Carnet voué à la promotion d'une véritable liberté scolaire au Québec, pour une diversité de programmes, pour une plus grande concurrence dans l'enseignement.
Article intéressant paru dans Le Soleil, malgré le laïus sur la femme qui ne pouvait rester qu’à la maison et les poncifs habituels très modernes sur les Indiens caricaturés à l’époque qu’on aurait même appelés les « bourreaux » si on en croit la journaliste. Extraits.
« Autrefois, mon pays était tout couvert de forêt. Il y avait des Indiens dans la forêt. Des Indiens qui se faisaient souvent la guerre. Un jour, la Robe-Noire est venue convertir les Indiens. »
Ainsi commence le livre d’histoire des élèves de 3e année.
Nous sommes en 1952.
[…]
L’amour des manuels scolaires, c’est Jean. « J’ai toujours été un grand amoureux des livres, j’avais gardé mes livres d’école. » Mais il en manquait, entre autres le livre d’histoire où Jean était convaincu d’avoir lu que lors de la messe célébrée pour la fondation de Montréal, la lampe du sanctuaire était illuminée de mouches à feu [lucioles, vers luisants].
« Un jour, je faisais une visite à domicile chez Mme Jacques et j’ai remarqué à l’entrée une boîte de livres. Je lui ai demandé “qu’est-ce que c’est ?”, elle m’a répondu “c’est pour jeter”. C’était rempli de manuels scolaires. » Mme Jacques, Clara Deblois de son nom de jeune fille, avait été institutrice.
Elle se départissait des livres avec lesquels elle avait enseigné et de ceux-là, le manuel d’histoire de 3e année que cherchait Jean. Page 35, ce fameux passage sur la messe célébrée en présence de Jeanne Mance et de Paul de Chomedey de Maisonneuve. « Comme lampe du sanctuaire, on met des mouches à feu… dans une bouteille. »
Jean était content.
[…]
« Les manuels scolaires, c’est tout un monde, c’est comme avoir le Polaroïd de toute une époque. » Une époque où la place de la femme était à la maison, les filles l’apprenaient très tôt avec le manuel Louise et sa maman. Dans l’édition de 1953 pour les 4e et 5e années, on fait dans la grandiloquence. « Vous deviendrez ainsi la force et la gloire de votre pays, tous comme vos grands-mères et vos arrière-grands-mères l’ont été. »
[Faire des enfants, peupler, bâtir et renforcer son pays, quelle horreur ! N’est-il pas mieux de rester stérile, faire venir des masses d’immigrants de cultures diverses qui ne s’assimilent pas et de disparaître lentement en tant que peuple ? Voilà le progrès !]
Tant que votre mari est heureux.
« On voit qu’il y avait une cohérence, une cohérence qui était une vision commune de la société. Les livres se parlaient, l’école offrait l’ensemble des connaissances pour être un bon citoyen, un bon catholique, pour être un bon Canadien français. Il y avait un souci de donner une formation complète, mais avec ses biais. Il y a une vision commune qui se dégage, par rapport aux autochtones notamment. »
Et c’est là que le Polaroïd nous montre le contraste le plus vif, avec ceux qu’on appelait les « Indiens », les « sauvages », même les « bourreaux » [pas tous évidemment !] dont on apprenait tôt qu’il fallait se méfier, qu’ils étaient donc chanceux que nous soyons là pour leur enseigner l’amour de Dieu et les bonnes manières. Voyez, dans un manuel de géographie : « La race rouge ou américaine a le teint cuivré ; elle peuplait notre continent, mais elle disparaît peu à peu et se confond avec la race blanche en prenant ses habitudes. »
Mais il n’y avait pas que cet obscurantisme […] dans les manuels scolaires, les enfants apprenaient très tôt les bonnes manières et le civisme. « On devrait ressortir ça », blague Mario en ne blaguant pas tant que ça. Dans le Manuel de bienséance de 1957 pour les élèves de 6e et 7e année, il est écrit ceci : « Être poli, ce n’est pas seulement apprendre des formules de politesse par cœur, c’est se mettre à la place des autres pour deviner et mettre en pratique ce qui peut leur être agréable. »
Ça s’est perdu en chemin.
Les institutrices apprenaient aussi aux enfants à « être serviables », à « prendre soin des personnes âgées », à « combattre l’égoïsme », à « se servir du cure-dent », à « rendre service », à « être bon perdant », à « être affable et bon » et — j’aime particulièrement celle-là — à « ne pas critiquer le menu ».
On apprenait les chansons traditionnelles, ce qui fait que tout le monde pouvait chanter ensemble.
On a perdu ça aussi.
Aussi, dès la première année, on enseignait aux enfants les règles d’hygiène avec le manuel La santé source de joie, qui disait qu’il fallait boire de l’eau, se laver les mains, qu’il ne fallait pas mettre de crayon dans sa bouche et qu’il fallait avaler de l’huile de foie de morue pour faire le plein de vitamine D.
Encore aujourd’hui, la vitamine D reste une des meilleures façons de renforcer son système immunitaire.
