vendredi 19 janvier 2024

Les faits migratoires sont têtus (Justin « La Science » contre les chiffres, les faits et le réel)

Texte de Hélène Buzzetti paru dans Le Droit.

Vous souvenez-vous de la campagne électorale de 2015? Justin Trudeau (ci-contre) promettait qu’une fois élu, contrairement au premier ministre sortant Stephen Harper, il baserait ses décisions sur la science et sur les faits. Huit ans plus tard, force est de constater que lui et ses libéraux font dans le dossier de l’immigration ce qu’ils reprochaient aux conservateurs de faire dans celui des changements climatiques: ils décident en fonction de leur idéologie. Les répercussions néfastes de leur approche se font maintenant sentir partout.

L’étude publiée cette semaine par la Banque Nationale est assassine. «Le Canada est pris dans un piège démographique», concluent les deux auteurs, une situation qu’on associe d’habitude aux pays en voie de développement. La croissance démographique est si «extrême» qu’elle n’est plus arrimée à la capacité d’absorption de l’économie. Résultat: notre richesse par habitant diminue.

Ce rapport ne devrait pas nous étonner. Cela fait quelques années déjà que des économistes sonnent l’alarme à propos des ambitions démographiques de Justin Trudeau. Jusqu’à récemment, on les écoutait à peine, même s’ils donnaient raison à ces Québécois qui, pour des raisons d’abord identitaires, prônaient un ralentissement de la cadence. On disait de ces derniers qu’ils étaient, au mieux, des nationalistes d’arrière-garde, au pire, de dangereux xénophobes. À la faveur d’une crise du logement qui frappe partout au Canada, le ton du débat a changé du tout au tout.

Même dans les officines à Ottawa, on voyait venir la crise. Comme on l’a appris la semaine dernière, des fonctionnaires ont averti leurs patrons dès 2022 qu’il y avait un désarrimage entre le nombre de nouveaux arrivants et la construction de logements. «Les hausses rapides exercent de la pression sur le réseau de la santé et le logement abordable», ont-ils écrit.

Qu’a fait le gouvernement Trudeau? Il a ignoré cet avis, choisissant de hausser les seuils d’immigration encore deux ans. Ce n’est que lorsqu’ils atteindront 500 000, en 2025, qu’on les plafonnera. Quant aux travailleurs temporaires et étudiants étrangers, il n’y a aucun plan à date pour en réduire le nombre. Pourtant, celui-ci a explosé au cours des dernières années au point que ces deux catégories comptent pour environ la moitié de toutes les arrivées.

Vrai, Justin Trudeau a évoqué mardi une réforme à ce niveau. «Ce sont ces groupes-là qu’il va falloir remettre un petit peu sous contrôle», a-t-il dit. Si les propositions concrètes tardent, c’est qu’Ottawa sait qu’il fera face à beaucoup d’opposition: des entreprises, qui comptent sur les travailleurs temporaires pour pallier à la pénurie de main-d’œuvre, mais aussi des universités et des provinces qui les (sous-)financent.

Les universités se financent désormais avec les étudiants étrangers à qui elles imposent des frais faramineux. En 2022, la vérificatrice générale de l’Ontario avait constaté qu’ils versent 45% de tous les frais de scolarité payés dans la province bien qu’ils ne représentent que 17% des cohortes. Il s’est développé au Canada une industrie des visas étudiants, devenus une voie alternative d’immigration. Les universités ont agi ainsi pour compenser l’insuffisance des subventions gouvernementales. Pas étonnant que les provinces n’aient pas envie de faire le ménage! L’été dernier, Québec avait protesté quand Ottawa avait évoqué la première fois un plafonnement. Le Bloc québécois reprend cette position, affirmant que «le fédéral se trompe carrément de cible».

Des impacts partout

L’impact de cette immigration de plus en plus débridée se fait sentir à plusieurs niveaux.

