jeudi 6 octobre 2016

Le Conseil du statut de la femme du Québec et son influence sur les manuels scolaires au Québec

Extraits d'une allocution de Mme Julie Miville-Dechêne présidente sortante du Conseil du statut de la femme du Québec sur la lutte contre les « stéréotypes » genrés dans les manuels scolaires du Québec. Cette allocution a été prononcée lors d'un colloque à paris en juillet 2014.

[...]

Je vais commencer par vous présenter le Conseil du statut de la femme. Cet organisme existe depuis 40 ans. Il a été créé en 1973, à l’époque où le mouvement féministe battait son plein au Québec. Nous avons mis au rancart le pouvoir religieux, avec tout ce qu’il avait d’étouffant pour les femmes québécoises, poussées à faire des enfants en série pour « maintenir la race ».

Les Québécoises ont eu davantage de familles nombreuses, d’une dizaine d’enfants ou plus, pendant plus longtemps que dans le reste du monde industrialisé. Le Conseil du statut de la femme a vu le jour grâce à la pression des féministes, qui souhaitaient la création d’organismes pour faire pression auprès du gouvernement en leur nom.

[Rappel : La fécondité moyenne au Québec depuis 1931, année après année, est de moins de 4 enfants par femme (seule exception 1954 en plein baby-boom avec 4,04 enfants/femme, mais 3,11 en 1934), aujourd'hui ce taux est dramatiquement bas à 1,6 enfant/femme et moins encore pour les francophones (quasiment d'un enfant/femme francophone à Montréal). Personne ne semble se demander si le balancier n'a pas été trop loin dans l'autre sens et si l'école n'insuffle pas des valeurs qui participent à cet effondrement démographique. Notons qu'à l'époque des familles non décomposées, d'avant le Conseil du statut de la femme donc, ce sont les familles, père et mère, qui avaient une responsabilité et charge commune pour les enfants et s'il y avait une pression sociale pour avoir des enfants (pression indéniable et salutaire en situation minoritaire continentale), cette pression s’exerçait sur le père et la mère. Avoir des enfants cela signifiait aussi moins de revenus disponibles pour les hommes québécois de moins en moins agriculteurs, car l'enfant en ville ne peut apporter son écot au revenu familial. À partir de 1931, la population urbaine au Québec est supérieure à la population rurale qui elle-même, bien sûr, n'était pas formée uniquement de fermiers.]

Le Conseil est entièrement financé par l’État. Il emploie 35 salariés et son budget s’élève à 4 millions de dollars. Nous jouons un rôle de conseil auprès de la Ministre de la condition féminine. Par tradition, il jouit d’une grande autonomie. Je peux donc critiquer librement le gouvernement. Au début, le Conseil du statut de la femme était tellement important que les sous-ministres de chaque ministère y siégeaient.

Cette situation explique probablement la rapidité avec laquelle un certain nombre de réformes ont pu être mises en œuvre.

Aujourd’hui, le Conseil est dirigé par 10 femmes représentant différents secteurs de la société : fonction publique, syndicats, universitaires.

Quand le Conseil est né, il est rapidement apparu que l’éducation était l’une des clés du changement, notamment en raison des stéréotypes et des préjugés véhiculés dans les manuels scolaires. La première recherche du Conseil est historique. Elle est intitulée : « Analyse des stéréotypes masculins et féminins dans les manuels scolaires au Québec ».

Cette publication de 1975 a marqué le monde francophone car, pour la première fois, on se livrait à un exercice quantitatif pour analyser les stéréotypes dans nos manuels.

Une chercheuse a décortiqué 225 manuels pour y détecter la représentation des filles et des garçons. Les résultats de cette étude, qui ont été  répercutés dans toute la société, ont eu un effet important. Les trois quarts des personnages centraux étaient des hommes et des garçons.

Cet ouvrage comportait également une analyse qualitative sur les qualités associées aux personnages :
  • pour les garçons : colère, agressivité et attitudes de courage et de leadership;
  • pour les filles : amour, affection, faiblesse, peur et dépendance.

