jeudi 5 juin 2008

Cours ECR — explorer la diversité de différents types de familles : les familles décomposées et les marâtres

Le cours d'Éthique et de culture religieuse a comme une de ses missions pour les enfants du primaire de
« Les amener à explorer la diversité des relations d’interdépendance entre les membres de différents types de familles. (p. 319) »
Il n'est pas clair ce que cela signifie (c'est normal, c'est un document du Monopole) : doit-on comprendre qu'il faudra parler aux enfants de 6 ou 7 ans des familles homosexuelles ? C'est possible. Ce qui est, par contre, fort probable c'est qu'on forcera les enfants à parler des familles décomposées si modernes.

Apportons donc notre pierre à cet édifice et suggérons la lecture de ce portrait de certaines de ces familles décomposées puis recomposées paru dans le magazine français Le Point. Extraits.
Le mythe de la famille recomposée moderne s'effrite. Tous les mois, des « marâtres » au bord de la crise de nerfs évoquent ensemble leur rôle impossible. Au gouvernement, on planche sur un statut du beau-parent qui est loin de faire l'unanimité.

« Vous ne les aimez pas, ils vous pourrissent la vie, vous préfèreriez qu'ils n'existent pas, ces gosses ? Dites-le, personne ne vous jugera. » Sourires tendus. Elles sont une dizaine, dans ce café du 11e arrondissement de Paris, à assister pour la première fois à la réunion mensuelle du Club des marâtres. Créé il y a quatre ans par Marie-Luce Iovane-Chesneau, « marâtre » pétulante et décomplexée, ce cercle est un genre de salon exutoire où des belles-mères à cran déversent chaque mois leur fiel et leurs angoisses. Sans tabou. D'ailleurs, la réunion commence à peine que le niveau sonore, à la table des habituées, s'envole déjà de façon inquiétante.

Du côté des nouvelles, silence, on s'observe en sœurs d'infortune. Femmes de tous âges, de tous milieux sociaux, anti-héroïnes d'un conte de fées moderne et archibanal : la « recomposition » familiale. « Racontez-vous », encourage Sophie, la présidente. On s'attend à de l'anecdote légère, à du rigolo. Le tour de table commence dans les larmes. Sylvie, la mine dévastée, fait le récit du déni ordinaire dont elle se sent la cible. « Lorsque mes belles-filles sont chez nous, elles ne me parlent pas, elles ne me regardent pas. Si elles ont quelque chose à me demander, c'est leur père qui me transmet le message. Comme si, sous mon propre toit, je n'existais pas. » Jeanne, 50 ans, évoque cette petite fille qui habite chez elle un week-end sur deux et fait ce qu'elle veut d'un père rongé par la culpabilité. Au point de la chasser, elle, du lit conjugal. « Il dit que la petite fait des cauchemars, alors ces week-ends-là, c'est moi qui dors sur le canapé. » Et puis il y a Elise, une jolie blonde aux cernes noirs qui parle en se mordillant les doigts. Douze ans de garde alternée au compteur. « Une semaine sur deux, j'ai les deux ados de mon mari en plus de nos deux petits. Ils arrivent avec leur linge sale, se comportent comme s'ils étaient à l'hôtel : je les connais depuis qu'ils sont enfants, mais ce n'est pas moi qui les éduque, alors je ne peux rien dire. » Plus de dix ans de ce régime sans jamais échanger un seul mot avec la mère ont laissé ce petit bout de femme complètement exsangue. « Je voulais qu'on ne me reproche rien, alors j'ai tout porté. Je les ai renvoyés pendant des années avec leur linge repassé chez leur mère, comme si c'était normal. » Il y a quelques semaines, le « couple parental » d'origine a décidé que les deux foyers, l'an prochain, déménageraient en Bretagne. Sans la consulter. Alors Élise s'est effondrée.

