samedi 5 février 2022

Vers un couronnement de Pierre Poilièvre à la tête du Parti conservateur du Canada ?

Pierre Poilièvre se présente comme chef du Parti conservateur du Canada : « Je me présente comme futur premier ministre pour vous redonner les commandes de vos vies ».

Pierre Marcel Poilièvre, né le 3 juin 1979 à Calgary de parents Franco-Albertains, étudia en relations internationales à l’Université de Calgary. Il est bilingue (bien que son français soit rouillé), contrairement à la cheffe intérimaire du parti conservateur, Candice Bergen, unilingue anglophone.

Membre du Parti conservateur du Canada, il est député à la Chambre des communes pour la circonscription ontarienne de Carleton (près d’Ottawa, 10 % de francophones) depuis 2015, représentant auparavant Nepean—Carleton de 2004 à 2015. Poilièvre fut ministre d’État des Institutions démocratiques de 2013 à 2015 et ministre des Ressources humaines et du Développement social en 2015 dans le cabinet de Stephen Harper.

Plus tôt cette semaine, il s’était félicité de l’enterrement de la taxe punitive contre les non-vaccinés que contemplait François Legault.

En début de semaine, le chef du Parti conservateur Erin O’Toole a été chassé de son poste par son parti. Un coup de sonde de Nanos publié mardi dernier dans le Globe and Mail plaçait Pierre Poilievre, 42 ans, en position de tête pour lui succéder.

De nombreux députés conservateurs et ex-figures du parti se sont rapidement rangés derrière lui. « Après sept victoires électorales consécutives ici même en Ontario. Aucun doute, Pierre est la réponse à un Parti conservateur fort et uni », a partagé sur Twitter la députée de Thornhill Melissa Lantsman.

« Excitée que Pierre Poilievre se présente comme chef du [Parti conservateur du Canada]. Il est un vrai conservateur qui a demandé des comptes à Justin Trudeau et aux libéraux », a déclaré Jenni Byrne, ex-bras droit de Stephen Harper.

« Depuis 2004, j’ai été témoin des fortes valeurs conservatrices de Pierre, de son éthique de travail et de ses compétences en communication qui font de lui le PM dont le Canada a besoin », a réagi le député manitobain James Bezan. L’élu britanno-colombien Dan Albas a aussi appuyé la candidature Poilievre, un homme « travaillant, intelligent et excellent communicateur. »

« Pierre Poilievre est le leader dont notre parti a besoin maintenant », a pour sa part souligné Michael Barrett, député de Leeds-Grenville-Thousand Islands and Rideau Lakes. L’ex-ministre sous Harper John Baird a aussi encouragé son « ami », qui dispose « du cerveau et de la colonne vertébrale pour faire un excellent premier ministre. » « Je suis très heureux de le soutenir. »

La faute à Trudeau

Pierre Poilievre a amorcé sa déclaration en critiquant Justin Trudeau pour l’inflation. « Plus de la moitié des familles interrogées disent avoir de la difficulté à se nourrir et de plus en plus de gens dans la trentaine vivent dans le sous-sol de leurs parents parce qu’ils ne peuvent pas payer une maison normale qui coûte maintenant 800 000 $ », s’insurge-t-il.

Ces derniers jours, Pierre Poilievre a répété son appui au convoi de la liberté et aux opposants aux mesures sanitaires qui paradent sur la colline parlementaire. « Le gouvernement essaye de museler quiconque ose critiquer notamment avec des lois qui contrôlent ce que vous regardez ou dites sur l’internet, en utilisant la COVID comme prétexte politique. Le gouvernement Trudeau attaque nos petites entreprises, camionneurs et travailleurs. »

« Les enfants sont les premières victimes de la surexposition aux écrans »

Auteurs de La guerre de l’attention (L’Échappée) et cofondateurs de l’association Lève les yeux !, Florent Souillot et Yves Marry alertent contre la surexposition aux écrans et expliquent les ressorts de la guerre que mènent les grandes entreprises du numérique pour capter l’or du XXIe siècle : notre attention. Yves Marry est cofondateur de l’association Lève les yeux !, collectif pour la reconquête de l’attention, avec Florent Souillot, responsable du numérique aux Éditions Gallimard-Flammarion.

LE FIGARO. — La « guerre de l’attention », c’est celle que mènent les grandes entreprises du numérique pour capter le temps de cerveau disponible des usagers, expliquez-vous. Où en est-on aujourd’hui ?

Florent SOUILLOT et Yves MARRY. — La situation est très inquiétante, mais pas désespérée. Nous considérons que l’attention humaine est la nouvelle ressource rare, au cœur de la croissance économique. Et comme avec le charbon, le pétrole ou l’eau, l’extraction ne va pas sans quelques effets indésirables pour l’humanité. Comme tout le monde peut le constater autour de soi, nous passons désormais l’essentiel de notre temps éveillé devant un écran, soit dix heures par jour en moyenne pour les adultes en 2019, et entre trois et quatre heures par jour pour les enfants de moins de 12 ans. Ces chiffres datent d’avant la crise du Covid qui a encore aggravé cette tendance. Toute la société subit des impacts cognitifs et psychologiques, et constate une dégradation du débat public. Oui, la guerre de l’attention nous coûte cher !

— Vous décrivez « la mutation sociale la plus déterminante de ces dix dernières années ». En quoi le smartphone change-t-il radicalement la donne par rapport à la télévision ?

