Extraits d'un article de La Presse du 9 juillet 2014.
Gong Chen, 14 ans, est arrivé à Montréal en juillet 2012. Il est venu rejoindre son père, Yi Chen, qui avait immigré au Canada deux ans plus tôt. L'adolescent ne parlait pas un traître mot de français. Dès son arrivée, Gong Chen s'est mis au travail. Le jour, il fréquentait une classe d'accueil. Le jeudi soir et le samedi, un tuteur lui donnait des leçons de français pendant trois heures. Et le dimanche, il terminait sa semaine avec un dernier cours de français dans une école de tutorat privée. Aujourd'hui, à peine deux ans plus tard, Gong Chen se débrouille bien en français. Assez, du moins, pour avoir réussi l'examen d'admission au Collège Notre-Dame, où il vient de terminer sa deuxième secondaire.
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Cette « meilleure éducation », la communauté chinoise de Montréal la cherche souvent dans les collèges privés réputés et les écoles publiques sélectives. Dans certains établissements, le nombre d'élèves de langue maternelle chinoise (mandarin et cantonais) a explosé depuis dix ans.
C'est particulièrement vrai au Collège Jean-de-Brébeuf, à Côte-des-Neiges. En 2002-2003, 3 % des quelque 850 élèves avaient le cantonais ou le mandarin comme langue maternelle. Cette année, plus d'un élève sur cinq parle une langue chinoise à la maison, une proportion largement supérieure à ce que l'on retrouve dans les quartiers avoisinants (1 % à 2 % environ).
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Les élèves de langue maternelle chinoise sont aussi beaucoup plus nombreux au Collège Jean-Eudes, au Collège Regina Assumpta et au Pensionnat du Saint-Nom-de-Marie, entre autres. À l'École d'éducation internationale de Montréal, à Westmount, les sinophones sont désormais plus nombreux que les francophones.
Les écoles publiques délaissées
À l'opposé, le réseau public à Montréal a vu sa clientèle chinoise fondre de 25 % depuis dix ans, selon les données du Comité de gestion de la taxe scolaire de l'île de Montréal.
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D'abord, au secondaire, il y a un mouvement général de la population du public au privé: les écoles publiques montréalaises ont perdu 8 % de leur clientèle en dix ans. Les jeunes d'origine chinoise sont aussi plus nombreux qu'il y a dix ans (hausse de 36 % des 0 à 14 ans). Enfin, les écoles de tutorat sont plus connues de la communauté chinoise, et les nouveaux arrivants de Chine sont plus fortunés et peut-être mieux renseignés qu'avant.
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Sacrifices et valorisation de l'instruction
Comme Yi Chen, qui a laissé derrière lui ses proches et son emploi, plusieurs membres de la communauté chinoise sont prêts à faire d'énormes sacrifices pour assurer une bonne éducation à leurs enfants.
« En Chine, on dit que, si on n'a pas d'argent, on doit vendre sa casserole pour se payer une éducation, souligne Bradley Zhao, directeur du Collège Élite, une école de tutorat dont 70 % de la clientèle est d'origine chinoise. Ce sont des traditions qui datent de milliers d'années. »
Plusieurs immigrants chinois inscrivent leurs enfants dans des écoles de tutorat, le samedi ou le dimanche. Les enfants y étudient les mathématiques, l'anglais, le mandarin... Au Québec, loi 101 oblige, les cours de français sont particulièrement demandés.
« Au Québec, les enfants doivent parler un très bon français, pour leur pays et pour eux-mêmes, souligne Bradley Zhao. Plus tard, ils ne pourront pas seulement parler chinois au travail ! »
Augmentation chiffrée
(nombre d'élèves chinois dans quelques écoles montréalaises)
Collège Jean-Eudes: de 5 à 223
Collège Regina Assumpta: de 30 à 211
Pensionnat du Saint-Nom-de-Marie: de 16 à 111
Collège Jean de la Mennais (La Prairie): de 49 à 164
École d'éducation internationale de Montréal: de 104 à 177
Source: MELS
3 % des jeunes de moins de 15 ans à Montréal sont d'origine chinoise, selon le recensement de 2011 de Statistique Canada.
