dimanche 31 mai 2020

L'effondrement du mariage aux États-Unis, ses causes et ses effets



En 2012, un adulte sur cinq de 25 ans ou plus aux États-Unis n’avait jamais été marié auparavant, un niveau record, selon un nouveau rapport publié par le Pew Research Center qui a analysé les données de recensement de 2012. En 1960, ce nombre n’était que d’un sur dix.

Selon un sondage d’accompagnement mené par Pew en mai et juin 2014, seuls 53 % de tous les adultes n’ayant jamais été mariés ont dit qu’ils aimeraient se marier par la suite, en baisse de 61 % en 2010, environ 32 % ont déclaré qu’ils n’étaient pas sûrs, contre 27 % en 2010.

Les chiffres les plus frappants du recensement concernent les Afro-Américains. Environ 36 % des Noirs âgés de 25 ans et plus n’avaient jamais été mariés en 2012, comparativement à 25 % en 1990 et 9 % en 1960. Pour les blancs, la proportion de célibataires était de 16 % en 2012, contre 11 % en 1990 et 8 % en 1960.

Pour Thomas Sewell, cet effondrement de la conjugalité n’est pas sans rapport avec l’importance accrue de l’État-providence qui subventionne certains comportements jadis considérés néfastes (la monoparentalité par exemple). Notons que, pour Éric Zemmour, c'est le libéralisme économique et l'individualisme sans entraves (les institutions religieuses et les communautés proches n'ayant plus de poids) qui expliqueraient en grande partie cet état de fait.


Thomas Sowell en 1980 sur la famille noire et les politiques sociales délétères (en anglais) qui pourraient bien être responsables de la désintégration des familles noires.


Thomas Sowell compare en 2013 les classes inférieures en Grande-Bretagne et dans les ghettos aux États-Unis et les effets de l’État-providence des deux côtés de l’Atlantique (en anglais)

S’il est vrai que le déclin des institutions religieuses et l’importance croissante attribuée aux études universitaires jouent également un rôle dans cette chute de la nuptialité, pour le Wall Street Journal, un facteur important trop souvent négligé est tout simplement l’économie. Celle-ci a connu une croissance lente et de plus en plus inégale au cours des dernières décennies.

Les revenus n’ont pas augmenté pour la plupart des Américains depuis les années 1980, après ajustement pour l’inflation, même si les coûts de logement et d’éducation des enfants ont fortement crû. Les jeunes hommes ont été particulièrement touchés : pour les hommes de 25 à 34 ans, le salaire horaire médian a diminué en termes réels de 20 % depuis 1980.


En dépit de leurs difficultés économiques croissantes, de nombreux Américains considèrent la sécurité financière (ou au moins un partenaire avec un emploi) comme une condition préalable au mariage.

Dans son enquête de ce printemps, Pew observe que près de 80 % des femmes jamais mariées disent qu’un emploi stable était un critère très important pour elles dans le choix d’un conjoint ou d'un partenaire. Chez les hommes et les femmes qui n’ont jamais été mariés, mais veulent se marier, près d’un tiers ont répondu ne pas être prêts financièrement pour le mariage.

Le problème, explique Pew, le malaise économique de ces dernières décennies (dissimulé pendant un certain temps par la bulle immobilière) a rétréci le bassin d’hommes salariés éligibles. En même temps, l’éducation des femmes et leur participation au marché du travail ont généralement augmenté.

En d’autres termes, pour les femmes célibataires d’aujourd’hui, un « bon » mari est plus difficile à trouver.

Voir aussi







Idées reçues sur les blancs américains, écart moral et culturel croissant des classes sociales :  les classes moyennes supérieures blanches sont plus religieuses, plus souvent traditionnelles, plus souvent encore mariées que les classes sociales blanches moins nanties.



Pr Raoult : La médecine et la science ne sont pas politiquement correctes. En outre, nous nous trompons souvent.

Le professeur Didier Raoult en 2012 au Sénat. Il y aborde la relation entre les médias (les fausses terreurs) et la médecine, la gestion des maladies infectieuses et certains tabous modernes (liés, entre autres, au « coït anal réceptif »).



Montréal dans un nouveau délire

Mise à jour du 31 mai

Émilie Dubreuil nous en apprend plus sur les juristes militantes qui sont derrière ce « nouveau délire » féministe linguistique comme l'a qualifié Mathieu Bock-Côté (cf. infra) :

Pour élaborer sa nouvelle politique linguistique de communication épicène, Montréal a eu recours à des activistes qui n’ont pas de formation en linguistique.

Lundi 25 mai. Pandémie oblige, le conseil municipal de la Ville de Montréal a des airs futuristes. Les membres du conseil municipal parlent chacun tour à tour de chez eux.

Depuis son appartement aux teintes de blanc, la mairesse d’Ahuntsic-Cartierville, Émilie Thuillier, se dit heureuse d’annoncer, à titre de responsable du dossier des communications au comité exécutif, qu’il y aura des formations pour utiliser le mode de communication épicène, car c’est, disait-elle, une priorité : de s’adresser aux gens de manière inclusive.

On pourrait dire d’ailleurs, en féminisation lexicale, les membres et les « membresses ». « Membresse » est utilisé dans certains milieux féministes dans une optique de « féminisation ostentatoire », expliquent Suzanne Zaccour et Michaël Lessard dans leur Grammaire non sexiste de la langue française, publiée aux éditions Syllepse, en 2017. Le féminin ostentatoire est marqué à l’oral; ainsi, la réhabilitation des femmes ne se limite pas à l’écrit, peut-on lire à la page 32 de l’ouvrage.

Les auteurs de cette grammaire ont été retenus par la Commission de la présidence du conseil de Montréal pour guider les élus dans la formulation de recommandations pour élaborer la nouvelle politique de communication épicène de la Ville. La commission a accueilli des ressources internes et externes, spécifie le mandat d’initiative sur la rédaction épicène.

D’abord, la Commission a pris connaissance des recommandations existantes de l’Office québécois de la langue française, puis de celles de Suzanne Zaccour et Michaël Lessard, que le mandat d’initiative présente ainsi : deux spécialistes de l’Université McGill qui ont coécrit la Grammaire non sexiste de la langue française. Ces « spécialistes » ne sont cependant ni linguistes, ni terminologues, ni grammairiens. Ce sont deux juristes de l’Université McGill connus pour leur militantisme.

Après McGill, Suzanne Zaccour a poursuivi des études de droit au troisième cycle à la prestigieuse Université d’Oxford. Ses recherches portent sur la culture du viol et la critique féministe du droit. Elle a publié l’an dernier, chez Leméac, un essai intitulé La fabrique du viol. Elle a aussi fait parler d’elle en écrivant une critique du concept « d’aliénation parentale » dans le quotidien La Presse l’an dernier. Dans ce texte, elle affirmait que le « syndrome de l’aliénation parentale » était une stratégie masculiniste qui s’employait au détriment des femmes. L’an dernier, elle prononçait une conférence à l’Université de Montréal sur les liens entre culture du viol et exploitation animale.

Quant à Michaël Lessard, ses travaux portent principalement sur la place du genre en français, le traitement des victimes d’agression sexuelle, le droit des familles et le droit des personnes, peut-on lire dans la brève biographie proposée par son éditeur.

Jointe au téléphone, Kathy Wong, présidente du conseil municipal actuellement en fonction et qui a dirigé cette commission, précise que les auteurs n’ont pas donné de formation linguistique à proprement parler, mais plutôt fourni un bagage historique et sociologique aux élus sur la langue épicène.

Ils n’ont pas été rémunérés. Ce n’est pas la Commission de la présidence qui a sollicité l’avis de ces deux chercheurs, mais plutôt le Conseil des Montréalaises.

Les deux chercheurs/juristes sont venus présenter leur perspective historique et sociologique en séance de travail le 13 juin 2018 lors d’une courte présentation d’environ 45 minutes, incluant une période de questions des membres de la Commission, précise Mme Wong.

Pourquoi faire appel à des non-experts? Je ne vois pas pourquoi la Ville fait appel à des personnes non expertes alors qu’au Québec, toute l’expertise est là et qu’elle est là depuis un bon moment, dit Marie-Éva de Villers, linguiste et lexicographe, connue pour son Multidictionnaire de la langue française. Les guides de féminisation et de langue épicène ont été conçus avec un grand professionnalisme par des experts de l’OQLF et sont entrés dans les mœurs des grandes institutions depuis un bon moment, ajoute Mme de Villers.

Auteure de l’avis officiel de féminisation des titres à l’Office québécois de la langue française, en 1977, la lexicologue est une pionnière dans le domaine de la féminisation de la langue. On ne peut, bien évidemment, que souscrire à cette idée de rendre l’écriture la plus épicène possible, mais à condition, toutefois, que cela demeure correct et lisible, explique la linguiste.

