jeudi 29 février 2024

La loi sur les préjudices en ligne menace la liberté d'expression au Canada

Le 26 février, le ministre de la Justice et procureur général du Canada, Arif Virani, a présenté le projet de loi C-63, la Loi sur les préjudices en ligne, à la Chambre des communes. Cette loi est présentée par le gouvernement comme un dispositif visant à promouvoir la sécurité en ligne des personnes au Canada et à réduire les contenus préjudiciables en ligne. La loi sur les préjudices en ligne imposerait des peines sévères pour les discours haineux en ligne et hors ligne, y compris l’emprisonnement à vie, qui est la peine criminelle la plus sévère au Canada. Cette nouvelle législation établirait une nouvelle Commission de la sécurité numérique ayant le pouvoir d’appliquer les nouvelles réglementations créées par le cabinet fédéral. La Commission canadienne des droits de l’homme serait dotée de nouveaux pouvoirs lui permettant de poursuivre et de punir les discours haineux non criminels.

Il faut saluer les bons points

Bien que la loi sur les préjudices en ligne menace sérieusement la liberté d’expression au Canada, certaines de ses dispositions reposent sur de bonnes intentions. Il est louable d’obliger les plateformes en ligne à supprimer le porno vengeur et tout autre partage non consensuel d’images intimes, les contenus qui intimident les enfants, les contenus qui victimisent sexuellement les enfants, les contenus qui encouragent les enfants à se faire du mal, et les contenus qui incitent à la violence, au terrorisme ou à la haine.

Redondance inutile avec le Code pénal

Cependant, les bonnes intentions ne justifient pas l’adoption de lois supplémentaires qui font double emploi avec ce qui est déjà interdit par le Code pénal canadien. Les lois supplémentaires qui font double emploi avec les lois existantes sont un mauvais substitut à une bonne application de la loi.

L’article 162.1 (1) du Code pénal canadien interdit déjà la publication en ligne et hors ligne d’une image intime sans consentement. L’article 163 interdit déjà la publication de matériel obscène et de pornographie enfantine. Il est donc déjà illégal de publier en ligne du contenu qui victimise sexuellement un enfant ou revictimise un survivant.

L’article 264, paragraphe 1, interdit déjà le harcèlement criminel. L’article 319 (1) interdit déjà l’incitation publique à la haine envers un groupe identifiable par la race, l’ethnie, la religion, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’expression de genre et d’autres caractéristiques personnelles. L’article 59 (1) criminalise la sédition, c’est-à-dire le fait de préconiser le recours à la force pour obtenir un changement de gouvernement au Canada. Les articles 83.21 et 83.22 criminalisent le fait de donner des instructions en vue d’une activité terroriste ; tout contenu en ligne incitant au terrorisme est déjà illégal.

Le célèbre psychologue et essayiste Jordan Peterson s’insurge contre la nature rétroactive de la Loi qui pourra punir pour des propos tenus avant l’entrée en vigueur de la Loi si l’on est capable de les supprimer et qu’on ne le fait pas…

En outre, l’article 22 du Code pénal canadien interdit de conseiller, de procurer, de solliciter ou d’inciter une autre personne « à participer à une infraction ». Toute personne qui conseille, procure, sollicite ou incite une autre personne à participer à une infraction sera reconnue coupable si la personne qui reçoit ces conseils commet l’infraction en question. Cela s’applique au terrorisme et à d’autres crimes violents, et même à des délits mineurs comme le vol à l’étalage. En outre, l’article 464 du Code pénal criminalise le fait de conseiller à une autre personne de commettre une infraction, même si cette infraction n’est pas commise.

Les partisans de la loi sur les préjudices en ligne devraient expliquer pourquoi ils estiment que la législation existante est insuffisante pour lutter contre l’expression en ligne « préjudiciable ».

De nouveaux organes gouvernementaux pour censurer le discours en ligne

Si elle est adoptée, la Loi sur les préjudices en ligne créera une nouvelle Commission de la sécurité numérique chargée de veiller au respect des nouvelles réglementations créées par le cabinet fédéral. Cette Commission de la sécurité numérique aura le pouvoir de réglementer pratiquement toute personne ou entité opérant en tant que « service de médias sociaux » au Canada. Toute personne ou tout service de médias sociaux ayant permis un « contenu préjudiciable » se verra infliger des sanctions. La sévérité des sanctions sera fixée par le cabinet fédéral. Les créateurs et les utilisateurs de contenus en ligne s’autocensureront pour ne pas risquer de se heurter à la nouvelle réglementation et à la censure imposée par le gouvernement. La loi sur les préjudices en ligne prévoit qu’une ordonnance de la Commission pour la sécurité numérique peut être convertie en ordonnance de la Cour fédérale et appliquée comme une ordonnance judiciaire. Les responsables des services de médias sociaux pourraient ainsi être condamnés à des amendes et à des peines de prison pour outrage au tribunal s’ils refusent de censurer la parole des Canadiens.

Sanctions préventives pour des crimes non commis

La loi sur les préjudices en ligne, si elle est adoptée, ajoutera l’article 810 012 au Code pénal, qui autorisera des violations préventives de la liberté individuelle alors qu’aucun crime n’a été commis. Cette disposition renie des siècles de tradition juridique qui réservait à juste titre la punition à ce qu’une personne avait fait, et non à ce qu’elle pourrait faire. En vertu de cette nouvelle disposition, un plaignant peut affirmer devant un tribunal provincial qu’il « craint » qu’une personne ne promeuve le génocide, la haine ou l’antisémitisme. Si le juge estime qu’il existe des « motifs raisonnables » pour justifier cette crainte, il peut porter atteinte à la liberté du citoyen accusé en lui imposant l’une ou l’autre ou l’ensemble des mesures suivantes :
  • porter un bracelet de cheville (dispositif de surveillance électronique)
  • respecter un couvre-feu et rester à la maison, comme déterminé par le juge
  • s’abstenir de consommer de l’alcool, des drogues ou les deux
  • fournir des substances corporelles (par exemple, du sang, de l’urine) pour confirmer l’abstinence de drogues ou d’alcool
  • ne pas communiquer avec certaines personnes désignées
  • ne pas se rendre dans certains lieux déterminés par le juge
  • remettre les armes à feu qu’il possède légalement et dont il a besoin légalement.
En d’autres termes, un citoyen qui n’a commis aucun crime peut être soumis à une ou plusieurs (ou toutes) des conditions susmentionnées simplement parce que quelqu’un craint que cette personne ne commette un crime de parole à l’avenir. En outre, si la personne qui n’a commis aucun crime n’accepte pas ces violations de sa liberté personnelle ordonnées par le tribunal, elle peut être condamnée à une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement.

Le système de justice pénale canadien n’est pas censé fonctionner de cette manière. Porter atteinte à la liberté des citoyens par des sanctions préventives, alors qu’aucun délit n’a été commis (et très probablement qu’aucun délit ne sera commis), constitue une rupture radicale avec des siècles de tradition de la common law. Le respect de notre système juridique pour les droits et libertés individuels signifie qu’une personne accusée est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit prouvée dans le cadre d’un procès équitable, tenu devant un tribunal indépendant et impartial. Nous ne punissons pas les innocents et nous ne restreignons pas leur liberté en fonction de ce qu’ils pourraient faire. La simple crainte d’une expression préjudiciable n’est pas un motif légitime d’emprisonnement ordonné par un tribunal ou d’autres conditions qui portent atteinte à la liberté individuelle.

Emprisonnement à vie pour des propos tenus


En ce qui concerne l’infraction prévue par le Code pénal pour l’apologie du génocide, la loi sur les préjudices en ligne porterait la peine maximale de cinq ans d’emprisonnement à la réclusion à perpétuité. Les sociétés libres reconnaissent la distinction entre les discours et les actes. La loi sur les préjudices en ligne brouille cette distinction.

Compte tenu de la difficulté inhérente à déterminer si une personne a réellement « prôné le génocide », la peine de cinq ans d’emprisonnement est déjà un moyen de dissuasion suffisant pour les mots seuls.

