samedi 12 juillet 2014

France — 87,9 % de réussite au bac (D.E.C.) ou la dévaluation de celui-ci

Bien sûr, on félicitera chaleureusement les centaines de milliers de jeunes qui viennent de décrocher leur bac (D.E.C. au Québec). Ils vont pouvoir passer leurs vacances d'été l'esprit libre, contents d'avoir achevé sur un succès leur cycle d'études secondaires.

Avec 87,9 % d'admis, le taux de réussite de cette année pulvérise tous les records. C'est 3,7 points de mieux que l'an dernier, qui était pourtant déjà une année faste. Mais est-ce vraiment une bonne nouvelle ? Faut-il vraiment se réjouir de cette progression spectaculaire du taux de réussite ?

Que vaut, en effet, un diplôme que décrochent l'immense majorité des candidats ? Que vaut-il aux yeux d'un responsable universitaire, d'un directeur de grande école, d'un employeur ? Que vaut-il aux yeux des jeunes bacheliers eux-mêmes ? Ont-ils le sentiment d'avoir réussi un examen difficile, ou plutôt d'avoir négocié sans encombre une épreuve qui s'apparente désormais à une simple formalité - même si elle peut encore réserver quelques petites surprises ?

« Certains de mes élèves ne sont pratiquement jamais venus en cours ; leurs rares résultats, notamment au bac blanc, étaient catastrophiques... La plupart ont pourtant obtenu leur Bac ! », remarque par exemple un enseignant sur le site du Monde... Il est loin d'être le seul.

Au train où vont les choses, où s'arrêtera-t-on ? Va-t-on franchir dès l'an prochain la barre des 90 % de réussite ? C'est en effet probable : elle est déjà dépassée pour le bac scientifique (90,9 % de réussite cette année) et pour le bac technologique (90,6 %, soit 4,1 points de mieux que l'an dernier). Seule la série professionnelle (81,9 % de réussite « seulement ») freine un peu le mouvement. Encore un petit effort : les 95 % de réussite ne sont plus très loin. Et pas grand monde, à vrai dire, ne semble s'en inquiéter. Au ministère de l'Éducation nationale, on juge même « le crû 2014 excellent ». Rappelons que, dans le même temps, les résultats des jeunes Français aux tests internationaux PISA disent exactement le contraire : ils n'ont jamais été aussi faibles.

Au passage, on ne peut que s'étonner aussi d'un système qui permet à quelques centaines d'élèves, certes très brillants, d'être admis avec des moyennes supérieures à 20/20. Par quel mystère est-il possible de dépasser la note maximum ? Aurait-on inventé la perfection relative ? S'agit-il d'une nouvelle exception culturelle française ? Comment expliquer ce miracle à nos voisins étrangers ? Et là encore, où s'arrêtera-t-on ? Aurons-nous l'an prochain des bacheliers à 22 ou 24 de moyenne ?

La porte ouverte à la sélection à l'entrée de l'université

En réalité, chacun en est conscient : cette envolée du taux de réussite au bac — qui est même plus largement accordé que le brevet à 15 ans, c'est dire — ne fait que refléter un affaissement progressif du niveau d'exigence et une multitude de petits abandons. Les savoirs de base, que le baccalauréat est censé contrôler, sont de moins en moins maîtrisés. L'enseignement secondaire, peu à peu, se résout à accepter et à entériner la baisse du niveau général des élèves. En renonçant, bien souvent, à exiger des élèves un minimum de travail et d'efforts, on renonce aussi à imposer un examen qui en soit vraiment un.

Inutile de jeter la pierre aux uns ou aux autres : enseignants, responsables du système éducatif, parents d'élèves, politiques et « parties prenantes » diverses, tous ont leur part de responsabilité. Il est tellement plus facile de satisfaire le plus grand nombre, en lâchant du lest sur le niveau et en notant « large » ! Il y a une bonne part de démagogie collective dans ce renoncement. Or les jeunes doivent en être conscients : renoncer à l'exigence à leur égard, c'est céder à la facilité, ce n'est pas leur rendre service. Les familles aussi doivent le comprendre.

Le résultat de cette dérive ? Il est déjà à l'oeuvre. Le bac n'a plus grande signification, et cela ne date pas d'aujourd'hui. Il ne permet plus d'entrer dans l'enseignement supérieur avec des chances raisonnables d'y réussir. Déjà, un nombre significatif d'institutions du supérieur exigent de leurs candidats une mention « bien », voire « très bien ».

Et surtout, la dévalorisation du bac justifie « par avance » l'instauration de la sélection à l'entrée de l'université. Celle-ci, à vrai dire, est déjà à l'œuvre de manière insidieuse : c'est la sélection par l'échec, en licence — et particulièrement en première année. Autrement dit, la pire des solutions, parce qu'elle ne fait que retarder l'heure de vérité, et parce qu'elle constitue un énorme gaspillage d'énergie - et aussi de deniers publics.

Mais déjà, de plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer l'instauration d'une « vraie » sélection à l'entrée de l'université. Le taux de réussite de cette année apporte de l'eau, beaucoup d'eau à leur moulin.

Non, décidément, ce record de réussite au bac n'est pas une bonne nouvelle.

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