De plus, le rôle parental est assumé de 2 à 8 fois plus souvent par les mères, alors que les hommes sont au travail.

Le Conseil recommandait donc que les manuels scolaires favorisent la remise en question de ces rôles traditionnels et surtout l’adoption de critères pour l’évaluation du sexisme qui soient intégrés au processus régulier d’approbation du matériel scolaire. À cette époque, le Conseil était très écouté. L’étude date de 38 ans, mais elle a eu un impact très important. Elle a permis de révéler le sexisme contenu dans les manuels, comme le montre l’exemple suivant : « Maman a le bébé, a pelé les patates, a pelé la poire, a retiré le rôti du fourneau, lavera le lavabo et la baignoire. Papa a le fusil, le camion, la voiture, réparera la moto, a démoli le pont démodé, a bâti la cabane du chien ».

Je vais vous faire part d’une anecdote qui montre à quel point cette lutte contre les stéréotypes s’est retrouvée au centre de grandes questions politiques. Lise Payette a été la première ministre pour la condition féminine du gouvernement du Québec. A l’époque, nous étions en pleine bataille référendaire. Une partie de la population souhaitait se séparer du reste du Canada. Lors d’un rassemblement public, Lise Payette a pris l’exemple des manuels pour illustrer à quel point la situation devait changer. [Note du carnet: comme si l'indépendance d'un pays devait être lié au féminisme, au féminisme caricatural. Bizarre.] Elle a rappelé que dans l’un des manuels, Guy effectue des tâches viriles, alors qu’Yvette lave la vaisselle et fait le ménage. C’est une femme douce et soumise. La ministre de la condition féminine a eu la maladresse de coller cette étiquette d’Yvette à la femme du leader de l’opposition : « Il est plutôt du côté des Yvette, il en a épousé une ». Même dans une société qui était en train de remettre en cause son héritage socioculturel, une telle formule a été perçue comme une insulte envers toutes les femmes attachées à leur rôle traditionnel. L’affaire a fait la Une. Elle a été instrumentalisée par le camp du « non », qui a reçu 14 000 suffrages de personnes, dont des femmes qui revendiquaient d’être des Yvette. Cette bourde a certainement coûté des voix au camp du « oui ». Elle montre néanmoins à quel point cette lutte des stéréotypes était dans le domaine public au Québec.

Quelques mois plus tard, en 1980, Jacques-Yvan Morin, ministre de l’éducation, annonçait que les choses devaient changer. Il a indiqué que la lutte contre les stéréotypes et le changement des manuels scolaires nécessitaient des analyses préalables. Une telle évolution ne pouvait s’effectuer arbitrairement. Il fallait également étudier les conséquences économiques de ces décisions. Une fois qu’un manuel est frappé d’interdit [!], il faut voir comment le ministère peut le remplacer. Jacques-Yvan Morin a établi avec raison que le changement des manuels scolaires ne pouvait s’effectuer aussi facilement. En parallèle, il faut agir sur les auteurs, les maisons d’édition et les enseignants. Cette lutte a duré au moins une dizaine d’années, sinon davantage, car elle prend forme au fur et à mesure que les révisions des manuels arrivent à terme.

Outre les manuels, il convient d’appliquer ce changement aux guides pour les enseignants. Nous nous sommes rendu compte au même moment qu’il fallait que les enseignants eux aussi se débarrassent de leurs stéréotypes. Des bandes dessinées ont été intégrées aux guides de l’enseignant pour leur expliquer ce qu’était un stéréotype. [Note : les stéréotypes que le Conseil ne voulait pas voir, les mauvais stéréotypes, car on laisse passer ceux qu'on considère valorisants, modernes, etc.]

Le Conseil a pour rôle d’être aux aguets et de dénoncer certains manuels. Le gouvernement assume cependant ses responsabilités, en créant en 1980 le Bureau d’approbation du matériel didactique.

[Une création assez unique au monde. En France, le gouvernement n'approuve plus les manuels scolaires depuis la 2nde Guerre mondiale et le régime de Vichy.]