Texte du 28 mai 

Texte de Mathieu Bock-Côté.

Radio-Canada rapportait vendredi que la Ville de Montréal soumettra bientôt ses employés à des séances de rééducation linguistique, pour leur apprendre à réécrire comme l’exigent certaines ultraféministes. En pleine pandémie, la gauche radicale garde le sens de ses priorités.

En gros, il faudrait réinventer les règles de la langue française. C’est le règne de l’écriture inclusive et épicène.

On apprendra à tordre les règles de la langue et à écrire de la manière la plus « neutre » possible, quitte à déformer la grammaire et le sens des mots pour lutter contre la supposée « suprématie du masculin ».

Grammaire

Idéalement, on veut effacer le masculin et le féminin – voyons-y un écho de la théorie du genre qui rêve d’un monde sexuellement neutre, aseptisé.

Tout cela au nom de l’inclusion et de la lutte contre l’oppression. Les grands mots accouchent de grands maux.

Comment ne pas voir là une forme d’hallucination idéologique et linguistique ?

Derrière l’écriture inclusive, on trouve une forme de féminisme paranoïaque qui se croit en lutte contre la « suprématie du masculin » dans la langue française.

Ceux qui en font la promotion ont tendance à voir du sexisme dans les règles de la langue française, mais à n’en voir aucun dans le voile islamique.

Écoutez Les idées mènent le monde, une série balado qui cherche a éclairer, à travers le travail des intellectuels, les grands enjeux de sociétés.

C’est le néoféminisme académique qui cache derrière l’appel à l’émancipation féminine une aversion pour le grand méchant homme blanc.

Cette reconstruction idéologique du français est toxique.

Il faudrait pousser à l’apprentissage du français, pas le détruire.

Dialecte

Le dialecte montréalais, qui versait déjà dans cette forme particulière de la démence linguistique qu’est le franglais, se détachera encore plus du français international. Nos Inclusifs, qui se croient ouverts sur le monde, nous enfoncent dans un provincialisme étouffant.

Il m’arrive de croire que la gauche radicale est une forme de névrose idéologique.

Chose certaine, écrire correctement deviendra un acte de dissidence intellectuelle dans l’administration municipale « projetmontréalienne ».

vendredi 29 mai 2020

« Être sire de soi »

« Être sire de soi » ou « être seigneur de soi-même ».


Expression normande (en dialecte normand, on dit « sire de sei »).

Vieille devise libertaire normande, elle est aussi celle du 3e escadron du 11e régiment de cuirassés de l’Armée de Terre française.

Cet idéal d’être maître chez soi, d’être souverain se reconnaît jusque dans la toponymie normande qui associe très fréquemment le nom du propriétaire aux noms des lieux  et parfois sous des formes originales. Voir ci-dessous.



Principaux types toponymiques de la Normandie LA TERRE ET SES SEIGNEURS

 « Normand est Sire de sei », dit le dicton et l’inscription de la statue de Rollon à Rouen confirme à propos de la terre « Nous en resterons maîtres et seigneurs ».

En un pays où les paysans sont depuis si longtemps maîtres de leur bien, ce n’est certes pas un privilège seigneurial de donner son nom à la terre.

mardi 26 mai 2020

Québec — La cote R et les étudiants : qu'est-ce qui va se passer ?

La décision de ne pas comptabiliser les résultats de la session d’hiver 2020 dans le calcul de la Cote R fait partie des bouleversements qu’a occasionnés la COVID-19 dans le système d’éducation québécois. Cette décision n’a pas fait l’unanimité, mais elle évite d’accroître les iniquités provoquées par l’accès inégal aux moyens mis en place pour terminer la session. Les circonstances actuelles permettent de réfléchir à l’importance accordée à cet outil et à le remettre en question.


Dans son Conseil de la semaine, le Conseil supérieur de la l'Éducation met en lumière ses effets non désirés à travers quatre publications récentes.


[La cote de rendement au collégial, aussi appelée cote R, est une méthode statistique utilisée au Québec visant à mesurer la performance des étudiants de niveau collégial [fin du lycée en France] en vue de leur admission dans un programme contingenté à l'université.]

dimanche 24 mai 2020

Le modèle de l'Imperial College qui a causé la panique mondiale a de nombreuses faiblesses (comparaison avec la réalité en Suède)

Le modèle de propagation de la Covid-29 établi par une équipe de l’Imperial College de Londres (ICL), dirigée par Neil Ferguson, a attiré l’attention des médias par ses annonces dramatiques. Selon cette étude interne mise en ligne à la mi-mars, mais jamais publiée dans une revue scientifique, la Covid-19 causerait un demi-million de décès au Royaume-Uni (et deux millions aux États-Unis) en l’absence de strictes mesures de distanciation sociale. Ferguson déclara alors : « Nos estimations suggèrent que l’impact de l’épidémie en cours pourrait être comparable aux grandes pandémies de grippe du XXe siècle ».

Le graphe du rapport du Collège impérial prévoyant 2,2 millions de morts dues au coronavirus aux États-Unis sans mesures d’atténuation.

Le modèle informatique sur lequel s’appuyait Ferguson a été critiqué comme « peu fiable » (voir Hannah Boland ; Ellie Zolfagharifard [16 mai 2020]. " Le code informatique qui a conduit au confinement était « vraiment de mauvaise qualité » et un « bazar plein de bogues », disent les experts ». The Telegraph de Londres. David Richards ; Konstantin Boudnik (16 mai 2020). « Le modèle [du Collège] impérial de Neil Ferguson pourrait être l’erreur logicielle la plus dévastatrice de tous les temps ».) The Telegraph de Londres.

En complément à ces articles de presse, nous publions ci-dessous les remarques de Philippe Lemoine (doctorant à l’université Cornell en logique et philosophie des sciences, aux États-Unis) sur ce sujet.



Beaucoup de gens affirment que, si le modèle ICL a largement surestimé la gravité de l’épidémie en Suède sans verrouillage (https://medrxiv.org/content/10.1101/2020.04.11.20062133v1), c’est simplement parce qu’il n’a pas pris en compte de l’éloignement social volontaire, mais j’ai de mauvaises nouvelles pour eux.

En turquoise, la courbe des décès prévus par le modèle du Collège impérial (ICL) calibré avec les données de distanciation sur le terrain et, en rouge, les décès réels.

Plusieurs personnes ont exprimé leur surprise, parfois plus que cela, que je continue d’insister là-dessus [le modèle ICL], alors voici un court billet pour expliquer pourquoi je ne peux laisser passer cela et pourquoi je ne le ferai pas tant que les gens n’admettront pas que ce modèle était complètement faux.

Tout d’abord, les gens aiment dire que la science se corrige d’elle-même, mais cela ne signifie pas que cela se passe comme par magie. Quelqu’un doit encore faire la correction et, pour le moment, les épidémiologistes ne semblent pas souhaiter très fort le faire.

C’est un vrai problème que, purement par tribalisme (les gens qui critiquent le modèle ICL ont tendance à être du « mauvais » côté de la fracture politique), beaucoup d’entre eux continuent de défendre le modèle en utilisant l’argument manifestement fallacieux que j’ai déboulonné auparavant.

Mais une autre raison, qui est peut-être encore plus importante, est que puisque les gens n’admettront même pas que le modèle était mauvais, il n’y a pas de discussion sur pourquoi il était mauvais. Les gens disent simplement que c’est parce qu’il n’a pas modélisé la distanciation sociale volontaire et continuent de dire « circulez, il n’y a rien à voir ici ». Mais encore une fois, ce n’est manifestement pas la raison, car le modèle produit des prédictions encore énormément excessives même lorsque vous incluez la distanciation sociale volontaire dans le scénario.

D’après ce que j’ai vu lorsque j’ai exécuté une version modifiée du modèle pour la Suède, la raison immédiate semble être que, dans le modèle, le virus se propage beaucoup plus rapidement qu’il ne l’a fait en réalité.

Par exemple, même si je modélise prudemment la distanciation sociale volontaire sur la base des données de Google Mobility, cela prédit que ~ 50 % de la population a déjà été infectée à ce jour.

Maintenant, je ne sais pas exactement quelle proportion de la population a déjà été infectée en Suède, mais je ne doute pas que ce soit loin d’être 50 %. [7,3 % à Stockholm à la fin avril] Alors pourquoi le modèle a-t-il si mal prédit la dynamique de l’épidémie ?

C’est une question vraiment intéressante et importante, mais comme les gens sont trop occupés à prétendre que le modèle n’était pas vraiment faux, personne ne s’y penche vraiment...

