jeudi 19 juin 2014

Résultats en mathématiques: le financement public des écoles privées expliquerait les succès du Québec

Si les élèves québécois sont les champions canadiens des mathématiques, c'est peut-être grâce au financement public des écoles privées, suggère une étude.

Dans un article publié mercredi par l'Institut C.D. Howe, le professeur John Richards, qui enseigne les politiques publiques à l'Université Simon Fraser, s'intéresse à la diminution des résultats des élèves canadiens aux épreuves mathématiques du Programme international pour le suivi des acquis (PISA).

Menés tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans, les tests PISA aident à mesurer la performance des systèmes éducatifs des 34 pays membres de l'OCDE et de plusieurs pays partenaires.

L'auteur fait remarquer que le Québec est la seule province où le rendement des élèves en mathématiques n'a pas diminué au cours de la dernière décennie (2003-2012). L'auteur ne signale pas que les résultats de 2012 étaient inférieurs à ceux de 2006 et de 2009, les points culminants. Notons aussi que les résultats des élèves québécois sont en baisse importante en lecture chez les francophones et en sciences. Rappelons aussi qu'une proportion élevée des élèves québécois ne participent pas aux tests PISA plus que dans les autres provinces. Voir PISA — élèves québécois passent en sciences de la 10e position en 2006 à la 24e place en 2012, PIRLS — Les jeunes élèves québécois lisent moins bien que élèves du reste du Canada et Très forte chute des résultats en lecture pour les élèves québécois francophones entre 2007 et 2010.

Selon lui, les subventions versées par l'État québécois aux écoles privées sont en partie responsables de cette situation «exceptionnelle».

Au Québec, les écoles privées sont subventionnées à la hauteur de 60 % par le gouvernement, ce qui explique pourquoi les élèves les fréquentent dans une proportion plus grande que dans le reste du pays. Environ 20 % des jeunes Québécois sont inscrits au réseau privé tandis que cette proportion n'excède pas 5 % dans les autres provinces, si l'on fait exception de la Colombie-Britannique (10,8 %).

Selon John Richards, la fréquentation élevée du privé au Québec crée un climat de saine compétition entre les deux réseaux qui favoriserait la réussite des élèves, incluant ceux du public. « Il est possible que cette concurrence explique en partie la performance des élèves québécois », dit-il.

La moyenne des élèves québécois du privé aux épreuves mathématiques PISA (584) est supérieure à celle des étudiants qui fréquentent l'école publique (522). Malgré cet écart de 62 points, que l'on peut attribuer à une série de facteurs notamment socio-économiques, la moyenne des élèves du public est supérieure à la moyenne canadienne (518), tous réseaux confondus, fait remarquer John Richards.

«Je ne suis certainement pas quelqu'un qui s'oppose aux écoles publiques parce que c'est extrêmement important, de préciser l'auteur. C'est une des raisons pour lesquelles le système scolaire canadien fonctionne beaucoup mieux qu'aux États-Unis, où la mauvaise qualité des écoles publiques crée de très graves problèmes.»

Il prétend que le réseau public favorise l'intégration des immigrants, alors que les écoles privées auraient tendance à regrouper les élèves sur une base religieuse ou ethnique. Notons que ce regroupement mélange justement les cartes socio-économiques : une école catholique accueille souvent des élèves catholiques de diverses ethnies, de divers milieux socio-économiques et mêmes des élèves simplement intéressés par des valeurs plus conservatrices (voir le succès des écoles catholiques auprès des musulmans) alors que les écoles publiques de par leur bassin géographique de recrutement regroupent des élèves provenant de quartiers voisins et donc souvent de classes socio-économiques similaires.