Il ne fallait pas attendre au secondaire avant de recevoir ses premières leçons de comptabilité, question de savoir tenir un budget. « C’était pour les artisans, pour les petits commerçants, pas pour les grands entrepreneurs. » […]
Mais comme le Canadien français avait de bonnes chances de passer sa vie à cultiver sa terre [en 1950 c’est faux, la grande majorité des Canadiens français étaient déjà urbanisés, voir illustration ci-dessous], mieux valait lui enseigner tôt l’art de faire pousser des carottes et de traire une vache. La femme de l’agriculteur n’est pas en reste. Dans le manuel d’agriculture des 6e et 7e années, on l’avise qu’elle « doit être en mesure de soutenir et de seconder moralement son époux dans son travail. »
On la prévient aussi des tentations de la vie urbaine. « La femme est très souvent responsable du départ de certaines familles d’agriculteurs vers les villes ».
Bonjour la culpabilité.
[L’auteur n’explique pas pourquoi la ville était mal considérée. Les villes, Montréal, Sherbrooke ou Hull anglicisent. C’est un lieu de plus grand anonymat, de moindre solidarité et souvent de moindre religiosité. L’urbanisation s’accompagne également d’une baisse observée de la natalité : des enfants cela coûte cher à loger en ville et ils n’y travaillent pas comme à la campagne, aucune corvée rentable à leur portée.]
Évidemment, tout ce corpus est recouvert de l’épais vernis de l’église catholique qui régnait sans partage sur le Québec de l’époque.
Les manuels sont l’œuvre de congrégations religieuses, entre autres les Frères maristes et les Frères du Sacré-Cœur, qui ne ratent pas une occasion de rappeler que Dieu est bon.
La semaine avant que je passe, Jean et Mario étaient allés chercher d’autres manuels scolaires chez Lydia Nadeau, l’ancienne institutrice ne s’en était jamais départie jusqu’à son décès. « Dans la succession, il y avait les livres d’écoles avec lesquels elle avait enseigné. Elle avait aussi laissé de grands panneaux en carton qu’elle avait fabriqués pour enseigner l’écriture aux enfants. »
Il y avait aussi des diplômes. « Elle avait reçu trois fois le diplôme parce que ses étudiants de septième année avaient obtenu les meilleurs résultats dans toutes les matières. »
Nous mettons à jour ce billet pour signaler la parution de La Terre plate — Généalogie d’une idée fausse publiée cet octobre aux Belles Lettres. Nous ajoutons donc un résumé de cet ouvrage à notre billet diffusé il y a plus de 3 ans.
Cela reste un lieu commun de penser que le Moyen Âge a cru en une terre plate, par ignorance scientifique autant que coercition religieuse. Il aurait fallu attendre les navigateurs, Colomb ou Magellan, ou encore les astronomes modernes, Copernic ou Galilée, pour que les ténèbres se dissipent et qu’enfin la Terre devînt ronde.
Or, de l’Antiquité grecque à la Renaissance européenne, on n’a pratiquement jamais défendu et encore moins enseigné, en Occident, l’idée que la Terre était plate.
Violaine Giacomotto-Charra et Sylvie Nony s’attachent ici à retracer l’histoire de cette idée fausse et à essayer d’en comprendre la genèse. Elles nous proposent dans une première partie de lire avec elles les sources antiques, les Pères de l’Église mais aussi et surtout les manuels et encyclopédies rédigés tout au long du Moyen Âge et à la Renaissance et utilisés pour l’enseignement dans les écoles cathédrales puis dans les universités, à partir du XIIIe siècle.
Une seconde partie est consacrée à l’étude du mythe lui-même et s’interroge sur sa généalogie — sa genèse et son histoire — pour éclairer sur les causes de sa survie. Pourquoi, contre l’évidence même, continue-t-on d’affirmer que pour le Moyen Âge, la Terre était plate ?
Présentation de l’ouvrage
Où l’on retrouve Voltaire, les Lumières et les positivistes
« Or non seulement l’idée que le Moyen Âge croyait que la Terre était plate est historiquement fausse, mais elle relève d’une manipulation de l’histoire des sciences, et surtout des consciences, et participe d’une vision pauvrement linéaire et téléologique du développement des civilisations, issue du positivisme et de l’idée de progrès défendue depuis le XVIIIe et surtout le XIXe siècle », d’écrire les auteurs.
« C’est principalement au XIXe siècle que s’est répandue et fortement enracinée l’idée d’une croyance des hommes du Moyen Âge en une Terre plate. La légende, cependant, est plus ancienne et apparaît timidement au XVIIe et surtout au XVIIIe siècle, en particulier avec Voltaire », soulignent les Giacomotto-Charra et Nony. Voltaire, dans son combat contre ce qu’il nommait l’Infâme, a souhaité démontrer que le christianisme, et notamment les Pères de l’Église, avait imposé au monde la croyance en la Terre plate pendant un millénaire, croyance qui fut seulement vaincue par deux figures héroïques, à savoir celle du scientifique éclairant les lois de la nature par la raison et celle de l’intrépide navigateur bravant les interdits de l’institution religieuse.
Technique : magnifier le rôle de penseurs marginaux, occulter le consensus savant de l’époque
Pour Matthieu Giroux qui recense cet ouvrage, une des méthodes souvent utilisées par ceux qui veulent dénigrer le Moyen Âge et la réalité scientifique de cette époque consiste à mettre en avant des penseurs marginaux qui remettaient réellement en question la sphéricité de la Terre et à leur donner le statut d’autorité spirituelle et scientifique.
