jeudi 7 janvier 2010

Afrique du Sud – Pour la sixième année de suite, le taux de réussite aux examens de fin d'études secondaires diminue

Le taux de réussite des écoles publiques sud-africaines aux examens couronnant les études secondaires a chuté pour une sixième année consécutive malgré une forte augmentation des dépenses gouvernementales dans le secteur éducatif. Cette faible diplomation condamne des millions de jeunes au chômage, cause principale selon certains experts de la criminalité endémique qui sévit en Afrique du Sud. Les examens se tiennent en décembre mois qui marque la fin de l’année scolaire sud-africaine.

La ministre de l’Éducation de base, Angie Motshekga (à gauche), a déclaré lors d'une conférence de presse à Prétoria ce jeudi que le taux de réussite des étudiants en dernière année dans les écoles publiques est passé de 62,5 pour cent en 2008 à 60,6 pour cent en 2009.

Contrairement au baccalauréat français, le diplôme de fin d’études secondaires (« National Senior Certificate ») ne permet pas automatiquement de s’inscrire à une université. Pour ce faire, l’étudiant doit satisfaire certaines conditions supplémentaires : une moyenne de note plus élevée aux mêmes examens ainsi qu’un choix de sujets considérés plus difficiles.

L’Afrique du Sud a plus que quadruplé les dépenses en éducation depuis les premières élections multiraciales tenues en 1994. Cette forte augmentation ne s’est cependant pas traduite par de meilleurs résultats. On attribue habituellement ces échecs à la mauvaise formation des enseignants, à une réforme scolaire qui a augmenté la charge administrative imposée aux enseignants et à une culture rurale qui ne privilégie pas l’étude scolaire.

Les politiques de discrimination positive en faveur des Noirs menées par le gouvernement ANC depuis 16 ans privent également l’Afrique du Sud d’enseignants qualifiés. C’est ainsi que le quotidien Beeld avait signalé en août de l'année passée que plusieurs dizaines de milliers de postes d’enseignants et de directeurs d'école sont à pourvoir dans les écoles publiques sud-africaines. Ils ne sont pas comblés, car l’Administration n’en fait pas la publicité ou quand des professeurs blancs qualifiés y postulent on rejette systématiquement leur candidature. Le grand nombre de postes à pourvoir s’explique en partie par l’épidémie de SIDA qui fauchait déjà 55 enseignantes par mois en 2000. L'épidémie de SIDA touche principalement les éducatrices noires.


Élèves de l'école secondaire Ian Mackenzie à Lilydale, dans un ancien bantoustan, en 2005

Devant une assemblée de 1500 enseignants en août dernier, le nouveau président Jacob Zuma s’est également insurgé contre le fait que les enseignants noirs enseignent moins de temps que les blancs : « les enseignants dans les écoles précédemment blanches donnent cours pendant 6,5 heures par jour, alors que les professeurs noirs dans les écoles précédemment désavantagées [à savoir dans les bantoustans ou les ghettos noirs] ne donnent en moyenne que 3,5 heures de cours par jour. »

La baisse du taux de réussite aggrave la pénurie de travailleurs qualifiés noirs dans un pays où un manque d'ingénieurs, de techniciens et autre personnel qualifié a obligé des entreprises comme Sasol, le plus grand producteur mondial de carburant à partir de charbon, à embaucher des travailleurs à l'étranger. La forte diplomation des blancs ne permettra pas de résoudre la crise actuelle puisque les politiques de discriminations politiques leur ferment souvent les portes des entreprises et les forcent à l’exil. Ces politiques ne sont pas sans conséquence sur l’économie sud-africaine. Les nombreuses coupures générales d’électricité de 2008 ont révélé la pénurie aiguë de techniciens que connaît le producteur d’électricité national, Escom. Cette pénurie est en grande partie le résultat de politiques discriminatoires comme le rappelle R. W. Johnson dans son livre South Africa’s Brave New World (pp. 479-480) : « [Escom] devra recruter deux nouveaux employés qualifiés par jour pour les cinq prochaines années. Au minimum la moitié de ceux-ci devront être des femmes noires afin d’atteindre ses objectifs de 65 % de cadres noirs et de 40 % de personnel noir en 2010, malgré la quasi-inexistence de femmes noires ingénieures. »

Ce faible taux de diplomation ne pourra que faire grossir les rangs des chômeurs sud-africains. Le chômage officiel sud-africain atteint le taux de 24,5 pour cent. Le manque de personnel qualifié entrave également les efforts du gouvernement pour stimuler une économie dont le PNB s'est contracté d'environ 1,9 pour cent en 2009.


