mardi 16 juillet 2019

Roberge modifie à la marge ses restrictions imposées à l'instruction à domicile


Le ministre Jean-François Roberge a légèrement modifié son règlement sur l’école à la maison pour répondre à quelques critiques de parents qui trouvaient les nouvelles règles imposées bien trop contraignantes.

L’obligation pour les enfants scolarisés à la maison de passer les examens ministériels est repoussée d’un an, de juin 2020 à juin 2021. Les commissions scolaires devront offrir gratuitement des activités de préparation aux épreuves ministérielles. Dès l’été 2020, le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur devra aussi rendre disponibles aux parents des documents préparatoires aux épreuves qu’il impose.

Le règlement modifié prévoit que l’enfant soit exempté des examens ministériels « si celui-ci est dans l’impossibilité de se présenter aux séances tenues à cette fin en raison d’une maladie ou d’autres circonstances exceptionnelles. » Cependant, une nouvelle contrainte qui ne figurait pas dans le texte présenté en mars a été ajoutée : « L’enfant qui est dans l’impossibilité de se présenter à une séance donnée doit se présenter à une autre séance. »

Les grandes lignes de la réforme du monopole de l’Éducation restent toutefois en place : le nombre de matières à enseigner augmentera dès la rentrée de cet automne, des agents du ministère de l’Éducation rencontreront les élèves à la maison pour s’assurer qu’ils suivent le programme, et les examens ministériels deviendront obligatoires en dépit de l’opposition de groupes de parents.

Rien ne semble indiquer à ce stade la moindre souplesse dans le type d’examens permis et qui les fait passer. Ainsi, il semble bien que des enfants qui suivent le programme du CNED (enseignement officiel français à distance) soient obligés d’également passer les examens du Monopole de l’Éducation du Québec alors que les matières sont vues à un rythme différent, selon des terminologies différentes et des pédagogies différentes.

« Ces modifications permettront d’éviter que des enfants déclarés en enseignement à la maison ne soient assujettis à des contenus d’apprentissage minimalistes », a indiqué lundi le ministre Jean-François Roberge dans un communiqué. M. Roberge oublie de mentionner le désagrément que cela cause à d’autres familles qui ont fait d’autres choix que le programme du monopole de l’Éducation du Québec. Mais en vieil instituteur qui défend sa paroisse, il ne semble pas pouvoir imaginer que d’autres manières de faire existent.

Au cours de la dernière session parlementaire, il a affirmé que des centaines d’enfants passent à travers les mailles du système, hors de l’écran radar du ministère de l’Éducation. Les parents risquent cependant de se cacher davantage s’ils n’ont pas le choix de pédagogie et d’évaluateur. Un parent nous a indiqué qu’il avait déjà pris des dispositions pour que son fils quitte le Québec pendant l’année scolaire prochaine.

M. Roberge prétend également que son nouveau règlement vise à encadrer non seulement l’enseignement à la maison, mais aussi les écoles illégales, notamment religieuses. On aimerait savoir lesquelles puisque les yéchivas juives qui ont tant défrayé la chronique ne sont pas illégales, mais des petits séminaires et donc non assujettis à la loi sur l’instruction publique (ou privée) selon le juge Dugré

Aucun journaliste ne semble être assez curieux pour poser la question au ministre, se contentant de recopier les communiqués émanant du Monopole sans sourciller (voir les « mieux encadrés », plutôt que « davantage surveillés » et les « en laissant la flexibilité nécessaire » alors qu’il faudrait le démontrer, les associations de parents qui instruisent leurs enfants à la maison ne semblent pas le penser !) En outre, il faudrait démontrer que cette bureaucratie et ces contraintes supplémentaires sont efficaces, or cela ne semble pas évident : les États les plus tatillons dans la surveillance de l’instruction à domicile n’obtiennent pas de meilleurs résultats que ceux plus souples.

Enfin, il est facile pour M. Roberge de bomber le torse contre des parents très minoritaires afin de paraître dur (mais juste à ses yeux doit-on croire) sans régler les problèmes de fond qui affectent nettement plus de gens : l’école québécoise est médiocre au niveau de l’enseignement de la culture générale, trop de garçons dans les écoles décrochent encore, les parents n’ont pas vraiment le choix de programme puisque celui du ministère s’impose à tous (ce n’est évidemment pas le cas dans de nombreux pays en commençant par la France).

Le diagnostic de M. Roberge candidat... Ministre, il veut désormais que les parents imitent cette école qui diplôme des « analphabètes » ?

Christine Perry, mère d’une fillette de neuf ans scolarisée à la maison, est partiellement satisfaite des concessions faites par le ministre Roberge.

« Ce que le ministre considère comme des contenus d’apprentissage minimalistes, c’est une pédagogie qu’il ne comprend pas », a réagi au Devoir cette militante du Réseau des écoles démocratiques au Québec (REDAQ) et du Front de solidarité pour la liberté éducative.

Elle a hâte de voir le texte modifié du règlement, qui sera publié dans la Gazette officielle du Québec du 17 juillet. Elle surveillera la façon dont le ministre obligera l’enseignement de disciplines supplémentaires — ou de compétences. « On pourra voir à ce moment-là s’il a vraiment été à l’écoute des parents », dit Christine Perry.

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