lundi 10 septembre 2018

France — « Noircissement » de photo de classe pour promouvoir l'école aux États-Unis

Cela peut s’appeler du « noircissement » : mettre en avant la diversité d’un établissement, quitte à tricher, à des fins de publicité. Sur une photo de classe de la prestigieuse école de dessin lyonnaise Emile-Cohl, des étudiants noirs ont été ajoutés parmi les élèves, grâce à un montage. L’établissement, qui reconnaît que la photo a été retouchée, met en cause l’agence de communication chargée de réaliser le site internet de promotion de l’école aux États-Unis.



Interrogé par l’AFP, un porte-parole de l’école dément « toute intention de manipuler la réalité » sur cette photographie, où la peau de certains élèves a été foncée, tandis que des étudiants noirs ont carrément été ajoutés. Selon lui, ces retouches « grossières » ont été apportées par l’agence de communication américaine à laquelle l’école Émile-Cohl a confié la création d’un site internet destiné à la faire connaître auprès des studios d’animation américains et à trouver des financements.

Réalité


Après « métissage »


Noircissements (cerclés)


Pour alimenter ce site, mis en ligne la semaine dernière, « on leur a fourni des photos de travaux tirés de notre base iconographique, ainsi que cette photo de famille réalisée avec des étudiants de première année », a ajouté le porte-parole, déplorant les accusations dont l’école fait l’objet sur les réseaux sociaux. Ce sont des étudiants qui ont découvert la manipulation. Depuis, l’école a suspendu l’accès au site internet et rompu son contrat avec son prestataire, tout en présentant ses excuses aux personnes concernées par les modifications apportées à la photographie.


Nous sommes une école qui valorise la diversité

Sur son site internet américain (désormais à nouveau en construction), l’école clamait :
We visualize Art Education that promotes diversity as advocates for artists who harness immense skill and dedication, no matter their race, gender, religion or financial circumstances.

Soit en français
Nous visualisons l’éducation artistique qui promeut la diversité en défendant les artistes qui rassemblent des compétences et un dévouement immenses, peu importe leur race, leur sexe, leur religion ou leur situation financière.



Danemark : La forêt, c'est la classe !

Au Danemark, de nombreux enfants vont à l’école au milieu des bois : 20 % des classes de maternelles offrent un enseignement au cœur de la nature. Été comme hiver, les enfants sont dehors, coupent du bois et grimpent aux arbres.



Pas besoin de permission pour grimper aux arbres, l’école des ces petits Danois se déroule au milieu des bois. Une tradition au Danemark. Deux maternelles sur dix font classe dans la forêt. Dans une de ces écoles, on déchiffre l’alphabet, mais entourés de nature. 9 heures, les lutins sont déjà à pied d’œuvre : les enfants enlèvent les écorces pour réparer le bac à sable. « C’est une vraie scierie » s’exclame le directeur de l’école. L’un des enfants enlève même les écorces avec un couteau, instrument qu’il a pu obtenir grâce à la confiance de son instituteur.

Au détour des bois, perchés à 6 mètres de haut, des lutins de 4 ans

Ici, plus on prouve qu’on est adroit, plus on a accès à des outils de grands, comme les scies. Prévenir le danger, apprendre la confiance en soi, pour tout cela, la forêt est un terrain de jeu idéal. Au détour des bois, perchés à 6 mètres de haut, on peut apercevoir des enfants de 4 ans. En 27 ans, le directeur dit n’avoir jamais eu aucun accident avec ses élèves, à l’exception d’un bras cassé. Ils sont libres, mais sous surveillance, c’est justement c’est ça qui plait aux parents. Des maternelles dans la nature, le Danemark en compte plus de 700. Le concept s’exporte, car des maternelles inspirées de ce modèle existent en Allemagne et jusqu’en Australie.