Élèves d'une école « blanche » de Prétoria en 1986 (il y a bien un élève noir même si techniquement l'apartheid est toujours en vigueur)


Échouer en physique

Le nombre d’élèves dont la note en physique a été égale ou supérieure à 30 % est passé de 54,9 pour cent en 2008 à 30 % cette année a déclaré le Ministère de l’Éducation de base dans un rapport. Le taux de passage en mathématiques est resté stable à 46 %. Toutefois, de nombreux journaux rapportent des résultats bruts désastreux en mathématiques qui ont dû être pondérés à la hausse. Le professeur John Volmink, président du conseil qui standardise les résultats finaux, a toutefois précisé que les notes n’ont pas été ajustées à la hausse par plus de 10 %. Aussi étrange que cela puisse paraître aux yeux des étrangers, il suffit d'obtenir 30 % pour passer de nombreux sujets, c'est le cas en mathématiques (pour plus de détails sur les critères de réussite, voir ici).

Seuls 20 % des finissants peuvent s’inscrire à l’université

551 940 élèves de 12e année ont présenté les examens finaux du secondaire. Seuls 19,8 percent de ceux-ci ont obtenu des notes suffisamment élevées pour s’inscrire à l’université ou à un collège postsecondaire. Il s’agit d’une légère amélioration par rapport au 19,4 % de 2008.

1 sur 40

Selon un rapport publié l’année passée par la Banque de développement d’Afrique australe, seul un élève sur 40 qui a commencé l’école en 1995 (après la fin de l’apartheid) a réussi l’examen final de mathématiques supérieures qui permet l’entrée dans les écoles d’ingénieurs et les professions techniques. Les examens de mathématiques « normales » ou de « culture mathématique » considérés plus faciles ne permettent pas l’inscription dans ces facultés. Réussir l’examen de mathématiques supérieures (avoir plus de 30 %) ne garantit pas de pouvoir s’inscrire dans certaines facultés, c’est ainsi que les facultés de commerce exigent souvent une note minimale de C+ (65 %). En 2007, seuls 700 étudiants noirs avaient obtenu un C+ ou davatange en mathématiques supérieures.

Augmentation soutenue des budgets dans les années à venir

Le ministre des Finances, Pravin Gordhan a prévu d'affecter 144 milliards de rands (20 milliards de $) à l’éducation, soit 17 % du budget. Il prévoit augmenter cette somme de 8,6 % en moyenne par an pendant les trois prochaines années fiscales conformément aux vœux de Jacob Zuma, président de l’Afrique du Sud depuis mai 2009 et lui-même démuni de tout diplôme scolaire, qui a fait de l’éducation une de ses priorités.

« Près de 3 millions de jeunes âgés de 18 à 24 ne suivent aucune formation ni ne travaillent, il ne s’agit pas seulement d’un gâchis de talent, mais également d’une cause potentielle de troubles sociaux graves » a déclaré dans un rapport sur le sujet le Center for Higher Education basé au Cap.

L’augmentation des dépenses en éducation n'a pas réduit substantiellement le taux d’analphabétisme. L’Afrique du Sud s'est classée au dernier rang dans un classement regroupant 40 pays, derrière le Maroc et le Koweït. Ce classement a été publié en 2007 dans le cadre du Programme international de recherche en lecture scolaire (PIRLS:2006). Cette étude vise à établir les compétences de lecture des élèves de 10 et 11 ans quand ils sont confrontés à des textes littéraires et informatifs authentiques.

On retrouvera ci-dessous le classement complet du PIRLS.

