Émission relativement décevante ce dimanche de Second Regard dans sa partie consacrée au cours d'ECR confronté à « l'épreuve du dialogue ». La partie consacrée à la ministre Michelle Courchesne a été plus divertissante et instructive (
ici et
là).
La première partie de ce reportage est consacrée à la longue intervention d'un professeur d'ECR idéal : ancien religieux, relativement jeune, photogénique, on le voit enseigner un certain nombre de faits relativement inoffensifs sur la culture catholique (alors que le programme ECR prescrit l'enseignement de très peu de faits « encyclopédiques ») à des adolescents de secondaire IV. L'année « double dose » d'ECR.
Le même enseignant de Drummondville (incidemment dans une des écoles impliquées dans le procès ECR !) avait déjà été interrogé au début de l'année par une chaîne locale (voir ci-dessous,
plus de détails ici).
Ni la chaîne locale, ni Radio-Canada ne filment des élèves jeunes à qui l'on parlerait des différentes religions exotiques, ni les longues séances de « dialogue » en éthique, ni des sujets controversés comme l'homosexualité. La radio de la SRC l'avait fait avec des enfants de secondaire I dans une classe qui comparait les récits de la Création et
l'exercice était plus instructif. Le contenu est ici fortement édité, on ne laisse pas les élèves parler longtemps, on ne sait pas comment le professeur répond quand une élève exprime son doute sur l'utilité des cathédrales ou se dit féministe et choquée par le fait que les femmes ne puissent devenir prêtres.
Remarquez que le christianisme ne semble guère avoir une place privilégiée : nous étions en novembre quand la chaîne locale de Drummondville a passé son reportage, les enfants avaient alors vu l'hindouisme et voyaient le bouddhisme. Puis, le professeur avait déclaré qu'il aborderait le judaïsme, le christianisme (en février), l'islam et enfin, « chronologiquement », les spiritualités autochtones, les sectes et l'athéisme. On est loin de la nette prédominance du christianisme. Un évêque catholique rencontré récemment pensait que le cours passerait 75 % de son temps à voir le christianisme... On sera loin du compte.
Pour le reste, ce qui est vraiment frappant c'est le manque de culture générale de ces enfants de 15-16 ans. Qu'ont-ils appris auparavant en cours d'histoire ou de morale et religion ?
Le professeur prétend que la dimension « dialogue » du cours aurait une vertu cathartique : les enfants deviendraient plus tolérants — pour combien de temps ? — après s'être exprimés sur les sujets qui les touchent. On semble deviner un cas dans le reportage de Radio-Canada (ci-dessous) quand le professeur vient à parler de la valeur des cathédrales : les gens se seraient laissés duper de dire la jeune fille blonde et rose quand elle fait allusion à Notre-Dame de Paris. Puis, après une coupure, elle en vient à dire qu'il faut sauvegarder le patrimoine religieux local. Que s'est-il passé entretemps ? L'enseignant est-il vraiment resté neutre ou a-t-il insisté sur l'effort investi dans ces cathédrales par des gens qui y croyaient vraiment ? Arguments qui semblent être repris par « Biancha » et la même jeune fille blonde et rose après la coupure.
Pour le reste, le reportage comprend une double intervention de Georges Leroux auréolé des livres qui tapissent son étude, décor monacal complété d'un buste antique et de quelques icônes orthodoxes opportunément mises en relief. La sociologue Joëlle Quérin n'est pas interrogée, la SRC se satisfait de quelques secondes d'une ancienne entrevue, le MLQ se plaint d'un manuel qui pour parler de la Saint-Jean-Baptiste ose rappeler très brièvement qui était ce personnage religieux et le fait qu'il est le patron des Canadiens français, la présidente de ces laïques insiste sur la nécessité d'un débat sur la laïcité et craint les dérives nationalistes. On note l'absence d'une personne de la CLÉ, alors que, selon nos informations, un porte-parole de cette organisation aurait bien été interrogé et filmé par la SRC.
En France, plus de faits encyclopédiques, plus tôt, sans « dialogue »À titre de comparaison, notons qu'en France les élèves de 12-13 ans (en « 5
e ») voient le même genre d'information dans leur cours d'histoire, avec plus d'éléments encyclopédiques et sans toute la composante rééducative du « dialogue ».
Table des matières d'un manuel approuvé d'histoire pour les enfants de 12-13 ans en France :
Exemples tirés d'un cahier d'activités français publié par Hatier destiné aux enfants de 12-13 ans :
Quelques années plus tard (en seconde)...
Quelques années plus tard, les élèves français de 15-16 ans (notre secondaire IV) revoient les mêmes thèmes à l'école laïque française, cette liste est tirée du programme officiel :
I - Un exemple de citoyenneté dans l'Antiquité : le citoyen à Athènes au Ve siècle avant J.-C.
- Être citoyen à Athènes
- Une conception restrictive de la citoyenneté
II - Naissance et diffusion du christianisme
- Le contexte religieux et historique de la naissance du christianisme
- La diffusion du christianisme jusqu'à la fin du IVe siècle
III - La Méditerranée au XIIe siècle : carrefour de trois civilisations
- Les espaces de l'Occident chrétien, de l'Empire byzantin et du monde musulman
- Différents contacts entre ces trois civilisations : guerres, échanges commerciaux, influences culturelles
IV - Humanisme et Renaissance
- Une nouvelle vision de l'homme et du monde
- La Renaissance artistique
V - La Révolution et les expériences politiques en France jusqu'en 1851
- Ruptures avec l'Ancien Régime
- Mise en œuvre des principes révolutionnaires
- Héritages conservés, héritages remis en cause
VI - L'Europe en mutation dans la première moitié du XIXe siècle
- Les transformations économiques et sociales
- Les aspirations libérales et nationales jusqu'aux révolutions de 1848
- Un tableau de l'Europe au milieu du XIXe siècle
Et la consultation de manuels d'histoire de seconde française (notre secondaire IV) fait ressortir la même constante : plus de faits que dans les manuels d'ECR approuvés (voir Grand-Duc par exemple), plus concentrés sur la réalité historique du pays (peu ou prou rien sur le bouddhisme ou l'hindouisme), pas de « dialogue » et de ces délibérations qui mènent au consensus de la classe, aucune instruction de respect envers les croyances, il s'agit de simples faits, pas de sujets « éthiques » politiquement corrects sur la lutte contre les discriminations (raciales, sexuelles, machistes), sur l'écologisme, sur l'avortement, etc. En outre, rien empêche une école confessionnelle d'ajouter des informations et de ne pas opter pour une « démarche neutre » devant les questions et interrogations des élèves, ce qui est refusé au Québec au collège Loyola de Notre-Dame de Grâce. Les écoles hors contrat peuvent quasiment faire ce qu'elles veulent, bien que si elles veulent préparer au baccalauréat elles doivent préparer les enfants à répondre aux questions liées au programme. Inutile de dire que cette liberté n'existe pas au Québec.
Nous reproduisons ci-dessous de nombreuses pages d'un manuel d'histoire de seconde, cliquez sur les vignettes pour accéder à des versions plus grandes des images.
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