Mauvaise note pour le ministère de l'Éducation du Québec

Marc-Nicolas Kobrynsky est diplômé de HÉC Montréal et titulaire d’une maîtrise en gestion de la London School of Economics. Il compte 15 années d’expérience de consultation en stratégie de gestion dans le secteur privé. L’étude qu’il a menée à titre bénévole pour créer le bulletin de performance des ministères de L’Actualité est non partisane et n’a bénéficié d’aucun financement public ou privé. Il est l’auteur de la première édition du bulletin, publiée en octobre 2017, et tient un blogue à Lactualite.com. Depuis avril 2018, il travaille pour PricewaterhouseCoopers à Montréal.

Pour Marc-Nicolas Kobrynsky, des ministères névralgiques pour l’avenir du Québec, comme l’Environnement et l’Éducation, sont en queue de peloton dans le classement de la performance des ministères québécois qu’il a rédigé pour le magazine L’Actualité. Le Conseil exécutif, le puissant ministère du premier ministre, est avant-dernier. Celui de la Justice, épinglé l’an passé dans notre bulletin, reste problématique. Certains plans stratégiques sont si faibles qu’il est permis de se demander si ces ministères comprennent leur mission, assène Marc-Nicolas Kobrynsky. Par exemple, le ministère de la Famille, doté d’un budget de 2,5 milliards $, souhaite visiter 250 CPE sur les 1 562 que compte le Québec afin de vérifier la qualité des installations… mais n’a pas de mesures quantifiables concernant la qualité. Et le nombre de places à créer pour combler les besoins, présent dans le précédent plan du Ministère, a disparu. Autre exemple : le ministère du Tourisme n’a aucune cible liée aux retombées économiques du tourisme, au nombre de visiteurs visés ou à leur satisfaction. « Comment est-ce possible, alors que c’est le cœur du Ministère ? » demande notre chercheur. Encore cette année, trop d’objectifs concernent les processus internes, et non l’atteinte de résultats concrets pour la population. « Les ministères doivent arrêter de mesurer leurs efforts. Mettre en place un programme ne devrait pas être un objectif. C’est l’incidence de ce programme sur les gens qu’il faut mesurer pour savoir s’il mérite l’argent qu’on y investit », explique Marc-Nicolas Kobrynsky. Les cibles de qualité, dites « d’impact », qui visent à mesurer l’effet des politiques publiques, ne représentent que 38 % du total de celles fixées par les ministères. Ça se dégrade, puisqu’en 2017 c’était 44 %. Le Québec, de manière générale, demeure à la traîne en ce qui a trait à la gestion axée sur les résultats.

Le ministère de l’Éducation refuse de calculer le taux de diplomation au secondaire sur cinq ans, soit la durée d’un parcours normal, comme ailleurs au Canada. Il préfère plutôt une donnée sur sept ans, afin d’inclure les raccrocheurs, ce qui embellit les chiffres.

Le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES) échoue sèchement à son examen de performance. Les réactions d’Égide Royer, figure respectée du monde de l’éducation, et de Martin Maltais, sommité en matière de gouvernance de l’éducation. Demandez à n’importe quel passant dans la rue ce qui cloche par rapport au système d’éducation du Québec, et il vous répondra, dans le désordre : « qualité de l’enseignement dans les écoles publiques », « épuisement des profs », « augmentation des enfants en difficulté d’apprentissage » ou « persévérance des garçons ». Et pourtant, le nouveau plan stratégique du ministère de l’Éducation, le document qui guide le réseau, ne contient aucun objectif chiffré et mesurable à atteindre dans ces domaines. Figure respectée du monde de l’éducation, Égide Royer a été découragé par la lecture de ce plan, dévoilé en mars dernier. « Pour gérer un ministère, il faut des objectifs et des indicateurs clairs. On dirait qu’il n’y a personne dans le cockpit du Ministère. Faire sourire un enfant à l’école, ce n’est pas un objectif ! » lance, sarcastique, ce psychologue et professeur d’adaptation scolaire à l’Université Laval. Ce spécialiste des enfants ayant des difficultés d’apprentissage se demande entre autres pourquoi le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES), qui dépense 2,5 milliards $ par année pour aider les jeunes au parcours rempli d’obstacles, n’a aucun objectif pour tenter d’améliorer leur taux de diplomation au secondaire, qui est de 33 %, le pire en Amérique du Nord — où la moyenne pour les enfants en difficulté est de 60 %. Ils sont pourtant 200 000 dans cette situation au Québec, soit un élève sur cinq. « Il faudrait être capable de détecter ceux qui ont des difficultés de lecture avant Noël lors de la première année du primaire, pour savoir qui a besoin d’aide. L’Ontario est capable de le faire, pourquoi pas nous ? » En lisant le plan d’action 2017-2022 du deuxième ministère du Québec en importance, qui dépense 19,3 milliards $ pour instruire la prochaine génération de citoyens, Martin Maltais, sommité en matière de gouvernance de l’éducation au Québec et professeur de financement et politiques d’éducation à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), admet avoir été « en état de choc ». « C’est rempli de vœux pieux et de phrases creuses. Il faudrait arrêter de dire que l’éducation est une priorité et commencer à s’en occuper », affirme-t-il d’une voix tremblante de frustration au bout du fil.