Pays Note moyenne
Russie (Fédération de) 565
Hong-Kong 564
Canada, Alberta 560
Singapour 558
Canada, Colombie-Britannique 558
Luxembourg 557
Canada, Ontario 555
Italie 551
Hongrie 551
Suède 549
Allemagne 548
Pays-Bas 547
Belgique (Flandre) 547
Bulgarie 547
Danemark 546
Canada, Nouvelle-Écosse 542
Lettonie 541
États-Unis d’Amérique 540
Angleterre 539
Autriche 538
Lituanie 537
Taïwan 535
Canada, Québec 533
Nouvelle-Zélande 532
Slovaquie 531
Écosse 527
France 522
Slovénie 522
Pologne 519
Espagne 513
Israël 512
Islande 511
Moyenne de l’échelle du PIRLS 500
Moldavie 500
Belgique (francophone) 500
Norvège 498
Roumanie 489
Géorgie 471
Macédoine (république de) 442
Trinité et Tobago 436
Iran 421
Indonésie 405
Qatar 353
Koweït 330
Maroc 323
Afrique du Sud 302


Exemple de texte du PIRLS 2001 : La nature et le questionnaire correspondant.

Plus d'info sur PIRLS 2006 ici.



Sources supplémentaires Bloomberg et News 24.

ECR — Un lien indéniable avec le multiculturalisme

Lettre ouverte de Guillaume Rousseau parue dans Le Devoir du 4 janvier :
Depuis la publication du rapport de la sociologue Joëlle Quérin, le débat sur le cours d’éthique et de culture religieuse (ECR) a repris de plus belle. Il faut dire que ce rapport fait l’objet de critiques vives, voire violentes, de la part des concepteurs de ce cours. Leur principale critique est la suivante : le rapport associerait injustement ce cours au multi­cul­tu­ralisme. Or l’histoire du droit nous révèle qu’il existe bel et bien un lien indéniable entre le multi­cul­tu­ralisme et le cours ECR.

Pour comprendre l’origine de ce cours, il faut savoir que l’enseignement religieux confessionnel est soupçonné d’être inconstitutionnel depuis l’adoption non pas de la Charte québécoise, mais bien de la Charte canadienne des droits et libertés. Et, en l’absence d’une clause dérogatoire, il est officiellement incons­ti­tu­tionnel depuis l’arrêt rendu par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Re Corporation of the Canadian Civil Liberties Association et al. c. Ontario (Minister of Education), datant de 1990.

Évidemment, cette cour s’est basée sur la Charte canadienne des droits et libertés pour conclure que tout enseignement religieux confessionnel est incons­ti­tu­tionnel. Plus précisément, elle a invoqué l’article 2a) sur la liberté de religion et l’article 27, qui prévoit que : « Toute interprétation de la présente charte doit concorder avec l’objectif de promouvoir le maintien et la valori­sation du patrimoine multi­culturel des Canadiens. » En effet, on peut lire ceci, dans ce jugement, à propos de l’enseignement religieux confessionnel : « [It] amounts to violation of s. 2(a) of the Charter, especially when viewed in the light of s. 27 of the Charter. »

C’est donc en se fondant sur l’article qui constitutionnalise le multi­cultu­ralisme que la Cour d’appel de l’Ontario interprète la liberté de religion et en vient à la conclusion que les cours d’enseignement religieux confessionnel sont inconsti­tutionnels. Plus intéressant encore, cette cour précise que, si l’enseignement religieux non confessionnel est incons­ti­tu­tionnel, en revanche l’enseignement religieux pluraliste et non confessionnel est parfaitement conforme à la liberté de religion interprétée à la lumière du multi­cul­tu­ralisme.

Comme ce jugement de la Cour d’appel de l’Ontario n’a pas été renversé en Cour suprême, il a créé un précédent valable pour l’ensemble du Canada. C’est d’ailleurs depuis ce jugement que des cours d’enseignement religieux pluraliste et non confes­sionnel se multiplient au Canada. Et le Québec ne fait pas exception, puisque le cours ECR remplace justement l’ancien cours d’enseignement religieux confessionnel, de manière à respecter la liberté de religion au sens du droit consti­tutionnel canadien, et ce, afin d’éviter que le Québec ait à invoquer à nouveau la clause dérogatoire prévue dans la Charte.