Augmenter l'autonomie de l'école améliore les résultats pour autant que les résultats scolaires de l'école soient publiés

Le professeur John Richards précise également qu'au cours du dernier quart de siècle, de nombreux pays ont augmenté l'autonomie des écoles à l'égard de la conception des programmes et de l'évaluation des élèves. PISA a départagé les écoles selon le degré d'autonomie quant à l'allocation interne des ressources:
«[I] l existe une relation entre l'autonomie de l'école et des résultats d'apprentissage, mais cette relation interagit avec les modalités de reddition de comptes des systèmes scolaires. Par exemple ... dans les systèmes où une plus grande part des données de rendement des écoles est rendu public, ce qu'on considère ici comme une forme de reddition de comptes, il existe une relation positive entre l'autonomie de l'école dans l'allocation des ressources et la performance des élèves... par contre, quand les écoles ne rendent pas publics leur rendement, après la prise en compte de la situation socio-économique et du profil démographique des élèves et des écoles, un étudiant qui fréquente une école avec une plus grande autonomie dans la définition et l'élaboration de programmes d'études
et des politiques d'évaluation tend à effectuer sept points de moins en mathématiques qu'un élève qui fréquente une école avec moins d'autonomie dans ces domaines (2014 OCDE, p. 52). »
PISA fournit des éléments de preuves pour le Canada et le Québec quant à la valeur de la publication des résultats scolaires comme un moyen d'assurer la responsabilité de l'école (2014 OCDE, p. 528). La corrélation entre le pourcentage d'écoles dans un province affichant publiquement les résultats scolaires au niveau de l'école et le résultat moyen en mathématiques pour la province est élevé (R = 0,59).

Mesures qui ne semblent pas fonctionner

L'auteur indique finalement deux politiques qui ne semblent pas fonctionner :

• Si le rapport national étudiant/enseignant est déjà en dessous de 20 (comme c'est le cas au Canada), abaisser davantage ce rapport en augmentant encore l'encadrement a peu de chance d'améliorer les résultats.

• L'augmentation du temps d'instruction consacré aux mathématiques est peu probable, par elle-même, à améliorer les résultats en mathématiques.




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Au Québec, interdit d'avoir de mauvaises notes !

Article de Mathieu Bock-Côté dans le Figaro de Paris :

Le quotidien montréalais Le Devoir nous apprenait le 3 juin (notre billet) que le ministère de l'Éducation, devant un taux d'échec trop élevé lors des examens de quatrième année du primaire, a exigé une nouvelle correction générale, pour tirer les notes vers le haut. Il ajoutait une précision: aucun élève ne devra voir sa note révisée à la baisse. L'ambiguïté n'était pas permise: il fallait monter les notes pour donner l'impression que le système d'éducation atteint ses objectifs et que les élèves y réussissent globalement,. Ce choix autorise le ministère à se moquer de ceux qui redoutent la régression culturelle de l'école québécoise. On connaît l'optimisme obligatoire du progressisme scolaire: le niveau monte !

Naturellement, cette décision a choqué.

Comment ne pas y voir une tricherie monumentale, une dissimulation massive et un travestissement honteux de la réalité ? Comment ne pas y voir un autre indice du décalage entre des institutions publiques entretenant la fiction de leur réussite et une réalité qui leur échappe et qui finit par percer de partout ? Plusieurs ont le sentiment que l'État contemporain travaille souvent à occulter une part importante du réel, comme s'il devait entretenir la fiction d'une société qui progresse, sans quoi il serait obligé de se questionner sur les fondements idéologiques des grandes transformations qu'il pilote depuis près d'un demi-siècle. Les statistiques publiques révèlent autant qu'elles dissimulent la société qu'elles prétendent mettre en scène. Mais le réel filtre ici et là, même si ceux qui le nomment risquent les pires épithètes.

Évidemment, les idéologues du nouvel ordre pédagogique québécois, qui s'est installé depuis une quarantaine d'années, se sont réfugiés derrière la logorrhée spécifique aux si mal nommées sciences de l'éducation pour justifier la chose. Il n'y aurait pas de nivellement par le bas, mais un ajustement des méthodes d'évaluation pour éviter un recalage massif potentiellement dommageable pour l'estime de soi des élèves, affirment-ils. L'évaluation serait une science très complexe qui se déroberait aux attentes simplistes de ceux voulant savoir si l'élève atteint ou non les objectifs du programme. Les sciences de l'éducation prétendent soustraire l'école au débat public: elle serait le monopole de prétendus experts qui ont souvent décidé de la transformer en laboratoire idéologique, au service d'une utopie qui ne dit pas toujours son nom.