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Tous les acteurs du réseau de l’éducation interrogés par L’actualité à propos du nouveau plan stratégique du MEES ont exprimé une émotion qui va de la colère au découragement. De manière générale, le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur échoue sèchement à son examen de performance, puisque seuls 33 % des indicateurs sur les 95 de son plan stratégique sont jugés de qualité et mesurables, selon l’évaluation de l’auteur du bulletin des ministères de L’Actualité, Marc-Nicolas Kobrynsky. Et ça se détériore, car dans le plan précédent, cette proportion était de 40 %. « Le Ministère a essayé de faire oublier l’absence de qualité par la quantité d’indicateurs. C’est un fourre-tout confus qui manque de direction. » Ce n’est pourtant pas parce que les bonzes du Ministère n’ont pas eu le temps d’y voir. Le précédent plan stratégique datait de 2008 et se terminait en 2013. Pendant quatre ans, ce ministère névralgique a fonctionné dans le brouillard, sans plan mis à jour, sous prétexte que la Politique de la réussite éducative était en préparation et qu’il fallait attendre ses conclusions avant de définir les actions.

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Malgré plusieurs demandes, le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, ne nous a pas accordé d’entretien. Et son ministère a dit être incapable de trouver un haut fonctionnaire pour expliquer et défendre le plan stratégique en entrevue. [...]

D’autant plus que le financement de l’éducation au Québec n’explique pas les insuccès de la province en ce qui a trait au taux de diplomation au secondaire. Le Québec dépense autant par élève que des pays pourtant réputés pour avoir un bon système d’éducation, comme la Finlande, le Japon ou la Corée du Sud. Mesurée sur un parcours scolaire normal de cinq ans dans le réseau public, la diplomation au secondaire du Québec présente de loin le pire bilan du Canada — 64 %, contre 79 % ailleurs au pays. Dans un rapport coup-de-poing publié en avril dernier, l’Institut du Québec — créé par le Conference Board du Canada et HÉC Montréal — notait que les efforts de financement au Québec et en Ontario ont pourtant été semblables depuis une décennie. Mais pendant que le nombre de jeunes qui sortent avec un diplôme d’études secondaires en poche au bout de cinq ans stagne au Québec, il a progressé de 12 points de pourcentage chez le voisin ontarien. « Nous avons un problème de performance, pas de budget », explique Mia Homsy, directrice de l’Institut du Québec, qui estime que le plan stratégique du ministère de l’Éducation est une occasion ratée de corriger le tir. « Investir davantage sans modifier nos façons de faire, sans analyser ce qui fonctionne, risque de ne rien changer. On ne mesure rien ! Pourquoi nos enfants en difficulté obtiennent-ils deux fois moins de diplômes qu’ailleurs en Amérique du Nord ? Pourquoi on n’évalue pas l’efficacité de nos programmes ? Le Ministère a des réflexes défensifs, il ne veut pas être critiqué. » Martin Maltais s’enflamme lorsqu’il parle de l’absence de mesures qui visent les jeunes autochtones dans le plan stratégique du Ministère. À peine 8 % des enfants des Premières Nations au Québec terminent leur parcours secondaire dans le délai normal de cinq ans. Un chiffre en baisse de moitié depuis 10 ans. « Comment ça se fait que ce ne soit pas un scandale ? Pourquoi ça baisse ? Et pourquoi ce n’est pas un objectif de corriger ça ? » lance-t-il, mécontent.