Le cabinet fédéral pourra censurer des discours sans l’avis du Parlement


La loi sur les préjudices en ligne, si elle est adoptée, donnera de nouveaux pouvoirs au cabinet fédéral lui permettant d’adopter des règlements (qui ont la même force de loi que les lois adoptées par le Parlement) qui imposent des interdictions ou des obligations aux services de médias sociaux. Cela comprend l’adoption de règlements qui imposent des amendes ou d’autres conséquences (par exemple, le retrait d’une licence ou la fermeture d’un site web) en cas de non-respect. De nouvelles réglementations peuvent être créées par le cabinet fédéral à sa seule discrétion et ne doivent pas être débattues, votées ou approuvées par le Parlement. Les procédures parlementaires sont publiques. Tout parti politique, ou même un seul député, peut sensibiliser le public à un projet de loi avec lequel il n’est pas d’accord, et peut mobiliser l’opposition du public à ce projet de loi. Il n’en va pas de même pour les règlements, qui sont décidés à huis clos par le cabinet fédéral et qui entrent en vigueur sans consultation ni débat public.

Hormis les élections fédérales qui ont lieu tous les quatre ans, il n’existe aucun moyen véritable de contraindre le gouvernement à rendre compte pour la censure draconienne des services de médias sociaux qu’il pourra imposer par le biais de réglementations et de sanctions sévères qui peuvent être imposées pour l’hébergement de « contenus préjudiciables ». Le cabinet fédéral peut également décider du nombre d’« utilisateurs » qu’un « service de médias sociaux » doit avoir pour déclencher une réglementation fédérale du contenu, ou le cabinet fédéral peut simplement désigner un service de médias sociaux comme étant réglementé, quel que soit le nombre de ses utilisateurs.


Nouveaux pouvoirs de censure pour la Commission canadienne des droits de l’homme


La loi sur les préjudices en ligne, si elle est adoptée, donnera à la Commission canadienne des droits de la personne de nouveaux pouvoirs pour poursuivre et punir les propos offensants, mais non criminels tenus par des Canadiens si, de l’avis subjectif de bureaucrates non élus et non tenus de rendre des comptes, ils jugent que les propos d’une personne sont « haineux ». La loi sur les préjudices en ligne permettra aux Canadiens qui se disent offensés par des propos non criminels de porter plainte contre leurs concitoyens.

Les personnes poursuivies par la Commission des droits de l’homme ne pourront pas se défendre en établissant que leur déclaration prétendument « haineuse » est vraie, ou qu’elles avaient des motifs raisonnables de croire que leur déclaration était vraie.

 
Les personnes reconnues coupables par le (soi-disant) Tribunal canadien des droits de l’homme peuvent être tenues de verser jusqu’à 50 000 dollars au gouvernement, et jusqu’à 20 000 dollars à la ou aux personnes désignées comme « victimes » par le Tribunal canadien des droits de l’homme. Ces sanctions financières importantes décourageront ou élimineront les discussions nécessaires sur des questions controversées, mais importantes dans notre société. [Voir Mark Steyn sur la nature de cet organisme qui ne mérite pas le nom de Tribunal].

Les partisans de la censure insistent souvent sur le fait que les poursuites en matière de droits de l’homme ne sont pas pénales. Il est vrai que les personnes reconnues coupables d’avoir violé de vagues codes d’expression par le Tribunal canadien des droits de la personne ne subissent pas les conséquences d’un casier judiciaire. Cependant, les personnes poursuivies pour avoir exprimé leurs convictions sont confrontées au choix difficile de devoir dépenser des dizaines de milliers de dollars en frais juridiques ou de devoir présenter des excuses abjectes. Qu’elles choisissent ou non de se défendre contre la plainte, elles peuvent être condamnées à verser jusqu’à 20 000 dollars à la partie offensée, jusqu’à 50 000 dollars au gouvernement ou jusqu’à 70 000 dollars aux deux.

De nombreux Canadiens continueront à exercer leur liberté d’expression protégée par la Charte, mais beaucoup s’autocensureront pour éviter le risque d’être poursuivis par la Commission canadienne des droits de l’homme.
 
Plaintes anonymes : aucun droit de confronter son accusateur

La loi sur les préjudices en ligne, si elle est adoptée, permettra que des plaintes soient déposées contre des Canadiens en secret, de sorte que le citoyen poursuivi par la Commission canadienne des droits de l’homme perdra le droit ancien et fondé de faire face à son accusateur et de l’interroger. Cela va à l’encontre de siècles de tradition juridique qui exige que la procédure judiciaire soit publique et transparente.

Le prétexte invoqué pour éliminer cette protection juridique nécessaire et ancienne est que certains plaignants pourraient être soumis à des « menaces, intimidations ou discriminations ». Cela ne tient pas compte du fait que les menaces et l’intimidation sont déjà des infractions au Code pénal, et que toute discrimination illégale peut faire l’objet d’une nouvelle plainte distincte. Les personnes qui déposent des plaintes concernant l’expression doivent être responsables de leur décision ; il s’agit d’une composante inhérente et nécessaire des procédures judiciaires civiles et pénales. 

Nul besoin d’établir qu’une personne a été lésée

Si la loi sur les préjudices en ligne est adoptée, la Commission canadienne des droits de l’homme n’aura même pas besoin d’une victime pour poursuivre un citoyen pour les propos qu’il a tenus. Par exemple, un homme de Vancouver pourra déposer une plainte anonyme contre une femme de Nouvelle-Écosse qui a fait des remarques désobligeantes en ligne au sujet d’une mosquée de Toronto, que les membres de cette mosquée aient ou non été lésés ou même offensés par le message. La Commission canadienne des droits de l’homme n’a pas besoin de victimes réelles pour conclure à la culpabilité ou imposer des sanctions. Une personne qui se dit victime n’a pas non plus besoin de prouver qu’elle a subi des pertes ou des dommages ; il suffit qu’elle se sente offensée (plus précisément qu’elle prétende qu’elle se sent offensée) par la prétendue « haine » pour avoir droit à une compensation financière.

Conclusion


Pour les raisons exposées ci-dessus, la loi sur les préjudices en ligne nuira à la liberté d’expression au Canada si elle est adoptée. De nombreux Canadiens s’autocensureront pour éviter d’être poursuivis par la Commission canadienne des droits de l’homme. Les Canadiens qui ne s’autocensurent pas, en faisant preuve de courage et en continuant à exercer leur liberté d’expression protégée par la Charte, verront tout de même leur opinion en ligne retirée d’Internet (y compris celles prononcées avant le passage de cette loi !) par les exploitants de sites et de plateformes de médias sociaux. Ces fournisseurs de services chercheront à éviter de se mettre en porte-à-faux avec les nouvelles réglementations de M. Trudeau. Tout le monde vivra dans la crainte de la Commission de la sécurité numérique.
 

L’analyse ci-dessus est de John Carpay
 
Voir aussi
 
 
 
 
Les commissions des droits de la personne : un simulacre de justice

Non seulement les critères de sélection des commissions des droits de l’homme sont-ils à géométrie variable selon le groupe de plaignants et le groupe visé, mais les règles de procédure et la structure des commissions pour les droits de la personne ne respectent pas les règles traditionnelles de procédure équitable :
  1. des tiers étrangers aux présumés délits peuvent malgré tout se joindre à la requête et se plaindre.
  2. Les commissions ont parfois permis aux plaignants d’accéder aux dossiers de celles-ci et de diriger les travaux d’enquête.
  3. La vérité n’est pas une défense.
  4. Les accusés ne peuvent pas toujours confronter leurs accusateurs.
  5. Les normes habituelles pour s’assurer de la validité d’une preuve n’ont pas cours.
  6. La preuve par ouï-dire est permise.
  7. Le gouvernement finance les accusateurs, l’accusé doit se défendre à ses propres frais.
  8. Les accusateurs ne peuvent être condamnés aux dépens s’ils perdent.
(Critiques exposées par le National Post dans l’article « A bit late for introspection » le 19 juin 2008.) 

Les « Kebs » et l’accent arabe (Qui assimile qui dans les écoles ?)

