vendredi 19 décembre 2025

Aucun lien causal entre l’immigration et la délinquance ? Vraiment ?

Une note du CEPII, publiée en 2023,  affirme qu’il n’existe aucun lien causal entre l’immigration et la délinquance. Cette note, qui a récemment refait surface dans une émission particulièrement controversée, Complément d’enquête, diffusée sur le service public mais visant à pointer du doigt les prétendues dérives de la chaîne concurrente CNews, a suscité une vive polémique.
 
Le chercheur invité à Georgetown, Philippe Lemoine, répond à cette publication : il propose un tour d’horizon détaillé des données disponibles en Europe sur la question, soulignant les limites des études économétriques tout en révélant des vérités souvent ignorées.
 
Il commence par réfuter l’affirmation centrale de Philippe et Valette, les auteurs de la note CEPII, qui soutiennent que aucune étude ne trouve d’effet de l’immigration sur la délinquance. Selon lui, c’est faux, et il va plus loin : il suggère que ces deux économistes savent pertinemment que leur assertion ne tient pas face à la littérature existante. 

Il cite des exemples concrets, comme des études menées en Allemagne, en Grèce ou encore en Suède, qui montrent un impact mesurable, notamment en lien avec certains flux d’immigration, en particulier ceux d’immigrés peu qualifiés originaires d’Afrique et du Moyen-Orient.
 
En s’appuyant sur des données individuelles concernant les auteurs de délits, Lemoine met en lumière une surreprésentation constante des immigrés et de leurs enfants dans les statistiques criminelles à travers toute l’Europe. Cette surreprésentation peut atteindre des taux jusqu’à trois fois supérieurs à ceux du reste de la population, même après avoir ajusté les chiffres pour tenir compte de facteurs comme l’âge, le sexe ou le niveau de revenu. Cela vient directement contredire les explications socio-économiques avancées par Philippe et Valette, qui attribuent ces écarts à la pauvreté ou à l’exclusion sociale. 
 
Mais Lemoine ne s’arrête pas là. Il explore pourquoi les études économétriques basées sur des données agrégées échouent souvent à détecter cet effet. Il pointe du doigt un problème de puissance statistique : les flux d’immigration, bien que significatifs, restent relativement faibles par rapport à la population totale, rendant ces analyses peu fiables. Pour illustrer son propos, il a conduit des simulations calibrées avec des données françaises. Ces simulations révèlent un fait troublant : même dans un scénario extrême où les immigrés commettraient des crimes violents à un taux 30 fois supérieur à celui des non-immigrés, une analyse économétrique de ce type ne détecterait un effet que dans à peine plus de la moitié des cas, soit 56 %. Dans des conditions plus réalistes, reflétant les flux d’immigration observés en France sur plusieurs décennies, la probabilité de détecter un effet s’effondre presque à zéro, même s’il est réel et important.
 
Il ajoute que cette faiblesse statistique est amplifiée par d’autres facteurs, comme l’hétérogénéité des populations immigrées (les immigrés d'origine européenne ne sont pas surreprésentés), souvent ignorée dans ces études, ou les adaptations sociales (les gens peuvent davantage se méfier, se protéger, des dépenses sociales supplémentaires) qui peuvent masquer l’impact réel. 

Lemoine souligne aussi que Philippe et Valette évoquent des biais dans le système pénal pour expliquer la surreprésentation des immigrés, mais il conteste cette idée : selon lui, ces biais ne peuvent expliquer qu’une fraction de l’écart, et aucune preuve solide n’est apportée pour soutenir une explication plus large.

Enfin, il critique l’hypothèse selon laquelle la pauvreté serait la cause principale de cette surreprésentation. Même en comparant des immigrés (et leurs enfants) à des autochtones partageant des caractéristiques socio-économiques similaires, les écarts persistent, comme l’a montré une étude française menée par Hugues Lagrange sur un échantillon de 3 500 adolescents
Lemoine rappelle que la corrélation entre pauvreté et criminalité ne prouve pas une causalité directe : d’autres facteurs, peut-être liés à des dynamiques culturelles ou contextuelles, pourraient être en jeu. 

Et il conclut avec une pointe d’ironie : on ne peut pas affirmer à la fois que l’immigration n’a aucun effet sur la délinquance et que les populations défavorisées, dont font souvent partie les immigrés, ont une propension plus élevée à commettre des crimes. Une contradiction qui, selon lui, mérite d’être creusée bien au-delà des studios d’une émission comme Complément d’enquête.


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