À la lumière de cet historique du droit, il est indéniable qu’il existe un lien direct entre le multi­cul­tu­ralisme canadien et le cours ECR.

Nouvelle forme à trouver

Est-ce à dire que toute option autre que le retour de l’enseignement religieux confessionnel serait inévitablement multiculturaliste ? Non, puisque ce qui rend multi­cul­tu­raliste le cours ECR, ce n’est pas tant le fait qu’il remplace l’enseignement religieux confessionnel déclaré inconstitutionnel au nom de la Charte et de son multi­cul­tu­ralisme, mais plutôt le fait qu’il adopte la solution proposée par la jurisprudence canadienne en conformité avec cette charte.

En effet, le cours ECR est un cours d’enseignement religieux pluraliste et non confessionnel qui a notamment pour but d’expliquer et de justifier les accom­modements raisonnables créés par cette même jurisprudence. À l’inverse, si le Québec choisissait plutôt d’enseigner des connais­sances sur les religions à travers des cours d’histoire et de géographie, comme cela se fait en France dans le respect de la laïcité, cette solution ne pourrait être qualifiée de multi­cul­tu­raliste, et ce, même si elle serait sans doute valide constitutionnellement.

Est-ce donc là la solution au dilemme de l’enseignement religieux à l’école ? Peut-être que oui, mais il n’est pas certain que cela répondrait suffisamment à l’impératif de la transmission du patrimoine culturel québécois, que plusieurs veulent voir assurée par l’école.

Si le rapport Quérin a mis le doigt sur un malaise réel autour du cours ECR, c’est sans doute entre autres parce que ce dernier est bel et bien un produit du multi­cul­tu­ralisme canadien, une politique à laquelle n’adhèrent pas la majorité des Québécois.

Dès lors, ce rapport justifie pleinement que ce cours soit scruté à la loupe et que d’autres solutions soient envisagées, par exemple dans le cadre d’une commission parlementaire. Ainsi, les Québécois pourraient trouver une forme d’enseignement du religieux qui serait originale, à la fois laïque et respectueuse du patri­moine culturel québécois et de la place qui lui revient, bref une solution de rechange qui soit vérita­blement autre chose que du multi­cul­tu­ralisme.
Guillaume Rousseau - L’auteur détient une maîtrise en droits de la personne et diversité culturelle de l’Université McGill et est présentement doctorant en droit à l’Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne et à l’Université de Sherbrooke.

Égypte — 6 coptes assassinés à Noël, l'Italie condamne

Six coptes ont été tués alors qu'ils sortaient de la messe de Noël (orthodoxe) le 6 janvier à Nagaa Hamadi. L'évêque de Nagaa Hamadi, Anba Kirolos, déclaré à l'AFP : « Nous avons terminé la messe à 23 h 00 et je me suis dirigé vers l'évêché, où j'ai vu un homme à bord d'une voiture en train de tirer à l'arme automatique contre tous les coptes qui passaient devant le bâtiment de l'évêché ». L'homme « a ensuite continué à tirer dans les rues de la ville sur les coptes », a poursuivi Mgr Kirolos, faisant état de cinq blessés dans un état grave. Un policier a également été tué dans la fusillade. L'évêque a déclaré que « l'auteur de ce crime est connu et fiché » par la police et « aurait dû être arrêté », mais bénéficiait de protections de la part de personnalités proches du Parti national démocratique (PND au pouvoir).

Des heurts ont ensuite eu lieu entre la police et 2.000 coptes qui voulaient se rassembler devant l'hôpital où avaient été transférées les dépouilles. Les funérailles se sont déroulées en début d'après-midi jeudi en présence de 5.000 coptes.

Pour sa part, l'Italie a condamné jeudi les violences « suscitant l'horreur » contre les Coptes en Égypte et le ministre des Affaires étrangères, Franco Frattini, a annoncé qu'il en discuterait « personnellement » avec son homologue égyptien au cours d'une visite au Caire la semaine prochaine.

