mardi 7 décembre 2010

Nathalie Bulle sur le modèle finlandais et les tests PISA

Extraits d'un entretien avec Nathalie Bulle, chercheuse au CNRS au Groupe d’étude des méthodes de l’analyse sociologique, autour de son dernier ouvrage.
L'école et son double
Essai sur l'évolution pédagogique en France,
Hermann, Paris, 2009

324 pages



Les points forts du modèle finlandais sont, me semble-t-il, la reconnaissance sociale du métier d’enseignant, l’adaptation relative à la diversité des élèves et le soutien précoce des difficultés scolaires. Mais au-delà de ces caractères, son succès est relatif et limité. Il n’est pas celui qu’on croit.

Considérons l’enquête internationale PISA où les résultats des élèves finlandais se distinguent depuis quelques années. Ce succès est relatif parce que, comme le notent des professeurs de l’APMEP (l’Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public), la différence globale observée entre la France et la Finlande disparaîtrait totalement si l’on mettait de côté, en France, les 10 % de jeunes qui réussissent le moins bien. [Pensez au grand nombre de décrocheurs au Québec qui n'entrent pas en ligne de compte ou aux nombreux absents québécois des tests interprovinciaux.] Or, si l’on tient compte des différences spécifiques des populations des deux pays, la meilleure performance de l’école finlandaise perd tout sens. Mais encore, cette meilleure performance est elle-même limitée car, comme le notent encore les membres de l’APMEP, PISA n’évalue pas la qualité générale des systèmes éducatifs en jeu. Elle n’évalue pas les compétences en mathématiques par exemple, mais se limite à ce que l’OCDE juge essentiel pour la vie ordinaire de tout citoyen (ce qui est nommé officiellement “mathematical literacy” [compétence en mathématiques]). Les contenus des questions de PISA, qui s’adressent à des élèves de 15 ans, couvrent seulement environ 15 % des contenus des programmes du collège français, c’est-à-dire du programme étudié par plus de 85 % des jeunes concernés. Le niveau des compétences testées serait en réalité adapté au niveau de la première année du collège et non de sa dernière année. Le travail sur les fractions, la résolution d’équations ou le raisonnement géométrique n’y figurent pas. Le système finlandais est, d’un point de vue pédagogique, inspiré par le modèle anglo-saxon.

Sorti des mathématiques de tous les jours, ses performances sont plutôt très moyennes, comme l’attestent d’autres enquêtes internationales visant à évaluer des compétences plus générales (IEA 1981, TIMSS 1999) ou des enquêtes infranationales menées par exemple dans des instituts polytechniques (l’une d’elles montre que 65 % des étudiants finlandais testés, soit 1560 sur 2400 n’ont pu résoudre un problème élémentaire nécessitant la différence de deux fractions et la division du résultat par un entier). Les professeurs de l’enseignement supérieur en Finlande, dans les universités et écoles d’ingénieur, s’alarment en réalité de la chute du niveau des étudiants et dénoncent le cercle vicieux qui consiste à devoir retravailler des concepts qui auraient dû être maîtrisés au lycée et qui ne l’ont pas été parce qu’au lycée le temps a dû être employé à revoir des concepts qui auraient dû être acquis au collège. Ils dénoncent la faiblesse ou l’absence des bases communes de connaissances sur lesquelles il est possible de construire au niveau supérieur. Rappelons que notre enseignement était, il y a un quart de siècle encore, l’un des meilleurs au monde.

L’enquête internationale menée par L’IEA (International Project for the Evaluation of Educational Achievement) en 1981, testant le niveau atteint par les élèves après huit années de scolarité obligatoire, rend compte des excellents résultats en mathématiques des élèves français, qui étaient, sur de nombreux sujets supérieurs à la moyenne du quartile supérieur (les 25 % les meilleurs), les neufs pays enquêtés étant, outre la France, l’Angleterre, la Belgique, l’Écosse, les États-Unis, la Finlande, le Japon, les Pays-Bas, et la Suède.