Autour de la table, sans mentir, c'est un concert de sanglots. « Ce n'est pas toujours aussi sombre, tempère Sophie . On rit quand même souvent, il y a aussi de belles histoires. » N'empêche. Au terme de ces trois heures de litanies poignantes, la belle façade de nos familles recomposées modernes s'est comme écroulée, révélant, en coulisse, un indescriptible chaos affectif. « Mais ces joyeuses tribus à géométrie variable, ces enfants qui apprennent prétendument l'ouverture d'esprit, la souplesse, cette idée qu'une famille est un groupe qui se choisit et qui s'aime, c'est de la pure mythologie, s'amuse la sociologue Sylvie Cadolle, l'une des premières à s'être intéressées au rôle complexe du beau-parent. Pendant des années, les médias, les séries télé, même les livres pour enfants ont entretenu le mythe triomphant de la nouvelle famille recomposée, tellement plus gaie que la famille monoparentale. Je me souviens d'une émission ahurissante de "La marche du siècle", au début des années 90, qui décrivait ces tribus idylliques : le comédien Roger Vadim y racontait combien toutes ses ex-femmes, tous ses enfants s'entendaient selon lui à merveille. On s'aperçoit aujourd'hui que les choses sont un peu plus complexes. D'ailleurs, des études nous parviennent maintenant des États-Unis  : les familles recomposées se désagrègent encore plus vite que les autres. »

Premier fusible de ces reconstructions en équilibre instable : les beaux-parents. Et surtout la belle-mère. Parce qu'au sein de ces « nouvelles tribus » une constante de la famille traditionnelle demeure : c'est encore la femme, donc la belle-mère au moins à temps partiel, qui est la gardienne du foyer. Celle qui se coltine l'essentiel des soins aux enfants, du quotidien matériel et affectif. Celle qui se heurte donc en permanence à la question des limites de son rôle. « Quand un enfant a des problèmes scolaires, faut-il l'aider ? Quand il pose des questions sur la sexualité, est-on en droit de répondre ? Est-on autorisé à se fâcher pour qu'il range sa chambre ou à le consoler quand il va mal ? La difficulté, c'est qu'il faut s'inventer un rôle, résume Marie-Luce Iovane-Chesneau. On ne sait pas, au fond, ce que l'on attend de nous. »

La fulgurante révolution des mœurs, en marche depuis les années 60, a propulsé sur le devant de la scène familiale des personnages dont ni la société ni le droit n'ont eu le temps de définir le rôle. « Les "parâtres" et les marâtres d'autrefois se substituaient au parent décédé ou destitué de ses droits parentaux par le divorce, dit Sylvie Cadolle. Ceux d'aujourd'hui coexistent avec des parents qui, bien que séparés, continuent d'exercer pleinement leur autorité parentale. Il faut donc définir des rôles, des territoires entre tous ces adultes présents dans la vie de l'enfant. Or rien, dans notre histoire, dans notre culture, ne nous aide à penser cette pluriparentalité tellement étrangère à nos normes occidentales. »

Entre lémures, palme d'or ?

Alain Finkielkraut s'exprime au sujet de l'auteur du roman qui servit de trame au film couronné Palme d'or 2008 du festival de Cannes. L'auteur, M. Bégaudeau, joue son propre rôle de professeur dans le film « Entre les murs ». La lettre envoyée au Monde s'intitule Palme d'or pour une syntaxe défunte.


Bande annonce d'Entre les murs (palme d'or à Cannes 2008)

« Bégaudeau n'a pas le triomphe modeste, soit. Mais pourquoi l'a-t-il acrimonieux ? Pourquoi cette vindicte à l'égard des professeurs qui ne partagent ni ses méthodes, ni ses objectifs, ni son optimisme ? Pourquoi être si mauvais joueur quand on a gagné la bataille, et s'acharner contre les derniers récalcitrants quand on a, à ses pieds, le président de la République, la ministre de la culture et celui de l'éducation nationale ? Et pourquoi faut-il que Le Monde (le 28 mai) alimente cette étrange aigreur en dressant le repoussoir des "fondamentalistes de l'école républicaine" qui prônent "l'approche exclusive de la langue française par les grands textes" ?

Fondamentaliste, la lecture d'A la recherche du temps perdu, de Bérénice ou du Lys dans la vallée ? Fondamentaliste, l'expérience des belles choses, l'éventail déployé des sentiments et le tremblement littéraire du sens ? Le fondamentalisme est arrogant, catégorique et binaire ; la littérature problématise tout ce qu'elle touche. Le fondamentalisme enferme l'esprit dans le cercle étroit d'une vérité immuable ; la littérature le libère de lui-même, de ses préjugés, de ses clichés, de ses automatismes. Le fondamentalisme est une fixation ; la littérature, un voyage sans fin.