Je ne sais pas vraiment pourquoi le modèle a si mal prédit la dynamique de l’épidémie, mais j’ai quelques théories. L’une d’eux est que c’est parce que, bien que le modèle suppose qu’ils le sont, les gens ne sont en fait pas tous également sensibles à l’infection.

Une équipe d’épidémiologistes a récemment montré que la variation de la sensibilité pouvait avoir un impact énorme dans un modèle SEIR. Je soupçonne que cela pourrait également être le cas dans un modèle multiagent tel que celui de l’ICL. Intervention strategies against COVID-19 and their estimated impact on Swedish healthcare capacity

Ce ne serait pas très difficile à tester en faisant quelques changements dans le code et peut-être que je le ferai quand j’aurai du temps, mais pour l’instant je n’en ai pas et je ne sais donc pas si je le ferai.

Je ne suis pas non plus le mieux placé pour le faire, car mon ordinateur portable n’est manifestement pas conçu pour exécuter des simulations aussi intensives en calcul. Il m’a fallu 65 heures pour exécuter la simulation dont j’ai parlé ci-dessus...

Ce n’est pas la seule possibilité, je peux en imaginer d’autres et je suis sûr qu’il y en a beaucoup auxquelles je n’ai même pas pensé. Je pense que comprendre pourquoi le modèle multiagent du Collège impérial de Londres a mal prédit la dynamique de l’épidémie pourrait être très instructif.

Malheureusement, pour que cela se produise, les gens doivent d’abord admettre que la dynamique a été complètement mal prédite et ne pas prétendre que c’est simplement parce qu’ils n’ont pas exécuté un scénario qui incluait une distanciation sociale volontaire, ce qui est une sottise totale.

Ce que j’ai dit n’épuise pas les raisons pour lesquelles je pense qu’il est important de ne pas prétendre qu’il faudrait circuler  parce qu’il n’y aurait rien à voir ici.

C’est franchement incroyable que je doive même me défendre pour ne pas laisser les gens s’en tirer avec une science de mauvaise qualité. La vérité est que, si ce modèle avait été utilisé pour justifier des politiques avec lesquelles vous n’êtes pas d’accord, je suis sûr que vous n’entonneriez pas l’air du « circulez, rien à voir » en ce moment 🤷‍♂️

ADDENDA :

Je suis d’accord avec l’essentiel de ce fil, à savoir qu’il n’y a pas de moyen évident de traduire les données de Google Mobility en interventions pour le modèle, mais j’y ai réfléchi et ce n’est pas non plus la raison pour laquelle le modèle a mal prévu la dynamique de l’épidémie.

Fondamentalement, puisque je savais que les gens feraient ce point (ce qui est tout à fait juste), la première chose que j’ai faite n’a pas été de lancer la simulation ci-dessus, mais un scénario avec un confinement strict : toutes les écoles et les entreprises non essentielles fermées, etc. Mais le modèle prédit toujours que le virus se propage beaucoup plus rapidement qu’il ne le fait réellement même avec ce scénario, bien que de toute évidence pas autant.

En turquoise, les prédictions de décès du Collège impérial de Londres avec un confinement strict (distanciation sociale, fermetures de toutes les écoles et des entreprises), en rouge les décès réels.

Maintenant, je conviens qu’il n’est pas évident de traduire les données de Google Mobility en interventions sur le modèle et que des personnes raisonnables peuvent être en désaccord sur la bonne façon de faire. Mais je ne pense pas que les gens raisonnables puissent être en désaccord sur le fait qu’il y avait beaucoup plus de distanciation sociale dans le scénario de confinement strict que j’ai exécuté ci-dessus que ce qui s’est réellement produit par le biais de la distanciation sociale volontaire.

Donc, même s’il est clair que, selon la façon dont vous traduisez les données de Google Mobility en interventions sur le modèle, cela peut ne pas sembler aussi mauvais, cela semblera assez mauvais, quelle que soit la manière raisonnable de le faire.

Comme je l’ai dit lorsque j’ai écrit la première fois sur les simulations que j’ai effectuées, je prévois d’écrire quelque chose où j’expliquerai plus en détail ce que j’ai fait. Une chose que je prévois de discuter est précisément le « problème de traduction », mais aussi pourquoi cela ne pourra sauver  le modèle. Si j’ai le temps, j’essaierai d’exécuter un ou deux autres scénarios, pour couvrir un éventail plus large des différentes manières dont on pourrait traduire les données de Google Mobility en interventions sur le modèle.

Mais cela ne fera que renforcer mon propos. Soit dit en passant, le scénario de confinement strict n’a pris « que » 37,5 heures à s’exécuter sur mon ordinateur portable, car moins de personnes sont infectées et la boucle sur les personnes infectées est apparemment la partie la plus intensive en calcul de la simulation, vous pouvez donc l’essayer à la maison 😄

Il y a d’autres choses que je n’ai pas expliquées.

Par exemple, la courbe « réelle » explique en fait les retards de déclaration, car si vous utilisez les données brutes, on a l’impression que le nombre de décès baisse plus rapidement qu’en réalité. Encore une fois, j’expliquerai tout cela lorsque j’écrirai à ce sujet.

Voir aussi

De Philippe Lemoine sa critique de l’étude du Lancet qui prouverait que l’hydroxychloroquine est non seulement inefficace, mais dangereuse, ce qui ne veut pas dire que Ph. Lemoine considère que l’hydroxycholoroquine soit efficace ou que le Pr Raoult ne dise pas des âneries selon lui. Les échantillons de cette étude sont très suspects. « Douste-Blazy avait entièrement raison et n’aurait jamais dû admettre qu’il avait tort, mais les défenseurs autoproclamés de la “science”, qui se croient très intelligents, n’ont juste pas compris l’argument »

Hydroxychloroquine update [étude du Lancet est le fait de seulement 4 personnes d'une société privée, données opaques, hôpitaux inconnus, posologies inconnues, dossiers médicaux mal connus, conclusions contredites par celles d'une étude précédente du New England Journal of Medecine avec bien de meilleures données sur les patients.] 






samedi 23 mai 2020

« La crise a montré la nécessité d’apporter de la flexibilité à un système éducatif qui n’en a pas »

Évolution de l’école et du métier d’enseignant, rôle des parents, individualisation des apprentissages, etc. : quels enseignements pour l’école tirer de la crise sanitaire ? « Le Monde » a posé la question à Alain Bouvier, ancien recteur et rédacteur en chef de la « Revue internationale d’éducation de Sèvres ».

Propos recueillis par Séverin Graveleau publiés le 19 mai 2020, retrouvez l’article dans le journal Le Monde.

Ancien recteur, rédacteur en chef de la Revue internationale d’éducation de Sèvres et professeur associé à l’université de Sherbrooke (Canada), Alain Bouvier est un observateur attentif du système éducatif français, qu’il côtoie depuis longtemps. Son dernier ouvrage, Propos iconoclastes sur le système éducatif français (Berger Levrault, 2019), ne lui a pas valu que des amis dans la « corporation » enseignante et chez les « statuquologues », comme il les appelle. Dans le cadre des Discussions du « Monde de l’éducation », Le Monde lui demande quels sont, selon lui, les enseignements pour l’école à tirer de la crise sanitaire.




En 2009, en pleine épidémie de grippe H1N1, vous évoquiez, dans une interview au « Monde », un système éducatif « individualisé, empirique et non régulé » en cas de fermeture généralisée des écoles. Ce ne fut pas le cas. Ce moment est-il advenu aujourd’hui, selon vous ?

À l’époque, nous étions dans le contexte d’une possible pandémie de grippe A. Cette fermeture généralisée n’avait heureusement pas eu lieu. Mais l’analyse que je faisais correspond bien à ce que nous sommes en train de vivre. Pendant cette crise, l’enseignement formel pour tous, par un professeur suivant le programme officiel en présentiel dans sa classe, a de fait disparu au profit de propositions pédagogiques diverses, parfois innovantes, parfois moins, à distance, plus individualisées et moins encadrées. Les familles s’en sont saisies différemment selon les milieux…

Cette fragmentation sans précédent du système éducatif s’incarne aujourd’hui dans les modalités de « retour » à l’école. Les réouvertures d’établissement s’étalent sur plusieurs semaines. Les familles ont le choix de renvoyer ou non leur enfant à l’école. Et selon quatre modalités différentes de scolarisation : tout présentiel, distanciel et présentiel, tout distanciel, et enfin un temps partagé entre les cours et les nouvelles activités périscolaires « 2S2C » (sport, santé, culture, civisme)…

Mais l’individualisation dont vous parlez est exceptionnelle, dans un contexte qui l’est tout autant. Quels peuvent en être les effets à long terme sur l’école ?
Il est bien sûr impossible de dire ce qui restera de ce fonctionnement inédit après la crise. Mais cette situation pose la question des finalités que l’on donne à l’école. Est-elle là, comme certains le défendent, pour son rôle social, pour construire du vivre-ensemble et une culture collective, découvrir l’autre, etc. ? Ou bien sa mission est-elle de se mettre au service de la réalisation des projets de chacun et chacune, individuellement ? Je crois que la crise réactive ce débat historique, dans la mesure où la mission sociale de l’école a été, un temps au moins, mise en difficulté par la fermeture des établissements…

Au-delà de cette question, il est possible que le rôle des familles et le trio « enseignants-élèves-parents » sortent renforcés de la crise. Par la force des choses, l’école française, qui a historiquement mis à l’écart les familles, a dû s’ouvrir aux parents comme jamais, et vice-versa. Je me réjouis de voir que, grâce à cette crise, les apprentissages des élèves ont été mis sur la table de façon visible pour les familles. Les enseignants, souvent habitués à travailler dans le huis clos de leur salle de classe, ont été obligés d’« ouvrir leur porte ». Espérons qu’ils y auront trouvé du plaisir pour continuer à le faire, après la crise, auprès de parents qui s’y seront un peu habitués.