Aux États-Unis
Aux États-Unis, les élèves asiatiques ont de meilleures notes que les Blancs. Ils ont aussi plus de chances d'obtenir leur diplôme d'études secondaires et de fréquenter les meilleurs collèges. Pourquoi? La réponse se trouve dans la culture des Asiatiques et dans leur statut d'immigrants, selon l'étude
Explaining Asian Americans' Academic Advantage Over Whites, publiée ce printemps par les professeurs de sociologie américains Amy Hsin et Yu Xie. Voici quelques éléments-clés de l'étude et les observations d'une directrice et d'enseignants de trois collèges privés montréalais prisés par la clientèle chinoise.
L'effort mène à la réussite
Contrairement aux Blancs, les Asiatiques ne pensent pas que les aptitudes cognitives sont innées: à leurs yeux, c'est en travaillant fort qu'on les développe. Cette croyance incite les parents asiatiques, toutes origines confondues, à pousser leurs enfants au maximum. « Pour les parents asiatiques, l'éducation est très, très valorisée, constate Nancy Desbiens, directrice du Collège Jean-Eudes, où le cinquième des élèves est asiatique. Pour eux, c'est important que leurs jeunes fréquentent une école privée ou une école internationale. »
Des familles unies
Les familles asiatiques sont très unies. Les parents peuvent donc transmettre facilement à leurs enfants leurs valeurs de travail et leurs attentes envers eux. La société environnante hédoniste a moins d'influence que dans les familles assimilées à la société nord-américaine. Les enfants aussi ont des attentes élevées envers eux-mêmes. Selon un enseignant interrogé par La Presse, les élèves chinois profitent de leur temps libre pour prendre de l'avance. « J'ai déjà vu une étudiante lire le dictionnaire entre les cours pour apprendre de nouveaux mots. »
Immigrants... et optimistes!
Les Asiatiques qui immigrent en Occident ont la conviction qu'ils pourront saisir des opportunités dans leur pays d'accueil, soulignent Amy Hsin et Yu Xie, dans leur étude. La décision d'immigrer témoigne donc d'un certain optimisme envers l'avenir, optimisme qui se reflète sur les bancs d'école. Comme ils ont peu de ressources dans leur pays d'adoption, les immigrants asiatiques considèrent l'éducation comme la façon la plus efficace de gravir les échelons sociaux.
Très exigeants envers eux-mêmes
Cette culture de performance a un prix: les Américains d'origine asiatique ont une perception d'eux-mêmes moins positive que leurs compatriotes blancs, rapporte l'étude d'Amy Hsin et Yu Xie. Ils ont des attentes très élevées envers eux-mêmes parce qu'ils se comparent aux modèles de réussite extrême de leur communauté. « Les élèves asiatiques font plus de griefs sur leurs notes, ils nous demandent pourquoi ils n'ont pas eu la note maximale, souligne l'enseignant. De temps en temps, ils craquent. J'ai vu des filles pleurer parce qu'elles avaient 70 %, 75 %. » Toujours selon l'étude, les jeunes d'origine chinoise passent moins de temps avec leurs pairs.
L'assimilation de la 3e génération
Au fil des générations, les enfants asiatiques assimilent les normes et la culture américaines... et aussi leurs (médiocres ?) habitudes scolaires. À partir de la troisième génération, lit-on dans l'étude, les enfants asiatiques ne sont pas plus performants que les autres à l'école.
Voir aussi
L'exode scolaire blanc en Californie
Controverse autour d'un article sur l'éducation « à la chinoise »
Chine — les écoles familiales, un traditionalisme éducatif
PISA 2012 : Canada et Québec perdent des plumes, Asie en tête, net recul de la Finlande
Anglais interdit dans les textes chinois (sauf exceptions avec traduction)
La Chine oblige les enfants à rendre visite à leurs vieux parents