dimanche 23 octobre 2022

Pourquoi la Suède est-elle devenue de droite ?

Le virage à droite de la politique suédoise a remis en question l’image du pays en tant que foyer spirituel de la gauche libérale. En effet, le succès de la coalition de droite suédoise a été tel que le New York Times a proclamé le jour des plus récentes élections législatives en Suède que « la Suède devient insupportable ». Voir image ci-dessous.


Cette nervosité qui étreint la gauche bien-pensante peut être attribuée à l’influence croissante des démocrates suédois anti-immigration. Bien qu’il ne soit pas directement au pouvoir, le soutien politique du parti à la coalition de droite signifie qu’il peut faire pression sur ses homologues plus modérés pour qu’ils modifient la politique migratoire de masse.

Freddie Sayers d’UnHerd s’est entretenu avec le journaliste indépendant Ivar Arpi pour discuter exactement de ce que signifie le mouvement de la Suède vers la droite. On parle aussi de politique dextrogyre. Commentateur bien connu en Suède, Arpi a utilisé son blogue, Rak höger ou « Tout droit à droite », pour plaider en faveur de politiques d’immigration beaucoup plus strictes dans le pays. Il soutient que la vague de réfugiés et de demandeurs d’asile qui sont entrés dans le pays en 2015 — principalement afghans ou syriens — a eu un effet déstabilisateur sur la société suédoise. Cette année, il y a eu 47 fusillades mortelles — égal au record de l’année dernière — et quelques semaines seulement avant cette élection, une fillette de 5 ans et sa mère ont été abattues dans une aire de jeux.

La population historiquement homogène de la Suède est aujourd’hui très différente de ce qu’elle était il y a 20 ou même 10 ans. Selon les statistiques de l’État, 20 % de la population et plus de 40 % des personnes de moins de 50 ans sont nés à l’étranger ou ont des parents nés à l’étranger.

Arpi est clair que les efforts d’assimilation passés en Suède ont, dans la plupart des cas, été un succès : « 50 % des médecins sont nés à l’étranger ou ont fait leurs études dans un autre pays. […] Leurs enfants vont dans des écoles suédoises, ils ont une éducation suédoise. Et ils sont entièrement intégrés. » Mais après 2015, l’intégration a échoué parce que la Suède a laissé entrer trop de réfugiés. « Nous devenons de plus en plus comme le Liban [division confessionnelle/religieuse] et le Brésil [division selon la classe sociale/raciale] », dit-il.

Certains quartiers, ou « zones vulnérables » comme les appellent les autorités suédoises, ont vu des immigrants se couper de la société suédoise au sens large, lutter pour trouver un emploi ou apprendre la langue. Selon les mots d’Arpi, « les gens sont coincés dans ces quartiers […]. Il n’y a pas de suédophones natifs dans les écoles. Ils n’ont aucun contact avec la société suédoise. Et dans ces régions, des gangs criminels ont pris le contrôle de grandes parties de la société et les gens sont captifs dans ces régions.

Pour l’électeur suédois qui a vu le taux de violence armée monter en flèche ces dernières années, la lutte contre la criminalité était un enjeu central de cette élection. Interrogé sur la violence en Suède, Arpi reconnaît “Ce n’est pas le Brésil. Ce n’est pas, tu vas dans une favela, ou tu vas à Baltimore, ce n’est pas la même chose. Mais la violence à la grenade et les bombes sont au même niveau que le Mexique. Des bombes explosent au milieu d’Uppsala. On mitraille des appartements bourgeois dans des quartiers aisés […] Nous avons des enfants qui se font tuer sur le terrain de jeu parce que les criminels en Suède sont si imprudents dans leur violence et ils ont des fusils automatiques. Et c’est nouveau.” Il rappelle qu’il ne s’agit pas simple de règlements de compte entre bandes de malfrats car des policiers se font attaquer chez eux.    

Arpi défend la possibilité de rapatrier les immigrants qui se comportent mal dans le pays d’accueil. “Tous ne sont pas des réfugiés”, rappelle-t-il. Un des projets envisagés actuellement par le nouveau gouvernement serait que “si vous commettez un crime en Suède, que vous êtes né à l’étranger et que vous n’avez pas la citoyenneté, la règle devrait être que vous  êtes expulsé du pays. […] Nous avons des politiques de rapatriement en place depuis toujours. […] Si un immigrant désire retourner dans son pays d’origine, il peut demander une aide à cet effet de la part des agences suédoises. Ce système est en place depuis longtemps. […] La somme accordée lors du rapatriement devrait fortement augmenter selon les propositions du nouveau gouvernement.  » Ari admet toutefois que ces mesures qui visent les criminels et les gens qui décident de partir n’auront pas un impact majeur et que la majorité des immigrants resteront en Suède. Ces mesures ne règleront pas la situation, la Suède devra vivre avec les conséquences de politique migratoire passée pendant des générations.

Arpi dit que l’improbabilité d’un changement radical a conduit à une sorte d’ennui national : “Il y a une profonde tristesse dans l’ensemble de la société suédoise. Les gens sont très pessimistes. Mais il espère tout de même que le nouveau gouvernement pourra proposer des solutions, malgré les tordeurs des médias : ‘Si vous demandez à la gauche, c’est en 1933, en Allemagne, et si vous demandez à la droite, nous sommes en 2022, commence enfin à relever le défi.

Les détracteurs d’Ivar Arpi lui reproche une vision trop pessimiste, trop sombre, qu’il devrait promouvoir le rapprochement, d’aller à la rencontre des habitants de ces quartiers ‘vulnérables’ pour intégrer ces personnes et retrouver une même vision commune. Pour le journaliste suédois, il s’agit là d’un point de vue naïf, d’une vision simpliste, qui assume que le contact engendre la proximité, la compréhension. ‘Parfois, plus vous rencontrez certaines personnes, moins vous les aimez’. Il ajoute ‘prenons l’exemple des nationalistes hindous et les Pakistanais [qui se sont récemment affrontés dans les rues de Leicester en Angleterre il y a un mois (vidéo)], je ne pense pas que ce soit une bonne idée qu’ils vivent côte à côte.’

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