Extraits d’un article de Radio-Canada.
En Suisse, la formation professionnelle n’est pas regardée de haut comme cela arrive parfois au Canada [note du carnet : ainsi qu’au Québec, en France ou en Belgique]. Elle est, au contraire, très valorisée ; les deux tiers des jeunes se dirigent vers cette filière à la fin des études secondaires obligatoires. Résultat : un bassin de travailleurs formés pour répondre aux besoins des entreprises.
L’entreprise Bobst, à Lausanne, fabrique de l’équipement pour l’industrie de l’emballage. Près de 15 % de sa main-d’œuvre est composée d’apprentis, des jeunes qui sont en formation duale : ils passent trois jours par semaine à l’usine et deux à l’école où se donnent la formation théorique et la culture générale.
« On a l’avantage que ce qu’on ne comprend pas forcément en entreprise ou en cours, on a l’autre côté pour se rattraper », dit Jérémie Troyon. Le jeune homme de 17 ans travaille à l’obtention d’un certificat fédéral de formation (CFC) de polymécanicien. Son apprentissage durera quatre ans et lui donnera l’équivalent d’un diplôme d’études collégiales technique [« bac pro » en France].
Deux jeunes Suisses sur trois en formation professionnelle
Le choix de Jérémie est loin d’être exceptionnel. En Suisse, contrairement à chez nous, la formation professionnelle n’est pas une voie de garage. C’est plutôt la voie royale vers le marché du travail. Tellement, que près de 70 % des jeunes Suisses se dirigent vers cette filière à la fin du premier cycle du secondaire, à 14-15 ans en moyenne.
« C’est très fortement lié à la culture qu’on a en Suisse », soutient Markus Mosimann, responsable de la formation professionnelle chez Bobst.
La formule a ses avantages, d’abord pour les entreprises qui ont toujours à portée de main une main-d’œuvre qualifiée. Mais aussi pour les jeunes, particulièrement pour les garçons, qui ont souvent besoin d’action et de concret. « Continuer les études ne m’inspirait pas. J’en avais marre de rester sur une chaise d’école assis toute la journée. Du coup, je me suis orienté là-dedans, ça me convient bien », témoigne l’apprenti automaticien de 17 ans, Killian Rossier.
Un salaire pour étudier
Ce sont en partie les allers-retours constants entre la pratique et la théorie qui font le succès de la formation duale. Mais un autre des attraits est certainement le salaire qui est donné aux apprentis dès le début de leur formation : 1200 $ par mois en moyenne, un montant symbolique compte tenu du coût élevé de la vie en Suisse.
Peut-on parler de main-d’œuvre au rabais ? Pas vraiment, dit Markus Mosimann. « Un apprenti polymécanicien coûte sur les quatre ans plus ou moins 100 000 francs suisses (127 000 $). Donc, les deux premières années, il va surtout coûter parce que l’investissement au niveau formation est assez grand et après, en troisième et quatrième année, si on calcule un 60-70 % d’heures productives, il va couvrir ses frais. Donc, on peut peut-être dire que l’apprenti paye sa formation. »
Faible taux de chômage chez les jeunes
Une des réussites de la formation duale, c’est le taux de chômage chez les 15-24 ans qui est en Suisse beaucoup plus bas qu’ailleurs : 7 % contre 17 % en moyenne dans les pays de l’Union européenne.
La comparaison est sans pitié quand on regarde de plus près des pays comme l’Espagne ou la Grèce, où le taux de chômage des jeunes atteint des niveaux stratosphériques : respectivement 40 % et 46 %, et 23 % pour la France. Enfin, autre constat intéressant, la Suisse affiche un taux de décrochage scolaire très bas.
Un modèle envié à travers le monde
Le modèle semble si bien fonctionner qu’on vient de partout à travers le monde pour l’étudier. France, États américains, Inde, Sénégal : chaque année, une trentaine de délégations viennent ici pour tenter de percer le secret de la recette suisse.
« On essaie de mettre tout ce savoir à [la] disposition de partenaires à l’étranger où on contribue à des projets, soit de réforme nationale, soit de plus courtes formations », dit Mergim Jahiu, conseiller en relations internationales à l’Institut fédéral pour la formation professionnelle à Genève.
L’Institut a développé une véritable expertise en la matière. L’organisme assure la qualité et la pertinence des formations qui sont données. Il le fait en étroite collaboration avec le secteur privé.
Et la culture générale ?