C’est le cas notamment de Lactance, un rhéteur du IIIe et IVe siècles qui obtiendra tardivement le titre de Père de l’Église en 1770. Dans Les Institutions divines, Lactance exprime explicitement son hostilité à l’égard des antipodes et de la sphéricité de la Terre. « Mais Lactance n’est ni un philosophe ni un savant, et il n’a pas de légitimité à enseigner la cosmologie. De fait, sa prise de position contre les antipodes — dont l’argumentation est tout à fait inepte même pour l’époque — est restée isolée au sein de l’Église romaine », précisent Violaine Giacomotto-Charra et Sylvie Nony.
Encore plus emblématique de cet amalgame malhonnête est la figure de Cosmas Indicopleustès, un chrétien nestorien du VIe siècle, auteur d’une Topographie chrétienne défendant l’idée d’une Terre plate. Voltaire, encore lui, mais aussi les Américains Irving [voir notre billet originel ci-dessous], Draper, et Dickson White (déjà dénoncés par le médiéviste Jeffrey Burton Russell dans Inventing the Flat Earth publié en 1991) donnent à Cosmas une importance considérable qu’il n’a jamais eue historiquement, du fait notamment qu’il était partisan du nestorianisme, doctrine reconnue comme hérétique et condamnée par le concile d’Éphèse en 431. « Cosmas ne fait pas partie des Pères de l’Église, il n’a été ni traduit en latin (il était donc illisible durant tout le Moyen Âge), ni approuvé, encore moins promu, par les autorités, tant religieuses que politiques. Son œuvre n’a eu aucun retentissement sur le savoir médiéval. »
Contrairement à ce que défendaient certains philosophes des Lumières, le christianisme médiéval n’avait pas oublié les textes des physiciens et des astronomes de l’Antiquité, qui postulaient dès le IIIe siècle avant J.C. (pour Ératsosthène) ou le IIe siècle (pour Ptolémée) la sphéricité de la Terre.
De même, les représentations des penseurs présocratiques (qui eux pensaient pour la plupart que la Terre était plate) n’étaient pas connues du haut Moyen Âge. En réalité, des pères de l’Église beaucoup plus éminents que Lactance, comme Saint-Augustin, avaient une bonne connaissance des théories païennes. « Augustin n’a donc jamais réfuté l’idée de la sphéricité et il écrit ailleurs, à propos de la vertu divine, qu’elle est “la cause de la rondeur de la Terre et du Soleil”. »
Les auteurs soulignent également que dans la proposition « Au Moyen Âge, on croyait que la Terre était plate », on ne précise jamais qui est le « on ». S’agit-il de l’autorité religieuse, de l’état du savoir scientifique, de la croyance populaire ? Or, « on ne peut considérer comme témoin valable du savoir la population de ceux qui ne savent pas, d’autant que l’on n’a guère de renseignements sur ce qu’un paysan de l’Aveyron ou un artisan corrézien savait ou croyait. Si certainement la grande majorité de la population, analphabète et illettrée, ne se demandait probablement pas si la Terre était sphérique ou plate, on a en revanche des données plus fiables sur le milieu des lettrés et, à partir de l’apparition des universités, sur le contenu officiel des enseignements. Or parmi les lettrés et leur entourage, il ne fait pas de doute que la sphéricité était non seulement connue, mais n’était pas discutée ».
Persistance du savoir scientifique païen
Si l’on se penche sur les enseignements d’Isidore de Séville (560–636), évêque éponyme, « dernier des Pères de l’Église latine » et fondateur de l’encyclopédisme médiéval, on remarque la persistance du savoir scientifique païen (en particulier la cosmographie aristotélicienne et néoplatonicienne) et sa description de la Terre comme « globe terrestre » est explicite.
La Terre plate
Généalogie d’une idée fausse
par Violaine Giacomotto-Charra et Sylvie Nony
paru le 8/X/2021
aux Belles-Lettres
à Paris
280 pp,
EAN13 : 9 782 251 452 234
Billet originel du 9 février 2018
Christophe Colomb n’a jamais eu à démontrer que la Terre était ronde. Car tout le monde le savait déjà. Et depuis longtemps ! C’est ce que confirme l’ouvrage d’un historien américain, Jeffrey B. Russel, qui met à mal bon nombre d’idées reçues sur les géographes du Moyen Âge et de l’Antiquité. Il commence par constater que les auteurs médiévaux affirment la rotondité de la Terre, comme le faisait Platon. Il examine ensuite l’apparition du mythe moderne selon lequel le Moyen Âge croyait la Terre plate.
En cette année anniversaire de la découverte du Nouveau Monde [1], c’est un véritable déluge de publications qui s’abat sur nous ; à cette occasion, nombre d’idées reçues sont remises en question. L’une d’elles, selon laquelle les contemporains de Christophe Colomb croyaient que la Terre était plate, a trouvé son historien, Jeffrey B. Russel, dans un petit ouvrage décapant qui vient d’être publié aux États-Unis [2].
Sceau de la Bulle d’or de 1356 on y voit Charles IV du Saint-Empire, un orbe à la main,
une sphère qui représente le monde
Considérons le cas de Christophe Colomb : les historiens ont depuis longtemps dénoncé la fable selon laquelle il aurait dû affronter les foudres des docteurs de Salamanque pour avoir osé prétendre que la Terre était ronde — sans quoi le passage des Indes par l’ouest était inconcevable. Certes, le découvreur a eu ses détracteurs et ses opposants, mais leurs arguments tenaient aux probabilités d’échec de l’entreprise.