En ce qui concerne la réduction de la taille des classes, le MEES a simplement décidé de balayer la vérité sous le tapis. Le Ministère a jugé que le nombre d’élèves par classe, réduit en 2013, était une affaire classée. Depuis, il a cessé de mesurer cette donnée. Aucun objectif n’y est d’ailleurs associé dans le nouveau plan 2017-22. Or, une série de demandes d’accès à l’information effectuées par L’Actualité dans les 10 plus grandes commissions scolaires du Québec montrent que le rapport élèves-maître n’est pas respecté. Les dérogations pour permettre un nombre plus important d’élèves par classe se comptent par centaines, ce qui force les commissions scolaires à payer d’importantes compensations aux enseignants en situation de surcharge de travail. Uniquement pour la commission scolaire Marie-Victorin, au sud de Montréal, la somme a dépassé le million de dollars en 2015-16.

[Note du carnet : ici on s’attendrait d’abord à un regard critique sur la réduction de la taille des classes. On comprend que c’est une mesure demandée par les syndicats. Mais est-ce que cette mesure très coûteuse est vraiment efficace ? Voir la stratégie adoptée par Singapour à ce sujet et ce qu’en pensait le président français Pompidou. Considérer aussi ce qui se passe en France avec le dédoublement des classes au début du primaire dans les banlieues immigrées alors que le ministère peine à recruter.]

 Par courriel, une porte-parole du ministère de l’Éducation, Esther Chouinard, a déclaré que la « diminution progressive du nombre d’élèves par classe s’est terminée en 2013 avec l’atteinte de la cible prévue », sans toutefois répondre à nos interrogations sur les nombreuses dérogations. Parfois, c’est l’absence de données pourtant simples qui freine le MEES. Par exemple, le Ministère n’a aucun portrait clair du nombre d’enseignants qui prendront leur retraite dans les prochaines années, et n’a donc rien inscrit à son plan stratégique pour tenter de recruter davantage ou de maintenir plus longtemps en poste des enseignants ou des cadres. Le Ministère n’a aucun objectif chiffré en ce qui a trait à la formation continue des enseignants. Il n’y a aucun indicateur concernant le personnel de soutien, comme les orthopédagogues ou les spécialistes en adaptation scolaire, qui serait requis pour répondre aux besoins. Rien non plus sur la qualité de la formation pour les directions d’école, même si c’est leur leadership auprès des professeurs et des élèves qui contribue à améliorer le milieu scolaire des enfants, déplore Martin Maltais. Un point qui le concerne directement, lui qui est également responsable du diplôme d’études supérieures spécialisées en administration scolaire à l’UQAR, une formation offerte aux directeurs d’écoles primaires et secondaires. Des enjeux qui animent le débat public depuis des années ne trouvent aucun écho dans le document phare du MEES. Un garçon sur deux qui fréquente l’école secondaire publique au Québec ne réussira pas à obtenir son diplôme en cinq ans. Un écart de 25 points de pourcentage comparativement aux garçons de l’Ontario ! Le plan stratégique aborde la réduction de l’écart de diplomation entre les garçons et les filles, sans toutefois mesurer expressément le parcours des garçons. Aucune cible à atteindre non plus pour ce qui est du nombre d’enseignants masculins au primaire ni pour valoriser leur recrutement par des campagnes particulières. « L’écart entre le discours et les actions est immense, affirme Martin Maltais. On est assailli par le politiquement correct. Il est temps de se relever les manches et ça commence par un ministère qui accepte de revoir son plan stratégique pour ne pas perdre cinq autres années. »