Mais justement, à trop vouloir répondre aux desiderata des entreprises, est-ce que la formation de ces 70 % de jeunes Suisses dans la filière professionnelle ne met pas de côté trop tôt la culture générale ?
[Nous ne sommes pas sûrs de ce que cette question voudrait bien dire au Québec où la transmission de la culture générale à l’école est très superficielle et où l’on assiste souvent à l’école pour les matières non scientifiques à une rééducation politiquement correcte, voir Pas de classiques de la littérature, mais la lutte contre l’hétérosexisme en classe de français, d’anglais, d’histoire et de mathématiques.]
En Suisse, la formation professionnelle n’est pas regardée de haut comme cela arrive parfois au Canada [note du carnet : ainsi qu’au Québec, en France ou en Belgique]. Elle est, au contraire, très valorisée ; les deux tiers des jeunes se dirigent vers cette filière à la fin des études secondaires obligatoires. Résultat : un bassin de travailleurs formés pour répondre aux besoins des entreprises.
L’entreprise Bobst, à Lausanne, fabrique de l’équipement pour l’industrie de l’emballage. Près de 15 % de sa main-d’œuvre est composée d’apprentis, des jeunes qui sont en formation duale : ils passent trois jours par semaine à l’usine et deux à l’école où se donnent la formation théorique et la culture générale.
« On a l’avantage que ce qu’on ne comprend pas forcément en entreprise ou en cours, on a l’autre côté pour se rattraper », dit Jérémie Troyon. Le jeune homme de 17 ans travaille à l’obtention d’un certificat fédéral de formation (CFC) de polymécanicien. Son apprentissage durera quatre ans et lui donnera l’équivalent d’un diplôme d’études collégiales technique [« bac pro » en France].
Deux jeunes Suisses sur trois en formation professionnelle
Le choix de Jérémie est loin d’être exceptionnel. En Suisse, contrairement à chez nous, la formation professionnelle n’est pas une voie de garage. C’est plutôt la voie royale vers le marché du travail. Tellement, que près de 70 % des jeunes Suisses se dirigent vers cette filière à la fin du premier cycle du secondaire, à 14-15 ans en moyenne.
« C’est très fortement lié à la culture qu’on a en Suisse », soutient Markus Mosimann, responsable de la formation professionnelle chez Bobst.
La formule a ses avantages, d’abord pour les entreprises qui ont toujours à portée de main une main-d’œuvre qualifiée. Mais aussi pour les jeunes, particulièrement pour les garçons, qui ont souvent besoin d’action et de concret. « Continuer les études ne m’inspirait pas. J’en avais marre de rester sur une chaise d’école assis toute la journée. Du coup, je me suis orienté là-dedans, ça me convient bien », témoigne l’apprenti automaticien de 17 ans, Killian Rossier.
Un salaire pour étudier
Ce sont en partie les allers-retours constants entre la pratique et la théorie qui font le succès de la formation duale. Mais un autre des attraits est certainement le salaire qui est donné aux apprentis dès le début de leur formation : 1200 $ par mois en moyenne, un montant symbolique compte tenu du coût élevé de la vie en Suisse.
Peut-on parler de main-d’œuvre au rabais ? Pas vraiment, dit Markus Mosimann. « Un apprenti polymécanicien coûte sur les quatre ans plus ou moins 100 000 francs suisses (127 000 $). Donc, les deux premières années, il va surtout coûter parce que l’investissement au niveau formation est assez grand et après, en troisième et quatrième année, si on calcule un 60-70 % d’heures productives, il va couvrir ses frais. Donc, on peut peut-être dire que l’apprenti paye sa formation. »
Faible taux de chômage chez les jeunes
Une des réussites de la formation duale, c’est le taux de chômage chez les 15-24 ans qui est en Suisse beaucoup plus bas qu’ailleurs : 7 % contre 17 % en moyenne dans les pays de l’Union européenne.
La comparaison est sans pitié quand on regarde de plus près des pays comme l’Espagne ou la Grèce, où le taux de chômage des jeunes atteint des niveaux stratosphériques : respectivement 40 % et 46 %, et 23 % pour la France. Enfin, autre constat intéressant, la Suisse affiche un taux de décrochage scolaire très bas.
Un modèle envié à travers le monde
Le modèle semble si bien fonctionner qu’on vient de partout à travers le monde pour l’étudier. France, États américains, Inde, Sénégal : chaque année, une trentaine de délégations viennent ici pour tenter de percer le secret de la recette suisse.