Selon vous, quels sont les autres effets de la crise sur le métier d’enseignant et son image auprès des Français ?

Elle a permis de voir que l’accompagnement des élèves est aussi important que l’enseignement qui leur est donné, et donc mis en avant le rôle pédagogique central à côté des enseignants des autres accompagnants que sont les parents, les CPE, etc. Et la nécessité d’échanger avec les autres professeurs pour partager des pratiques pédagogiques. La crise a donc montré que la pédagogie ne peut être qu’un travail d’équipe. Mais aussi que l’apprentissage doit être en partie individualisé, alors que cela est nié par une partie de la profession depuis cinquante ans, qui explique qu’il n’y a d’apprentissage que collectif, avec la « dynamique » d’un groupe, etc. La situation a prouvé que les deux approches sont complémentaires.

Quant à l’image du métier auprès des Français, si celle-ci s’est détériorée progressivement depuis quarante ans, c’est justement, car ce métier n’est pas assez connu, tout étant fait pour qu’il ne le soit pas. Aujourd’hui, c’est peut-être un peu moins le cas qu’il y a deux mois…

Quelles sont selon vous les évolutions souhaitables de l’école après cette crise ?

Cette crise a une nouvelle fois montré la nécessité d’apporter de la flexibilité à un système éducatif qui n’en a pas, entre autres à cause du rôle de ceux que j’appelle les « statuquologues » (certains syndicats, la technocratie intermédiaire de l’éducation nationale, etc.). J’observe d’ailleurs que ceux-ci ont observé une relative « trêve », au moins au début du confinement. Les enseignants ont une nouvelle fois montré que lorsque le cadre se desserrait un peu, ils étaient capables, au moins pour une partie d’entre eux, d’innover et de bien faire leur métier, sans que celui-ci n’ait besoin d’être corseté par une multitude de circulaires tatillonnes arrivant à cadence renforcée de l’administration centrale.

On pourrait donc imaginer, aujourd’hui plus qu’hier, et même si une partie de la corporation n’y est pas favorable, des modes de fonctionnement avec plus de flexibilité et de responsabilité au niveau local, pour les chefs d’établissement et les enseignants. L’école de demain devra faire sa place aussi à une diversité des formes de scolarisation, pour développer des modèles « hybrides » combinant, de manière plus organisée que pendant la crise, temps de classe et travail à distance, comme cela existe dans d’autres pays. Et ce afin de ne pas laisser cette souplesse aux seules structures privées, qui proposent aussi leurs services aux familles.

Les semaines qui viennent, ainsi que la rentrée de septembre, seront déterminantes pour juger de la pertinence des solutions proposées pour faire face à la crise. Est-ce qu’on cherchera immédiatement, en fonction des succès ou des échecs, à revenir à l’uniformisation qui prévalait avant ? C’est une vraie question, qui mériterait, je crois, un débat parlementaire et un nouveau « contrat scolaire » entre les Français et leur école.

Recherche — Failles dans le mécanisme de relecture par des pairs

Il y a quelque chose de pourri au royaume de la science. Coup sur coup, trois noms de l’édition scientifique ont été contraints de retirer plusieurs études qu’ils avaient publiées. Dans les trois cas, la fraude était intervenue au cours du processus de relecture et de validation des articles par les pairs (le comité de relecture), c’est-à-dire au cœur même de la machinerie scientifique. Pour ceux qui ne seraient pas familiarisés avec cette procédure, voici la marche à suivre quand des chercheurs veulent publier le résultat de leurs travaux. Ils rédigent tout d’abord leur étude puis l’envoient à une revue. L’éditeur de celle-ci adresse ensuite le texte à un ou plusieurs spécialistes, les relecteurs, qui, par leur expertise, sont à même de saisir la portée de l’article et censés en effectuer une analyse critique. Souvent anonymes, ils peuvent décider de rejeter ce dernier s’ils ne le jugent pas assez intéressant ou pas au niveau de la revue ; ils peuvent aussi, avant de se prononcer, demander un certain nombre d’éclaircissements voire de nouvelles expériences ; ils peuvent enfin accepter l’étude, en général au prix de corrections et de précisions. Si les experts donnent le feu vert, le texte est publié.

Entre l’envoi initial et la parution de l’article, le processus peut prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et cette validation par les pairs est censée garantir la qualité et le sérieux de la revue. Mais quand la révision par les pairs est piratée, comme cela vient de se produire à plusieurs reprises, c’est tout l’édifice scientifique qui est ébranlé. Les trois affaires ont été révélées au grand jour par l’excellent site « Retraction Watch ». La première date du 16 décembre. L’éditeur Hindawi a été contraint de retirer d’un coup dix articles dont un des coauteurs, le Sud-Coréen Jason Jung, avait frauduleusement soumis lui-même les rapports de relecture. Il est évidemment plus facile de voir son travail accepté par une revue quand on procède soi-même à son évaluation...

La deuxième affaire touche un grand nom de l’édition scientifique, le Nature Publishing Group (NPG), qui, comme son nom l’indique, publie notamment la prestigieuse revue Nature. Dans un communiqué laconique rendu public le 18 décembre, le NPG annonce que trois articles, tous rédigés par des équipes chinoises et parus dans les journaux Cancer Gene Therapy et Spinal Cord, ont été retirés, c’est-à-dire désavoués. On n’a pas beaucoup d’explications, mais, là encore, est en cause une fraude au niveau de la révision par des experts. Enfin, « Retraction Watch » a annoncé le 24 décembre que le groupe d’édition SAGE, après avoir mené une enquête sur des études suspectes soumises à une de ses revues, le Journal of the Renin-Angiotensin Aldosterone System (JRAAS), avait retiré 21 articles. Huit d’entre eux avaient déjà été publiés, tous issus d’équipes chinoises...

Au total, en moins de dix jours, 34 études sont donc parties dans les oubliettes de la science. Cette rafale de rétractations n’est en réalité pas surprenante, car elle s’inscrit dans une sorte d’« opération mains propres » à laquelle les grands éditeurs du monde scientifique ont été contraints de se livrer depuis un an. En décembre 2014 en effet, le Comité sur l’éthique des publications (COPE, selon son acronyme anglais), organisation à but non lucratif regroupant plus de 10 000 éditeurs scientifiques dans le monde, lançait un signal d’alarme. Dans un communiqué, le COPE constatait « des tentatives systématiques et inconvenantes pour manipuler le processus de revue par les pairs de plusieurs journaux appartenant à différents éditeurs. Il apparaît que ces manipulations ont été orchestrées par un certain nombre d’agences tierces offrant leurs services à des auteurs. »

Pour comprendre ce qui peut sembler un tantinet obscur dans cet extrait, il faut entrer quelques minutes dans l’arrière-cuisine de la science, là où se mitonne la tambouille de la recherche. Très populaires en Asie — et notamment en Chine, les « agences » auxquelles se réfère le communiqué du COPE sont des officines qui, moyennant finances, proposent aux chercheurs en mal de reconnaissance et soumis à la pression du «  Publie ou péris » des articles clés en main ou, plus simplement, une « aide » à la publication. Et, parfois, l’aide fait un détour par la tricherie. Comment cela ? Trois cas principaux se présentent. Dans les deux premiers, les fraudeurs profitent du laxisme de revues fainéantes, lesquelles demandent aux auteurs de fournir avec leurs articles une liste de spécialistes de leur domaine qui pourraient servir de relecteurs. Première possibilité : les chercheurs pressentis sont de mèche avec les auteurs (ou rémunérés par les agences pour leur mansuétude...) et, en attente d’un retour d’ascenseur, ils jouent au « passe-moi la rhubarbe, je vous passerai le séné ».

Seconde possibilité,
nettement plus tordue, mais visiblement très en vogue : les auteurs ou, bien souvent, les agences qui agissent à leur place fournissent le nom de chercheurs, mais avec de fausses adresses de courrier électronique. Du coup, sans se douter de l’entourloupe, les revues leur renvoient leurs études en leur demandant de les évaluer ! Il suffit de donner une réponse bienveillante, mais assortie de quelques remarques judicieuses, histoire de ne pas éveiller la méfiance des éditeurs, et le tour est joué : un « pair » a validé le travail, on peut le publier. Dans le dernier cas de figure, on a affaire à un piratage classique : quelqu’un pénètre dans le système informatique gérant les études à relire et adresse celles qu’il veut valider à un réviseur fictif ou complice. C’est ce qui s’est produit pour le journal Optics & amp ; Laser Technology, du groupe Elsevier, qui a dû retirer en 2012 une dizaine d’articles frauduleusement acceptés.

Depuis qu’a éclaté le scandale de ces manipulations de la relecture par des pairs, on a, selon « Retraction Watch », comptabilisé près de 300 rétractations, la plupart concernant des études venues d’Asie — chinoises, taïwanaises, sud-coréennes — et impliquant souvent les fameuses « agences » du marché noir de la science, que j’évoquais plus haut. Il y a un mois, Pékin, soucieuse de restaurer une crédibilité scientifique bien ébranlée, a réagi en interdisant aux chercheurs chinois de travailler avec ces agences. Quant aux éditeurs, ils ont lancé de nombreuses enquêtes internes dont les retombées n’ont sans doute pas fini de se faire sentir. Nombreuses sont également les revues qui ont promis de ne plus demander aux auteurs de leur fournir une liste de relecteurs potentiels. Histoire que la si essentielle validation se fasse bien par des pairs et non par des fantômes.

Source (avec correction grammaticales et éditoriales)

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Comment la science se trompe....

Manipulations de données par des chercheurs du GIEC ?

« Sans transparence, on ne peut faire confiance à la science du climat »

vendredi 22 mai 2020

Selon une étude universitaire, une bonne partie des études universitaires ne seraient pas fiables...

L'équipe du Reproducibility Project
au Centre de la Science ouverte
à Charlottesville en Virginie

Des chercheurs américains ont reproduit une centaine d’études pour les vérifier. Résultat, moins de la moitié des contre-études sont arrivées aux mêmes conclusions que les recherches originales.

Des protocoles identiques, des échantillons similaires, mais des résultats différents. Une équipe de 270 chercheurs a tenté de reproduire des études de psychologie. Dans à peine 40 % des cas, ils sont arrivés aux mêmes résultats que les recherches originales, selon les conclusions de ce projet, baptisé « Reproducibility Project », publiées jeudi dans la revue Science.

Les études en question avaient été publiées initialement en 2008 dans trois revues scientifiques de référence (Psychological Science, the Journal of Personality and Social Psychology et the Journal of Experimental Psychology), et traitaient aussi bien de comportements sociaux, de la perception ou de la mémoire.

Comment expliquer un tel décalage entre les études originales et leurs reproductions ? Le nombre de publications en plein boom, et la pression qui pèse sur les scientifiques qui cherchent de plus en plus à obtenir des résultats-chocs, plus susceptibles d’être repris dans les médias grand public, note le New York Times. Les chercheurs remettent en cause depuis quelques années cette course effrénée à la publication et à le facteur d’impact, indice qui mesure la popularité d’un article par le nombre de ses citations par d’autres chercheurs, expliquait Slate il y a quelques mois. Selon Arturo Casadevall, du Collège de médecine Albert Einstein à New York, «exiger des scientifiques qu’ils mènent des recherches avec un haut facteur d’impact crée un biais fort: cela les décourage de faire des recherches très risquées et cela réduit les chances de découvertes révolutionnaires inattendues».

Pour Brian Nosek, coauteur de l’étude et chercheur à l’université de Virginie, cela montre que les scientifiques doivent constamment se remettre en question. Surtout que les résultats pourraient être encore moins concluants dans d’autres disciplines, y compris de sciences dites dures, comme la biologie cellulaire, les neurosciences ou la médecine clinique.

« Cette étude montre que nous avons un problème, mais nous pouvons tenter d’y remédier », estime de son côté Dorothy Bishop, professeur de développement neuropsychologique à l’université d’Oxford. Elle invite les chercheurs à travailler sur des échantillons plus représentatifs, à enregistrer obligatoirement leurs méthodes d’enquête en amont, et à publier les données récoltées, afin que leurs expériences puissent être reproduites plus facilement.

Ce type de démarche de vérification ne fait cependant pas l’unanimité dans la communauté scientifique, certains détracteurs pointant le fait que les contre-études, souvent réalisées par de jeunes chercheurs moins expérimentés, ne sont, elles, jamais vérifiées.


Coronavirus — Les médias ont-ils fait preuve d'alarmisme ?

Commençons par un court extrait d’une émission française sur LFI qui passe en revue trois idées fausses (pardon des vérités d’alors), toutes très alarmistes, que les grands médias ont colportées sur la Covid-19 :
  • Le taux de mortalité était présenté comme très dangereux (3,5 % des gens contaminés meurent) alors qu’aujourd’hui selon LCI il est de 0,53 % (c’est une fourchette haute, voir la vidéo de Unherd avec le virologue ci-dessous, elle pourrait même être de 0,3 %). Notons que dès mars le Pr Raoult disait, à la lumière du nombre de décès qui s'étaient produits sur le Princess Diamond dont la clientèle de croisiéristes était très âgée (âge médian de 69 ans) que ce 3,5 % était beaucoup trop haut. Rappelons que ce bateau comptait 3 711 membres d'équipage et passagers dont 712 seront infectés au Covid-19 et 14 en mourront (soit 1,9 % de morts). La revue Nature rapportait le 26 mars que le taux de mortalité par cas infectés en Chine s'établissait dans une fourchette allant de 0,5 % à 1,1 % bien plus bas que le taux de 3,8 % que l'OMS a publié.
  • Les médias et l’OMS affirmaient que le virus était là pour des mois parce qu’il est insensible à la chaleur, au soleil et à l’humidité, or voilà que des études prouvent l’inverse (de même, il semble vivre nettement moins longtemps sur les surfaces que ce qu’on a d’abord annoncé).



Le 6 mai 2020, le Téléjournal de 22 heures de Radio-Canada débutait sur un ton sombre et alarmiste. En manchette, les propos de l’ancien directeur des Centres de lutte et de prévention des maladies américains, propos répétés lors du reportage consacré à la situation aux États-Unis « Aussi tragique qu’ait été la situation, ce n’est que le début ». Puis, le portrait d’une situation qui se dégradait aux États-Unis « Mais la situation se détériore dans une vingtaine d’États, dont plusieurs comme le Texas et la Géorgie ont mis fin au confinement. Une erreur selon Andrew Cuomo [...] »

Voir les extraits ci-dessous (nous avons coupé la rhétorique prévisible et pavlovienne contre Trump qui changerait souvent d’avis et qui pense surtout à sa réélection, comme si c’était le seul actuellement).

Or qu’en était-il le soir du 6 mai ?

Voici les chiffres (provisoires pour les 14 derniers jours du graphe) du site officiel du Ministère de la Santé de la Géorgie.



Le nombre préliminaire des cas positifs pour le 6 mai (les derniers du graphe) était donc en baisse.


Le nombre préliminaire des décès pour le 6 mai (les derniers du graphe) est en baisse.

Et voici ceux les chiffres de la Géorgie publiés le 7 mai (si jamais il y avait un retard de publication sur le site internet gouvernemental).



Les chiffres sont toujours à la baisse.

Et enfin ceux du 21 mai, 15 jours plus tard une fois que les chiffres du 6 mai ont été finalisés et officialisés.





Toujours pas de hausse, si ce n’est les dents de scie habituelles souvent dues à des décès ou des cas qui ne sont pas tout de suite rapportés (les chiffres de la fin de semaine sont comptabilisés au milieu de la semaine). En fait tous les chiffres sont à la baisse.

Pourquoi Radio-Canada a-t-elle affirmé avec tant d’aplomb que « 
la situation se détériore dans une vingtaine d’États dont plusieurs comme le Texas et la Géorgie ont mis fin au confinement. » ? Un de nos correspondants a posé la question à Radio-Canada le 7 mai et le 21 mai, il n’a toujours pas reçu de réponse.

Qu’en était-il des États-Unis dans son ensemble ?