Je vais vous exposer le processus qui a été mis en place. Quand un manuel est élaboré, il est d’abord vérifié par trois spécialistes des aspects pédagogiques. En parallèle, les aspects socioculturels du matériel (racisme, sexisme, représentation des personnes handicapées) sont évalués. Lors de cette première phase, les fonctionnaires peuvent faire appel à des experts extérieurs.

Ensuite, au sein de ce Bureau d’approbation du matériel didactique, on trouve un Comité sur l’évaluation des ressources didactiques. Il est composé de 13 personnalités nommées par le gouvernement : neuf personnes rattachées au réseau scolaire, un universitaire, deux parents d’élèves et un représentant des maisons d’édition. Le rôle de ce Comité est de contrôler a posteriori le travail des fonctionnaires, sur la base de critères quantitatifs et qualitatifs bien détaillés, qui ont été approuvés par le ministre.

L’évaluation des rapports égalitaires entre les personnages des deux sexes s’effectue à partir des textes et des illustrations qui comportent des personnages facilement identifiables. 40 % du manuel est évalué de manière systématique et régulière (4 pages sur 10). Il faut pouvoir établir une équivalence quantitative entre les personnages féminins et masculins, à l’exception des manuels d’histoire, où l’objectif est de tendre vers une bonne [?] représentation des femmes dans l’histoire. S’agissant des critères qualitatifs, les personnages des deux sexes doivent être représentés dans l’exercice de travaux rémunérés et diversifiés. Ils doivent assurer des travaux communautaires et des activités bénévoles. Les garçons et les filles doivent avoir des jeux semblables ou équivalents. Les rôles parentaux doivent être distribués indépendamment du sexe. Les thèmes exploités dans les récits doivent valoriser les femmes [Note: et les hommes ?].

Les textes historiques doivent tendre vers une représentation équitable. L’apport des femmes à l’histoire doit être souligné. [Note : Qu'est-ce à dire ? Valoriser des inconnues et passer sous silence des hommes importants ? En effet, le temps en classe est limité, souligner l'un c'est moins parler de l'autre.]

Enfin, les textes littéraires présentés comme objets d’études doivent être sélectionnés dans le but d’assurer une représentation équitable des personnages féminins et masculins. [Note: qu'est-ce à dire dans la pratique ? Pas d’œuvres classiques si elles représentent les femmes comme Molière ou Victor Hugo ? Plutôt des romans mièvres modernes à faible valeur littéraire ? Cela pourrait expliquer l'évacuation des classiques dans de nombreuses classes de français.]

[Note : il est quasiment impossible d'obtenir du BAMD les demandes de rectification qu'ils imposent aux éditeurs. Le BAMD refuse de les communiquer prétextant qu'il s'agirait d'une violation du secret commercial des éditeurs. Notons que depuis 1980 les éditeurs ont appris à connaître le « politburo » qu'est le BAMD et qu'ils s'autocensurent afin d'éviter des corrections coûteuses en temps et en argent ou pire le refus d'un manuel (voir ci-dessous, plus de refus depuis au moins 10 ans). Voir aussi l'opacité qui entoure ce processus de censure, pardon d'approbation : on ne connaît pas les experts sélectionnés, on ne connaît pas les raisons idéologiques des changements demandés dans les manuels ECR, etc.]

En théorie, ce système fonctionne très bien. Mais qu’en est-il dans la réalité ? Malheureusement, depuis 30 ans, aucune étude exhaustive de terrain n’a été menée. Comme il y a eu énormément de progrès par le passé, il faut croire que personne n’a jugé nécessaire de le faire. Le Conseil du statut de la femme a toutefois décidé [en 2014] qu’il était temps d’effectuer une évaluation. Notre chercheuse Hélène Charron [devenue présidente par intérim en août 2016] amorce donc un projet de recherche qui porte à la fois sur les manuels et les pratiques éducatives aux niveaux primaire et secondaire. [Note: Deux ans plus tard, cette recherche ne semble toujours pas avoir été publiée par le Conseil du statut de la femme...]

