais jamais attendu à ce que toute cette histoire aille aussi loin. Je la redoutais, mais c’est une décision invraisemblable», laisse-t-il tomber avec Libre Média.

Patrick Provost déplore le fait de servir d’exemple auprès de la grande communauté universitaire, dans un contexte où le courage se faisait déjà plutôt rare parmi les rangs des professeurs de toutes disciplines. Surtout au Québec, où les universitaires sont en grande majorité très peu engagés dans le débat public.

«Maintenant, les professeurs universitaires auront encore plus peur de prendre part au débat et de s’exprimer. […] Je considérais la liberté universitaire comme le dernier rempart pour protéger le bien commun et la population. La censure donne carte blanche aux dirigeants. Je ne suis plus convaincu de vivre en démocratie», commente-t-il.

Une nouvelle loi inutile?

Dans ce grave et lourd contexte, Patrick Provost ne peut que s’interroger sur l’utilité et l’efficacité de la nouvelle Loi 32 censée protéger la liberté académique. La loi est en vigueur au Québec depuis le 7 juin 2022.

Le 17 janvier, la nouvelle ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, est pourtant intervenue dans Le Devoir pour affirmer que la censure «n’avait pas sa place dans les milieux universitaires». Des paroles en l’air? Patrick Provost voit cette loi comme un «éléphant blanc», comme une législation essentiellement symbolique sans réel pouvoir dans la réalité.

D’autant plus que fin décembre dernier, la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU) a tranché que sa première suspension par la plus vielle université francophone en Amérique avait enfreint la nouvelle loi.

La liberté d’expression à géométrie variable

«Le gouvernement Legault parle de liberté d’expression et de liberté universitaire quand ça fait son affaire, mais ne veut pas appliquer ces principes quand vient le temps d’aborder la question sanitaire», observe le professeur au Département de microbiologie, infectiologie et d’immunologie de l’Université Laval.

Selon lui, les institutions choisissent «la science qui fait leur affaire pour imposer leur idéologie politique», le tout, bien évidemment au détriment d’un véritable débat. «La CAQ veut imposer la pensée unique», tranche-t-il.

La décision est prise suite à des commentaires déposés à la section Sécurité et prévention du site internet de l’Université Laval. Les commentaires ont été traités comme une plainte jugée recevable et concernent une entrevue accordée par le principal intéressé à CHOI 98,1 à Québec, le 14 juillet 2022.

Patrick Provost rappelle que le plaignant est une personne du public qui a fait deux fautes d’orthographe dans son propre nom de famille en complétant sa démarche, ce qui questionne aussi bien son identité que sa crédibilité.

Le combat se poursuit

«Cette décision sera vivement contestée par la voie d’un grief qui sera déposé aujourd’hui même par mon syndicat (SPUL), qui m’appuie à 100%», souligne le chercheur.

«L’Université Laval envoie le message qu’elle possède un droit de propriété sur moi et sur l’ensemble des chercheurs. […] De telles conditions de travail vont assurément mener à l’autocensure des professeurs et compromettre l’exercice de l’esprit critique et la communication grand public», alerte notre interlocuteur.

Biochimiste de formation, Patrick Provost a développé son expertise en biologie au sein du laboratoire de Bengt Samuelsson, prix Nobel 1982 en physiologie et en médecine. Depuis vingt ans, il dirige un laboratoire de recherche sur l’ARN et le nombre de ses publications scientifiques révisées par les pairs s’élève à près d’une centaine.

Chronologie des événements

  • 14 juillet 2022: Entrevue radiophonique sur les ondes de CHOI 98,1.
  • 18 juillet 2022: Les commentaires du plaignant sont transmis à l’Université Laval.
  • 4 août 2022: On informe Patrick Provost que la plainte a été jugée recevable et on lui demande sa version des faits.
  • 29 septembre 2022: Le chercheur est accueilli par une centaine de personnes rassemblées pour l’appuyer avant qu’il donne sa «version des faits» à deux représentants de l’Université Laval sans aucune question de leur part ni discussion.
  • 25 octobre 2022: On informe Patrick Provost qu’un comité d’enquête sera mis sur pied.
  • 21 décembre 2022: Le comité d’enquête remet son rapport au vice-rectorat aux ressources humaines qui l’avait commandé.
  • 23 janvier 2023: La décision est communiquée par courriel à Patrick Provost à 17h17 pour l’informer que sa suspension de quatre mois sans salaire avait déjà débuté. Dans leur lettre, l'université mentionne «que toute récidive de sa part entraînera un congédiement».

Source : Libre Média