On jugera le film de Laurent Cantet lors de sa sortie en salles. Peut-être sera-t-on intéressé, voire captivé par cette chronique d'une année scolaire dans une classe de quatrième à travers les tensions, les drames, les problèmes et les imprévus du cours de français. Mais s'il est vrai qu'après s'être vainement employé à corriger la syntaxe défaillante d'adolescentes qui se plaignaient d'avoir été "insultées de pétasses", l'enseignant finit par utiliser certaines tournures du langage des élèves, "plus efficace que le sien", alors on n'aura aucun motif de se réjouir.

[...]

Naguère aussi, on respirait dans les œuvres littéraires ou cinématographiques un autre air que l'air du temps. Sean Penn, le président du jury, a remis les pendules à l'heure en déclarant, dès la cérémonie d'ouverture du Festival et sous les applaudissements d'une presse enthousiaste, que seuls retiendraient son attention les films réalisés par des cinéastes engagés, conscients du monde qui les entoure. Sarabande, Fanny et Alexandre, E la nave va, In the Mood for Love, s'abstenir. Un conte de Noël, ce n'était pas la peine. Le monde intérieur, l'exploration de l'existence, les blessures de l'âme sont hors sujet. Comme si l'inféodation de la culture à l'action politique et aux urgences ou aux dogmes du jour n'avait pas été un des grands malheurs du XXe siècle, il incombe désormais aux créateurs de nous révéler que Bush est atroce, que la planète a trop chaud, que les discriminations sévissent toujours et que le métissage est l'avenir de l'homme.

L'art doit être contestataire, c'est-à-dire traduire en images ce qui est répété partout, à longueur de temps. Big Brother est mort, mais, portée par un désir de propagande décidément insatiable, l'idéologie règne et veille à ce que notre vie tout entière se déroule entre les murs du social. »

Il faut dire que Bégaudeau et Finkielkraut, tous les deux professeurs, se connaissent. Lors d'une émission où ils discutaient de l'école et des émeutes en banlieue parisienne, Bégaudeau était, non seulement clairement imbu de lui-même la bouche en cul de poule et le sourire narquois, mais également glaçant de mépris envers Finkielkraut. Il est vrai que M. Bégaudeau est de gauche.





L'autoritarisme étatique force les parents à contourner l'abus de pouvoir de l'État qui s'immisce dans l'éducation morale et religieuse

Lettre ouverte de Gérard Lévesque de Lévis.

Les principaux instigateurs du programme d'éthique et de culture religieuse (ECR) ne pouvaient pas ne pas réagir promptement à l'indignation que soulève un effet fort malheureux de ce programme. Comme le révélait Michel David dans sa chronique de samedi dernier intitulé La laïcité à deux vitesses, les élèves dont les parents peuvent financièrement les inscrire à l'école privée pourront continuer d'y recevoir un enseignement religieux confessionnel alors que les élèves fréquentant l'école publique ne pourront dorénavant bénéficier d'un tel enseignement.

Pour sauver la face de son programme, Jean-Pierre Proulx, dans son article [publié dans le Devoir] mercredi 3 juin intitulé Éviter la confusion et les impasses, propose comme solution, à la stupéfaction générale, rien de moins que la promotion de l'école privée en suggérant que les parents à faible revenu bénéficient de mesures fiscales pour pouvoir inscrire eux aussi leur enfant à l'école privée !

Que conclure de ce cercle vicieux ? Ce que Bock-Côté disait du Québec à partir de la pensée de Marcuse dans Le Devoir de philo du 3 juin dernier : de soi-disant intellectuels, coupés de la réalité et du sens commun du monde ordinaire, ont conçu un programme scolaire au mépris de la volonté légitime des parents qui tiennent à ce que l'école transmette à leur enfant un enseignement religieux confessionnel. L'autoritarisme étatique qui impose ce programme a pour effet que les parents cherchent des moyens de contourner cet abus de pouvoir de l'État qui s'immisce jusque dans les contenus religieux, en violation du principe de la séparation des Églises et de l'État. Alors d'aucuns suggèrent encore plus d'autoritarisme en conseillant à l'État d'interdire aux écoles privées l'enseignement confessionnel. Pour leur part, des auteurs du programme proposent des solutions tout aussi farfelues.

Il est grand temps que la ministre Courchesne impose le holà à ce programme !