Nous avons décidé de cibler les programmes d’histoire et d’éthique et culture religieuse (un programme québécois qui traite à la fois de philosophie [!!] et des religions) car ils sont supposés permettre aux enfants de comprendre la société dans laquelle ils vivent [Note : euh... non de leur présenter une vision partiale et multiculturaliste de celle-ci], et donc les inégalités entre les sexes. Il est temps d’approfondir notre analyse pour aller au-delà de la présence quantitative et voir comment on parle des femmes et des inégalités de sexe dans les manuels. Par exemple, prenons le cas des « filles du roi », qui étaient des jeunes femmes peu fortunées dont le voyage en Nouvelle-France était payé par le roi pour accroître le peuplement du territoire. Elles sont toujours décrites dans les manuels comme des filles qui passent des mains du roi à celles de leur mari en arrivant dans la colonie. On ne parle jamais de leur contribution à la colonisation, au défrichage, à l’agriculture et au commerce, mais seulement de leurs capacités reproductives. [Ah, venir et fonder famille ce n'est pas contribuer à la colonisation ? On dirait surtout qu'il est devenu honteux de rappeler que la maternité est essentielle pour la survie d'une société.]

Je vais vous présenter succinctement les premières pistes de la recherche en cours, dont nous vous ferons parvenir les résultats définitifs. Tout d’abord, les évaluatrices du Bureau d’approbation des manuels n’ont pas de formation spécialisée en matière d’égalité hommes-femmes. Elles ne sont donc pas armées pour identifier le sexisme sous ses formes les moins évidentes. Une évaluatrice qui effectue ce travail depuis 10 ans assure que jamais aucun manuel n’a été refusé. Toutefois, cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas eu de demandes de corrections.

Par ailleurs, si les critères d’analyse quantitatifs sont obligatoires, les critères qualitatifs demeurent indicatifs.

Le travail du Bureau est, en outre, limité par les programmes eux-mêmes. S’ils contiennent des aspects sexistes, ils vont se retrouver dans les manuels. Un ensemble de questions demeure absent des manuels, particulièrement au niveau des cours d’éthique et de culture religieuse. Il n’est jamais question de la violence envers les femmes, ni du caractère patriarcal des religions. J’ai récemment lu un manuel qui évoquait l’avortement. On parlait du fœtus, du bébé, mais pas du contrôle des femmes sur leur corps. [On se demande bien quel manuel Mme Miville-Dechêne, nous en avons lu plusieurs qui évoque bien le droit des femmes à contrôler leur corps en esquivant le fait que le fœtus est un autre corps, une autre vie humaine.] Il est par ailleurs très peu question de l’homosexualité [Pourquoi devrait-il en être plus question ?]

Le Bureau possède une certaine efficacité, mais qui demeure incomplète. Il faut espérer que les études vont nous permettre d’aller un peu plus loin, particulièrement en histoire, où il est plus difficile de débusquer les différences, car il y a moins de modèles féminins. Au Québec, il est surtout fait référence à Jeanne Mance et Marguerite Bourgeoys, qui sont les deux figures féminines dont on parle dans les livres d’histoire. Les avancées des dernières décennies en études de genre et en histoire des femmes nous permettent d’envisager l’enseignement d’une histoire qui présente davantage les femmes comme des actrices à part entière de notre passé.

Il est clair aussi que l’égalité entre les filles et les garçons à l’école dépend non seulement des manuels, mais d’un ensemble de pratiques éducatives entre professeurs et élèves, mais aussi de la socialisation entre enfants. Sur ces questions, la France est actuellement beaucoup plus active que le Québec et c’est pourquoi le CSF entend poursuivre sa réflexion sur ces terrains en s’inspirant notamment des travaux français.

Mme Élise Devieilhe, sociologue à l’université de Caen, s'exprimait au même colloque, elle s'intéresse à l'éducation à la sexualité « inclusive »... Pas l'éducation à la sexualité sur le plan médical, bien sûr, cela n'intéresse plus personne. Mme Julie Miville-Dechêne veut-elle s'inspirer de ces travaux français ? La vidéo ci-dessous est assez parlante.