Et ils avaient raison, puisque la distance qui sépare les îles Canaries du Japon est de deux cents degrés de longitude, là où Colomb, pour avancer son projet, voulait n’en voir que soixante. Mais nulle part dans ces discussions il ne fut question d’une sphéricité que le navigateur aurait dû démontrer.
Déjà au XVe siècle, l’affaire était entendue. La Géographie du Grec Ptolémée (90-168) est traduite en latin en 1410. Or cet ouvrage ne laisse subsister aucun doute sur la rotondité de la Terre : il est tout entier fondé sur le quadrillage de la sphère en degrés de latitude et méridiens de longitude.
Et le cardinal Pierre d’Ailly en a bien retenu toutes les leçons dans son Image du monde écrite en latin dès 1410. Mais avant ? Là où les médiévistes ont souvent été plus évasifs, Jeffrey Russell nous invite à voir partout et toujours la même représentation, les mêmes comparaisons. Pour les uns, la Terre est un œuf ou une balle, pour d’autres, une pomme ou une pelote.
Sur cet extrait de la Géographie de Ptolémée,
imprimée à Ulm en 1482,
on voit l’auteur tenant le globe terrestre
(Bucarest, Musée national d’histoire)
Pour les philosophes John Holywood ou Thomas d’Aquin au XIIIe siècle, Jean Buridan ou Nicolas Oresme au XIVe, nul doute n’est possible. Ces deux derniers évoquent même la rotation de la Terre sur elle-même !
Faut-il remonter plus avant vers les « siècles obscurs », pour reprendre une expression chère aux Anglo-Saxons ? Là où un Isidore de Séville (mort en 636) semble entretenir certaines réserves, Bède le Vénérable au VIIIe siècle et Scot Érigène au IXe sont catégoriques : la Terre est ronde. Ils ne font d’ailleurs pas preuve d’originalité, puisqu’ils reprennent la tradition scientifique des compilateurs de l’Antiquité tardive, notamment Martianus Capella dont les Noces de Mercure et Philologie, écrites vers 420, connaissent une très large diffusion au Moyen Âge. Or Martianus affirme lui aussi sans ambages : « Elle [la Terre] n’est pas plate, elle est ronde. »
Il semble donc y avoir durant tout le Moyen Âge occidental unanimité sur la question.
Non sans quelques problèmes pour les philosophes et les cartographes. Ceux-ci veulent en effet représenter un œkoumène (l’ensemble des terres habitées) conforme aux connaissances de la période et, d’autant que possible, à la tradition biblique et évangélique. Dès lors, que Jérusalem soit au centre du monde ou le paradis à l’est, c’est une simple convention cartographique. Le géographe arabe Al Idrisi ne place-t-il pas, au XIIe siècle, La Mecque au centre de sa carte ? Et, au XXe siècle, ne discute-t-on pas encore de la « juste » représentation de l’hémisphère sud sur nos modernes mappemondes ? Plus délicat est le problème de la conformité aux enseignements de l’Église selon lesquels les Apôtres ont apporté la Parole « aux quatre coins du monde ». Car il faudrait que la Terre soit plate pour posséder quatre coins.
Ainsi s’explique l’hésitation d’Isidore de Séville ; pourtant saint Augustin lui-même (354-430) avait mis en garde contre le danger d’utiliser le sens littéral de l’Écriture. Lorsque les cartographes médiévaux nous présentent une Terre d’apparence plate et circulaire, c’est donc certainement une convention cartographique, parfois l’illustration d’une certaine tradition biblique, mais jamais la représentation d’un soi-disant dogme de la « Terre plate ».
D’où vient alors ce mythe, puisque mythe il y a ? De l’exploitation qu’on a faite, au XIXe siècle, de certains textes de l’Antiquité tardive. Cette époque avait bel et bien connu deux « théoriciens » de la Terre plate : Lactance (vers 265-345) d’abord, polémiste crédule, qui s’oppose ouvertement à la pensée scientifique (et païenne) de son époque, au moyen d’arguments simples, mais combien efficaces : « Y a-t-il quelqu’un d’assez extravagant pour se persuader qu’il y a des hommes qui aient les pieds en haut et la tête en bas […] et que la pluie et la grêle puissent tomber en montant ? »
Illustration d’un manuscrit
du XIVe siècle
de L’Image du monde
par Gautier de Metz (vers 1246).
Darwin contre l’Église
Lors des disputes du XVIIe qui opposèrent coperniciens, galiléens et autorités ecclésiastiques, la forme de la Terre n’est pas un enjeu, on débat en revanche des habitants des antipodes, c’est-à-dire de l’autre hémisphère, sans rapport avec l’héliocentrisme. Rappelons que la Bible n’exprime aucune opinion sur la sphéricité ou non de la Terre. Les Pères de l’Église, Augustin et Ambroise de Milan, qui étaient parfaitement au courant de l’état de la science grecque, estimaient que cette question n’avait pas d’importance : ce qui importait c’était que l’évangélisation puisse s’effectuer jusqu’au confins du monde.
