dimanche 15 octobre 2023

Les Australiens rejettent par référendum une initiative source de fracture raciale selon ses opposants

Les Australiens ont clairement rejeté samedi une proposition de réforme des droits des Aborigènes, soumise par référendum, à l’issue d’une campagne acrimonieuse qui a creusé les divisions raciales dans le pays-continent.

Plus de 60 % des électeurs se sont opposés au projet Voice to Parliament, près de 74 % des bulletins ayant été dépouillés samedi. La défaite n’est pas officielle mais n’est pas contestée. D’après Sky News, ce pourcentage de 60 % pourrait encore monter puisque le vote par correspondance et anticipation n’était pas encore totalement dépouillé et qu’il était le plus opposé à The Voice.


Le Premier ministre de gauche, Anthony Albanese, a attribué cet échec à la campagne menée par ses opposants politiques contre la mesure proposée.

Le projet prévoyait de créer un conseil consultatif — surnommé La Voix — auprès du Parlement et du gouvernement pour émettre des avis sur les lois et les politiques publiques qui concernent les populations autochtones, Aborigènes et insulaires du détroit de Torres. Les citoyens aborigènes d’Australie représentent environ 3,8 % des 26 millions d’habitants du pays.

Les partisans d’un changement constitutionnel en Australie se sont dits dévastés par l’échec, samedi, du référendum.

Vote du oui concentré dans les districts urbains progressistes

Tous les États australiens ont voté contre cette initiative. Le vote en faveur de ce référendum s’est concentré dans les circonscriptions urbaines progressistes (« teal seats » ci-dessous), alors que les circonscriptions avec les plus fortes concentrations d’aborigènes ont voté contre. Voir ci-dessous.




Alliance hétéroclite contre la Voix

Les partis conservateurs australiens, le Parti libéral et le Parti national, forment une coalition de longue date. Ils ont tous deux fait campagne contre la Voix au motif qu’elle diviserait le pays en fonction de la race. Certaines personnalités du parti ont néanmoins déclaré qu’elles soutenaient la Voix, notamment le Premier ministre libéral de l’État de Tasmanie, Jeremy Rockliff, et l’ancienne ministre libérale des affaires étrangères, Julie Bishop.

Le groupe de pression conservateur Advance Australia s’est positionné comme un contrepoids aux groupes de défense d’intérêts de gauche lors des dernières élections, avec des campagnes menées principalement sur les médias sociaux. Advance Australia gère également des groupes de discussion sur Facebook pour amplifier le contenu anti-Voice. La sénatrice conservatrice aborigène Jacinta Nampijinpa Price  (ci-contre) a soutenu la campagne d’Advance Australia.

Certains partis politiques populistes, dont One Nation de Pauline Hanson, qui détient deux des 76 sièges du Sénat australien, ont déclaré qu’ils s’opposaient à la Voix parce qu’ils craignaient qu’elle ne confère des pouvoirs supplémentaires aux dirigeants indigènes. L’unique sénateur du « Palmer United Party » du milliardaire minier Clive Palmer a qualifié la Voix de « raciste ».

Certains dirigeants autochtones s’opposent à la Voix parce qu’ils estiment qu’elle compromet leur objectif de conclure un traité mettant fin à une guerre d’occupation qui a débuté avec l’arrivée des Européens en 1788. Warren Mundine, ancien président du parti travailliste, qui est autochtone, a fait campagne contre la Voix en affirmant qu’un résultat négatif améliorerait les chances d’aboutir à des traités locaux (et non nationaux). Warren Mundine  a également accusé cette proposition d'« inscrire dans la Constitution une division entre les Australiens selon leur race » lui rappelant la ségrégation raciale qu'il a connue enfant dans les années 1950 et 1960. Pour Mundine, le plus important est de se pencher sur les milliards déjà dépensés dans les affaires aborigènes, de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. La sénatrice Lidia Thorpe, qui est indigène, a quitté le parti de gauche des Verts pour devenir indépendante en février en raison de son soutien à la Voix, déclarant que le parti l’avait empêchée de défendre le « Black Sovereign Movement ».

Un Brexit aux antipodes ?

Si l’on ajoute au rejet de La Voix, la victoire nette des conservateurs en Nouvelle-Zélande, il s’agit d’une journée importante pour les droites des Antipodes. La plupart des partisans du non ont déclaré qu’ils étaient opposés à tout principe qui diviserait les Australiens en fonction de leur race. Plusieurs figures du Non étaient d’ailleurs des aborigènes.

Le débat est assez similaire à celui du Brexit. Les partisans du Oui ont fini par le dépeindre comme une bataille du bien contre le mal, affirmant que les partisans du Non usaient de mensonges et d’autres formes de magie noire pour séduire les électeurs. L’un des partisans du oui, Ray Martin, a fait remarquer que toute personne votant pour le non était « un dinosaure ou une tête de nœud » si elle « ne se donnait pas la peine » de se renseigner sur les questions en jeu. Thomas Mayo, un autre militant du Oui, a déclaré ce soir que « nous avons vu une campagne du Non dégoûtante, une campagne qui a été malhonnête, qui a menti au peuple australien et je suis sûr que cela apparaîtra dans l’analyse ».