Pour Élise Devieilhe qui s'est penchée sur l'éducation à la sexualité en Suède, l’école doit « neutraliser » la différenciation garçons-filles, « rendre visibles des catégories invisibles », aborder la « question trans » et la « question cis », « montrer que l’homosexualité est tout à fait dans la vie courante », donner des conseils au personnel éducatif sur la manière d’aborder ces « questions » en classe, expliquer « le système du genre », c’est-à-dire « la fabrique des filles et des garçons » ou encore, dernier axe, mais non des moindres, critiquer « la présomption d’hétérosexualité »...

Rappelons que le gouvernement québécois a un plan interministériel pour lutter contre l'hétérosexisme (cette fameuse « critique de la présomption d'hétérosexualité »). Voir Lutte à « l'hétérosexisme » : manque de modestie constitutionnelle du gouvernement québécois.


Voir aussi

Le paradoxe de l'égalité entre les sexes c. la théorie du genre

Québec — « L’école publique a besoin qu’on s’occupe d’elle »

Le Professeur (de français) masqué revenait sur les critiques récentes de l’école québécoise et certains de ses défenseurs malhabiles.

La Presse publiait récemment les propos un peu vagabonds — tant ils allaient dans plusieurs directions — d’un enseignant de Québec, Stéphane Boulé. Celui-ci était d’avis que les choses n’allaient pas si mal en éducation au Québec. Il estimait que dénoncer les mauvais côtés du système scolaire équivalait à le « salir » et qu’une des plus importantes belles choses qui s’y produit est que « la majorité des jeunes qui y entrent en sortent avec un diplôme sous le bras. » Encore faut-il voir ce qu’exige ce diplôme…

La réalité est parfois fort différente

Dans les faits, au Québec, le taux de diplomation ne regroupe pas uniquement le fameux Diplôme d’études secondaires (DES), mais aussi 12 qualifications ou diplômes différents. Qu’on pense au certificat de formation préparatoire au travail, par exemple. Certains intervenants n’hésitent d’ailleurs pas à affirmer qu’on décerne aujourd’hui à des analphabètes fonctionnels des diplômes qui sont parfois de niveau primaire. Pour Caroline Meunier, du Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec, « Il y a des gens qui ont leur secondaire cinq et qui ont un faible niveau de littératie. On peut se questionner sur leur parcours scolaire. »

Par ailleurs, en français, M. Boulé devrait pourtant savoir qu’au fil des ans, les exigences ont été constamment réduites quant à la réussite de ce cours. Pis encore : en 2003, 47 % des Québécois étaient considérés comme analphabètes fonctionnels. En 2013, ce pourcentage augmentait à 53 % comparativement à 49 % au Canada. Et ne n’oublions pas le décrochage scolaire : 21,5 % pour les garçons et 13,6 % pour les filles en 2009-2010 d’après un document de la CSQ.

D’autres égarements pédagogiques


Dans une autre veine d’idée, M. Boulé croit fermement que « ce n’est pas le milieu social ou le revenu familial qui, en premier lieu, fait qu’ils [les élèves] réussissent leurs études. » Sans aucune preuve à l’appui autre que son expérience personnelle, ce dernier s’inscrit en faux contre une foule d’études et d’experts qui ont clairement démontré le contraire.

Plus loin dans ses propos, M. Boulé écrit également : « Cesser de donner des devoirs aux jeunes ou les leur faire faire à l’école nuit tôt ou tard à leur réussite scolaire, ce que confirme la recherche en éducation. » Ah bon, quelle recherche ? Un expert en éducation comme Normand Baillargeon reconnaît que les devoirs au primaire ont peu d’impact sur la réussite des jeunes. Par contre, il indique qu’il est préférable d’en donner au dernier cycle du primaire afin de mieux préparer les élèves aux devoirs du secondaire qui, eux, semblent pertinents.

Quant à moi, depuis dix ans, peu de choses ont changé depuis. La situation s’est même détériorée dans certains cas, car l’école publique a subi au cours des dernières années des coupes qui ont nui à la réussite de plusieurs jeunes et les réinvestissements qu’annonce le gouvernement actuel ne suffiront même pas à revenir à un niveau de services acceptables, surtout pour les élèves en difficultés d’apprentissage. [Note du carnet : nous ne pensons pas que les coupes expliquent grand-chose, c'est le refrain syndicale (toujours dépenser plus), l’école et les parents doivent d'abord être plus exigeants. Il faut sans doute aussi instaurer plus de concurrence dans les écoles pour valoriser l’exigence. Voir Dépenser plus en éducation, est-ce la solution ?]

