lundi 1 février 2021

Covid-19 : étude affirme que confinement et fermeture des commerces ont peu d'utilité une fois mesures plus douces prises

Scène de rue de Montréal confinée 


 

 

 

C’est un véritable pavé dans la mare. Alors que les gouvernements, sous la pression de certaines voix du monde médical et médiatique, réfléchissent à l’opportunité de nouvelles mesures restrictives, une étude, parue le 5 janvier dans « European Journal of Clinical Investigation », une revue scientifique de notoriété moyenne, est en train d’enflammer les réseaux sociaux — sinon dans le grand public, du moins dans la petite communauté des épidémiologistes, virologues et autres experts de la pandémie.

Ce qui lui donne tout son poids, c’est qu’elle est signée du Pr John Ioannidis, un ponte de l’épidémiologie à Stanford, dont les travaux font autorité (il est même l’un des scientifiques les plus cités au monde).

Or, que suggère l’étude qu’il vient de faire paraître ? Que le confinement et la fermeture des entreprises et commerces n’apportent rien de plus, en termes de baisse du nombre de cas de contaminations, que les simples mesures barrières du type port du masque, lavage des mains et distanciation sociale.

L’étude souligne que le confinement et la fermeture des lieux culturels, bars et restaurants n’ont été d’aucune utilité significative. Il n’aurait pas eu d’impacts sur le nombre de cas de contaminations et cela pourrait même être l’inverse. L’effet escompté par le confinement n’est pas là, selon cette étude, comme le révèlent les chiffres analysés par l’équipe de John Ioannidis.

Le confinement a favorisé les contaminations à l’intérieur des foyers.

Pour arriver à ces conclusions, l’équipe de John Ioannidis a mis en place un protocole. Parmi les 10 pays analysés par l’équipe : la France. Les scientifiques ont mis le nombre de contaminations dans l’hexagone — à partir du moment où le confinement a été déclaré — et les entreprises fermées, en face de celles de pays où le confinement n’a pas été prononcé. Comme cela a été le cas en Suède ou en Corée du Sud. Le résultat est sans appel. L’effet des mesures restrictives n’a presque pas apporté d’avantages en termes de contaminations.

Au contraire, même. Selon les chiffres collectés et analysés par John Ioannidis et son équipe, les deux confinements qu’a connus la France (17 mars-11 mai, 30 octobre-15 décembre), en favorisant les contaminations à l’intérieur d’un même foyer, n’auraient fait qu’aggraver un peu plus le bilan de l’épidémie — sans parler des innombrables effets collatéraux (économiques et sanitaires) de ces mises sous cloche. Des conclusions qui ne font évidemment pas consensus, très tant s’en faut, mais qui n’en constituent pas moins une pièce supplémentaire à verser au dossier.

En revanche, ce qui est certain, c’est que le confinement coûte très cher à l’économie française. Selon Capital qui se fait l’écho de l’AFP, un confinement d’un mois amputerait le produit intérieur brut d’environ un point (1 %). Ce serait 20 milliards que la France perdrait en l’espace de quatre semaines de restrictions strictes, avec la fermeture des entreprises.

« Des réductions similaires de la croissance des cas [de Covid-19] peuvent être obtenues avec des interventions moins restrictives » que le confinement, conclut l’étude.

Qui est John IOANNIDIS ?

C’est un professeur de Stanford, il est comme je vous le disais une sorte de terreur du monde de la science ; il avait déjà lancé un gros pavé dans la mare il y a presque 10 ans en publiant dans la revue PLOS Medecine un article qui s’intitulait « Pourquoi la plupart des découvertes publiées sont fausses ». Article consulté depuis plus d’un million de fois.

Il reprend aujourd’hui une partie de ces arguments pour attaquer de front le système de publication de la recherche scientifique — vous savez, ce système régi par la règle tacite dont je vous ai déjà parlé ici « publish or perish », publier ou périr, qui entraîne les chercheurs dans une surenchère de publications s’ils veulent obtenir reconnaissance, promotion et crédits pour leur laboratoire.