Ce refus de l'échec repose sur une thèse psychologique dominante dans la pédagogie contemporaine: l'échec serait mauvais pour l'estime de soi de l'élève. Il relèverait d'une culture répressive. La personnalité de l'enfant en serait durablement fragilisée, peut-être fissurée. L'école fixerait une définition de la réussite scolaire attachée à une conception périmée de la culture, dont il faudrait s'extraire. L'enfant ne devrait plus se définir à partir d'une norme sociale extérieure à sa propre subjectivité. Il s'agirait d'exprimer son plein potentiel existentiel et non plus d'apprendre un savoir qu'on caricaturera souvent en culture encyclopédique morte et inutile, et peut-être même nuisible, dans une société vivante.

Dans une société où la famille a éclaté et où les enfants qui montrent des troubles de comportement se multiplient dans les salles de classe, au point que plusieurs enseignants parlent de l'école comme d'un environnement ensauvagé, il n'est plus aisé de transmettre un savoir en classe. Les professeurs sont souvent obligés de faire de la discipline, sans même en avoir le droit. On demande à l'école aujourd'hui de remplacer les parents, et plus largement, de se substituer à toutes les institutions qui étaient normalement responsables de la socialisation des enfants. Il ne faut pas se surprendre que les parents soient de plus en plus tentés par l'école privée.

La querelle de l'école est à peu près partout la même. Depuis près de quarante ans, on a multiplié les innovations pédagogiques pour en finir avec une école traditionnelle, qu'on s'imaginait autoritaire, étouffante et invivable. La crise de l'école est symptomatique d'une faillite plus large: celle de la transmission. Car pour se transmettre, une société doit croire minimalement en sa propre valeur, en la nécessité de s'inscrire dans la durée. Ce n'est plus le cas. L'école était accusée de contribuer à la reproduction d'une société inégalitaire, exclusive et hiérarchique. C'est ce discours, qui s'est normalisé depuis, à travers l'idéologie pénitentielle, qui amène les sociétés occidentales à penser leur passé sous le signe de la xénophobie, du sexisme et de l'homophobie. L'enseignement de l'histoire, un peu partout, est traversé par cette idéologie.

Ainsi pensée, l'école ne doit plus transmettre la culture, mais libérer l'enfant des préjugés et stéréotypes qu'elle relaie. La culture ne passe plus pour un héritage à ressaisir, mais pour un fatras dont l'individu doit se libérer pour affranchir une créativité socialement inhibée. On passe de la transmission à la déconstruction.

Au nom du renouveau pédagogique, on a remplacé dans l'école québécoise l'apprentissage des connaissances par celle des compétences: les premières seraient vite périmées, les secondes permettraient de construire soi-même son propre savoir. De ce point de vue, la décivilisation devient un objectif politique honorable, car il correspond à une émancipation de la subjectivité. Nul besoin d'un maître: l'enfant doit s'éduquer lui-même, ce qu'entretient le fantasme d'une conversion généralisée de la pédagogie aux nouvelles technologies, où le rapport entre le professeur et l'élève serait réduit au strict minimum.

C'est cette école qui essaie de masquer avec des statistiques truquées son effondrement. Or, les faits sont là: la maîtrise de la langue régresse, la connaissance de l'histoire est ravagée. Bien des enseignants, formés dans ce système, en viennent à confesseur leur ignorance.

Il s'agit dès lors de restaurer le principe de transmission et conséquemment, la valeur de la civilisation et des œuvres qu'il s'agit de transmettre. Depuis plusieurs années, des intellectuels québécois ont travaillé à en réhabiliter le principe. Une bonne part du corps enseignant, rassemblée autour de la Fédération autonome de l'enseignement, s'est aussi révoltée contre cette dénaturation de l'école. Mais cette critique n'a pas été relayée par les partis politiques, qui peinent à délivrer l'éducation des idéologues qui l'ont confisqué. [Note du carnet : Les partis prennent pour conseiller en éducation des experts issus du même modèle et moule québécois.] On ne refondera pas l'école sans réparer les fondements abimés de la cité.




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