Comme enseignant, quotidiennement, je vois qu’il se fait de belles choses dans le réseau scolaire québécois. Cependant, on ne peut affirmer, comme Candide, que « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ». Devant la place qu’occupe l’école privée au Québec et une opinion publique qui cherche constamment à la dénigrer, l’école publique est souvent déchirée entre dénoncer publiquement les ratés qu’elle connait et affirmer qu’elle réussit malgré tout à atteindre plusieurs de ses objectifs. Il ne faut pas se bercer d’illusions : l’école publique, celle de tous les Québécois, a besoin qu’on s’occupe d’elle. Reste à voir comment nos décideurs entendent le faire.

[Note du carnet : il ne faut pas transformer l’école publique en fétiche, ce qui est important c’est que les enfants aient accès à la meilleure éducation possible pour maximiser leurs talents. Cela peut très bien se faire dans des écoles privées ou plus autonomes que les écoles québécoises actuelles, il faut surtout permettre leur accès à tous par des chèques-éducations, des déductions fiscales, des écoles publiques plus autonomes dont les enseignants sont récompensés en partie (ou totalement) en fonction de l’amélioration des résultats des élèves, etc.]

Québec — Augmentation de la consommation de drogues, des dépressions et de l'obésité

De plus nombreux Québécois sont obèses, accros aux drogues ou en détresse psychologique qu’en 2008, révèle l’enquête sur la santé de la population québécoise, réalisée en 2014-2015, par l’Institut de la statistique du Québec.

Dans le cadre de cette enquête, 45 760 personnes âgées de 15 ans ou plus, réparties dans 17 régions du Québec, ont répondu par téléphone ou par Internet à un questionnaire portant sur leurs habitudes de vie et leur état de santé physique et mentale.

La compilation des données a montré que le nombre des Québécois en détresse psychologique s’est accru depuis 2008 et que ce sont surtout les femmes, plus précisément les jeunes femmes, qui sont affectées. En 2015, 33 % des Québécoises se situaient au niveau élevé de l’échelle de détresse psychologique, contre 24 % des hommes.

La proportion des Québécois aux prises avec des émotions négatives susceptibles d’aboutir à la dépression ou à l’anxiété diminue toutefois avec l’âge, passant de 36 % des jeunes de 15 à 24 ans à 22 % des personnes de 65 ans ou plus. Cette tendance est particulièrement marquée chez les femmes, dont 45 % de celles qui sont âgées de 15 à 24 ans sont mal en point psychologiquement, un nombre qui représente une augmentation de 9 % en huit ans. Or ce sont les individus sans emploi (43 %) et les étudiants (36 %) qui sont le plus souvent atteints par la détresse psychologique. Les résultats de l’enquête indiquent aussi qu’environ 20 % des travailleurs — dont une plus grande proportion de femmes — s’estiment victimes de harcèlement psychologique au travail, un facteur qui pourrait contribuer à la détresse psychologique.


L’abus de cannabis

La consommation de drogues a aussi pris de l’ampleur au sein de la population québécoise, puisque 17 % des Québécois en ont fait usage en 2014-2015, alors qu’ils n’étaient que 13 % en 2008. La consommation diminue toutefois avec l’âge, car la proportion des consommateurs passe de 40 % des 15 à 24 ans à 23 % des 25 à 44 ans et à 10 % des 45 à 64 ans. Les jeunes de 15 à 24 ans sont aussi proportionnellement plus nombreux que leurs aînés à consommer de la cocaïne (4,7 %), des amphétamines (3,3 %), de l’ecstasy ou d’autres substances semblables (5 %), des hallucinogènes (3,8 %) et des médicaments non prescrits (2,3 %). L’enquête a également permis de constater que ce sont surtout les étudiants (35 % d’entre eux) et les personnes vivant dans une famille monoparentale (24 %) qui figurent parmi les plus grands amateurs de drogues.