« Les violences commises contre la communauté chrétienne copte en Égypte suscitent l'horreur et la réprobation », a déclaré le chef de la diplomatie italienne dans un communiqué.

« Je parlerai personnellement [...] avec mon homologue Aboul Gheit de la protection de la communauté copte dans ce pays [...] à l'occasion de la visite que je ferai au Caire à la fin de la semaine prochaine », a indiqué M. Frattini, qui s'est dit « préoccupé » par ces violences.






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Éthique et culture religieuse: bilan des débats

Un collectif de professeurs de philosophie a envoyé cette lettre au Devoir qui l'a publiée ce matin en supprimant le passage barré ci-dessous.
Que reste-t-il du programme Éthique et culture religieuse (ECR) après les répliques formulées à l'endroit de l'étude Quérin ? C'est la question à poser pour faire suite à l'empres­sement dont les concepteurs de ce programme et leurs collaborateurs ont fait montre dans leur réaction à l'analyse critique qu'en a faite Joëlle Quérin, chercheuse associée à l'Institut de recherche sur le Québec. Mises à part les attaques ad hominem, leur défense du cours ECR est soit d'ordre politique, soit pédagogique.

Le point de vue davantage politique concerne l'attitude que le programme favorise chez les élèves en tant que citoyens appelés à vivre au sein d'un Québec empreint d'une diversité de croyances. La critique souvent adressée au programme ECR et reprise par Mme Quérin consiste à lui reprocher de conduire au multi­cul­tu­ralisme, entendant par là le fait de mettre sur un même pied d'égalité les diverses religions, sans accent privilégié sur celles qui sont traditionnellement liées à l'identité québécoise. Ce multi­cul­tu­ralisme est vu comme une conception canadienne contraire à l'intégration par le Québec de la diversité culturelle issue de l'immigration et au renforcement de l'identité québécoise.

À cela, les idéateurs du programme, Jean-Pierre Proulx et Georges Leroux, ont rétorqué dans la page Idées du Devoir du 16 décembre que cette critique n'est aucunement fondée. Selon eux, le nouveau programme promeut la construction commune d'un « vivre-ensemble au sein d'une culture partagée » ouverte à la diversité mais intégrée grâce à la prépon­dérance accordée à la tradition religieuse du Québec, dont particu­lièrement la tradition chrétienne. Ils en veulent pour preuve le fait que « l'intention minis­térielle est claire et réaffirmée plusieurs fois. L'enseignement devra privilégier les traditions religieuses qui ont contribué à façonner l'histoire et la culture québécoise [...] ».

Poudre aux yeux

Voilà qui est révélateur de ce sur quoi les défenseurs du programme appuient leurs prétentions, à savoir des énoncés de principe inclus au libellé du programme et sur les « orientations minis­térielles de 2005 » ayant présidé au programme. Comme nous allons l'indiquer, c'est là accorder beaucoup d'importance à ce qui trop souvent ne s'avère que vœux pieux ou poudre aux yeux.

La lecture des contenus d'apprentissage et celle des manuels prévus par le ministère de l'Éducation font ressortir à l'évidence que la prépon­dérance que ce programme dit accorder aux valeurs qui ont façonné la nation québécoise est insignifiante. Non seulement elle porte sur ce qui est accessoire en matière religieuse (les symboles et objets religieux, les rites, les fêtes ou autres aspects du culte), mais la prépon­dérance accordée au christianisme consiste en une simple priorité chronologique consistant à mentionner par exemple la fête de Pâques avant la Wesak bouddhiste et le Divali hindou, ou encore à mentionner sur la liste des guides spirituels le prêtre avant l'iman et le gourou.

Cet écart entre les principes qu'on met de l'avant pour défendre le programme ECR et les contenus officiels d'appren­tissage vient clairement confirmer la finesse de l'analyse de l'étude Quérin. Celle-ci porte, non pas sur de simples extraits de l'orien­tation générale du programme, mais sur sa structure d'ensemble dont les diverses composantes convergent vers le multi­cul­turalisme.