Que dit John IOANNIDIS ? Il dénombre déjà, entre 1996 et 2011 plus de 25 millions d’études publiées ; à comparer au très faible nombre d’avancées scientifiques concrètes et matérielles qui sont, elles, beaucoup moins fréquentes…

Et il explique que, dans cette course à la publication, eh bien de très nombreuses études sont tout simplement fausses : qu’il s’agisse de « faux positifs », c’est-à-dire de résultats biaisés par le protocole de recherche, de résultats impossibles à reproduire, d’échantillons de tests trop petits, donc pas significatifs, voire carrément de malhonnêteté intellectuelle.

Selon lui, dans son secteur de recherche, la biomédecine, jusqu’à 85 % des investissements faits dans ce secteur le sont à pure perte, soit un total de plus de 200 milliards de dollars jetés par la fenêtre.

Il dénonce, également, la technique dite « du salami », qui consiste à découper une seule recherche en plusieurs « tranches », et à proposer chacune de ces tranches à plusieurs revues, de façons à pouvoir attester de plusieurs publications, alors qu’il n’y a qu’une seule étude.

Le tout, à cause de ce système, ce cercle vicieux qui fait que les chercheurs sont poussés à la publication par leur laboratoire, par les investisseurs, dans un secteur dominé par la cooptation, le népotisme et le sexisme… bref, vous voyez, il n’y va pas de main molle comme disait ma grand-mère auvergnate.

Mais ce qui est intéressant, c’est que IOANNIDIS ne se contente pas de critiquer le système. Il propose plusieurs pistes pour le réformer. Un système assez radical, un barème qui attribuerait des points — positifs pour les études qui ont pu être reproduites ou qui se sont traduites par des avancées concrètes, négatifs pour les autres. Et c’est ce barème qui présiderait à l’attribution, ou non, d’avancement de carrière et de postes prestigieux.

Source : France Culture

À ce sujet lire : Comment publier un article scientifique en 2020

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L'UdeM cherche à ouvrir ses portes à plus d'étudiants noirs en médecine


MONTRÉAL — L’Université de Montréal (UdeM) veut plus d’étudiants noirs en médecine dans ses salles de classe.

L’objectif ultime est de contribuer à ce que le corps médical représente bien la population, certes, mais aussi d’offrir de meilleurs soins aux diverses communautés noires, espèrent les instigateurs des travaux de recherche et d’un grand forum citoyen qui doivent apporter des pistes de solution pour changer les choses — une première au Québec, disent-ils.

À l’origine de ces initiatives se trouve un constat : seuls de 1,5 % à 3 % des étudiants en médecine sont noirs. [Comment l’U de M sait-elle qui est noir par opposition à métis, hispanique, etc. ?]

Est-ce que parce qu’ils sont peu nombreux au Québec ? Le Dr Jean-Michel Leduc rejette cette hypothèse : les jeunes noirs de 15 à 24 ans, — le groupe dont font partie ceux qui sont généralement à l’âge de déposer une demande d’admission à l’université — représentent 8,4 % de la population à Montréal, signale celui qui est professeur et chercheur au Département de microbiologie, infectiologie et immunologie.

« C’est la minorité visible la plus sous-représentée, dit le médecin qui est aussi responsable du comité équité et diversité au programme de médecine de l’UdeM. C’est le plus frappant ».

« Quand j’étais en première année de médecine, nous n’étions que six sur 300 », renchérit Nadège Zanre, une étudiante noire qui est actuellement résidante en obstétrique.

« Ça m’a un peu choquée », ajoute la Québécoise originaire du Burkina Faso, qui étudie à l’UdeM.

L’alternative est simple : soit ils ne sont pas nombreux à poser leur candidature, ou s’ils le font, ils ne sont pas retenus.