Puis, deux siècles plus tard, en Égypte, Cosmas dit « Indicopleustès » (« le voyageur des Indes »), retiré dans un monastère du Sinaï, rédige sous le titre de Topographie chrétienne une vaste compilation géographique où la Terre plate occupe une place importante. Il faut cependant savoir que cet ouvrage volumineux, rédigé en grec et aux marges orientales de la chrétienté, ne nous est connu aujourd’hui qu’à travers trois manuscrits médiévaux complets. Critiqué à Byzance dès le IXe siècle par le patriarche Photius, il est totalement ignoré de l’Occident médiéval. La première traduction latine de Cosmas date de 1706 ! Et c’est cet auteur, tout à fait marginal dans le monde grec et inconnu du monde latin, qui deviendra au XIXe siècle le symbole de l’obscurantisme médiéval ! Son traducteur, Bernard de Maufaucon, prétendait que les anciens païens, savants grecs et latins, croyaient que la Terre était plate, ce qui, bien entendu, est faux. Peut-être pour renforcer la thèse hétérodoxe à l’époque de Cosmas.
Car ces visions farfelues du monde seraient restées aussi chimériques que les descriptions contemporaines de cynocéphales (hommes à tête de chien), si elles n’avaient été reprises par les positivistes et « progressistes » du XIXe siècle. La démonstration de Jeffrey Russell est ici tout à fait originale et convaincante.
Washington Irving
S’il n’y a jamais eu de mythe médiéval de la « Terre plate », il y a bel et bien eu une légende moderne du « dogme médiéval de la Terre plate ». Russell traque son apparition puis sa diffusion, en France et aux États-Unis, tout au long du XIXe siècle ; il démasque à l’occasion quelques « coupables ».
Coupable, le premier, le romancier américain Washington Irving (1783-1859), dans un pastiche historique sur la vie de Christophe Colomb, publié pour la première fois en 1828.
Irving invente de toutes pièces une scène qui deviendra célèbre, dans laquelle le navigateur doit se défendre contre l’obscurantisme des docteurs de Salamanque incapables d’admettre que la Terre était ronde [3].
Le roman connaît un immense succès et contribue à accréditer, outre-Atlantique, la vision d’une Église catholique dogmatique et intolérante. Coupable encore, en France, à la même époque, le très respecté Antoine-Jean Letronne (1787-1848), directeur de l’École des Chartes et professeur au Collège de France, qui dans la Revue des deux mondes, avance l’idée d’un dogme de la Terre plate chez les Pères de l’Église et d’une interprétation littérale de la Bible au long du Moyen Âge.
Illustration du XIIe siècle représentant une Terre sphérique avec les quatre saisons, tiré du Liber divinorum operum de Hildegarde de Bingen
Coupables surtout, aux États-Unis à nouveau et principalement pendant la seconde moitié du XIXe siècle, nombre d’esprits libéraux qui souhaitent réfuter les arguments anti-évolutionnistes de l’époque. Nous sommes en effet en plein débat autour des thèses de Darwin sur l’évolution des espèces, que l’Église se refuse à admettre. Quoi de mieux, dès lors, pour combattre son étroitesse de vues, que de stigmatiser un obscurantisme plus général, dont le pseudodogme médiéval de la Terre plate deviendrait une sorte de cas exemplaire ? C’est la voie que suivent sans hésiter certains auteurs américains dans des ouvrages dont les titres à eux seuls sont tout un programme : Histoire du conflit entre religion et science de John Draper (New York, 1874) ou Histoire du combat entre la science et la théologie dans le Christianisme d’Andrew White (New York, 1896)…
L’idée d’un dogme médiéval de la Terre plate se diffuse dès lors dans les ouvrages de vulgarisation et les manuels scolaires. Elle correspond si bien à l’image que l’on se fait du Moyen Âge au temps de Victor Hugo ou de Jules Michelet qu’on la reçoit sans discussion.
Tant et si bien que malgré toutes les réfutations modernes, un auteur à succès pourtant bien informé comme Daniel Boorstin perpétue encore aujourd’hui ce mythe [4].
Preuve, s’il en était besoin qu’un petit essai comme celui de Jeffrey Russell est d’actualité. Il a depuis été complété par une bibliographie savante de plus en plus fournie, voir ci-dessous.
Raisons profondes de la survie et de la longévité de ce mythe
Interrogé dans le cadre de l’ouvrage collectif, Le Vrai Visage du Moyen Âge, le directeur de recherche et d’études (CNRS) Patrick Gautier Dalché, explique ces raisons de la façon suivante : « Aujourd’hui, les déterminations anticléricales ne jouent plus. Pour nous qui nous pensons comme modernes et libres de toute superstition, ce mythe est un repoussoir nécessaire qui procure un prétexte indiscutable pour accepter les utopies technologiques et louer le monde merveilleux qui est le nôtre. Le cliché de la Terre plate, et bien d’autres, me semblent avoir pour fonction de justifier notre différence en magnifiant la rationalité, supposée admirable, de notre propre monde. Pour cela, il faut adhérer à des réalités illusoires qui soient simples, massives et indiscutables : c’est à cela que sert parfois la science. »
Notes
[1] Repris de L’Histoire n° 159, octobre 1992.
[2] Jeffrey B. Russel, Inventing the Flat Earth. Colombus and Modern Historians, New York—Wesport—Londres, Praeger, 1991. Il n’a jamais été traduit en français, il l’a été en espagnol.
[3] Washington Irving, The Life and Voyages of Christopher Columbus, rééd. Boston, J.H.