Rémi Villemure, suppléant à l’école secondaire secondaire Daniel Johnson (dans le nord de la ville) m’écrit avoir assisté à des scènes qui confirment l’esprit de la chronique. Notamment, « Des jeunes garçons et filles blancs qui adoptent tous (presque sans exception) l’accent arabe devenu la norme désormais. […] L’emphase [anglicisme, l’accent tonique] sur les A (prononcés Â) mêlée à des expressions comme Wesh, la hess, wallah. Ex : wallah je le jure mâdâme. »

Cette autre grand-mère, Francine Lagacé, de Laval, parle de son petit-fils de 16 ans aujourd’hui en secondaire 4. « Vous savez quoi ? Il parle avec un accent arabe ! Eh oui, il n’y a pas assez de Québécois à l’école pour que les enfants prennent notre accent, c’est le contraire qui se produit. Il me dit que s’il parle [avec l’accent] québécois, il se fait niaiser [charier] ! »

Le glissement identitaire des francophones est relevé aussi par Simon Brodeur, enseignant et père : « Depuis le début du secondaire, j’ai vu mes garçons changer d’accent et de vocabulaire et s’identifier progressivement en tant qu’hybride plutôt que comme Québécois pour survivre à leur environnement social : pour s’intégrer dans leur nouveau milieu. J’ai dû travailler fort pour leur faire prendre conscience de la force civique, culturelle, professionnelle et industrielle des Québécois. »

Sur les tensions entre élèves issus de l’immigration et les natifs, Brodeur écrit « ce que vous mentionnez comme type d’interactions à l’école secondaire est tout à fait véridique et je l’ai observé moi-même. J’ai enseigné dans des écoles montréalaises et je travaille maintenant au cégep comme conseiller pédagogique depuis presque dix ans, au centre-ville (cégep du Vieux Montréal). Les tensions et les intolérances sont présentes, mais ce qu’il y a de nouveau est que les “Kebs” sont considérés comme un sous-groupe parmi les autres, un sous-groupe qui émane d’une majorité dominante, mais qui est stigmatisé par les minorités en situation de majorité par quartier, dans la métropole. »

        Source

(Notons que Kebs sonne à notre oreille comme un terme trop proche de clebs, terme issu de l’arabe كَلْب kleb signifiant chien).


Voir aussi

Réaction hostile de la part des élèves immigrés à l'arrivée d'élèves « de souche »

Écoles du Québec — « Si je me ferme les yeux, je pourrais croire que je suis à Toronto » 

 

mercredi 28 février 2024

La thérapie hormonale, et les conséquences irréversibles de la chirurgie pour les enfants dits « trans »

« Je pense qu’il y a beaucoup plus de détransitionneurs qui veulent faire marche arrière et revenir à avant, que ce que l’on dit. » - Dr Phil

Joe Rogan et Dr Phil discutent de l’approbation par le système médical américain de la thérapie hormonale et des conséquences irréversibles de la chirurgie de réorientation sexuelle pour les enfants.

Le New York Times a publié il y a quelques semaines, un long article sur le témoignage de plusieurs jeunes « détransitionneurs ». On trouvera ci-dessous sa traduction. Voir aussi Nouvelle étude : la dysphorie de genre chez les ados ne les expose pas en soi à un risque plus élevé de suicide.

Corée du Sud: le nombre de nouveau-nés au plus bas (-7,7% par rapport à 2022), fécondité tombe à 0,7 enfant/femme.

À ce rythme, la population sud-coréenne va quasiment se réduire de moitié pour atteindre 26,8 millions d'habitants en 2100.

Le nombre de nouveau-nés en Corée du Sud a atteint en 2023 son plus bas niveau depuis les premières statistiques sur le sujet en 1970, a annoncé Séoul mercredi 28 février, malgré les milliards d'euros dépensés par le gouvernement pour encourager les naissances. «Le nombre de nouveau-nés en 2023 était de 230.000», soit 7,7% de moins par rapport à 2022, a déclaré à des journalistes Lim Young-il du bureau du recensement au sein de l'organisme public des statistiques sud-coréennes.

En 2023, le taux brut de natalité, c'est-à-dire le nombre de nouveau-nés pour 1.000 habitants, était, lui, de 4,5 contre 4,9 en 2022, selon ces données préliminaires. «Le nombre de nouveau-nés (...) et le taux brut de natalité se situent tous à leur point le plus bas depuis 1970», année du début du recueil de ces données, a décrit Lim Young-il.


Prix du logement et de l'instruction

Pour maintenir la population à son niveau actuel (51 millions d'individus), il faudrait que les femmes donnent naissance à 2,1 enfants en moyenne durant leur vie. Mais en 2023, le taux de fécondité a continué de chuter, atteignant 0,72. À ce rythme, la population sud-coréenne va quasiment se réduire de moitié pour atteindre 26,8 millions d'habitants en 2100, selon l'Institut pour les mesures et l'évaluation de santé à l'université de Washington à Seattle (États-Unis).

Séoul a dépensé des centaines de milliards d'euros pour tenter d'encourager les naissances, à travers des versements d'allocations, des services de garde d'enfant et une aide pour les traitements de l'infertilité. Selon les experts, le faible nombre de naissance découle notamment des prix de l'immobilier et des coûts élevés liés au fait d'élever des enfants, dans une société compétitive rendant par ailleurs difficile l'obtention d'emplois bien rémunérés. La double journée de travail des femmes, qui, rentrées du travail, assument souvent la responsabilité des tâches ménagères et de l'éducation des enfants, constitue aussi un facteur clé, expliquent-ils.


Liens connexes

Japon — Deux fois plus de décès que de naissances en 2023 

Population chinoise chute pour la 2e année consécutive, avec un taux de natalité historiquement bas

Corée — « la concurrence intense, particulièrement dans l'éducation » une des causes de la sous-fécondité, selon le président

 
 

 

 

 



mardi 27 février 2024

Canada : 4 millions de dollars à l'Ukraine pour « une action antimines transformatrice en matière de genre »

Dans le jargon inimitable de la Trudeaupie:

Activités de déminage tenant compte des sexospécificités pour un avenir durable en Ukraine
Financement : 
4 millions de dollars
Ce projet de HALO Trust vise à protéger la vie et les moyens de subsistance des Ukrainiens, y compris les femmes et les personnes déplacées à l’intérieur du pays, en s’attaquant à la menace que posent les munitions explosives présentes dans de vastes régions du pays. Les activités du projet comprennent : la réalisation d’enquêtes non techniques dans les communautés ciblées et le déminage manuel de celles-ci par la suite; le renforcement des capacités des principaux acteurs nationaux; la création d’un groupe de travail sur l’égalité des sexes et la diversité afin de promouvoir une action antimines transformatrice en matière de genre en Ukraine.


 

Japon — Deux fois plus de décès que de naissances en 2023

Le nombre de naissances au Japon a chuté pour la huitième année consécutive pour atteindre un nouveau record en 2023, indiquent des données préliminaires du gouvernement japonais mardi, soulignant la tâche ardue à laquelle le pays est confronté pour tenter d’endiguer la dépopulation.

Le nombre de naissances en 2023 est tombé à 758 631, soit une baisse de 5,1 % par rapport à l’année précédente, tandis que le nombre de décès a atteint un niveau record d’environ 1,59 million, soit la troisième année consécutive d’augmentation, selon le ministère de la Santé, du Travail et de la Protection sociale.

Le nombre de mariages a également baissé de 5,9 % par rapport à l’année précédente, pour atteindre 489 281. C’est la première fois en 90 ans que ce chiffre passe sous la barre des 500 000, selon le radiodiffuseur public NHK. La même année, les divorces ont également augmenté de 2,6 % pour atteindre 187 798 couples, selon les données officielles.

Taux de natalité

Un père et son fils regardent le match de Sumo « Baby-cry »

Les données reflètent le défi démographique croissant auquel est confronté le Japon, qui a l’un des taux de natalité les plus bas du monde et l’une des espérances de vie les plus élevées. Il doit notamment faire face à une population âgée croissante, à une diminution de la main-d’œuvre et à un manque de jeunes pour combler le fossé.