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[L]e Ministère ne vise pas à améliorer le taux de diplomation au cégep, alors qu’à peine 63 % des étudiants terminent leur cheminement technique ou préuniversitaire en moins de cinq ans — ce qui est déjà au moins deux ans de plus que la durée prévue. Le MEES n’a pas davantage d’indicateurs pour augmenter la fréquentation, même si seulement 68 % des jeunes Québécois entrent au collégial après leur secondaire. « C’est un drame, parce que l’an dernier, 81 % des emplois disponibles au Québec exigeaient un diplôme d’études collégiales ou plus. Pourtant, le Ministère ne s’en préoccupe pas dans son plan d’action », constate Bernard Tremblay [, président-directeur général de la Fédération des cégeps]. C’est tout aussi mince dans le domaine universitaire, alors que le MEES n’a aucun objectif pour augmenter la qualité de l’enseignement ou le taux de diplomation, même si le décrochage universitaire touche un étudiant sur trois au Québec — la pire performance au pays. Les abandons sont particulièrement élevés dans les universités hors des grands centres, comme Trois-Rivières et Rimouski, qui comptent sur leurs établissements pour retenir une main-d’œuvre qualifiée. Aucun des indicateurs postsecondaires du plan stratégique n’est notable, déplore l’auteur du bulletin des ministères de L’Actualité, Marc-Nicolas Kobrynsky, qui a passé des heures à analyser le document de référence du MEES. Le PDG de la Fédération des cégeps, pour sa part, résume sa pensée en une phrase : « On parle plus de sports et de loisirs dans ce plan que d’enseignement supérieur », s’enflamme Bernard Tremblay.

Source : L’Actualité

Singapour — Il est permis de copier

Lorsque l’île de Singapour est devenue un État indépendant en 1965, elle comptait peu d’amis et encore moins de ressources naturelles. Comment est-elle devenue l’un des plus grands centres commerciaux et financiers au monde ? Lee Kuan Yew, son premier Premier ministre, a expliqué que la stratégie consistait à « développer la seule ressource naturelle disponible de Singapour : ses habitants ».

Selon The Economist de Londres, aujourd’hui, le système éducatif de Singapour est considéré comme le meilleur au monde. Le pays se classe toujours en tête du Programme de l’OCDE pour l’évaluation des élèves (PISA), une série de tests que des élèves de 15 ans issus de dizaines de pays passent tous les trois ans dans trois matières : les mathématiques, la lecture et les sciences. Les élèves singapouriens ont environ trois ans d’avance sur leurs pairs américains en mathématiques. Singapour réussit tout aussi dans les examens auxquels sont soumis des enfants plus jeunes et les diplômés de ses meilleures écoles se retrouvent dans les meilleures universités du monde.

L’île État peut en apprendre à plus d’un titre au reste du monde. Mais les autres pays sont des élèves récalcitrants. Une des raisons qui explique cette réticence : Singapour privilégie la pédagogie traditionnelle où les enseignants donnent un cours magistral face à leur classe. Cela contraste avec la préférence de nombreux réformateurs qui privilégie un enseignement plus souple, plus « progressiste » dont le but est d’apprendre aux enfants à apprendre par eux-mêmes. Bien que les études internationales donnent à penser que l’enseignement magistral (« l’instruction directe ») est, en effet, un bon moyen de transmettre des connaissances, ses détracteurs soutiennent que la méthode de Singapour consiste à « bûcher et tuer » et qu’il produit de malheureux matheux sans imagination. Les parents s’inquiètent du stress que le système impose à leurs enfants et à eux-mêmes alors qu’ils convoient leurs enfants à des cours particuliers.