Pourquoi ? La réponse n’est pas simple [on pourrait croire cependant qu’il est simple de connaître la proportion de candidats noirs retenus et si c’est leurs résultats qui les excluent ou si ce n’est pas le cas, alors si c’est plus compliqué], d’où les travaux lancés par l’UdeM, à l’instar de ceux qu’elle a déjà réalisés pour les étudiants autochtones. L’institution d’enseignement organise aussi un forum le 14 avril — en collaboration avec l’Association médicale des personnes de race noire du Québec (AMPRNQ) — auquel s’est jointe l’Université McGill. Son but est de déterminer les contours des pistes de solution et de formuler des recommandations pour un plan d’action.

C’est la base, estime Édouard Kouassi, le président de l’AMPRNQ, aussi membre du comité équité et diversité de la Faculté de médecine.

« Il faut une volonté politique clairement exprimée, dit-il, et des politiques en place pour encourager cette représentativité ». Car là où il y en a une, « ça marche ». Un tel projet existe à l’Université de Toronto et a connu un succès « flamboyant », opine M. Leduc.

« C’est une question de responsabilité sociale importante pour nous de former des gens représentatifs de la population », ajoute ce dernier.

D’autres facultés vont participer au Forum, pharmacie, sciences infirmières, optométrie, etc. Discussions et partage de connaissances sont au rendez-vous.

« C’est une très belle initiative », juge M. Kouassi, surtout que les communautés ont été impliquées dès le départ.

Solutions à examiner

En médecine, le Dr Leduc reconnaît que la fameuse « cote R » joue encore un grand rôle dans la sélection des étudiants, et que celle-ci est le « reflet d’un parcours qui peut avoir été semé d’embûches », et qui reflète souvent le statut socio-économique des étudiants. Historiquement, les facultés de médecine étaient remplies d’étudiants blancs, bien nantis. [Comprendre les blancs issus de milieux défavorisés sont eux aussi sous-représentés… Que va faire l’école de médecine pour mieux les représenter ? Un plan d’action, car c’est choquant, etc. ?] Car lorsque l’on regarde les autres outils de sélection, dit-il, comme l’entrevue ou les tests de jugement, « on ne remarque pas de différence ».

Si la capacité d’apprentissage est essentielle pour les études ardues de médecine, d’autres qualités sont aussi requises, comme la capacité d’écoute, la résilience, l’empathie, énumère-t-il.

Les solutions pourraient être de diversifier les outils de sélection, d’accompagner les candidats dès qu’ils postulent ou d’avoir plus de diversité dans les comités d’admission et d’entrevues.

Nadège Zanre se souvient de cette journée : dans la salle d’attente, elle était la seule candidate noire pour son entrevue d’admission. Et ses intervieweurs étaient tous blancs. Elle n’a pas perçu de biais chez eux, mais s’est « sentie à part ».

Le curriculum pourrait aussi être examiné, pour qu’il soit exempt de préjugés, mais aussi afin qu’il reflète bien la réalité des personnes noires.

Les maladies de peau ne se présentent pas de la même façon chez les personnes noires que chez les blancs — elles sont d’ailleurs sous-diagnostiquées chez elles. Et certaines pathologies touchent davantage les personnes noires, comme la drépanocytose, fait valoir M. Kouassi. Il faut que les médecins soient bien au fait de ces différences. Et puis, une diversité d’étudiants va amener une diversité des connaissances qui sont partagées en classe, ce qui va bénéficier à tous ces futurs médecins.

Mme Zanre parle de ses patientes, dont une qui l’a particulièrement marquée : la femme d’origine haïtienne, sur le point d’accoucher, a éclaté en sanglots en lui confiant que cela la rassurait « d’avoir une personne comme elle » dans la salle.

« Je ne sais pas pourquoi ça l’a apaisée, mais je sais que ça l’a fait. Pour cette raison-là, je me suis dit qu’il est vraiment important qu’il y ait des Noirs en médecine ».

Pour qu’au moins la population québécoise soit représentée dans ses médecins et que le traitement des patients soit complet, explique-t-elle.