La critique de cette étude aurait pu aller beaucoup plus loin en faisant ressortir que l’ECR va jusqu’à discréditer à plusieurs égards la tradition chrétienne reconnue par l’ECR comme un vecteur d’intégration. Et ce, entre autres choses de façon générale, en jetant le discrédit sur toute religion par le fait de stipuler qu’au niveau secondaire la question de l’existence du divin sera traitée par l’exposé de la pensée des seuls auteurs qui en ont fait une critique virulente, à savoir « l’athéisme, l’idée de l’aliénation religieuse, chez Marx, Freud et Sartre, l’idée de la mort de Dieu chez Nietzsche ».

Jugement critique

L'aspect plus spécifiquement pédagogique du programme est abordé par Luc Bégin, qui affirme avoir été expert-conseil dans l'élaboration du programme et qui nous fait part de sa réaction à l'étude Quérin dans Le Soleil du 16 décembre. Il réagit à l'accusation d'endoc­tri­nement des élèves au multi­cul­tu­ralisme en s'appuyant lui aussi sur les intentions du programme et en faisant état de ce à quoi « le programme ECR entend plutôt initier les jeunes », c'est-à-dire « la pratique du dialogue qui incite pourtant à construire une pensée critique et articulée et à aborder collectivement des sujets complexes ».

Les contenus des cours prescrits par le programme de niveau secondaire soumettent effec­ti­vement à l'esprit des jeunes élèves des questions fort complexes, tels le sens de la vie, l'origine de l'univers, la vie après la mort, la relation au divin, etc. Or le programme et les manuels font en sorte qu'aucun principe et critère n'est fourni aux élèves pour se former un quelconque jugement critique. La conception de l'enseignant qui en fait un simple animateur est défendue par Georges Leroux, qui affirme dans un premier temps que « la responsabilité d'un regard historique et objectif sur des traditions multiples doit éviter [...] l'écueil d'une position d'endoc­trinement ». Et, par la phrase qui suit ce passage, Leroux définit sans gêne l'endoc­trinement comme suit : « L'endoc­tri­nement se rapproche de l'enseignement confes­sionnel, puisqu'il propose un contenu vrai et véridique. » (Éthique, culture religieuse, dialogue. Arguments pour un programme, Fides, page 55.)

Dialogue descriptif

Pire, le cours ECR impose aux jeunes élèves des exigences démesurées avant qu'ils ne puissent émettre quelque forme d'avis. Ces exigences sont liées à l'obligation sans cesse réitérée d'éviter une longue liste de jugements défectueux. Il s'ensuit que les cours ECR ne peuvent que faire naître chez l'élève l'impression qu'il ne peut émettre d'opinion. Voilà ce que les défenseurs du programme nomment le « dialogue descriptif ». Au fond, il s'agit d'imposer de façon insidieuse aux élèves un faux respect absolu de la description de la diversité multi­cul­turelle et, comme l'affirme l'étude Quérin, de les soumettre à l'endoctrinement au multi­cul­turalisme.

Le programme ECR lèverait les critiques justifiées qu'on lui adresse s'il était conséquent avec lui-même et transmettait les principes et critères au fondement des traditions identitaires du Québec qui sont, de surcroît, à l'origine conceptuelle et historique des chartes de droits si chères à ses concepteurs.
Ont signé cet article les professeurs de philosophie actifs et retraités suivants : Marcel Bérubé, Charles Cauchy, Maurice Cormier, Michel Fauteux, Michel Fontaine, Gérard Lévesque, John White.






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Après l'enfant-roi, l'enfant-philosophe !

Christian Dufour, politicologue à l'École nationale d'administration publique, publie une lettre ouverte dans le Devoir où il revient sur le programme de philosophie pour enfants. Rappelons que, en novembre, il avait déjà participé à un débat avec l'auteur, M. Michel Sasseville de l'Université Laval, et l'évaluateur de ce programme expérimental, M. Serge Robert de l'UQAM, et promis un article sur le sujet.

