Le gouvernement Trump a retiré la certification qui permet à la prestigieuse université d'obtenir des visas pour ses recrues internationales. La pression financière s'accroît sur Harvard.

Jeudi, l'administration Trump a interdit à la prestigieuse université de recruter des étudiants étrangers dès la rentrée 2025-2026. C'est la dernière et sans doute la plus terrible flèche décochée par l'exécutif pour abattre l'institution quatre fois centenaire, qui se bat pour rester imposer son ordre du jour tout en bénéficiant des subventions gouvernementales.
La secrétaire à la Sécurité intérieure Kristi Noem a annoncé dans une lettre au président de l'université, Alan Garber, la révocation « à effet immédiat » de la certification qui permet à Harvard de faire venir des étudiants étrangers aux États-Unis, grâce à des visas F ou J.
« Comme je vous l'ai expliqué dans mon courrier d'avril, c'est un privilège de recruter des étudiants étrangers, et c'est aussi un privilège d'employer des étrangers sur le campus », écrit Kristi Noem. La ministre accuse Alan Garber de ne pas s'être conformé aux demandes d'informations du ministère « tout en perpétuant l'insécurité sur un campus qui est hostile aux étudiants juifs, qui promeut les sympathies pro-Hamas et déploie des politiques racistes de « diversité équité et inclusion » ; des accusations que dément l'université.
Privée de 2,6 milliards de subventions
La « perte de ce privilège » ne va pas seulement peser sur l'année prochaine. « Cette dé-certification signifie que les étrangers actuels avec un statut F ou J non-immigrant doivent être transférés à une autre université afin de maintenir leur statut », ajoute Kristi Noem. Un coup dur pour les Harvardiens, à trois semaines de l'obtention de leur diplôme.
Aujourd'hui, près de 7.000 étudiants sont des recrues internationales, soit 25 % de l'effectif. Souvent, ils paient leur scolarité plein tarif, contrairement aux Américains. Cette décision touche donc l'établissement directement au portefeuille.
Donald Trump veut faire plier l'orgueilleuse université en la dépouillant. Il l'a déjà privée en plusieurs étapes de 2,6 milliards de subventions. Comme les autres établissements, Harvard a aussi perdu des financements publics pour la recherche. Donald Trump a également promis de supprimer une exemption fiscale qui lui rapporte 465 millions par an, selon les calculs de Bloomberg.
Et le projet de budget en cours d'examen au Congrès augmente de façon spectaculaire la taxation des investissements nets des fondations universitaires. Harvard dispose d'un magot supérieur à 50 milliards et serait imposé à 21 % au lieu de 1,4 %, soit 850 millions par an, estime Phillip Levine, professeur d'économie au Wellesley College.
Les yeux tournés vers Harvard
La secrétaire à la Sécurité intérieure laisse cependant une dernière « chance » à Alan Garber de récupérer sa certification. Sous 72 heures, l'université doit livrer au gouvernement tous les enregistrements, officiels ou non, sur tous types de supports, et depuis cinq ans, montrant que des étudiants étrangers se sont livrés à des « activités dangereuses ou violentes sur le campus ou à l'extérieur », ont « menacé » des personnes, ou simplement participé à des manifestations. Il doit aussi communiquer au gouvernement tous les dossiers disciplinaires des étrangers depuis 2021.
Jeudi soir, Harvard n'avait pas encore dit si elle comptait s'exécuter, ou contre-attaquer en justice. Mais dans la journée, un [1!] juge de district californien à Oakland [Harvard n'est pas en Californie...] a interdit à l'administration Trump de révoquer sans examen individualisé le statut qui permet aux étudiants étrangers d'étudier et de travailler dans le pays. Ce jugement ne change rien au sort de Harvard, mais protège en théorie ces étudiants contre une détention ou une expulsion hâtive.
Toutes les universités élitistes des États-Unis ont les yeux tournés vers Harvard. Depuis la fin mars, c'est le chef de file la résistance au sein de l'Ivy League, ce bastion du progressisme et de l'intelligentsia que le gouvernement voudrait mettre sous tutelle.
Contrairement à Columbia qui fait des concessions dans l'espoir de récupérer 400 millions de subventions, Harvard a porté plainte contre l'administration après que cette dernière a lancé une revue de ses aides, qui s'élèvent à 9 milliards de dollars. Ce n'est pas gagné pour Harvard, mais Columbia n'a pas recouvré ses financements non plus.
Source : Les Échos
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