Le Téléjournal affirmait que les choses empiraient à l’échelle des États-Unis et soulignait par deux fois les propos apocalyptiques d’un expert (sans contrepartie plus optimiste). Le correspondant radio-canadien résume : « cela équivaut aux pires moments de la grippe espagnole, et il prévient ce n’est qu’un début : “Aussi tragique qu’ait été la situation, ce n’est que le début”. » Rappelons que la grippe espagnole a causé la mort de 20 millions à 50 millions de personnes sur une population mondiale en 1919 d’environ 1,5 à 2 milliards (environ 4 à 5 fois moins qu’aujourd’hui). Il faudrait donc s’attendre de 80 à 250 millions de morts pour la Covid-19 si l’on comprend bien cet expert savamment choisi. La Covid-19 n'a pourtant fait que 332 924 morts à l’heure où nous publions ces lignes.

Or la tendance des cas positifs aux États-Unis est à la baisse depuis la fin avril (avec les dents-de-scie habituelles) alors que le nombre de tests ne fait qu’augmenter. On trouve donc de moins en moins de personnes infectées malgré de plus grands efforts pour les dépister.





Qu’est-ce qui permettait scientifiquement (les alarmistes adorent cet adverbe) à Radio-Canada de diffuser ce reportage aux accents apocalyptiques ? Fallait-il faire croire aux téléspectateurs que Trump et la Géorgie conservatrice et trumpienne sont des inconscients ?

Parlant de Trump, quelques jours plus tard au téléjournal de Montréal du 19 mai à 18 h, Patrice Roy interrogeait le  Dr Weiss sur l’hydroxychloroquine que M. Trump avait avoué prendre comme prophylactique. Sourires narquois. Le Dr Weiss affirme alors qu’il n’y avait aucune preuve que cela pouvait être efficace, laissant entendre que c’était donc une autre idée farfelue du président américain.

Mais cela n’est peut-être justement pas si farfelu que cela.

  • Il y a eu un grand événement d’exposition au COVID-19 dans un hôpital de soins de longue durée en Corée.
  • Une prophylaxie post-exposition utilisant l’hydroxychloroquine a été fournie à 211 personnes.
  •  Le développement de la maladie a été prévenu avec succès (aucune personne infectée) sans événements indésirables graves. [Au bout de 14 jours de quarantaine, tous les tests de PCR de suivi étaient négatifs.]
D’autre part, un article italien du quotidien Il Tempo rapporte des résultats intéressants fournis par l’analyse du registre de la Société italienne de rhumatologie (SIR). Pour évaluer les corrélations possibles entre la Covid19 et les patients chroniques auxquels on prescrit régulièrement de la chloroquine, « la SIR a interrogé 1 200 rhumatologues dans toute l’Italie pour recueillir des statistiques sur les infections. Sur un public de 65 000 patients chroniques (lupus et polyarthrite rhumatoïde), qui prennent systématiquement du Plaquénil ou plus généralement de l’hydroxychloroquine, seuls 20 patients ont été testés positifs pour le virus. Personne n’est mort, personne n’est en soins intensifs, selon les données recueillies jusqu’à présent. »

De toute façon, de conclure le savant journaliste, il semble que la chloroquine perde de la faveur. Patrice Roy dit alors avoir lu récemment deux études sur le sujet qui montraient que c’était inefficace. Espérons qu’il ne s’agit pas d’articles au sujet de ces deux études à très faibles effectifs dont une (française) est vraiment bâclée. Lire « Les journalistes ne savent ni lire ni interpréter les études médicales » au sujet de ce médiocre article de l’AFP sur ces deux études qui a donné lieu à un grand ballet de copiés-collés dans les médias.


Enfin, pour ceux qui veulent entendre des réflexions moins sensationnalistes (et, à nos yeux, erronées ou irresponsables) que la SRC, nous vous conseillons la chaîne UnHerd (en anglais) où l’on trouve plusieurs vidéos bien faites où des spécialistes (certains alarmistes, mais la plupart rassurants)  s’expriment doctement et posément sur le sujet de la Covid-19. Nous vous en proposons deux ci-dessous avec leur résumé en français.



Résumé : Le présentateur Freddie Sayers s’entretient avec le virologue allemand, le professeur Hendrik Streeck, sur les raisons pour lesquelles il pense que les mesures de confinement ont été enclenchées trop tôt et sur la façon dont ses résultats montrent un taux de mortalité de la Covid-19 de 0,24 à 0,36 %.

La mortalité de Covid-19, mesurée par le « taux de mortalité infectée » ou le pourcentage de personnes infectées finissant par mourir, est devenue un problème d’importance mondiale. UnHerd a interrogé à des experts aux deux bouts du spectre des estimations du taux de mortalité, de Neil Ferguson (de l’Imperial College qui pense désormais [il a déjà été nettement plus alarmiste] que le taux est d’un peu moins de 1 %, peut-être 0,8-0,9 %) au Suédois Johan Giesecke qui maintient qu’il est plus proche de 0,1 % soit un sur mille.



Résumé : Freddie Sayers interviewe le professeur Karol Sikora, le doyen fondateur et professeur de médecine à la faculté de médecine de l’Université de Buckingham et un ancien directeur du programme OMS contre le cancer.

Le professeur Karol Sikora est devenu une sorte de célébrité au Royaume-Uni au cours des derniers mois pour ses commentaires d’experts sur la pandémie et sa tendance inhabituelle à l’optimisme plutôt qu’au pessimisme.

Pour lui le virus se « fatigue »
  • Au cours des deux dernières semaines, le virus montre des signes de détérioration ;
  • C’est comme si le virus « se fatiguait », presque « s’ennuyait » ;
  • Cela se produit à travers le monde quasiment en même temps ;
  • C’est un phénomène que l’on observe souvent avec les maladies respiratoires sans qu’on puisse totalement l’expliquer.
Immunité collective existante
  • Les tests sérologiques dans le monde (et à paraître en Grande-Bretagne) ne révèlent pas nécessairement le pourcentage de personnes qui ont eu la maladie ;
  • Il estime que 25 à 30 % de la population britannique a eu Covid-19, et plus dans le groupe le plus sensible ;
  • Des poches d’immunité collective expliquent déjà en partie le ralentissement ;
  • Le résultat final de la Suède (non confinée, mais distanciée)  ne sera pas différent du nôtre (strictement confiné).
Peur plus mortelle que le virus
  • Lorsque les historiens se pencheront sur cette histoire seront écrits, la peur aura tué beaucoup plus de personnes que le virus, y compris un grand nombre de patients cancéreux et cardiologiques non traités ;
  • Nous aurions dû rouvrir plus tôt les hôpitaux aux patients non coronavirus.
Masques et écoles
  • Les preuves sur les masques ne sont tout simplement pas convaincantes (sauf probablement rapports très rapprochés inévitables), donc ce devrait être une « décision individuelle » ;
  • Nous devrions passer à 1 m de distance sociale, ce qui signifie que les restaurants et les bars pourraient rouvrir ;
  • Davantage d’écoles devraient rouvrir en juin, car « les enfants ne sont pas les transmetteurs de ce virus » ;
  • Nous devrions revenir à l’ancienne « normale » et non à une « nouvelle normale » Coronavirus (Covid-19).

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jeudi 21 mai 2020

Libérons les enfants du confinement gouvernemental

Richard Martineau qui, il y a deux semaines encore, fustigeait les anti-confinements comme des peureux est désormais pour qu'on libère les enfants de ce même confinement strict et généralisés.




La chronique de Richard Martineau:

Comme plusieurs d’entre vous, j’ai profité du beau temps, ce week-end, pour me promener dans des parcs et faire du vélo. J’ai discuté avec de nombreux parents. Et qu’est-ce que j’ai entendu le plus souvent ? « C’est bien beau, le confinement, mais je ne vais quand même pas empêcher mes enfants de jouer avec leurs amis ! Pourquoi enfermer les enfants alors que ce ne sont pas eux qui sont les plus vulnérables, mais les vieux – et même, les vieux malades ? »

ESBROUFE SANITAIRE ?

De plus en plus de parents se posent cette question. Les chiffres sont clairs : les enfants sont très peu à risque. Pourquoi on les confine comme s’ils avaient 70 ans ? La semaine dernière, l’animateur Jean-François Baril a publié un texte qui a enflammé les médias sociaux. « Nos jeunes commencent à être taciturnes et isolés, a-t-il écrit. Ils sont sans école, parfois sans parents à la maison et sans objectifs à court terme.