(Les intertitres sont de nous)
L'enfant-philosophe sera manifestement un peu paranoïaque

On n'arrête décidément pas le progrès au Québec. Après l'enfant-roi, voici maintenant l'enfant-philosophe ! On apprend qu'un cours de philosophie pour enfants (sic) est donné chaque semaine depuis 2005 sur la Rive-Sud de Montréal, dans 14 écoles primaires de la commission scolaire Marie-Victorin. Les effets bénéfiques seraient tels que certains voudraient voir se généraliser cette philosophie pour enfants à toutes les écoles primaires de la province. Rien de trop beau pour les petits génies québécois, selon les experts de l'éducation qui sévissent encore dans nos universités et notre administration publique. De façon révélatrice, ce cours vise au départ à contrer la violence et les agressions sexuelles, alors que nous vivons pourtant dans l'une des sociétés objectivement les moins violentes de la planète. Il n'est pas étonnant que cette obsession maladive aboutisse, selon une évaluation du cours, à des enfants « beaucoup plus habiles pour détecter la violence psychologique comme l'insulte et le harcèlement ». L'enfant-philosophe sera manifestement un peu paranoïaque, les Québécois de demain encore plus victimes et plaignards que leurs parents. Quelle belle société en perspective ! Cette philosophie pour enfants a été implantée au Québec par M. Michel Sasseville, un professeur de philosophie à l'Université Laval qui a écrit un livre intitulé La Pratique de la philosophie avec les enfants. L'accent est mis sur les droits et libertés des enfants, auxquels on prétend apprendre rien de moins que de « penser par et pour eux-mêmes ».

Claire orientation idéologique

Cela n'empêche pas l'approche d'être clairement orientée sur le plan idéologique. Dès le primaire, l'idée est d'imprégner les petits Québécois de l'orthodoxie multiculturelle et environnementaliste dominante, en mettant tout particulièrement l'accent sur « le dialogue entre les peuples en éduquant à l'ouverture, la reconnaissance des différences et la volonté de vivre paisiblement, etc. ».

D'abord apprendre des choses prosaïques

Le Québec de 2009 étant ce qu'il est, une telle approche plaira sans doute à certains universitaires et fonctionnaires déconnectés, mais aussi à des parents sincèrement convaincus des qualités exceptionnelles de leur progéniture. Plusieurs auront de la difficulté à admettre que respecter les enfants de niveau primaire, ce n'est pas leur enseigner un semblant de philosophie, mais bien les encadrer, en leur apprenant des choses prosaïques dont ils auront besoin toute leur vie, comme lire, écrire et compter, avec l'effort et la persévérance qui sont indissociables de cet apprentissage. L'effort et la persévérance sont incidemment les deux valeurs qu'une étude a récemment identifiées comme manquant dramatiquement aux jeunes Québécois, avec la qualité du français parlé et écrit. De toute évidence, un cours de philosophie au niveau primaire correspond à l'esprit de cette funeste réforme scolaire qui est en train de handicaper toute une génération de jeunes Québécois pour l'avenir.

On s'enfonce dans l'erreur

Au lieu d'admettre qu'on s'est malheureusement trompé en demandant à ce point aux enfants du primaire d'exprimer leur opinion, on s'enfonce : on veut maintenant leur montrer comment développer cette opinion. On peut comprendre qu'après avoir abandonné le catholicisme sans le remplacer par grand-chose, certains Québécois éprouvent de la difficulté à transmettre des valeurs à leurs enfants. Mais qu'à tout le moins, on laisse la bonne vieille école primaire faire son travail.

Suggestion : apprendre le savoir-vivre et la politesse au primaire

Une suggestion à la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, si elle veut nous convaincre que la réforme de l'éducation concoctée par ses fonctionnaires n'est plus à l'ordre du jour. Que le ministère invite les commissions scolaires à instaurer au niveau primaire, non pas un prétentieux cours de philosophie pour enfants orienté idéologiquement, mais bien cinquante minutes hebdomadaires d'enseignement concret sur le savoir-vivre en société, y compris la politesse. Par la bande, cela rappellera le précieux capital de civilité hérité des générations antérieures à de jeunes Québécois qui en ont besoin, au lieu de se servir d'eux comme de pathétiques cobayes sans égard à leur droit à une éducation de qualité.






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