Voir aussi

N.Bulle (2010), L’imaginaire réformateur. PISA et les politiques de l’école, Le Débat (mars-avril).





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Tests PISA en éducation - Le Canada perd des plumes dans le peloton de tête

Les élèves canadiens sont en recul, même s'ils se classent largement au-dessus de la moyenne. Pourtant, sur dix ans, leurs résultats baissent dans tous les domaines, s'il faut en croire les études PISA qui seront rendues publiques aujourd'hui à Paris par l'OCDE. Ces tests évaluent tous les trois ans les capacités des jeunes de 15 ans en lecture, en mathématiques et en sciences.

Dans cette dernière matière, le Canada dégringole de la 3e à la 8e place, loin derrière Shanghai et la Finlande qui obtiennent respectivement la première et la seconde. Avec une note en sciences qui passe de 534 à 529, le Canada reste parmi les meilleurs. Mais, sur dix ans, sa note a chuté de 11 points.

Le Canada est aussi en léger recul en lecture. Il perd une place par rapport à 2007 et arrive cinquième derrière Shanghai, la Corée, la Finlande et Hong Kong. Sa note passe de 527 à 524, un écart qui n'est pas significatif compte tenu des marges d'erreur. Plus inquiétant, cette baisse atteint dix points depuis l'an 2000 et elle serait surtout manifeste parmi les meilleurs élèves.

En mathématiques, les résultats des jeunes Canadiens sont stables depuis trois ans. Même si le Canada passe de la 7e à la 10e place, sa note générale ne bouge pas (527). Il est cependant loin derrière les meilleurs: Shanghai (600), Singapour (562) et Hong Kong (555). Ici aussi, la baisse est manifeste sur le long terme: sept points de moins depuis dix ans.

Entre 2000 et 2009, les résultats du Canada sont donc demeurés stables. Toutefois, le classement relatif du pays a reculé dans les trois domaines d'évaluation. Statistique Canada explique ce recul par une amélioration notable du rendement d'autres pays et par la participation de nouveaux pays qui ont un rendement élevé.

La lecture

En lecture - le domaine d’évaluation principal de l’étude - le rendement moyen des élèves canadiens s’est situé nettement au-dessus de la moyenne. Seulement quatre des 65 pays qui ont participé au PISA 2009 ont affiché un rendement supérieur au Canada: Shanghai (Chine), Corée du Sud, Finlande et Hong Kong (Chine). En 2000, seule la Finlande le surpassait.

Au Québec, le score en lecture a baissé de façon significative depuis 2000. Il demeure toutefois au-dessus de la moyenne de l’OCDE et égal à la moyenne canadienne. Dans ce domaine, les élèves de l’Ontario et de l’Alberta sont les plus forts, tandis que ceux de l’Île-du-Prince-Édouard sont les seuls à obtenir des résultats sous la moyenne de l’OCDE.

Le Canada est l'un des seuls pays dont les scores élevés au PISA s'accompagnent d'une forte égalité, ce qui signifie que l'écart qui existe entre le rendement des élèves les plus forts et celui des plus faibles est relativement restreint.

Classement en mathématiques par pays, provinces, et économies

1. Shanghai (Chine)
2. Singapour
3. Hong Kong (Chine)
4. Corée du Sud
5. Taipei (Chine)
6. Québec
7. Finlande
8. Liechtenstein
9. Suisse
10. Japon
11. Alberta
12. Canada

Classement en lecture

1. Shanghai (Chine)
2. Corée du Sud
3. Finlande
4. Hong Kong (Chine)
5. Alberta
6. Ontario
7. Singapour
8. Colombie-Britannique
9. Canada
10. Québec

Classement en sciences

1. Shanghai (Chine)
2. Finlande
3. Hong Kong
4. Alberta
5. Singapour
6. Japon
7. Corée du Sud
8. Colombie-Britannique
(..)
14. Québec

Voir aussi

Classement des provinces canadiennes au PISA 2006

Nathalie Bulle sur le modèle finlandais et les tests PISA




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