 Selon le Japon, un habitant sur dix est âgé de 80 ans ou plus, alors que la nation vieillit.

Les experts évoquent plusieurs facteurs pour expliquer le faible taux de natalité, notamment le coût élevé de la vie au Japon, la forte urbanisation et l’exil rural qui menacent de désertification une partie du pays, le prix des logements en ville pour les familles, l’absence de services de garde d’enfants dans les villes et l’évolution des mentalités à l’égard du mariage et de la famille.

Mesures sans précédent

Le gouvernement a lancé un certain nombre d’initiatives pour remédier à ce déclin, notamment de nouvelles politiques visant à améliorer les services de garde d’enfants, à améliorer les logements pour les familles et, dans certaines villes, à payer les couples pour qu’ils aient des enfants.

L’été dernier, le Premier ministre Fumio Kishida a lancé un avertissement sévère concernant la crise démographique, déclarant que le pays était « sur le point d’être incapable de maintenir les fonctions sociales » en raison de la baisse du taux de natalité.

Interrogé sur ces dernières données, le porte-parole du gouvernement japonais a déclaré que le gouvernement prendrait des « mesures sans précédent » pour faire face à la baisse de la natalité, notamment en développant les services de garde d’enfants et en encourageant les hausses de salaire pour les jeunes travailleurs.

« La baisse de la natalité est dans une situation critique », a déclaré le secrétaire général du cabinet, Yoshimasa Hayashi, aux journalistes.

« Les six prochaines années environ, jusqu’en 2030, lorsque le nombre de jeunes diminuera rapidement, seront la dernière chance d’inverser la tendance », a-t-il ajouté.

Conscient de l’impact social et économique potentiel et des tensions sur les finances publiques, le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, a qualifié cette tendance de « crise la plus grave à laquelle notre pays est confronté » et a dévoilé une série de mesures visant à soutenir les ménages en âge de procréer à la fin de l’année dernière.

La population du Japon devrait diminuer d’environ 30 % pour atteindre 87 millions d’habitants en 2070, avec quatre personnes sur dix âgées de 65 ans ou plus, selon les estimations de l’Institut national de recherche sur la population et la sécurité sociale.

Ségrégation raciale croissante dans les universités canadiennes

Ces derniers mois, une vague de salons, d’espaces d’étude et d’événements réservés aux Noirs a vu le jour dans les universités canadiennes, ce qui aurait été impensable il y a seulement quelques années.

Des étudiants marchent sur le campus de l’Université métropolitaine de Toronto. L’Université métropolitaine de Toronto a déclaré que son salon pour les étudiants noirs est conçu comme un lieu où les étudiants peuvent « guérir » et « se ressourcer » de l’oppression institutionnelle colonialiste.


Deux fois par semaine, le centre sportif de l’université de Waterloo suspend son calendrier habituel de cours de natation en milieu de matinée et réserve sa piscine de 25 mètres à l’usage exclusif d’un groupe démographique qui, selon ses dires, n’a pas une bonne « relation avec l’eau ».

« L’objectif est d’amener plus de Noirs dans un espace où ils n’ont pas toujours été les bienvenus », peut-on lire dans la description officielle de la « baignade des Noirs », une séance de 60 minutes réservée aux Noirs. Les utilisateurs peuvent faire des longueurs, s’entraîner à plonger ou s’inscrire à une leçon. Mais ils doivent être des « Black Folx », tout comme les instructeurs. Folx est une graphie progressiste (eh, oui !) de folks (les gens) censément inclusive.

« Ce temps est réservé à la construction d’une meilleure relation avec l’eau pour la communauté noire », peut-on lire en caractères gras sur la page web du Black Folx Swim.

L’université de Waterloo accueille plus de 30 000 étudiants étrangers. De nombreux nouveaux arrivants au Canada ne possèdent pas les compétences de base en natation et courent un risque élevé de noyade. C’est pourquoi de nombreuses sociétés de sauvetage ciblent spécifiquement les nouveaux Canadiens pour les cours de natation.

Mais à part une nage hebdomadaire adaptée aux transgenres et quelques événements épars réservés aux femmes, le Black Folx Swim est le seul moment de nage de l’université qui soit spécifique à un groupe démographique, et le seul qui s’adresse aux étudiants d’une origine ethnique particulière.

Et Waterloo n’est pas la seule dans ce cas. Alors que l’idée d’espaces explicitement réservés aux Noirs dans les universités canadiennes aurait été impensable il y a seulement quelques années, on a assisté ces derniers mois à une vague de salons, d’espaces d’étude et d’événements réservés aux Noirs dans les établissements d’enseignement post-secondaire canadiens.

L’université de Colombie-Britannique a récemment inauguré un espace réservé aux étudiants noirs, qui comprend des douches, des casiers et même une salle de sieste.  Pour y accéder, les étudiants doivent faire une demande et affirmer qu’ils font partie de l’une des catégories suivantes : « Noirs d’origine africaine, Afro-Américains, Afro-Canadiens, Afro-Caraïbes, Afro-Latins et Afro-Indigènes ».

L’Université métropolitaine de Toronto (TMU), anciennement l’université Ryerson, a ouvert un salon pour les étudiants noirs en 2022. Cet espace se veut un refuge contre « les méfaits du racisme institutionnel ». Dans de nombreuses déclarations publiques, la TMU s’est qualifiée de foyer d’oppression institutionnelle colonialiste, et le salon se veut un lieu où les étudiants peuvent « guérir » et « se ressourcer » de cette oppression, et « promouvoir l’épanouissement des Noirs ».

L’Université de Toronto dispose d’un bureau consacré à la participation des étudiants noirs (Black Student Engagement) qui organise une série d’événements d’initiation et d’orientation réservés aux Noirs. S’il existe des programmes d’« intégration » sanctionnés par l’université pour les étudiants d’Amérique latine et d’Asie du Sud-Est, ils se limitent pour l’essentiel à des rendez-vous de mentorat et à des ateliers.

L’université de Toronto n’est pas la seule à organiser des événements réservés aux Noirs. Comme l’indique un article de VICE, il n’y a pas si longtemps, en 2015, le Canada ne comptait pas un seul baptême estudiantin (bizutage) réservé aux Noirs. Mais après que les universités d’Ottawa ont lancé le Bizutage Black like me (« noir comme moi ») cette année-là, la pratique s’est rapidement banalisée.

Les campus universitaires canadiens ont toujours abrité des sociétés ou des cercles d’étudiants dont l’appartenance est déterminée par des caractéristiques nationales ou ethniques.

L’université McGill, par exemple, compte plus de 40 « cercles culturels » sur le campus, qui s’adressent à des groupes d’étudiants allant des Tamouls aux Marocains en passant par les « Asiatiques nés en Amérique du Nord ».

Mais les nouveaux « espaces noirs » sont différents dans la mesure où leur objectif explicite est de délimiter des zones réservées aux Noirs dans le but de créer des « espaces inclusifs ».

Lorsque l’université Simon Fraser a annoncé son intention de construire un centre pour les étudiants noirs, les administrateurs ont déclaré que le projet découlait directement de l’adoption de la Charte de Scarborough sur le racisme anti-Noir, un document datant de 2021 signé par 46 universités canadiennes.

La charte stipule que les Noirs sont sous-représentés dans les universités canadiennes en raison d’un écheveau de racisme institutionnel anti-Noir.


En tant que telle, elle préconise de suivre de près les caractéristiques ethniques des étudiants et des enseignants des universités canadiennes et de mettre en œuvre un certain nombre de « processus délibératifs » pour s’assurer qu’un nombre représentatif d’entre eux soient des Noirs.

L’un de ces processus est la construction d’« espaces d’affirmation et d’accessibilité […] qui favorisent l’appartenance à la communauté noire ».

À la TMU, le salon des étudiants noirs est le fruit d’un rapport publié en 2020 et intitulé « Anti-Black Racism Campus Climate Review » (examen du climat raciste anti-Noir sur le campus).