Mc Elroy, 1981.
[4] Daniel Boorstin, The Discoverers (Les Découvreurs), New York, 1983, trad. française, R. Laffont,1988.
Annexe
En Occident, hormis Lactance (250-325) qui ne conçoit qu’une Terre plate, la rotondité de la Terre, du fait de la connaissance maintenue du Timée grâce aux traductions en latin de Cicéron et surtout de Calcidius au IVe siècle, reste communément admise par les lettrés. Par ailleurs, le commentaire qui accompagne la traduction de Calcidius résume les connaissances astronomiques du Ier siècle en reprenant la plus grande partie du chapitre Astronomie de l’Exposition des connaissances mathématiques utiles à la lecture de Platon de Théon de Smyrne.
Jérôme de Stridon (347-419), dans son Commentaire de l’Épitre aux Éphésiens, critique ceux qui nient la sphéricité.
Pour Augustin (354-430) la question n’est pas la rotondité, mais le peuplement des antipodes, dont il nie la possibilité. En effet, pour lui, comme « l’Écriture ne peut mentir », les antipodes ne peuvent être peuplés par des hommes d’une autre souche que celle d’Adam, ce qui vaut refus du polygénisme. Or, pour l’évêque d’Hippone, comme pour ses contemporains, une zone infranchissable interdit d’atteindre les antipodes : comment donc les descendants de Noé auraient-ils pu traverser « l’immensité de l’Océan » pour aller peupler cette autre partie du Monde ?
Macrobe (370-440 env.), dans son Commentaire sur le Songe de Scipion, souligne que la terre est sphérique ; il expose la théorie des cinq zones climatiques et évoque l’hypothèse d’antipodes peuplés.
Illustration d’un manuscrit du XIIIe siècle
du Commentaire sur le Songe de Scipion par Macrobe.
Ici les zones climatiques : polaires en jaune, tempérées en bleu, torride en rouge.
Au Ve siècle, Martianus Capella décrit, au livre VIII des Noces de Philologie et de Mercure, un modèle astronomique géohéliocentrique dans lequel la Terre, immobile au centre de l’Univers, voit les étoiles, le Soleil et la plupart des planètes tourner autour d’elle, alors que Mercure et Vénus tournent autour du Soleil.
Boèce (480-525) dans Consolation de la philosophie parle de la masse arrondie de la Terre.
Dans ses Étymologies, Isidore de Séville (~530 — ~636) compare la Terre à une balle.
Bède le Vénérable (672-725) dispose d’un manuscrit de l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien ; dans ses traités De natura rerum et De tempore ratione la Terre est ronde, pas simplement circulaire comme un écu ou une roue, mais semblable à une balle.
Charlemagne, dans plusieurs statues et gravures de son époque, est représenté tenant dans sa main un globe terrestre surmonté de la Croix.
Jean Scot Erigène (~ 800-876) étend, dans son Periphyseon le modèle géohéliocentrique de Martianus Capella en faisant également tourner Mars et Jupiter autour du Soleil.
Au chapitre XCIII de sa Géométrie, Gerbert d’Aurillac (~ 945-1003) décrit l’expérience d’Ératosthène et Hermann Contract (1013–1054) estime la circonférence de la Terre à partir de cette méthode…
Vignette d’un manuscrit du XIIIe siècle
du Commentaire sur le Songe de Scipion par Macrobe.
Ici le monde connu séparé des antipodes par l’océan à l’équateur.
Bibliographie
GAUTIER DALCHÉ Patrick, L’Espace géographique au Moyen-Âge, Florence, SISMEL/éd. del Galluzzo, 2013, 476 pages, ISBN-13 : 978-8884505019.
— La Géographie de Ptolémée en Occident (IVe-XVIe siècles), Turnhout, Brepols, 2009, 442 pages. ISBN-13 : 978-2503531649.
GAUTIER DALCHÉ Patrick (dir), La Terre. Connaissance, représentations, mesure au Moyen Âge, Turnhout, Brepols, 2013, 710 pages. ISBN-13 : 978-2503547534.
KRÜGER Reinhard, Ein Mythos der Moderne : Der Erdscheibentheorie im Mittelalter und die Verfälschung des "Hexaemeron" des Basilius Von Caesarea durch Bernard de Montfaucon (1706), in Mittellateinisches Jahrbuch: internationale Zeitschrift für Mediävistik, ISSN 0076-9762, Vol. 36, Nº 1, 2001, pp. 3-30.
— Moles globosa, globus terrae und arenosus globus in Spätantike und Mittelalter: Eine Kritik des Mythos von der Erdscheibe, Weidler Buchverlag Berlin (2012), 297 pages, ISBN-13: 978-3896935854.
MAYAUD Pierre-Noël, Le Conflit entre l’astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles : un moment de l’histoire des idées autour de l’affaire Galilée, t. VI, Paris, Honoré Champion, 2005, ISBN-13 : 978-2745311269.
RUSSEL Jeffrey Burton, Inventing the Flat Earth, Columbus and Modern Historians, New York, Praeger, 1997, 160 pages. ISBN-13 : 978-0275959043.
WEILL-PAROT Nicolas (dir) et SALES Véronique, Le Vrai Visage du Moyen Âge, Au-delà des idées reçues, Vendémaire, 2017, ISBN 13-978-2-36358-290-4.