En logement. Pour résumer le torrent de chiffres, retenons ceux-ci: au cours des deux dernières années, la population canadienne a augmenté de 2 millions de personnes, mais il ne s’est construit que 500 000 logements. Au Québec seulement, il s’est ajouté 345 000 personnes, mais 96 000 logements. Comme le souligne l’étude de la Banque Nationale, on a historiquement construit au Canada un logement pour chaque 1,8 personne additionnelle. Ce ratio est maintenant de 1 pour 4,2 et ce, dans un contexte où on vit davantage en solo. Ce n’est pas demain la veille que le coût des loyers va diminuer…

En éducation. Depuis juin 2022, il s’est ouvert pas moins de 450 nouvelles classes de francisation au Québec. (Il y en avait 704, nous dit-on en coulisses, et François Legault soutient dans sa lettre qu’il y en a maintenant 1150.) En calculant environ 20 classes par école, c’est l’équivalent d’ouvrir une vingtaine d’écoles en un an et demi!

Nous sortons à peine d’un important conflit de travail. Les enseignants les plus remontés étaient ceux de la FAE, qui ont mené une grève générale illimitée. Au coeur de leurs revendications: la composition de la classe. La FAE représente tous les centres scolaires francophones de Montréal et Laval où se concentrent les nouveaux arrivants. On est en droit de penser que cet afflux massif de nouveaux élèves ayant des besoins légitimes d’adaptation explique en partie l’alourdissement de la tâche enseignante. D’ailleurs, un des «gains» obtenus est l’ajout de ressources supplémentaires, ou une prime de 8000$, quand un certain ratio d’élèves en francisation ou avec un plan d’intervention est dépassé.

En aide sociale. En 2022 et 2023, le nombre de prestataires d’aide sociale a augmenté au Québec pour une première fois en plus de 10 ans. Québec estime que 16% des prestataires sont maintenant des demandeurs d’asile, à qui Ottawa tarde à délivrer un permis de travail. Malgré la fermeture du chemin Roxham en mars, le nombre de demandeurs n’a pas fléchi. Les gens arrivent maintenant par l’aéroport. Le principal pays source? Le Mexique. Le gouvernement Trudeau avait aboli le visa pour les Mexicains, et ce, malgré l’avis contraire de ses fonctionnaires.

Les coûts pour accueillir ces demandeurs ont augmenté à l’avenant et voilà que Québec est en guerre avec Ottawa pour se faire rembourser 470 millions. Toronto n’est pas en reste. La mairesse Olivia Chow, veuve de Jack Layton et néodémocrate assumée, réclame pour sa ville 250 millions à défaut de quoi elle menace d’ajouter «une ponction pour impact fédéral» de 6% sur le compte de taxes de ses citoyens. Comme les taxes foncières augmenteront déjà de 10,5% cette année, on comprend que les députés libéraux fédéraux de Toronto tremblent à l’idée de devenir la cible du mécontentement.

[— En énergie. Le Québec a connu une croissance record avec une augmentation de 2,3% de sa population en une seule année. Ces nouveaux habitants doivent être chauffés, pourvus en électricité. Cela met à mal le réseau d'Hydro-Québec dont les surplus énergétique ont fondu. Le bloc patrimonial d'énergie (vendu à un tarif avantageux) doit être partagé avec d'avantages de consommateurs. Hydro Québec devra donc fournir plus d'énergie plus cher, achetée à d'autres producteurs ou issue de nouvelles installations plus onéreuses que les vieux barrages. Hydro-Québec a la plus petite marge de manœuvre de tous les producteurs d’électricité en Amérique pour cet hiver, selon un rapport. Il faut donc s'attendre à ce que nous payons tous plus cher notre énergie « grâce » à cet accroissement rapide de la population immigrée, légale ou illégale.]

[
En santé. Une forte augmentation de gens, augmente d'autant les besoins en santé. C'est ainsi que l'Association des hôpitaux de l'Ontario met en garde contre les "pics démographiques" qui ajoutent à la "pression soutenue" ressentie par les salles d'urgence de la province. Dans un communiqué publié mercredi, le groupe a déclaré que l'augmentation rapide de la population de l'Ontario est liée à des temps d'attente croissants et à des niveaux élevés d'occupation des hôpitaux dans le cadre de la circulation de maladies respiratoires endémiques.]

[En industrie et en science. Le détournement des capitaux canadiens vers le secteur du logement et des autres  infrastructures d'accueil mène à moins d'investissements dans l'automatisation, dans la recherche et développement et, à terme, à une moindre productivité du Canada. Ce qui expliquerait le retard pris par le Canada par rapport aux États-Unis et au recul de son PIB réel par habitant.


]

Des discours qui évoluent

Le chef conservateur, Pierre Poilievre, a pris acte du changement de climat. Il promet d’arrimer les seuils d’immigration au nombre de logements construits l’année précédente. C’est un changement de ton de sa part. Pendant la chefferie de 2022, il s’était dit en accord avec les seuils libéraux. En décembre dernier, quand il a diffusé son «documentaire» de 16 minutes sur le logement, il n’avait pas mentionné une seule fois l’immigration.

Ceci dit, son plan est loin d’être clair. On ignore si cet arrimage concernerait seulement l’immigration permanente ou l’immigration temporaire aussi. Comme toujours, son équipe a refusé de fournir des détails. S’il parle des deux catégories, alors il envisage une réduction drastique d’environ les deux tiers.

Un des économistes de la Banque Nationale a proposé de confier l’établissement des seuils d’immigration à un comité de sages. Cela n’a pas raison d’être. La fonction publique est justement là pour fournir aux politiciens les faits sur lesquels se baser. Il n’en tient qu’aux élus de les écouter. Mais quand on sait que le Parti libéral du Canada récolte ses meilleurs scores électoraux auprès des électeurs immigrants, on comprend que c’est sur un autre type de faits que Justin Trudeau se base.

Voir aussi

L'impuissance  de François Legault qui quémande, qui supplie Trudeau (vidéo, Mathieu Bock-Côté)

Banque Nationale : « Le Canada est pris dans un piège démographique »

Immigration : Trudeau a mis le Canada et le Québec dans le pétrin

67 % des Canadiens considèrent que les cibles d’immigration sont trop élevées (novembre 2023) 

Marc Miller (ministre de l'Immigration) avec Justin Trudeau en 1990 à 0:55 (ils sont copains depuis Brébeuf) dans cette vidéo

Population chinoise chute pour la 2e année consécutive, avec un taux de natalité historiquement bas

Résumé

  • La population de la Chine a diminué de 0,15 % en glissement annuel en 2023
  • Le taux de natalité est au plus bas, le taux de mortalité au plus haut depuis 1974
  • Le nombre total de nouvelles naissances diminue de 5,7 % pour atteindre 9,02 millions
  • Le nombre total de décès augmente de 6,6 % à 11,1 millions

La population chinoise a baissé pour la deuxième année consécutive en 2023, en raison d’un taux de natalité historiquement bas et d’une vague de décès dus au COVID-19 lors de la levée des mesures de confinement strictes, ce qui a accéléré un ralentissement qui aura des effets profonds à long terme sur le potentiel de croissance de l’économie.

Le Bureau national des statistiques a déclaré que le nombre total d’habitants en Chine avait diminué de 2,08 millions, soit 0,15 %, pour atteindre 1,409 milliard en 2023.

Ce chiffre est bien supérieur à la baisse de 850 000 habitants enregistrée en 2022, laquelle était la première depuis 1961, lors de la Grande Famine de l’ère Mao Tsé-Toung (Zedong).

Au début de l’année dernière, la Chine a connu une flambée spectaculaire du COVID à l’échelle nationale, après trois années de dépistage rigoureux et de mesures de quarantaine qui ont permis de contenir le virus jusqu’à ce que les autorités lèvent brusquement les restrictions en décembre 2022.

L’année dernière, le nombre total de décès a augmenté de 6,6 % pour atteindre 11,1 millions, le taux de mortalité atteignant son niveau le plus élevé depuis 1974, pendant la révolution culturelle.

Les nouvelles naissances ont chuté de 5,7 % pour atteindre 9,02 millions et le taux de natalité a atteint un nadir de 6,39 naissances pour 1 000 habitants, alors qu’il était encore de 6,77 naissances en 2022.

Les naissances dans le pays sont en chute libre depuis des décennies en raison de la politique de l’enfant unique mise en œuvre de 1980 à 2015 et de l’urbanisation rapide au cours de cette période. À l’instar des essors économiques antérieurs du Japon et de la Corée du Sud, d’importantes populations ont quitté les fermes rurales chinoises pour s’installer dans les villes, où il est plus coûteux d’avoir des enfants. Ainsi, le taux de natalité du Japon était de 6,3 pour 1 000 habitants en 2022, tandis que celui de la Corée du Sud était de 4,9.