Plusieurs facteurs pourraient expliquer cette hausse, selon Jean-Sébastien Fallu, professeur en psychoéducation à l’Université de Montréal et expert en toxicomanie. Tout d’abord, la consommation de cannabis est possiblement normalisée par les discussions sur la pertinence de sa décriminalisation, qui ont cours au Canada et au niveau international depuis 2008.

« L’acceptation sociale d’une substance vient souvent avec une augmentation de l’usage de cette dernière. C’est d’ailleurs une crainte des gens qui sont contre la légalisation », a fait remarqué M. Fallu, faisant référence à l’intention du gouvernement fédéral de Justin Trudeau de déposer au printemps prochain un projet de loi pour la légaliser.

Autre hypothèse de M. Fallu : le contexte d’austérité, de stress au travail et de pauvreté, des facteurs qui favoriseraient la consommation. « Dans le milieu universitaire, on observe depuis quelques années une hausse de la détresse psychologique et des congés de maladie. Mais ce n’est pas l’apanage des professeurs », a souligné le psychologue.

M. Fallu a aussi tenu a souligner que la consommation chez les jeunes du secondaire serait passée de 41 % en 2000 à 23 % en 2013. Moins de stress ?

Obésité

Autre signe de détérioration de l’état de santé des Québécois : l’obésité. Sa prévalence a augmenté d’environ 3 % entre 2008 et 2015 — atteignant 19 % de la population — et ce, autant chez les hommes que chez les femmes, mais surtout chez les personnes âgées de 45 ans ou plus. La prévalence de l’embonpoint, dont est atteinte 35 % de la population, est toutefois demeurée inchangée au cours de cette même période. Les hommes sont plus nombreux que les femmes à présenter un surplus de poids (embonpoint et obésité inclus). L’enquête révèle par ailleurs que les hommes (24 %) sont de plus grands amateurs de boissons sucrées que les femmes (14 %). Or le rapport de l’enquête relate des études indiquant que « la consommation d’au moins une boisson sucrée par jour chez les adultes peut accroître de 27 % leur probabilité de devenir obèse » et que, chez les enfants, elle peut la hausser de 60 %.

Une bonne nouvelle figure néanmoins au tableau : la proportion des Québécois qui fument régulièrement ou occasionnellement du tabac est passée de 24 % en 2008 à 19 % en 2014-2015. Et cette baisse est présente autant chez les hommes que chez les femmes, ainsi que dans tous les groupes d’âge.

Résumé de l’enquête

  • 70 % des hommes de plus de 45 ans ont un surplus de poids.
  • 50 % des femmes de plus de 45 ans ont un surplus de poids.

  • 10 % des Québécois n’ont plus aucune dent naturelle.
  • 35 % des gens utilisent la soie dentaire au moins une fois par jour.

  • 18 % de la population a ressenti des symptômes d’allergies depuis un an.
  • 57 % des Québécois se disent en excellente ou très bonne santé.

  • 69 % des femmes de 18 à 69 ans ont passé un test PAP au cours des trois dernières années. Il s’agit d’une baisse par rapport à 2008 (73 %).
  • 33 % des femmes se situent au niveau élevé sur l’échelle de détresse psychologique, contre 24 % chez les hommes.

  • 10 % des Québécois ayant eu des relations sexuelles ont déjà eu un diagnostic d’infection transmise sexuellement (12 % des femmes et 8 % des hommes)
  • Le quart des jeunes de 15 à 24 ans utilisent le condom lors de toutes leurs relations sexuelles.
  • Le quart ne l’utilise jamais.

      Québécois fumeurs
  • 2014-2015 : 19 % dont 13 % sont des fumeurs réguliers et 6 % sont des occasionnels
  • 2008 : 24 %
     Québécois ayant consommé de la drogue au cours de la dernière année
  • 2014-2015 : 17 % (21 % chez les hommes)
  • 2008 : 13 %

Voir aussi

Étude — En 40 ans les enfants ont perdu 25 % de leur capacité physique

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