Pourtant, le cas de Singapour démontre qu’être premier de classe ne signifie pas avoir de mauvaises compétences interpersonnelles. En effet, en 2015, les étudiants singapouriens ont également obtenu la première place dans un nouveau classement PISA conçu pour observer comment les élèves collaborent pour résoudre des problèmes. Singapour a obtenu des résultats en collaboration qui surpassaient ses excellents résultats en lecture et en sciences. Les élèves singapouriens se sont également déclarés heureux, plus que les élèves en Finlande, par exemple, un pays que les pédagogues présentent souvent (pour les mauvaises raisons selon Nathalie Bulle) comme une façon d’obtenir des résultats exceptionnels avec des méthodes plus « affectueuses » d’enseignement. Non contente de ses réalisations, Singapour introduit actuellement des réformes pour améliorer la créativité et réduire le stress à l’école. Ce n’est pas un signe d’échec, mais plutôt le résultat d’une recherche constante et graduelle d’amélioration fondée sur des données probantes. C’est la première des trois leçons du Singapour au reste du monde.

Là où d’autres pays procèdent souvent à des réformes fragmentaires et non coordonnées, Singapour essaie de considérer le système dans son ensemble. Il investit beaucoup dans la recherche en éducation. Toutes les réformes sont éprouvées, les résultats sont suivis avec diligence avant que les réformes proposées ne soient généralisées. Une attention particulière est portée à la manière dont les nouvelles idées et résultats devraient être appliqués dans les écoles. Des manuels, des cahiers d’exercices et des exemples pratiques sont élaborés avec soin — des pratiques souvent considérées comme désuètes en Occident.

La deuxième leçon consisterait à adopter la méthode d’enseignement particulière de Singapour, notamment en mathématiques, comme le font déjà les États-Unis d’Amérique et l’Angleterre dans une certaine mesure. Elle met l’accent sur un programme moins ambitieux, mais plus approfondi et vise à ce que toute une classe progresse. Les élèves en difficulté doivent participer à des séances supplémentaires pour les aider à suivre le rythme ; et même les moins doués ont d’assez bons résultats. Une analyse menée en 2016 en Angleterre a montré que l’approche singapourienne avait amélioré les résultats, même si elle était quelque peu diluée dans son application anglaise.

La troisième leçon, la plus importante, est de privilégier la formation d’excellents enseignants. À Singapour, ils suivent 100 heures de formation par an pour se tenir au courant des dernières techniques. Le gouvernement les paie bien aussi. Il accepte la nécessité de classes plus importantes (la moyenne est de 36 élèves contre 24 dans l’ensemble de l’OCDE et 12 dans les classes dédoublées des banlieues immigrées en France). Car mieux vaut avoir de grandes classes données par d’excellents enseignants que de plus petites aux mains de médiocres. Les enseignants qui cherchent de l’avancement sans devenir directeurs d’école peuvent devenir de « maîtres enseignants », responsables de la formation de leurs collègues. Les meilleurs enseignants obtiennent des affectations au ministère de l’Éducation et des primes importantes. Dans l’ensemble, les enseignants sont payés à peu près comme les diplômés dans le secteur privé. Les enseignants sont également soumis à de rigoureuses évaluations de performance annuelles.

Le système singapourien n’est pas exempt de reproches. D’autres pays souhaiteraient peut-être éviter de diriger les élèves les moins performants vers des écoles séparées à partir de 12 ans. Les avantages de cette pratique ne sont pas prouvés et cela contribue au stress des examens. La taille de Singapour permet en outre un degré de centralisation inhabituel. Le directeur général du ministère de l’Éducation dit connaître personnellement plus de 80 % des directeurs d’école, ce qui facilite la surveillance de ce qui se passe.

Ajoutons, que comme ailleurs en Asie, l'investissement massif des parents dans l'éducation de leur progéniture semble mener à un singulier effondrement de la natalité. Ce paradis économique d’Asie du Sud-Est affiche l’un des pires taux de fécondité au monde. Bonus financiers, cadeaux, chansons pour émoustiller les esprits... mais plus rien ne donne envie d’être parent.


Voir aussi

« Promotion de l’homosexualité » — retrait de livres pour enfants à Singapour

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Enseigner les mathématiques, la méthode Singapour

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Baisse inquiétante du QI en Occident, selon plusieurs études et L’inquiétant recul du quotient intellectuel

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