La campagne en faveur du oui n’a jamais précisé la forme que prendrait cette nouvelle « voix ». Cette imprécision a été exploitée par la campagne du non, dont le slogan était « Si vous ne savez pas, votez non ». Le système australien de vote obligatoire a convoqué aux urnes un grand nombre de ceux qui considéraient toute cette entreprise comme une distraction inutile. Aucun prix pour deviner de quel côté ils ont penché. Mais c’est un tel choc pour le système australien, car la campagne du « oui » avait commencé par s’attendre à une victoire facile. Il y a un an, les sondages prévoyaient une victoire facile pour le Oui. 


Le commentateur australien Andrew Bolt a commenté la campagne autour du référendum concernant The Voice en ces termes : « À Noël, j’ai dit à ma femme que je devrais démissionner cette année parce que je ne comprenais plus ce pays », a déclaré M. Bolt. Il a ajouté qu’à l’époque, les sondages révélaient que près de deux tiers des Australiens soutenaient la proposition, tandis que les grandes entreprises injectaient des millions de dollars dans la campagne en faveur du « oui ». « Personne n’osait dire non — bien sûr, l’intimidation était tellement forte — mais il s’est passé quelque chose d’incroyable », a-t-il ajouté. « Au cours de l’année écoulée, les sondages ont montré que la Voix est passée de deux tiers de soutien à près de deux tiers d’opposition ». M. Bolt a déclaré qu’il avait trouvé ce changement de tendance « inspirant », car il montre que les Australiens ne peuvent pas être « achetés » avec de l’argent ou intimidés.

Comme pour l’indépendance de l’Écosse et comme pour le Brexit, l’arrogance de la campagne menée par le gouvernement, qui a convoqué toutes les grandes entreprises et les médias en faveur du Oui, a recruté des électeurs dans l’autre camp. Peter van Onselen, universitaire et commentateur partisan du oui, résume la situation : « En tant que défenseur des traités depuis des années, je suis plus que furieux de voir à quel point le camp du oui a bâclé son argumentaire sur cette question. Mais je ne vais pas édulcorer ses échecs et accuser de manière simpliste la campagne du non d’avoir remis en cause la proposition. C’est le pluralisme démocratique en action. Il y a des raisons légitimes de voter non et quiconque envisage de le faire ne mérite pas d’être qualifié de raciste, d’idiot ou de dinosaure ».

La journaliste australienne Peta Credlin a déclaré : « Albanese a essayé d’exploiter la bonne volonté de presque tous les Australiens à l’égard des Aborigènes, ainsi que notre instinct louable de vouloir mettre fin aux désavantages des indigènes, pour provoquer un changement profond de notre système de gouvernement, basé sur l’idée que la colonisation de l’Australie était fondamentalement injuste. C’est pourquoi il doit échouer, et c’est pourquoi plus son échec sera important, mieux ce sera à long terme ».

La part du « oui » (en vert) a constamment chuté dans les sondages au fur de la campagne référendaire

The Spectator appelle à la démission du Premier Ministre

Rowan Dean, rédacteur en chef de l'édition australienne du Spectator, a commenté l'événement :

Anthony Albanese est désormais reconnu comme un Premier ministre fourbe et paresseux, entouré d'un groupe de bras-cassés qui lui servent de ministres. Ils ont gaspillé 18 mois du temps précieux des Australiens et des centaines de millions de dollars de nos impôts sur ce projet nombriliste, clivant et futile.

Ils ont déchiré des familles. Ils ont déchiré les lieux de travail. Ils ont semé la haine et la division dans toute la nation, comme jamais l'Australie n'en avait connu depuis des décennies.

Ce mandat de Premier ministre est un échec total.

M. Albanese devrait démissionner aujourd'hui et convoquer immédiatement des élections. Lui et ses collègues sont manifestement complètement déconnectés du grand public australien. Ils ont semé le chaos dans cette nation par leur orgueil et leur arrogance à un moment où les difficultés économiques s'accumulent. Le Premier ministre n'a même pas pris la peine de lire les détails de ce qu'il voulait nous infliger et a ensuite eu le culot, dans son discours de défaite, de se moquer de ceux d'entre nous qui ont exigé des détails sur les 26 pages de la déclaration d'Uluru. [...]

Les Australiens méritent beaucoup mieux. Les Australiens aborigènes méritent beaucoup mieux.

Les contribuables ont besoin de savoir où sont passés les milliards de dollars consacrés aux affaires indigènes. Nous devons nous débarrasser de toutes les absurdités symboliques, des accueils, des reconnaissances de territoire, des cérémonies stupides, des traités, des commissions "vérité" et de l'incessant changement de nom de notre pays.

L'Australie a besoin de toute urgence d'un nouveau gouvernement et d'une nouvelle façon de penser. Et dans les années à venir, attendons tous avec impatience et enthousiasme un Premier ministre de coalition, Jacinta Nampijinpa Price.

Réaction favorable du sociologue (eurasien) Eric Kaufmann: