Texte intéressant de Joseph Facal publié aujourd'hui.
Voyez les mots qui encombrent nos débats en matière d’éducation : taux de diplomation, compétences transversales, financement, endettement. L’essentiel est pourtant ailleurs.
Mon grand-père paternel est né dans le nord-ouest de l’Espagne, dans une famille de cultivateurs pauvre et nombreuse. Comme il n’était pas l’aîné, il n’héritait pas de la terre ancestrale.
Responsabilité
Au début du siècle dernier, il fait donc son baluchon et traverse l’Atlantique en bateau. Il avait 16 ans. Destination: Montevideo, capitale de l’Uruguay.
Débarqué le matin, il faisait de la pâte dans une pizzeria l’après-midi même. Plus tard, il a ouvert un restaurant, puis un autre.
Il ne lui serait jamais venu à l’idée que quelqu’un d’autre que lui-même était responsable de sa vie. Rien n’était plus important pour lui que ce qu’il n’avait jamais eu: une éducation.
Ses lourds silences suffisaient pour imposer son autorité. Ses deux fils avaient intérêt à marcher droit à l’école. Mon père est devenu médecin et son frère, banquier.
En 1970, c’est le chaos en Amérique latine. En Uruguay, la police et l’armée arrêtent et torturent sans retenue. On voit venir le coup d’État militaire.
Mon père décide qu’on recommencera tout au Québec. On arrive ici en juin 1970.
Puis, quand j’étais enfant, j’ai le souvenir de plusieurs de mes anniversaires. Mon père et moi allions à la librairie et il choisissait pour moi : Alexandre Dumas, Jules Verne, Dickens, Poe.
Je lisais jusqu’à ce que les yeux m’en tombent. Je fouillais aussi dans la bibliothèque de mon père et tombais sur des livres dont je ne comprenais pas la première phrase. J’allais au Collège Stanislas.
Puis, c’est à mon tour d’avoir des enfants. Mon garçon est maintenant en 3e secondaire, et la plus petite termine le primaire. Il fréquente une de ces écoles privées qui sont dans le haut de ce sulfureux classement que L’Actualité ne publie plus. Sa sœur y entre l’an prochain.
Ils savent parfaitement que rien n’est plus important à mes yeux que les bulletins qu’ils me ramèneront. J’examine les travaux de près.
Sacrifices
Comme j’essaie d’être un père moderne, je suis un chauffeur à temps plein. Quand je m’installe à la sortie des élèves pour attendre mon garçon, je suis toujours frappé par la proportion très élevée d’enfants d’origines maghrébine et asiatique.
Je parle beaucoup à leurs parents pendant que nous attendons. Plusieurs d’entre eux ont des petits dépanneurs, conduisent un taxi ou sont préposés aux bénéficiaires à l’hôpital.
Ils ne disent jamais: «Mon fils apprendra à se débrouiller comme moi.» Ils font d’immenses sacrifices pour que leurs enfants aient une vie meilleure que la leur. Je repense alors à mon grand-père.
Aucun gouvernement, aucun Sommet, aucun plan de réussite conçu par un «lologue» ne remplacera cela. L’essentiel est invisible.
Voyez les mots qui encombrent nos débats en matière d’éducation : taux de diplomation, compétences transversales, financement, endettement. L’essentiel est pourtant ailleurs.
Mon grand-père paternel est né dans le nord-ouest de l’Espagne, dans une famille de cultivateurs pauvre et nombreuse. Comme il n’était pas l’aîné, il n’héritait pas de la terre ancestrale.
Responsabilité
Au début du siècle dernier, il fait donc son baluchon et traverse l’Atlantique en bateau. Il avait 16 ans. Destination: Montevideo, capitale de l’Uruguay.
Débarqué le matin, il faisait de la pâte dans une pizzeria l’après-midi même. Plus tard, il a ouvert un restaurant, puis un autre.
Il ne lui serait jamais venu à l’idée que quelqu’un d’autre que lui-même était responsable de sa vie. Rien n’était plus important pour lui que ce qu’il n’avait jamais eu: une éducation.
Ses lourds silences suffisaient pour imposer son autorité. Ses deux fils avaient intérêt à marcher droit à l’école. Mon père est devenu médecin et son frère, banquier.
En 1970, c’est le chaos en Amérique latine. En Uruguay, la police et l’armée arrêtent et torturent sans retenue. On voit venir le coup d’État militaire.
Mon père décide qu’on recommencera tout au Québec. On arrive ici en juin 1970.
Puis, quand j’étais enfant, j’ai le souvenir de plusieurs de mes anniversaires. Mon père et moi allions à la librairie et il choisissait pour moi : Alexandre Dumas, Jules Verne, Dickens, Poe.
Je lisais jusqu’à ce que les yeux m’en tombent. Je fouillais aussi dans la bibliothèque de mon père et tombais sur des livres dont je ne comprenais pas la première phrase. J’allais au Collège Stanislas.
Puis, c’est à mon tour d’avoir des enfants. Mon garçon est maintenant en 3e secondaire, et la plus petite termine le primaire. Il fréquente une de ces écoles privées qui sont dans le haut de ce sulfureux classement que L’Actualité ne publie plus. Sa sœur y entre l’an prochain.
Ils savent parfaitement que rien n’est plus important à mes yeux que les bulletins qu’ils me ramèneront. J’examine les travaux de près.
Sacrifices
Comme j’essaie d’être un père moderne, je suis un chauffeur à temps plein. Quand je m’installe à la sortie des élèves pour attendre mon garçon, je suis toujours frappé par la proportion très élevée d’enfants d’origines maghrébine et asiatique.
Je parle beaucoup à leurs parents pendant que nous attendons. Plusieurs d’entre eux ont des petits dépanneurs, conduisent un taxi ou sont préposés aux bénéficiaires à l’hôpital.
Ils ne disent jamais: «Mon fils apprendra à se débrouiller comme moi.» Ils font d’immenses sacrifices pour que leurs enfants aient une vie meilleure que la leur. Je repense alors à mon grand-père.
Aucun gouvernement, aucun Sommet, aucun plan de réussite conçu par un «lologue» ne remplacera cela. L’essentiel est invisible.
Soutenons les familles dans leurs combats juridiques (reçu fiscal pour tout don supérieur à 50 $)