Les auteurs concluaient que même après dix ans d’efforts concertés de lutte contre le racisme, l’université était toujours en proie au racisme anti-Noir, qui, selon le rapport, se manifestait principalement de manière « intuitive », par exemple par un « sentiment de non-appartenance » et un « manque de représentation dans les programmes d’études ».

Le rapport recommandait notamment la création d’un « espace réservé aux étudiants noirs sur le campus, doté des ressources nécessaires pour qu’ils se sentent en sécurité ».

« Les universités ont toujours été des lieux peu sûrs pour les étudiants noirs. Le salon n’est qu’une étape vers le démantèlement de cette réalité néfaste », a déclaré Eboni Morgan, animatrice du soutien aux étudiants noirs, lors de l’inauguration de l’espace.


lundi 26 février 2024

Réaction hostile de la part des élèves immigrés à l'arrivée d'élèves « de souche »

« C’est juste des gens normaux de la Gaspésie ! »

Le documentaire Garçons, un film de genre, de Manuel Foglia, suit un groupe d’adolescents de l’école secondaire de Matane et un autre de l’école Pierre-Laporte à Montréal. Le film est un projet progressiste de lutte contre les stéréotypes conservateurs en matière de rôles sexuels. Il s’agit sournoisement de déconstruire (pourquoi ?) ces conventions. Comme le dit le résumé du film : « Qu’est-ce qu’un “vrai” homme ? Un portrait de l’identité masculine aujourd’hui au Canada, à partir du point de vue d’adolescents confrontés à évaluer les stéréotypes de genre auxquels ils adhèrent. »

Chacun des deux groupes d’élèves part passer quelques jours dans l’école secondaire de l’autre. La classe de l’école montréalaise est massivement « ethnique », un des rares « blancs » est un garçon qui ne se dit ni homme ni femme. Cela ne s’invente pas.

Le documentaire sorti en 2023 se termine par des accolades, mais comme le dit une enseignante, l’accueil fait aux jeunes de Matane (les premiers à être reçus) sera carrément hostile.

À l’écran, une jeune fille de Matane racontera s’être fait traiter « de plotte gaspésienne » [nana, une fille habillée de manière provocante, une femme facile] « d’esti de blanche » [esti = une interjection, proche de « putain de blanche »]. Un autre élève dira que dans les couloirs, « ça t’insultait, te traitait de Blanc ».
Une jeune fille de Pierre-Laporte se demandera quelle mouche a piqué ses camarades. « C’est juste des gens normaux de la Gaspésie venus passer une journée ! » Et une autre de s’inquiéter que la petite minorité de têtes brûlées amènera à tort les jeunes de Matane à penser « que tous les élèves de notre école sont comme ça ».

« Votre présence semble avoir causé un effet de curiosité, dira le directeur de l’école, Philippe Lamoureux. Plusieurs jeunes se sont demandé qui est ce paquet de jeunes Blancs qui débarquent. Je suis désolée de ce que vous avez vu, ils ne sont pas comme cela habituellement. »

Les jeunes qui ont agi de façon inappropriée ont été rencontrés, a insisté M. Lamoureux. À Matane, le personnel scolaire s’est assuré qu’il n’y ait pas de représailles et que l’accueil des jeunes de Montréal serait chaleureux.

Voir aussi
 
 
 

Écoles du Québec — « Si je me ferme les yeux, je pourrais croire que je suis à Toronto »

Effet de l'immigration incontrôlée, dans certaines régions, des élèves reçoivent à peine une heure de francisation par semaine. Les services offerts dans les écoles de plusieurs régions du Québec sont tellement insuffisants que de nombreux élèves allophones peinent à apprendre le français, déplorent des enseignantes.

Le nombre d’élèves qui ont besoin de services de francisation a bondi dans des écoles de Québec, si bien que des jeunes qui ne parlent pas un mot de français sont «parachutés» dans des classes régulières, déplorent plusieurs intervenants.

«Dans ma classe, j’ai un seul élève québécois de souche», témoigne une enseignante du primaire qui a préféré garder l’anonymat pour éviter les représailles de son employeur.

«Si je me ferme les yeux, je pourrais croire que je suis à Toronto», illustre-t-elle.
«Dans mon école, le français a déjà disparu.»

Son école ne se situe pourtant pas à Montréal, ni à Laval, ni à Brossard, où on a depuis longtemps l'« expertise»  pour accueillir de jeunes allophones (sans que cela soit très concluant, voir
Mépris de l'identité québecoise dans les écoles du Québec : français méprisé, élèves humiliés, propos dégradants sur les femmes, violences, fête de Noël perturbée)

Elle enseigne à Vaudreuil. Un coin de pays où, il n’y a pas si longtemps, l’immigration se faisait au compte-gouttes.

Mais depuis quelques années, la population allophone a explosé. Le nombre d’élèves issus de l’immigration au Centre de services scolaire (CSS) des Trois-Lacs a pratiquement doublé en 9 ans.

Pendant ce temps, les services linguistiques ne suivent pas au même rythme. Beaucoup de jeunes sont laissés à eux-mêmes en classe ordinaire alors qu’ils ne maîtrisent pas le français, dénoncent des enseignants.

30 minutes par semaine

«Trente minutes de francisation une ou deux fois par semaine». Voilà le total de l’aide offerte aux élèves allophones d’une classe de 1re année, peut-on lire parmi les réponses à un sondage réalisé en février par le Syndicat de l’enseignement de la région de Vaudreuil (SERV-CSQ).

Cet enjeu ne concerne pas seulement la Montérégie. Des enseignants de la Côte-Nord, des Laurentides, de l’Outaouais et de la Capitale-Nationale disent aussi vivre le même problème, selon la Fédération des syndicats de l’enseignement et la Fédération autonome de l’enseignement.

Quatre ministres du gouvernement Legault ont tiré la sonnette d’alarme pour quémander à Ottawa plus de fonds et de contrôle pour faire face à l’afflux de demandeurs d’asile.

Élèves ignorés

L’éducation serait un des domaines risquant des ruptures dans les services, un enjeu qui va bien au-delà de celui de l’accueil des migrants.

«Ça prendrait le quadruple des budgets qu’on a actuellement», estime Véronique Lefebvre, présidente du SERV-CSQ.

Les élèves qui auraient besoin d’un soutien linguistique intensif ne reçoivent que du soutien ponctuel, tandis que ceux qui auraient besoin d’un soutien ponctuel n’en reçoivent pas du tout, déplore Mme Lefebvre.

Bon nombre de ces élèves auraient eu besoin de passer par une classe d’accueil, c’est-à-dire de se familiariser avec la langue et les bases culturelles auprès d’un enseignant spécialisé en francisation, estime-t-elle.

Anglais, langue commune

«On peut se retrouver avec des élèves complètement démotivés» parce qu’ils ne maîtrisent pas la langue, observe Martine Dumas, présidente du Syndicat des Seigneuries.

A priori, on pourrait penser que ces élèves se retrouvent en «immersion» française. Mais où est l’immersion quand la majorité du groupe n’est pas francophone? s’inquiètent les enseignantes interrogées.

«Un des problèmes, c’est que l’anglais devient la langue commune [à l’école]», observe Marie-Claude Nolin, orthopédagogue à Vaudreuil.

Cela lui fait plaisir, en tant que pédagogue d’expérience, de prendre des élèves de 3e année en sous-groupe pour leur apprendre la distinction entre le son «on» et le son «en», par exemple.

Mais ce travail aurait pu être fait beaucoup plus tôt par des professeurs de francisation, s'ils étaient davantage disponibles. «Il y a toujours un enjeu de qui fait quoi», résume-t-elle. Car pendant ce temps, d’autres élèves qui ont des troubles d’apprentissage n’ont pas accès à ses services d'orthopédagogie.

De plus en plus de dépenses pour l'accueil de l'immigration

D'ailleurs, le nombre de classes d’accueil a doublé par rapport à l’année précédente, malgré la difficulté à recruter du personnel, souligne Marie-Claude Barrette, du Service des communications du CSS des Trois-Lacs.

