mercredi 20 août 2014

Entrevue du ministère de l'Éducation : torrent d'eau tiède et de prêt-à-penser soporifique

Tania Longpré revient sur la dernière sortie médiatique du ministre de l'Éducation du Québec :

« Apprendre à apprendre», mais quoi, monsieur le ministre ? »

Dans une entrevue accordée au Journal Métro, le Dr Yves Bolduc, ministre de l’Éducation du Québec, affirmait qu’il fallait réformer l’éducation et mettre la priorité sur la persévérance scolaire.

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En tant qu’enseignante et future didacticienne, ce discours a des effets secondaires sur moi qui s’apparentent à la prise de somnifères. De même que ces trois mots, répétés comme un mantra par trop de ministres de l’éducation depuis quelques années: TBI, compétences et réformes. Déchiffrons-les:


TBI

À en croire le ministre, c’est pratiquement avec cet outil magique qu’est le tableau blanc interactif qu’on augmentera la persévérance scolaire chez les jeunes. Il a tout faux. Ce qui rend (ou pas !) une classe intéressante c’est… l’enseignant. Je ne suis pas contre le TBI, mais l’équation 1 prof plate + TBI = classe passionnante ne fonctionne pas. C’est un outil incroyable, mais il ne suffit pas de ça pour être un bon enseignant.

Pour rendre la classe intéressante, ce n’est pas dans des TBI qu’il faut investir, mais dans la formation des maîtres. [Note du carnet: dans quelle mesure devenir un prof passionnant s'enseigne-t-il ?] Ce sont eux qui jour après jour passionnent les étudiants. Pourtant, peu de cours DID du DEE (Devenir un Excellent Enseignant) dans les facultés de nos universités. Réformer la formation des maîtres ? Bof, ça, on en parle pas souvent. Que le Dr Bolduc le veuille ou non, un TBI ne remplacera jamais un enseignant passionné.

Approche par compétences

Je cite le ministre : « Si on considère l’approche par compétences combinée à l’utilisation des technologies, on se dirige vers un système où l’enfant apprend à apprendre », c’est bien beau d’apprendre à apprendre, mais pour apprendre quoi ? Les compétences sont beaucoup plus efficaces ! Apprendre à conjuguer un verbe? Trop compliqué, apprenons plutôt à utiliser Antidote ! Pourquoi apprendre à écrire à la main si on peut apprendre à se servir d’un clavier ? Pourquoi avoir une culture générale si on sait utiliser la barre de recherche dans Google?

Je suis ironique, mais vraiment, à en croire certains au ministère de l’Éducation, les connaissances sont une pure perte de temps. De cette façon, ils veulent former des petits travailleurs « en adéquation avec les besoins du marché », mais… pourront-ils penser ? Réfléchir ? Lire ? Écrire ? Discuter ? Débattre ? Créer ? Se casser la tête ?  [Carnet : il est ironique de voir un libéral dire que l'État sait prévoir les besoins du marché... Pas dans l'industrie, mais bien pour l'école ?]

C’est pour transmettre des connaissances que je suis enseignante, pas pour remplacer un mode d’emploi. Une compétence devrait être un outil, pas une fin en soi. Et lorsque j’entends les ministres parler de technologies, je me demande quand j’ai manqué l’épisode affirmant que cela remplaçait notre cerveau, nous rendant du même coup plus intelligents.

Les réformes et « l'école inversée »

Le docteur Bolduc mise aussi sur « L’école inversée », sois celle où l’enfant travaille « par lui-même et évalue ensuite ses réalisations avec un professeur », ah bon!, donc, l’enseignant ne devient « qu’une machine à évaluer », selon le ministre ? Alors, si ce n’est que ça, le maître devient… facultatif ? Pourquoi ne pas fermer les écoles, un coup parti, et faire en sorte que tous apprennent de chez eux, avec un ordinateur et un logiciel autocorrecteur ? Ça, ça règlerait les finances déficitaires de l’éducation ! Plus de financement de transport scolaire, plus de commissions scolaires, plus d’enseignants à former, plus de concierge à payer. La belle affaire&nbsp! Pourquoi ne pas y avoir pensé avant ? [Tania Longpré semble oublier deux fonctions de l'école moderne : la garde des jeunes par des tiers et l'apprentissage d'un certain conformisme social.]  Au-delà de l’ironie, je me pose tout de même une question: seriez-vous docteur aujourd’hui, Monsieur Bolduc, sans vos connaissances ?




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