— En dix ans, le téléphone intelligent a fait doubler le temps passé devant un écran, qui était déjà massif auparavant ! Il s’est glissé dans nos poches, s’est invité dans tous les instants de notre vie, constamment connecté, vibrant, omniprésent du réveil au coucher. Nous sommes désormais collés à son écran bleu et à ses applications, véritables armes de captation massive de notre attention et portes ouvertes sur des contenus de plus en plus violents et addictifs. Il s’agit bien là d’une rupture anthropologique et nous parlons de la naissance d’un nouvel homo numericus. Ce n’est pas qu’une image : le cortex préfrontal de nos enfants, assailli à coups de shoots de dopamines, s’atrophie au contact des écrans.

Plus largement, nos capacités attentionnelles, constamment manipulées, se déséquilibrent vers toujours plus de saillance, d’émotion, de vitesse, de récompenses à court terme et d’oppositions stériles. Grâce à ces « outils » surpuissants, nous sommes pris dans une illusion de puissance et de confort de plus en plus difficile à assumer : nous avons beau avoir le monde à portée de clics ou de commentaires, croire que nous pouvons tout maîtriser, nous avons de plus en plus de mal à agir, débattre, nous situer, « entrer en résonance » comme dirait Hartmut Rosa. Du malaise au mal-être, de l’isolement à l’aliénation, jamais un objet technique ne nous avait donné cette impression funeste.

— Vous analysez la manière dont la « captologie » s’y prend pour attirer et capturer l’attention des usagers. Pouvez-vous donner des exemples de cette stratégie ?

— La captologie (pour « Computers as Persuasive Technology ») désigne les méthodes de manipulation qu’offre la technologie. L’utopie d’internet à ses débuts a vécu : le commerce et le contrôle l’ont emporté. Nos applications regorgent de designs destinés à capter notre attention. Cela va des plus perceptibles (White Patterns) aux plus dissimulés (Dark Patterns). Ici, on m’enjoint à adhérer à tel service, là on me complique la tâche pour m’en désinscrire. Prenez le « défilement » infini composé de récompenses aléatoires de Facebook et d’Instagram, l’autoplay dans la lecture des vidéos sur Netflix, la gratification sociale constante sur tous les réseaux sociaux, les boucles de rétroaction de plus en plus rapides : tous ces exemples participent du même effort pour hameçonner l’utilisateur et l’arrimer dans la durée, garantissant des rentes technologiques faramineuses.

Ces procédés sont créés par des équipes regroupant des développeurs, cogniciens, designers, dont l’objectif est de cibler nos biais cognitifs, nos faiblesses, pour stimuler ou inhiber nos différents régimes attentionnels. La grande différence avec la publicité classique, la rhétorique ou d’autres formes de manipulation attentionnelle, est que l’algorithme est constamment en évolution, capable de mesurer immédiatement son effet et de s’ajuster. Quelques personnes parmi les mieux payées dans les entreprises les plus riches de la planète peuvent désormais, grâce à la captologie, influencer en temps réel les actes de milliards d’autres.

— Vous dites que les premières victimes de cette guerre de l’attention sont les enfants et parlez même d’« enfance diminuée ». Quelle est l’ampleur des dégâts ?

— Loin d’être « augmentés » par les prothèses numériques, nous sommes en réalité « diminués », et cela se ressent fortement chez les enfants : retards de langage, baisse de la concentration, de la mémoire, de l’intelligence, du sommeil, hausse de l’obésité, de l’agressivité, du mal-être. Les études, lorsqu’elles sont indépendantes, sont toujours plus inquiétantes. Comme pour tous les maux sanitaires et environnementaux, la surexposition aux écrans touche davantage les milieux défavorisés. Le temps d’écran varie ainsi du simple au double chez les enfants, ce qui se comprend aisément. Dans les quartiers nord de Marseille, où nous intervenons, les possibilités de jeux extérieurs sont limitées, de même que les moyens des familles pour financer des activités extrascolaires. La prévention est donc fondamentale.

— Vous êtes très sévères envers les projets d’école numérique. Pourquoi ?

— On est en train de se jeter corps et âme dans un projet de numérisation de l’éducation, sans qu’aucune étude n’y voit un avantage pédagogique. Bien au contraire, toutes les études démontrent que cela ne fonctionne pas. Et chaque fois la conclusion est : « Alors dans ce cas…, il faut plus de numérique, il faut davantage former les enseignants ! »Jamais on envisage l’hypothèse : Et si, pour apprendre, il valait mieux des humains, des livres et des cahiers ? La numérisation de l’école grève les finances publiques, a un coût écologique massif, et aggrave la surexposition aux écrans des jeunes.

On nous rétorque que tout dépend de l’usage, qu’on peut limiter le divertissement et encourager le « bon usage », autrement dit celui de Wikipédia et des tutoriels… Mais qui y croit vraiment ? Quel adolescent de 13 ans ira lire un cours en ligne quand, en deux clics, il peut regarder ses youtubeurs favoris s’envoyer des vannes ou le top 10 des plus beaux buts ? Les collégiens que nous rencontrons utilisent toutes les tablettes fournies en classe pour des usages récréatifs. L’idée d’un numérique moteur d’une nouvelle pédagogie, personnalisée et adaptée à notre temps, est un mythe promu par des entreprises qui voient dans l’école une opportunité commerciale, et se soucient peu de sa mission éducative.

Nous interpellons les politiques qui peu à peu se montrent sensibles à nos arguments car partout, l’ampleur des dégâts causés par l’économie de l’attention se fait jour.

Source : Le Figaro


La guerre de l’attention : Comment ne pas la perdre

par Yves Marry et Florent Souillot,
paru le 21 janvier 2022,
à L’Échappée,
au Kremlin Bicêtre (France),
240 pp,
ISBN-10 : 2 373 091 011

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