« C’est bien beau le golf, l’escalade en montagne et l’équitation. Mais pourquoi un entraîneur ne pourrait pas être avec six garçons sur un terrain de soccer et leur faire pratiquer leur jeu de jambes ? Pourquoi quatre filles ne pourraient pas pratiquer le basketball avec leur coach en respectant les consignes ? « Avec un peu de surveillance, c’est possible d’ouvrir les parcs de balle, de soccer et de football, afin de permettre ces sports de masse. »

Le journaliste Louis-Philippe Messier­­­ a publié un texte semblable dans le 24H. « Pourquoi le ministre de l’Éducation impose-t-il une panoplie de précautions presque impossibles pour les écoles primaires et les garderies si les enfants ne sont pas plus menacés que menaçants ? Du théâtre pour rassurer les adultes, de l’esbroufe sanitaire ? « Pourquoi continuer de leur interdire de jouer entre voisins ou d’utiliser les modules dans les parcs ? »

VICTIMES COLLATÉRALES

Hier, à l’émission de ma conjointe, Sophie Durocher, sur Qub Radio, la Dre Marie-Claude Roy, pédiatre au CHU-Sherbrooke, n’a pas mâché ses mots.

On sait que les enfants sont très peu malades de la COVID et qu’ils sont de très mauvais vecteurs pour la transmettre, pourtant, ils constituent la tranche de la population la plus confinée au Québec. On commence à déconfiner les personnes âgées, mais il n’y a pas de plan concret pour déconfiner les jeunes...

  es enfants ont besoin de se socialiser pour se construire, ils doivent pouvoir jouer avec leurs amis, afin d’apprendre à exprimer et à contrôler leurs émotions. De même, les ados ont besoin de vivre leurs premiers émois amoureux. « Les mesures de santé publique doivent être adaptées pour les enfants, on ne peut pas leur imposer les mêmes mesures de distanciation sociale qu’on impose aux adultes, ça n’a aucun sens !

On dit que les écoles secondaires n’ouvriront peut-être pas en septembre. C’est impensable ! Les dommages que ça causerait chez les ados dépasseraient tout ce que pourrait causer la COVID !

On est en train de sacrifier une génération qui ne s’en sortira pas indemne­­­. Les enfants sont les victimes collatérales de cette crise... 

À quand le Front de libération des enfants ?

mercredi 20 mai 2020

Masqués contre le coronavirus, les élèves sud-coréens retournent à l'école

La découverte de nouveaux cas de coronavirus chez deux élèves a entaché la réouverture des écoles sud-coréennes ce mercredi, forçant 75 lycées à détourner les élèves, craignant chez certains enseignants qu’il n’était pas sûr que les cours reprennent.

Certains étudiants ont été renvoyés chez eux presque dès qu’ils ont franchi les portes de leur école pour la première fois cette année, après que deux élèves en dernière année se soient révélés positifs à Incheon mercredi matin, a indiqué le ministère de l’Éducation.

Le début du semestre de printemps avait été reporté à plusieurs reprises depuis mars alors que la Corée du Sud luttait contre la première grande épidémie de coronavirus à se déclarer en dehors de la Chine. Les cours étaient prodigués en ligne.

Mais, alors que le nombre de cas positifs quotidiens de coronavirus en forte baisse depuis un pic en février, la plupart des 2 356 lycées sud-coréens ont rouvert en vertu de nouveaux protocoles de santé pour empêcher la propagation de la maladie. Toutes les écoles ouvriront leurs portes entre le 20 mai et le 1er juin. Des centaines de milliers d’élèves en Corée du Sud sont revenus à l’école mercredi.

Cette rentrée s’est faite avec les précautions d’usage : vérification de la température corporelle, gel hydroalcoolique, et salutations à distance. « C’est vraiment super de retrouver mes amis et mes profs en face à face, mais il faut suivre strictement les consignes de désinfection », a souligné auprès de l’AFP Oh Chang-hwa, lycéen de Séoul. « Je suis très inquiet, mais c’est quand même sympa de les revoir ».

La Corée du Sud avait été pendant un moment le deuxième pays le plus touché au monde par la maladie (Covid-19), ce qui avait incité les autorités à ne pas faire revenir les élèves après des vacances début mars. Ce pays s’est attaqué au problème avec une stratégie de dépistage à laquelle il a consacré les plus grands moyens, et qui a été louée comme un modèle du genre.

Environ 440 000 élèves en dernière année de lycée, promis en décembre au crucial test d’entrée dans les universités, ont été les premiers à retrouver leur classe. Ils y seront chaque jour. Les plus jeunes, amenés à revenir progressivement dans les prochaines semaines, alterneront entre présence en classe et cours en ligne. Les élèves doivent nettoyer régulièrement leur table et respecter une distance minimale avec leurs camarades. Certaines classes ont été équipées de barrières protectrices entre élèves.

« Les inquiétudes quant à d’éventuels petits foyers d’infection demeurent toujours et personne ne peut prédire quelles situations pourraient se faire jour dans les écoles », a prévenu la ministre de l’Éducation Yoo Eun-hae. Son ministère a une cellule de crise ouverte 24 heures sur 24, et les écoles faisant état de nouvelles infections doivent fermer immédiatement.

« Les journalistes ne savent ni lire ni interpréter les études médicales »

Vendredi 15 mai 2020, un des sujets qui traversent l’ensemble des médias français, tout au long de la journée, est : « deux nouvelles études montrent que l’hydroxychloroquine n’est pas efficace contre la Covid ». On va montrer ici que les journalistes ne savent pas lire les études médicales et que le message ainsi diffusé est purement et simplement trompeur. Le tout part d’une dépêche AFP qui n’a pas interrogé de chercheurs (comme le Pr Raoult) qui préconisent l’utilisation de l’hydroxychloroquine pour leur demander ce qu’ils pensaient de ces études selon le vieux précepte latin audi alteram partem.

Texte de LAURENT MUCCHIELLI, Sociologue, directeur de recherche au CNRS (Laboratoire Méditerranéen de Sociologie).

La crise du Covid est comme un révélateur ou un miroir grossissant, elle exacerbe les mécanismes préexistants. C’est vrai du fonctionnement du pouvoir politique et de la haute administration dépendant du ministère de la Santé. Et ça l’est également de la presse française, qui s’enfonce dans la superficialité et la suffisance. On n’a jamais vu autant de journalistes parler de science, et on n’a jamais vu autant de journalistes dire autant de bêtises. On va ci-dessous montrer une fois de plus que la plupart d’entre eux ne savent pas lire un article scientifique. Pire : on va comprendre qu’ils ne jugent même pas nécessaire d’apprendre à le faire, tellement ils sont pressés de confirmer leurs opinions.

Un grand concert de copier-coller

C’était hier matin — 15 mai 2020 — sur BFMTV (télévision privée) puis sur France Info (radio publique), puis encore sur le site Internet de France Info (encore le service public). Et tout cela était nourri des dépêches de l’Agence France Presse (AFP) tombées la veille au soir. Dépêches qui nourriront au fil de la journée l’ensemble de la presse dans un grand concert de copiés-collés.

BFMTV – fil d’actualités — 6 h 57 — Hugo Septier avec AFP : « Coronavirus : l’hydroxychloroquine n’est pas efficace, selon deux études ». Extraits : « Selon deux études publiées vendredi, le traitement qui a fait couler beaucoup d’encre ne semble en réalité pas efficace contre le Covid-19, que ce soit chez des patients gravement ou plus légèrement atteints. La première étude, menée par des chercheurs français, conclut que ce dérivé de l’antipaludéen chloroquine ne réduit pas significativement les risques d’admission en réanimation ni de décès chez les patients hospitalisés avec une pneumonie due au Covid-19. Selon la seconde étude, menée par une équipe chinoise, l’hydroxychloroquine ne permet pas d’éliminer le virus plus rapidement que des traitements standard chez des patients hospitalisés avec une forme “légère” ou “modérée” de Covid-19. En outre, les effets secondaires sont plus importants ».

France Info avec AFP — 7 h 47 — « Coronavirus : deux études concluent à l’inefficacité de l’hydroxychloroquine contre le Covid-19 ». Extraits : « L’hydroxychloroquine, traitement qui a fait couler beaucoup d’encre, ne semble pas efficace contre le Covid-19, que ce soit chez des patients gravement ou plus légèrement atteints, selon deux études publiées jeudi 14 mai. La première étude (en anglais), menée par des chercheurs français, conclut que ce dérivé de l’antipaludéen chloroquine ne réduit pas significativement les risques d’admission en réanimation ni de décès chez les patients hospitalisés avec une pneumonie due au Covid-19. Selon la seconde étude (en anglais), menée elle par une équipe chinoise, l’hydroxychloroquine ne permet pas d’éliminer le virus plus rapidement que des traitements standard chez des patients hospitalisés avec une forme “légère” ou “modérée” de Covid-19. De plus, les effets secondaires sont plus importants ».