EXTRAITS D’UN SONDAGE ÉLOQUENT

Progression «lente» ou «maigre», services «insuffisants» ou réduits en plein milieu de l’année. Des enseignants ont témoigné dans les commentaires d’un sondage interne de leur impuissance à aider leurs élèves allophones.

    «Service [de francisation] qui s’arrête en décembre car le budget est épuisé.» (niveau : maternelle)

    «Ils sont intégrés n’importe comment, sans soutien, sans que je sois formée. Cela n’aide en rien ces enfants [...] Je ne suis absolument pas qualifiée pour enseigner le français langue seconde.» (niveau : 4e année)

    «Je sais que je peux avoir recours à une application de traduction. Toutefois, on n’en a pas trouvé traduisant en Punjabi.» (niveau : 1re année)

    «Avec 1h seulement [de francisation] par semaine, je ne trouve pas que mon élève s’améliore suffisamment.» (niveau : 3e année)

    «Je suis découragée! [...] Aucun service [pour les élèves qui auraient besoin de soutien linguistique ponctuel] car on a trop d’élèves à cote 22 [qui ont besoin de soutien intensif].» (niveau : 1re année)

    «Je trouve cela très difficile d’enseigner mon programme avec 13 élèves sur 20 qui sont en apprentissage de la langue.» (niveau : 1re année)

    «Plusieurs élèves n’arrivent pas à suivre les consignes de groupe, ils ne peuvent pas réaliser les tâches [...] Ils sont simplement assis dans la classe et entendent du français autour d’eux [...] Les termes mathématiques ne sont toujours pas accessibles alors ils ne cheminent pas à leur plein potentiel.» (niveau : 1re année)

    «Mon élève ne veut pas parler en classe.» (niveau : 6e année)

    «La progression est très lente. Je doute de l’efficacité des services tels qu’ils sont.» (niveau : 1re année)

    «Certains parents ont choisi d’engager un tuteur ou une tutrice au privé pour pallier les difficultés de leur enfant.» (niveau : 6e année)

    «On attend pour obtenir la formation que l’on a demandée depuis plusieurs mois. C’est le silence radio à mon école.» (niveau : 1re année)

Source: Sondage interne réalisé par le Syndicat de l’enseignement de la région de Vaudreuil (SERV-CSQ) auprès de plus de 80 professeurs du primaire.e. L'anglais comme lingua franca dans ces écoles dites francophones.

Source: Journal de Montréal

Mépris de l'identité québécoise dans les écoles du Québec : français méprisé, élèves humiliés, propos dégradants sur les femmes, violences, fête de Noël perturbée

Un texte de Jean-François Lisée dont une version abrégée est parue dans Le Devoir.

Je passe trop de temps sur X, je le confesse. Mais c’est là que le premier indice m’est apparu, l’an dernier. Un internaute a écrit ceci : « Un de mes vieux chums qui a grandi comme moi dans Villeray. Il est prof au primaire dans une école très multiethnique de Montréal. Il en a assez, il déménage hors de l’île. Loin de l’île. Le gars est pas politisé et pas vraiment plus nationaliste que le Joe moyen. À son école, les jeunes, principalement du Maghreb et d’Haïti, refusent l’identité québécoise. S’il leur dit qu’ils sont Québécois (ils sont la plupart nés ici) : hilarité générale ou même mépris ouvert pour notre nation. Les parents affirment également que leurs enfants sont Marocains, Algériens, Haïtiens, mais mon dieu pas Québécois. » J’ai voulu parler à ce prof, mais il a refusé.

Le témoignage fut commenté. Jason (pas de nom de famille) a renchéri : « J’ai été enseignant à Mtl (maintenant en région) et j’ai vécu cette réalité. Je n’ai jamais eu de troubles avec des classes hétérogènes. C’est quand il y a une grosse part d’élèves de même nationalité (Haïti, pays du Maghreb) qu’un phénomène de mépris du Québec s’affiche. » Un dénommé Claude rapporte : « Mon ex, éducatrice spécialisée, quitte son emploi dans une école semblable à ça dans l’Est de Mtl après la fin des cours cette année. Les comportements et dérives dépassent ce qu’elle peut endurer. » Une mère, Emmanuelle, ajoute : « Mon ado fait le même constat à son école secondaire, les propos sont parfois d’un mépris sidérant. Non, ça va pas bien. »

Intrigué, j’avais rangé tout ça dans un coin de mon ordinateur jusqu’à ce que je lise Le duel culturel des nations (Boréal) d’Emmanuel Lapierre. L’ouvrage, à la fois érudit et personnel, explique combien le vécu des théoriciens du concept de nation imprègne leurs conclusions. Il démontre aussi comment les nations dominantes, toutes intrinsèquement ethniques et civiques, culpabilisent les petites. Lapierre est enseignant. Il écrit : « dans toutes les écoles de la région de Montréal où j’ai travaillé ces 15 dernières années, je n’en reviens pas de constater l’attitude de mépris ou de honte à l’égard de la langue et de la culture québécoise. »

L’anglais domine les corridors

Puis, le mois dernier, j’ai commis l’erreur d’affirmer, dans mon texte École anormale, que le français était la langue commune dans les écoles privées de Montréal. Des enseignants ont assailli ma boîte courriel pour me détromper. Celui d’une école privée très cotée de Montréal, et aux longues racines francophones, témoigne : « Bien que le français soit la langue de travail, dans les corridors, la langue commune est de plus en plus l’anglais. La direction et les professeurs ont beau essayer de renverser la vapeur, rien n’y fait. L’anglais prédomine dans ce milieu très multiethnique. Le français, la plupart de nos élèves non francophones s’en foutent (une bonne partie des francophones, aussi d’ailleurs). » Pour éviter les représailles, il demande de ne pas être nommé et de ne pas désigner l’école. Mais une de ses collègues confirme ses constats.

J’ai parlé à la directrice générale du collège, Julie Duchesne, qui conteste cette affirmation. Les conversations de corridors, m’assure-t-elle, se font « principalement en français ». Elle ajoute que ses étudiants « sont tous fiers de parler, d’étudier et de vivre en français » et que toutes les interactions entre le personnel d’une part, les jeunes et leurs parents d’autre part, sont « unilingues francophones ». D’autant que l’institution « fait la promotion de la culture québécoise, des traditions, et les œuvres québécoises tiennent une grande place ». Certains des étudiants ont le droit de s’inscrire à l’école anglophone, mais « choisissent de faire [leurs études] en français ». Cette version et celle des profs sont, de toute évidence, irréconciliables.

Le conflit entre le français et l’anglais comme langues communes des étudiants hors des classes n’est nullement confiné à ces deux institutions. Un enseignant du privé a réalisé un sondage non scientifique auprès de ses amis profs dans d’autres institutions privées francophones de Montréal, et il me livre, sous toute réserve, le résultat suivant :

  • Reine-Marie : majoritairement francophone
  • Collège Laval : français un peu devant l’anglais
  • Collège Notre-Dame : français un peu devant l’anglais
  • Pensionnat-Saint-Nom-de-Marie : long combat entre anglais et français
  • Jean-Eudes : français-anglais égalité  

Le mépris des « Kebs »

Mes sources ne contestent pas que le français soit la langue officielle du collège, mais déplorent que ces efforts ne portent pas suffisamment fruit. Et signalent un autre phénomène : « les élèves détestent les francophones. On fait la vie très dure à ceux qui veulent parler français et défendre le fait français : ils sont humiliés et dénigrés en personne et sur les réseaux sociaux. »

Dans le cadre de son cours, toujours à Régina Assumpta, une autre prof devait aborder le thème de l’identité. Elle raconte : « Alors que nous étions en pleine discussion sur nos valeurs en tant que citoyens, un des deux élèves de souche de mon groupe a levé la main pour s’exprimer. C’est alors que tout le groupe s’est mis à rire et à huer en disant que les Kebs n’avaient pas de valeurs et que nos filles et nos femmes sont en fait des traînées (j’emploie un vocabulaire acceptable ici […]). Je suis rapidement intervenue et fus coupée par un grand gaillard d’origine maghrébine qui m’a lancé : “Madame, vous ne pouvez pas comprendre parce que les Kebs, vous n’avez pas de culture. Vous faites des trucs de Blancs comme aller au chalet et faire du ski et vous n’éduquez pas vos enfants.” »

Elle continue : « Que dire de mon petit élève “de souche”, musicien de l’orchestre à cordes du collège, qui a osé jouer un petit rigodon pour égayer notre activité de Noël en classe ? Les élèves se sont mis à rire de lui, à l’injurier et à lui lancer des objets. Plus tard, cette même journée, de la musique libanaise se faisait pourtant entendre dans la salle de niveau où tous les élèves se rassemblent et où plusieurs se sont mis à danser le dabkeh sous les applaudissements de la foule en délire. »

Elle poursuit : « Et comment se porte aujourd’hui cette élève québécoise francophone qui, en classe, a osé dire que les Québécois francophones avaient subi de la discrimination dans le passé ? [Elle] s’est fait insulter et menacer sur les réseaux sociaux pour ses propos que les autres élèves jugeaient racistes et déplacés puisque, selon eux, les Québécois francophones n’avaient pas vraiment soufferts. » Une élève de cette classe confirme l’incident.