Dans un communiqué, l’équipe cosmopolite de hockey nommée ironiquement en français « les Canadiens » (dans le sens de Franco-Canadiens) indique souhaiter reconnaître les « Kanien'keha:ka », connus en français comme les Agniers et en anglais comme les Mohawks, pour leur hospitalité sur le territoire traditionnel non cédé où se trouve le Centre Bell.
Cette génuflexion devrait avoir lieu avant chaque joute à domicile. C’est ce que la direction des Canadiens appelle une nouvelle « tradition ». Cette équipe de sport a été formée en 1909 pour regrouper des joueurs francophones capables de rivaliser avec les Wanderers, anglophones, du quartier McGill College. Aujourd’hui, l’équipe est massivement anglophone et appartient à la famille anglophone Molson.
Ainsi, les Canadiens français feraient désormais partie des « autres peuples de la communauté » alors qu'ils étaient, naguère encore, un des deux peuples fondateurs, après avoir été LE peuple fondateur. Merci les politiciens et leurs politiques migratoires, éducatives et linguistiques.
Frédéric Bastien, historien et professeur, a réagi à cette annonce :
MONTRÉAL TERRITOIRE NON-CÉDÉ : MENSONGES ET PROPAGANDE POLITIQUEMENT CORRECTE DU CLUB DE HOCKEY CANADIEN
Pour les amateurs de hockey dont je suis, ce 16 octobre est la journée du premier match du Canadien à la maison, un moment pour retrouver notre équipe favorite, un moment de réjouissance. Or, voilà que la direction nous annonce qu’elle reconnaîtra lors des matchs que l’équipe joue en territoire mohawk non cédé (voir le lien vers l’annonce du club dans les commentaires).
Premièrement, Montréal n’a jamais été un territoire mohawk. JAMAIS ! Des fouilles archéologiques aussi récentes que 2014 l’ont prouvé une nouvelle fois. Seul le leadership politique mohawk prétend une telle chose. Cette revendication est très récente et s’appuie uniquement sur la tradition orale des Mohawks. Tous les spécialistes sont d’accord pour dire qu’il n’y avait pas et qu’il n’y a jamais eu de Mohawk à Montréal avant l’arrivée des Français. Quand les Français ont pris possession de Montréal, il ne s’y trouvait absolument personne, ni sur l’île, ni dans ce qui est aujourd’hui la région métropolitaine de Montréal.
Par ailleurs, et c’est le deuxième mensonge, les Français étaient alliés des autochtones et ne leur demandaient jamais de céder leur territoire en vertu d’un traité. Cette pratique de cession de territoire était celle des Anglais, qui sont arrivés plus tard, et ensuite la pratique des fédéraux.
Les Mohawks du Québec sont en fait sur le territoire de nos ancêtres français. Ils vivaient au départ dans l’actuel État de New York, à qui ils devraient adresser leurs doléances. Les premiers d’entre eux à venir chez nous ont été invités par Louis XIV. Les Mohawks dont il est question s’étaient convertis au christianisme et étaient persécutés par leurs coreligionnaires. C’est pour les protéger que nous les avons accueillis ici, à Oka pour être plus précis. Par la suite d’autres Mohawks sont arrivés sur la rive sud de Montréal, suite à l’indépendance américaine, à l’invitation cette fois des autorités britanniques. Ils s’étaient battus pour la couronne anglaise contre les États-Unis et risquaient le pire en restant sur leur territoire ancestral, la région de la rivière Mohawk proche d’Albany. L’accueil des Britanniques a permis au peuple mohawk d’éviter l’extermination. Historiquement parlant donc, les Mohawks doivent beaucoup à la France et à l’Angleterre.
Le club de hockey Canadien écrit que « la reconnaissance et le respect sont indispensables à l’établissement de relations saines et réciproques avec les populations autochtones et à la poursuite du processus de réconciliation ». Tout le monde sera d’accord avec ça. Mais quand on utilise le mensonge au nom d’une bonne cause, cela veut dire qu’il n’y a plus de cause en fait. Mentir c’est alimenter la discorde et le ressentiment. Le Canadien verse aujourd’hui dans la propagande politiquement correcte. Au lieu d’apaiser les relations avec les Premières Nations, il jette de l’huile sur le feu, creuse le fossé qui nous sépare des Premières Nations et empêche la réconciliation.
Quant à l’historien Alain Beaulieu, professeur d’histoire à l’Université du Québec à Montréal voici ce qu’il en dit :
L’île de Montréal fait-elle partie, comme l’affirment les Mohawks [Agniers en français], de leur territoire traditionnel ? Les évidences en faveur d’une telle thèse sont très minces, voire inexistantes.
À l’arrivée des Français dans la vallée du Saint-Laurent, le territoire de la confédération iroquoise, dont faisaient partie les Mohawks, se trouvait au sud du lac Ontario et du Saint-Laurent, à l’ouest de l’axe formé par le lac Champlain et le Richelieu. Il n’y avait alors aucune occupation mohawk (ou iroquoise) le long du fleuve, qui était fréquenté par les Innus [Montagnais en français] et les Algonquins, dont le contrôle sur cette région restait toutefois fragile.
