lundi 18 janvier 2016

L’avenir des élèves québécois hypothéqué par des enseignants incompétents indéboulonnables ?

Peut-on congédier un enseignant incompétent au Québec ? Au cours des cinq dernières années, sept enseignants permanents sur un total de près de 60 000 travaillant pour les commissions scolaires de la province ont été congédiés pour incompétence, révèle aujourd’hui une publication de l’Institut économique de Montréal (IEDM).

Cette proportion de 0,01 % apparaît dérisoire puisque les congédiements d’enseignants incompétents sont aussi rares que les congédiements d’enseignants violents ou criminels, ou encore pour des agissements de nature sexuelle, des motifs qui comptent aussi sept cas. Pour obtenir ces données, l’IEDM a envoyé une demande d’accès à l’information aux 72 commissions scolaires québécoises.

Est-il possible que la compétence des enseignants québécois soit telle qu’elle explique ces résultats? « Nous croyons que la grande majorité des enseignants et enseignantes au Québec sont compétents, mais il ne s’agit pas d’une explication plausible selon des professionnels du milieu », explique Youri Chassin, économiste et auteur de la publication. « Il est plus probable que ce très petit nombre, sur une période de cinq ans, illustre la difficulté de parvenir à congédier un enseignant incompétent s’il jouit de la permanence. »

En effet, un mécanisme de congédiement existe en théorie, mais le processus est long et complexe. De plus, les procédures habituelles font en sorte qu’après l’octroi de la permanence, une majorité d’enseignants ne sont plus évalués sur la qualité de leur enseignement. En définitive, les congédiements sont presque inexistants.

Pourtant, la profession serait valorisée si une plus grande flexibilité permettait aux commissions scolaires de remplacer certains professeurs dont les compétences ne sont pas à la hauteur. « Les enseignants eux-mêmes souffrent de la présence d’un collègue incompétent. Ils profiteraient d’une reconnaissance sociale accrue si les cas problématiques étaient mieux pris en charge », dit M. Chassin. « Ce sont les élèves qui doivent cependant être la première préoccupation de l’éducation. La qualité de leur apprentissage et la lutte au décrochage en dépendent », insiste l’auteur, qui rappelle que la qualité du personnel enseignant est considérée par la population québécoise comme le critère le plus important de la réussite des élèves.

Il est parfaitement normal et souhaitable que les enseignants puissent faire appel à leurs syndicats pour les défendre dans certaines circonstances. Cela dit, ce sont les excès qui posent problème, explique M. Chassin, qui soutient qu’un mécanisme permettant de congédier les enseignants dont les compétences sont déficientes renforcerait la relation de confiance entre les parents, les directions d’école et les enseignants.



« Les syndicats s’y opposeront sûrement, mais les moyens de remédier à cette lacune sont pourtant connus », ajoute Michel Kelly-Gagnon, président et directeur général de l’IEDM. « Les écoles pourraient faire des évaluations périodiques des enseignants, par exemple aux cinq ans, comme en Ontario. Des épreuves uniformes plus fréquentes permettraient aussi de mieux mesurer la qualité de l’enseignement et des apprentissages. Enfin, la rémunération au mérite basée sur des évaluations régulières, une pratique courante dans la vaste majorité des professions, devrait aussi faire partie des solutions. »




Soulignons que durant la dernière année scolaire, en 2014-2015, un seul congédiement pour incompétence a été relevé dans l’ensemble des commissions scolaires québécoises.

La Note économique intitulée « Valoriser la profession enseignante en congédiant les enseignants incompétents » est signée par Youri Chassin, économiste et directeur de la recherche à l’IEDM. Cette publication est disponible sur son site.





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