Un autre prof rapporte qu’au moment de l’Halloween : « il y a cinq ans environ, [un] élève de secondaire 4e secondaire s’est présenté au collège costumé d’un sac à ordure Glad comme vêtement. Il avait fabriqué une petite affiche qu’il avait collée sur son ventre sur laquelle était écrit “Culture Keb”. Ça a pris deux ou trois périodes avant qu’un adulte lui demande d’enlever son costume. »

La direction de Régina Assumpta refuse de confirmer ou d’infirmer l’existence de ces anecdotes ou même d’indiquer si des faits de ce genre ont été portés à son attention. Mais elle assure qu’« aucun geste, commentaire haineux, raciste ou intolérant n’est toléré », que la situation est « prise en main par un membre du personnel » et qu’« il y a toujours des interventions qui se font ». Invitée à donner son avis sur l’existence même de cette problématique, d’en estimer l’importance, la montée ou le déclin, la directrice générale a refusé de s’engager sur ce terrain.

Une intolérance de part et d’autre

À Régina Assumpta toujours, dans un groupe de secondaire 2, un intervenant de la « Caravane de la tolérance » a posé la question : qui ici se sent Québécois ? Sur 36 élèves, 34 ont dit non. Cet organisme s’appelle maintenant Ensemble pour le respect de la diversité. Il anime chaque année environ mille ateliers sur la tolérance dans les écoles du Québec, publiques et privées, rejoignant ainsi près de 30 000 élèves par an. J’ai évoqué ce résultat à son directeur général, Rafaël Provost. Sa réaction : « c’est quelque chose qui nous arrive très souvent ».

Je lui ai ensuite lu les anecdotes rapportées par les profs. Il les considère toutes vraisemblables. Ce mépris des Kebs, dit-il, « on le voit et on l’entend dans les écoles ».

Le dernier Portrait socioculturel des élèves inscrits dans les écoles publiques de l’île de Montréal rapporte que 56 % des élèves y sont soit nés à l’étranger, soit nés ici de deux parents étrangers.

Sur un total de 447 écoles, 168 écoles publiques (primaires ou secondaires) de l’île affichent une proportion de 66 % ou plus d’étudiants appartenant à cette catégorie. Parmi elles, 114 en comptent 75 % ou plus, 46 en accueillent 85 % ou plus.

La mise en minorité des natifs peut créer des conditions propices à la propagation du mépris, mais il n’en constitue pas la cause. M. Provost évoque plusieurs raisons qui peuvent l’expliquer. « Aucun jeune ne naît raciste, homophobe ou intolérant. C’est quelque chose qui s’apprend. » Un jeune qui grandit dans une famille immigrante dont l’intégration est réussie aura du Québec et de ses habitants une image positive tandis que les parents qui se sentent rejetés et dévalorisés transmettront leur dépit à leurs enfants. « Si les parents ne se sentent pas eux-mêmes Québécois, c’est difficile de transmettre [l’attachement au Québec] à leurs jeunes. »

Mais l’intolérance, insiste Provost, n’est pas à sens unique. « Beaucoup de jeunes à Montréal ne s’identifient pas comme Québécois parce qu’ils disent qu’ils n’ont pas le droit de se sentir comme ça », explique-t-il. « On leur dit qu’ils ne le sont pas. » Qui est ce « on » ? « Des jeunes Québécois qui disent aux autres qu’ils ne sont pas Québécois [car] pour être Québécois il faut être blanc, francophone, né ici. » C’est le genre de commentaires qu’il entend, aujourd’hui, dans les écoles montréalaises. Et c’est la tâche de son organisme de déconstruire ces préjugés, de part et d’autre. [À moins que cela soit une excuse facile : les de souche sont méchants...]

Je lui ai demandé si ce phénomène est en progrès ou en reflux. Il constate une montée générale de l’intolérance, dans tous les domaines : identitaire, raciale, d’orientation sexuelle. « Il y a des jeunes qui lèvent la main maintenant dans les classes — et ça nous arrive régulièrement — pour dire : “moi je suis raciste”, “moi je suis homophobe et c’est de la liberté d’expression”. Ils le verbalisent. Alors, imaginez ceux qui le pensent sans le dire ! » [Importer des gens de pays très conservateurs et leur imposer à l'école des valeurs très « progressistes » (prétendûment québécoises), qu'ils considèrent comme décadentes. C'est s'assurer le rejet de cette culture imposée en outre considérée comme moribonde, car elle ne fait même plus d'enfants.] Ses services sont d’ailleurs plus sollicités que jamais et il dit sentir les équipes-écoles débordées par l’augmentation des tensions de toutes sortes.

Intérioriser le mépris

Reste que l’ambiance ainsi créée sur la question spécifique de l’attachement au Québec est délétère, y compris pour la santé identitaire des francophones. L’auteur et enseignant Emmanuel Lapierre estime que certains d’entre eux « adoptent la même attitude que les autres Canadiens vis-à-vis du français. Ils le parlent par politesse parmi les leurs, et le parlent mal. Inconsciemment ou consciemment, ils dédaignent leur propre langue, leur propre identité. »

Une enseignante de Régina Assumpta fait le même constat. « J’avais, écrit-elle, des petits Québécois francophones qui étaient si heureux à l’idée d’avoir trouvé un ancêtre écossais, irlandais ou polonais au fin fond de leur arbre généalogique. Aussi “arrière-arrière-arrière” cet ancêtre pouvait-il être, les voilà qui se disaient soudainement “moitié Québécois, moitié…”. Fiou ! [ouf !] Enfin une moitié qui saurait peut-être les sauver de l’ostracisation. »

Bref, quelque chose d’important et d’inquiétant se passe aujourd’hui dans des écoles francophones, privées et publiques, de Montréal. De guerre lasse, certains enseignants choisissent l’exil, dans une autre école ou à l’extérieur de Montréal. Les jeunes n’ont pas cette option. Ni les Kebs, ni les autres. Je n’ai pu ici lever qu’un coin du voile sur cette dynamique. Il m’apparaît urgent de mieux la documenter et la comprendre, trouver des moyens efficaces d’estomper cette dichotomie malsaine, car ce qui se déroule devant nous, c’est le détricotage, voire la déchirure, du tissu identitaire québécois.

Voir aussi

Écoles du Québec — « Si je me ferme les yeux, je pourrais croire que je suis à Toronto

Réaction hostile de la part des élèves immigrés à l'arrivée d'élèves « de souche »

Réaction de Bock-Côté à ce texte :

dimanche 25 février 2024

L'impact différencié de la crise du logement sur la natalité


L’essai récent d’Éric Lombardi pour The Hub sur la façon dont la crise du logement au Canada risque de transformer le pays en une société néo-féodale a certainement touché un point sensible. Il reflète un point de vue de plus en plus répandu (et convaincant) que l’on pourrait qualifier de « théorie universelle du logement », selon laquelle les prix élevés du logement en sont venus à expliquer diverses tendances économiques, sociales et même psychologiques dans le Canada moderne.