En 1603, Champlain décrivait la zone comme une sorte de no man’s land, où personne n’osait s’établir en permanence, en raison des incursions iroquoises. Les motivations politiques des [Agniers] restent impossibles à cerner avec certitude, mais elles découlaient probablement de leur volonté d’y établir leur domination dans le contexte du développement de la traite des fourrures. Si c’était le cas, leur projet échoua, car les Français s’allièrent plutôt à leurs ennemis ([Montagnais], Algonquins et Wendats [Hurons en français]) et parvinrent, après une offensive militaire en 1666, à leur imposer une « paix universelle » englobant tous les alliés autochtones de la Nouvelle-France.
Cette paix, qui dura une vingtaine d’années, marque d’ailleurs le début de l’installation des [Agniers] dans la vallée du Saint-Laurent. À l’invitation des autorités françaises, plusieurs Iroquois y migrent dans les années suivantes, attirés notamment par la religion catholique. Provenant principalement de la nation [agnière], ils s’installent, sous la direction des Jésuites, sur une terre octroyée par Louis XIV en 1680 : la terre du Sault–Saint-Louis, qui deviendra Kahnawake. À la même époque, les Sulpiciens fondent une autre mission iroquoise sur l’île de Montréal. Déplacée à quelques reprises, cette mission aboutit finalement au lac des Deux-Montagnes, donnant naissance à la communauté de Kanesatake.
L’installation des Mohawks dans le secteur de Montréal se fait donc dans un contexte colonial particulier, qui n’a certainement pas pour effet de transformer la région, contrôlée par les Français, en territoire [agnier].
D’où vient alors l’idée que l’île de Montréal faisait partie du territoire des [Agniers] ? Essentiellement des liens que les Mohawks établissent depuis quelques décennies entre leurs ancêtres et les Iroquoiens rencontrés en 1535 par Jacques Cartier dans la vallée du Saint-Laurent.
Ces autochtones, qui abandonnèrent la région dans la seconde moitié du XVIe siècle, sans doute à la suite de guerres avec d’autres nations amérindiennes, étaient, affirme-t-on à Kahnawake, des Mohawks [Agniers]. L’installation de leurs ancêtres dans la région de Montréal après 1666 ne serait, en somme, que la réoccupation d’un territoire traditionnel.
Les recherches des dernières années, notamment archéologiques, contredisent une telle interprétation. Elles montrent plutôt que les Iroquoiens de la vallée du Saint-Laurent formaient un groupe distinct, qui disparut en tant qu’entité politique dans la seconde moitié du XVIe siècle. Cette interprétation ne cadre pas non plus avec la tradition orale des Mohawks [Agniers] recueillies au XVIIIe siècle. Cette tradition n’associe jamais leur présence dans ce secteur à une occupation antérieure.
À cette époque, les [Agniers] ne se considéraient pas non plus comme les occupants originaux des lieux. Ils concédaient ce droit aux Algonquins qui, de leur côté, continuaient à les percevoir comme des étrangers venus s’établir sur leurs terres, comme des « empruntés » pour reprendre la formule péjorative qu’ils employaient parfois à leur égard : « Nous sommes les premiers qui avons habité cette terre », affirmaient-ils en 1756 en présence des Mohawks ; « vous autres […] êtes venus ensuite, les Français vous ont aussi bien reçus et vous vous êtes déclarés leurs enfants ».
Au lendemain de la Conquête, les Britanniques, qui connaissaient l’histoire de la communauté [agnière], partageaient globalement cette vision des choses. Dans leur logique juridique, les Mohawks ne pouvaient espérer des compensations pour leurs terres de chasse, comme le prévoyait la Proclamation royale de 1763, car ils avaient abandonné leur territoire ancestral pour venir se placer sous la protection des Français.
L’île de Montréal doit-elle alors être considérée comme un territoire autochtone non cédé ? La question mérite d’être posée dans le contexte plus large de la politique anglaise à l’égard des terres autochtones au lendemain de la Conquête. Les Mohawks [Agniers], en raison de leur histoire, ne semblent pas répondre aux critères établis par les Britanniques, mais d’autres nations ou communautés pourraient éventuellement se prévaloir d’une telle reconnaissance.
De nombreuses écoles à travers toute la Belgique se sont mobilisées pour une action militante commune nommée « Wake Up for Climate » (en anglais, c’est la Belgique après tout…) et visant à montrer leur engagement dans la lutte contre le réchauffement climatique, pouvait-on lire sur l’événement Facebook créé par la Coalition climat.
Tous les slogans étaient en anglais, mais c’était bien à Bruxelles où 95 % de la population comprend le français. La manifestation n’a eu aucun impact international
Concrètement, l’action consistait à dessiner un cercle vert sur sa main avant de se filmer ou de se prendre en photo avec sa classe et de poster le résultat sur les réseaux sociaux avec les hashtags #WakeUpForClimate et #BackToTheClimate. L’objectif étant que toutes les classes réalisent l’action au même moment afin de renforcer le message. Les écoles participantes sont également invitées à organiser des actions supplémentaires à leur discrétion.
Jusqu’à présent, plus de 70 établissements ont confirmé leur participation.
Menée deux jours avant la marche pour le climat, cette action dans les classes était aussi l’occasion pour les écoles de lancer un appel à se rendre à la manifestation « Back to the Climate » qui s’est déroulée le dimanche 10 octobre à Bruxelles. Selon les organisateurs, 50 000 manifestants ont défilé dans les rues de la capitale belge.