« On essaie de mettre tout ce savoir à [la] disposition de partenaires à l’étranger où on contribue à des projets, soit de réforme nationale, soit de plus courtes formations », dit Mergim Jahiu, conseiller en relations internationales à l’Institut fédéral pour la formation professionnelle à Genève.
L’Institut a développé une véritable expertise en la matière. L’organisme assure la qualité et la pertinence des formations qui sont données. Il le fait en étroite collaboration avec le secteur privé.
Et la culture générale ?
Mais justement, à trop vouloir répondre aux desiderata des entreprises, est-ce que la formation de ces 70 % de jeunes Suisses dans la filière professionnelle ne met pas de côté trop tôt la culture générale ?
[Nous ne sommes pas sûrs de ce que cette question voudrait bien dire au Québec où la transmission de la culture générale à l’école est très superficielle et où l’on assiste souvent à l’école pour les matières non scientifiques à une rééducation politiquement correcte, voir Pas de classiques de la littérature, mais la lutte contre l’hétérosexisme en classe de français, d’anglais, d’histoire et de mathématiques.]
Markus Mosimann ne le croit pas. « L’apprentissage, ce n’est pas une lobotomisation de l’esprit. C’est assuré qu’il [l’apprenti] a droit à cette culture générale. Ce qu’il apprendra, c’est peut-être un peu de culture d’une entreprise. Mais je pense que de travailler dans les délais, d’avoir un peu de discipline dans son travail, c’est un bon apprentissage pour tout le monde. »
N’empêche, les parents des jeunes de 15 ans qui auront bientôt à choisir entre la voie professionnelle et la voie scolaire ont quelquefois des inquiétudes à cet égard. Pas étonnant, donc, que lors de soirées d’information données aux parents on insiste beaucoup sur cet aspect des choses. « En formation professionnelle, on forme aussi des citoyens par le biais de la culture générale », assure un directeur de centre de formation de la banlieue de Lausanne devant un parterre de près de 500 parents.
L’école-entreprise enseigne la responsabilité, la discipline et l’autonomie
Mais en recevant des jeunes qui ont tout juste 15 ans, l’entreprise doit faire plus que de leur transmettre un savoir-faire. Elle doit aussi leur enseigner un savoir-être. Elle devient éducatrice, en quelque sorte.
« À l’école obligatoire, ils étaient réprimandés pour des [gommes à mâcher] dans la bouche. Chez nous, on leur demande d’être autonomes, de devenir adulte. On les suit donc dans cette évolution avec les parents et l’école. Il y a les notes et puis, bien sûr, il y a les problèmes d’alcool ou de drogue, les chagrins d’amour, bref, toute la panoplie des problèmes de l’adolescence. On essaie d’avoir un dialogue ouvert et on trouve presque toujours une solution », affirme Markus Mosimann.
[...]
« Oui, l’apprentissage demande un investissement, mais même si je n’aime pas utiliser ce mot, c’est rentable. Ces jeunes arrivent chez nous motivés pour apprendre un métier. Ils ont une moyenne d’âge de 18 ans et ont plein d’idées en tête », dit Ana Soares, responsable de la gestion et du développement de l’apprentissage au CHUV.
Pousser tout le monde à l’université, c’est augmenter le chômage
D’origine française, Laure Bertin, formatrice au CHUV, vit et travaille en Suisse depuis une quinzaine d’années. Pour elle, le modèle suisse se compare avantageusement au modèle français. « On pousse tous les jeunes Français à faire l’université pour se retrouver la plupart du temps au chômage à la fin, raconte-t-elle. L’apprentissage est considéré comme une voie de garage pour ceux qui sont nuls à l’école. Mais ici, en Suisse, l’apprentissage, c’est un tremplin et ça leur permet de continuer des études et avoir un diplôme équivalent à celui qu’ils auraient obtenu à l’université. »
Le technique n’est pas une voie de garage, des passerelles existent
Dans son système de formation duale, la Suisse a mis au point un système de passerelles qui permet à ceux qui ont une formation professionnelle de continuer leurs études au niveau supérieur [comprendre : universitaire] s’ils en ont envie. On aime bien d’ailleurs donner l’exemple au CHUV du directeur des ressources humaines, qui a commencé comme laborantin en chimie et qui, de diplôme en diplôme, a obtenu un haut poste de direction.
Reportage audio : 17 minutes
Site de l’entreprise Bobst