En version radio dans la matinale, à 8 h 30, les journalistes Renaud Dély (pour mémoire, celui qui avait traité les Gilets jaunes de « vermine » le 21 avril 2019) et Matteu Maestracci interviewent le député d’extrême droite non-inscrit Louis Alliot. À un moment, R. Dély le questionne pour le soutien qu’il a affiché à l’endroit du professeur Raoult et s’empresse de le contredire en affirmant : « les études internationales qui mettent en doute l’efficacité de l’hydroxychloroquine se multiplient, encore deux nouvelles études ces tout derniers jours qui démontrent que ce traitement n’est pas plus efficace et qu’il est même potentiellement plus dangereux sur le plan cardiaque ». Il en profite également pour prétendre que « les médecins ne sont pas interdits de le prescrire », faisant mine d’ignorer le contenu réel du décret du 25 mars et la différence entre médecine hospitalière (où les médecins peuvent prescrire le traitement de leur choix) et médecine de ville (où les médecins ne le peuvent pas).

Pour mémoire encore, le vendredi précédent (8 mai), France Info donnait la parole à Marie-Paule Kieny, directrice de recherche à l’INSERM, membre du CARE (le deuxième comité scientifique installé par le gouvernement le 24 mars), qui déclarait que « la plupart des études qui sortent disent que ça ne sert à rien et que ça ne marche pas » et renvoyait bien entendu à l’étude européenne Discovery qui pourtant est un fiasco et ne donnera jamais les résultats (quels qu’ils soient) annoncés pour la mi-mai depuis le mois de mars.

Que dire sinon que nombre de journalistes (et derrière leurs rédactions en chef) se comportent dans cette affaire comme de bons relais de la communication gouvernementale ? Manque la preuve d’une telle hypothèse. Elle arrive.

Ce que disent (et ne disent pas) les deux études scientifiques en question

L’étude française (hôpitaux de la région parisienne), signée par une trentaine d’auteurs (dont le célèbre opposant à D. Raoult, F.-X. Lescure, en lien d’intérêt avec le laboratoire Gilead), a été lancée au mois de mars. Il ne s’agit pas d’une étude randomisée (sur échantillons aléatoires). Elle porte sur 181 patients hospitalisés pour une pneumonie et ayant besoin d’assistance respiratoire. Pour l’essentiel, 84 patients ont reçu de l’hydroxychloroquine dans les 48 h suivant leur admission à l’hôpital et 89 autres n’en ont pas reçu (c’est le groupe de contrôle). Au 21e jour après leur entrée à l’hôpital, l’état de santé des deux groupes de patients comparés ne présentait pas de différence significative.

Cette étude pose cinq problèmes. Le premier est la faiblesse des effectifs. Le second est le stade déjà avancé de la maladie. Le troisième est que cette étude n’est pas randomisée, chose qui est reprochée en permanence aux études de l’IHU, mais qui, ici, ne gêne personne (encore et toujours le « deux poids, deux mesures » que nous avons déjà mis en évidence). Le quatrième — de loin le plus important — est que cette étude ne teste pas le protocole Raoult puisque ce dernier d’une part associe l’hydroxychloroquine avec un antibiotique (l’azithromycine, qui est ici officiellement absente), d’autre part traite les patients dès qu’ils sont testés positifs (pour faire baisser la charge virale, sans attendre les premiers signes de détresse respiratoire). Enfin, un cinquième problème est encore plus sournois puisque les auteurs de l’article ont tenté de le dissimuler (ce qui n’a pas échappé à l’équipe de Raoult). Ce problème est que, sans le dire dans la méthodologie exposée au début de l’article, l’étude française a en réalité donné à 15 patients une combinaison d’hydroxychloroquine et d’azithromycine. Résultat (très favorable au protocole Raoult, donc déplaisant aux rédacteurs de l’article) : « Aucun des 15 patients qui ont reçu une combinaison d’hydroxychloroquine et d’azithromycine n’a été transféré aux soins intensifs et aucun n’est décédé. En outre, ces patients présentaient moins de signes graves à l’admission que les patients ayant reçu de l’hydroxychloroquine sans azithromycine ». À notre connaissance, aucun des très nombreux journalistes ayant commenté cette étude n’a relevé ne serait-ce qu’un seul de ces cinq points (et certainement pas les deux derniers).

L’étude chinoise, signée par une vingtaine d’auteurs d’une dizaine d’hôpitaux et universités chinoises, a été entamée au mois de février. Elle porte sur 150 patients hospitalisés à un stade encore « modéré » de la maladie. Durant 28 jours, la moitié des patients a reçu de l’hydroxychloroquine, l’autre moitié non (groupe de contrôle recevant des « soins standards » dont on ignore cependant la nature et qui ne sont pas nécessairement exactement les mêmes que dans les protocoles « standards » français). L’étude est randomisée. Le résultat est l’absence de différence significative dans l’évolution de l’état de santé des patients à l’issue de la période l’observation.

Quels sont ici les problèmes ? Le premier est à nouveau la faiblesse des effectifs. Le deuxième est le dosage de l’hydroxychloroquine (qui est le double de celui utilisé à Marseille). Le troisième est que, à nouveau, cette étude ne teste pas le protocole Raoult puisque ce dernier associe l’azithromycine ici absente. Enfin, le quatrième problème réside dans les fameux « effets indésirables » surtout « cardiaques » sur lesquels insistent tant les journalistes cités. C’est qu’ils n’ont lu que le résumé de l’étude et non le texte intégral dans lequel il est clairement indiqué que ces effets indésirables sont essentiellement des diarrhées (pour 10 % des patients sous hydroxychloroquine) et que les 2 seuls cas plus sérieux consistent en des infections respiratoires et non des problèmes cardiaques. À nouveau, aucun des journalistes cités n’a relevé aucun de ces quatre points.

Conclusion

Les deux études présentées comme des contradictions majeures aux arguments du professeur Raoult ne testent pas en réalité son protocole (ou cherchent à le dissimuler lorsqu’elles le font en partie). Elles sont de surcroît conduites sur de très petits effectifs (181 et 150 patients là où l’IHU de Marseille en a 3 292 dans sa cohorte au 15 mai 2020). Ces journalistes (qui sont parmi les plus connus) ne travaillent pas sérieusement, ils déforment consciemment ou inconsciemment la réalité pour mieux confirmer leurs préjugés. Des préjugés qui coïncident parfaitement avec la communication gouvernementale (ce qui n’est pas sans rappeler des souvenirs de lecture de Serge Halimi Les nouveaux chiens de garde, 2005). Chacun en tirera les interprétations qu’il souhaite. Mais les faits sont là et les lendemains de crise risquent d’être douloureux pour cette presse.

Post-Scriptum

Pendant ce temps-là, aux États-Unis, sous la pression des médecins qui partout écrivent aux gouverneurs des États pour réclamer que l’on teste le protocole Raoult, le National Institutes of Health vient d’annoncer (14 mai) le lancement d’un grand essai clinique pour évaluer si l’hydroxychloroquine combinée à l’azithromycine peut prévenir l’hospitalisation et la mort liées à la COVID-19. Mais il n’y a peut-être pas eu de dépêche de l’AFP à ce sujet ? :)



Entretemps, sur la chaîne d’information continue francophone israélienne i24, le professeur Raoult — que l’AFP n’a pas contacté pour entendre son avis sur ces deux études qui mineraient la crédibilité de son traitement — commente (à partir de 9'34 '') « le traitement médiatique de cette crise ».

« Il y a une révolution qui explique beaucoup de tensions, je suis désolé pour les médias traditionnels, mais je pense que les médias traditionnels sont en train de rentrer en conflit frontal avec les réseaux sociaux et YouTube par exemple comme chaîne d’information. Moi, je dois dire que, la plupart du temps, les informations sont de meilleure qualité sur YouTube que sur les médias, donc il y a une révolution à faire, il y a une mise en danger des médias traditionnels qui se traduit aussi par beaucoup de violence. »

[...]

« Et moi sur un podcast j’ai trois fois la notoriété du journal Le Monde, je comprends que le journal Le Monde ne m’aime pas, vous voyez. Moi ça ne coûte rien, ça ne me rapporte rien et donc je deviens un rival incontrôlable dans l’information, la clarté ou la réalité de l’information, parce que je n’ai pas d’a priori du tout dans la vie.

[...]

Donc là vous êtes dans un enjeu qui est un enjeu extraordinaire, vous, le monde des médias traditionnels, que ce soit les journaux, que ce soit la télévision, on ne peut pas ignorer cette évolution absolument considérable et le rôle que prennent les réseaux sociaux dans l’information. Donc on voit que les médias traditionnels souvent — ça m’est arrivé à moi d’ailleurs — identifient comme des fake news [bobards, fausses nouvelles] des news [infos] qui ne sont pas relayées par les médias traditionnels, mais les médias traditionnels ne relayent pas plus d’informations exactes que les réseaux sociaux. Donc on est dans un tournant historique aussi de la distribution de l’information qui elle aussi explique des conflits qui me dépassent de très loin.