Sa thèse de base — l’incapacité de nombreux jeunes Canadiens à accéder au marché du logement sans le soutien financier de leur famille crée une nouvelle source de bifurcation sociale — est simple et étayée par des preuves. Des sondages récents en Colombie-Britannique et en Ontario, par exemple, ont révélé que 40 % des acheteurs d’un premier logement dans ces deux provinces ont dépendu du soutien financier de leur famille.  Notons que la natalité du Québec est supérieure à ces deux provinces et que les maisons sont justement relativement plus abordables au Québec que dans ces deux provinces à la fécondité déprimée.

Ces chiffres concordent avec la nouvelle étude de Statistique Canada qui montre que le taux d’accession à la propriété des millénariaux et des membres de la génération Z dont les parents sont eux-mêmes propriétaires est plus de deux fois supérieur à celui des personnes dont les parents ne le sont pas. En d’autres termes, la richesse immobilière engendre de plus en plus de richesse immobilière.

Le constat le plus important — l’inégalité basée sur le logement est une grille d’interprétation pour comprendre des tendances plus vastes, y compris le sentiment général de malaise du public — est un constat que le gouvernement Trudeau a probablement compris trop tard pour sa propre survie politique et que les décideurs politiques canadiens, plus généralement, n’ont pas compris, au détriment des générations actuelles et futures.

L’une des façons indirectes, mais puissantes dont ces problèmes d’accessibilité au logement se sont manifestés est sous la forme d’un retard dans la formation des familles et d’une baisse des taux de fécondité. La relation entre les prix du logement et la planification familiale est quelque peu intuitive. Les coûts du logement — en particulier dans les localités où ils sont élevés — constituent une dépense majeure pour les ménages et influencent donc nécessairement nos attentes à court et à long terme, notamment en ce qui concerne le moment de fonder une famille et le nombre d’enfants que les familles devraient avoir en fin de compte.

Un article économique reconnu de 2014 l’a formulé de la manière suivante :

L’augmentation de la valeur des logements a un impact négatif sur les taux de natalité parce qu’elle représente, en moyenne, la composante la plus importante du coût de l’éducation d’un enfant : plus importante que la nourriture, la garde d’enfants ou l’éducation. Cela signifie que lorsque le prix du logement augmente, le prix à payer pour avoir des enfants augmente également. Cette augmentation de prix incite les couples à retarder la procréation ou à avoir moins d’enfants.
Cette interaction entre le logement et la formation des familles a des effets pervers au Canada. Contrairement à la plupart des autres pays, les bébés sont devenus au Canada, pour reprendre les termes du démographe Lyman Stone, un « produit de luxe ». Ses recherches montrent que les familles canadiennes à revenu élevé ont tendance à avoir des taux de fécondité souhaités et réels plus élevés. Comme il l’a dit en 2023 : « Le Canada est un pays où la fécondité est uniquement et positivement corrélée au revenu, ce qui veut dire que le Canada est un pays où la famille est un signe de richesse et de classe sociale. Si vous êtes riche, vous pouvez acheter le droit d’avoir des enfants ».

Le logement joue un rôle important dans ce domaine, d’autant plus qu’il est devenu un indicateur majeur du revenu et de la richesse au sein de la société canadienne. Une analyse précédente de Steve Lafleur a par exemple montré qu’un ménage doit désormais se situer dans les 10 % de revenus les plus élevés pour pouvoir prétendre à un prêt hypothécaire dans la ville de Toronto. De même, des recherches menées par TD Economics ont montré que l’inégalité des richesses au Canada est, dans l’ensemble, une fonction des résultats différents entre les propriétaires et les non-propriétaires, à la fois au sein d’une même génération et d’une génération à l’autre.

Ce n’est donc pas une pure coïncidence si l’essai de M. Lombardi a été publié la même semaine que de nouvelles données de Statistique Canada indiquant que le taux de fécondité du pays a atteint son plus bas niveau historique en 2022. Avec 1,33 enfant par femme, le pays est non seulement 0,76 point de pourcentage en dessous du taux de remplacement, mais sa baisse d’une année sur l’autre est l’une des plus importantes dans les pays à revenu élevé et dans l’histoire même du Canada. La même analyse a révélé que l’âge moyen des femmes qui accouchent pour la première fois est passé de 27,6 ans en 1976 à 31,6 ans en 2022.

Bien que ces évolutions aient sans aucun doute des causes multiples, il est remarquable que les femmes canadiennes disent systématiquement aux sondeurs qu’il y a un écart entre leur taux de fécondité souhaité et leur taux de fécondité réel. Elles préféreraient en fait avoir un nombre d’enfants proche du taux de remplacement, mais différents obstacles se dressent sur leur chemin, notamment le coût élevé du logement.

Comme Stone l’a déjà écrit :

Si les jeunes sont coincés dans des maisons plus petites que par le passé, ou dans des situations de logement plus instables ou plus coûteuses, cela pourrait réduire la fécondité… Il existe de bonnes preuves suggestives que c’est peut-être le cas… à chaque étape, la situation du logement pour les jeunes défavorise la procréation plus que par le passé, ce qui est presque certainement un facteur majeur de la faible fécondité actuelle.
Même si l’on admet que les affirmations de Lombardi sur le néo-féodalisme peuvent sembler un peu provocatrices, sa description du contexte socio-économique du Canada, dans lequel l’accession à la propriété et l’éducation des enfants sont de plus en plus des expressions de la richesse (héréditaire), pourrait résonner avec nombre de jeunes qui voient ces deux aspects devenir l’apanage de leurs pairs plus riches et plus favorisés.
 
Voir aussi 
 
L'American Community Survey nous apprend que le type de logement a un impact considérable sur les taux de fécondité, les grandes tours affichant le taux de fécondité le plus bas de tous. Il se pourrait, toutefois, que cette corrélation s'explique (en partie?) par la préférence des familles de même âge mais sans enfant pour de grands ensembles.

Enquête sur la communauté américaine 2021
 
Taux de fécondité par type de logement :
  • Maison mobile ou caravane : 2,12 enfants par femme
  • Maison unifamiliale isolée : 1,95
  • Maison unifamiliale mitoyenne : 1,93
  • Maison à deux logements :  1,74
  • Bâtiment à 3-4 appartements : 1,80
  • Bâtiment à 5-9 appartements : 1,53
  • Bâtiment à 10-19 appartements : 1,52
  • Bâtiment à 20-49 appartements : 1,39
  • Bâtiment à 50 appartements ou plus : 1,33


vendredi 23 février 2024

Anne Coffinier et la défense de la liberté scolaire

Entretien avec Anne Coffinier, énarque, ancienne diplomate, fondatrice de l’association Créer son école. Depuis plus de 20 ans, elle défend la liberté scolaire et accompagne les créateurs d’écoles indépendantes en France, ainsi que les parents qui pratiquent l’instruction en famille (IEF).
  • 00:44 : Présentation de Créer son école
  • 02:48 : École libre, indépendante, hors contrat ?
  • 04:20 : Historique de l’école privée
  • 07:10 : Le cas du lycée Averroès
  • 09:30 : Les Français sont attachés au privé
  • 11:08 : Le séparatisme islamiste passe-t-il par l’école ?
  • 15:00 : Hors contrat, hors contrôle ?
  • 18:05 : Revoir les relations entre le public et le privé
  • 21:40 : L’interdiction de l’école à la maison (IEF)
  • 25:20 : Le succès trompeur du privé sous contrat
  • 28:40 : L’éducation, domaine régalien ?
  • 30:30 : Comment nos élites font sécession par l’école
  • 38:50 : L’ascenseur social bloqué
  • 41:01 : Peut-on réformer l’Éducation nationale ?
  • 49:05 : La scolarisation à 3 ans et IEF
  • 55:01 : La place des parents d’élèves
  • 1:01:31 : Faire payer l’école publique ?
  • 1:03:45 : Les élèves perturbateurs
  • 1:12:20 : 15 ans pour tout changer
  • 1:14:40 : L’autonomie des établissements