« Comme nous l’avons observé à maintes reprises dans d’autres pays à faible taux de fécondité, il est souvent très difficile d’inverser la tendance à la baisse de la fécondité », a déclaré à Reuters Zhou Yun, démographe à l’université du Michigan.

Le chômage des jeunes a atteint un niveau record, les salaires de nombreux cols blancs ont baissé et la crise du secteur immobilier, où sont stockés plus des deux tiers des richesses des ménages, s’est intensifiée, ce qui a encore entamé l’envie de faire des enfants en Chine en 2023.
 
Ces nouvelles données renforcent les inquiétudes selon lesquelles les perspectives de croissance de la deuxième économie mondiale s’amenuisent en raison de la diminution du nombre de travailleurs et de consommateurs, tandis que l’augmentation des coûts des soins aux personnes âgées et des prestations de retraite pèse de plus en plus sur les gouvernements locaux endettés.

L’année dernière, l’Inde a dépassé la Chine comme pays le plus peuplé du monde, selon les estimations des Nations unies, ce qui a alimenté le débat sur les mérites de la délocalisation de certaines chaînes d’approvisionnement basées en Chine vers d’autres marchés, en particulier à mesure que les tensions géopolitiques augmentent entre Pékin et Washington.

À long terme, les experts de l’ONU prévoient que la population chinoise diminuera de 109 millions d’ici à 2050, soit plus du triple de la baisse prévue dans leurs précédentes prévisions en 2019.
 
La population chinoise âgée de 60 ans et plus a atteint 296,97 millions en 2023, soit environ 21,1 % de la population totale, contre 280,04 millions en 2022.


Problèmes de pension

Le taux chinois de 7,87 décès pour 1 000 habitants en 2023 était plus élevé que le taux de 7,37 décès en 2022.

La population du pays en âge de prendre sa retraite, c’est-à-dire âgée de 60 ans et plus, devrait passer de 280 millions de personnes actuellement à plus de 400 millions d’ici 2035, soit plus que l’ensemble de la population des États-Unis.

L’Académie chinoise des sciences, organisme public, estime que le système de retraite sera à court d’argent d’ici à 2035.

Zhu Guoping, un agriculteur de 57 ans de la province du Gansou (Gansu), dans le nord-ouest du pays, a déclaré que son revenu annuel d’environ 20 000 yuans (3 783,98 dollars canadiens, 2576 euros) ne laissait à sa famille que de maigres économies.

Il recevra une pension mensuelle de 160 yuans lorsqu’il aura 60 ans, soit l’équivalent de 30,2 $ canadiens ou 20,6 euros.

« L’argent n’est vraiment pas suffisant », a déclaré M. Zhu. « Peut-être que nos enfants [au pluriel ?] pourront nous apporter un peu de soutien à l’avenir. »

Moins de bébés

Les frais élevés de garde d’enfants et d’éducation dissuadent de nombreux couples chinois d’avoir des enfants, tandis que l’incertitude du marché de l’emploi décourage les femmes d’interrompre leur carrière.

Selon des démographes, la discrimination fondée sur le sexe et les attentes traditionnelles selon lesquelles les femmes assument le rôle de gardienne de la famille exacerbent le problème.

Le président Xi Jinping a déclaré l’année dernière que les femmes devraient raconter « de bonnes histoires de traditions familiales », ajoutant qu’il était nécessaire de « cultiver activement une nouvelle culture du mariage et de la procréation », qu’il a liée au développement national.

Les gouvernements locaux ont annoncé diverses mesures visant à encourager les naissances, notamment des déductions fiscales, des congés de maternité plus longs et des subventions au logement.

Mais nombre de ces politiques n’ont pas été mises en œuvre en raison de l’insuffisance des fonds et du manque de motivation des gouvernements locaux, a déclaré un institut politique de Pékin, qui préconise plutôt la mise en place d’un système unifié de subventions familiales à l’échelle du pays.

Wang Weidong, 36 ans, qui réside à Pékin et travaille dans une société Internet, a déclaré que sa femme et lui hésitaient à avoir un deuxième enfant.

« Les gens n’auront pas d’enfant à cause de ces incitations. Les incitations sont secondaires, elles ne sont pas à l’origine du problème. Je pense donc qu’il est plus difficile d’inverser cette tendance », a déclaré M. Wang.

Source : Reuters